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Full text of "Choléra [electronic resource] : de l'immunité acquise par les ouvriers en cuivre par rapport au choléra, enquêtes faites à ce sujet en France et en Italie préservation et traitement par les armatures et les sels de cuivre observations et expériences depuis 1849"

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https://archive.org/details/b20395012 


DU  CUIVRE 

CONTRE 

LE  CHOLÉRA 


CHOLÉRA 

DE  ^IMMUNITÉ 

ACQUISE  PAR  LRS  OUVRIERS  EN  CUIVRE 

PAR   RAPPORT   AU  CHOLÉRA 
KNQUÉTES   FAITES  A  CE  SUJET   EN  F  R  \  "M  C  E    ET   EN  ITAME 

PRÉSERVATION  ET  TRAITEMENT 

PAR  LES  ARMATURES  ET  LES  SELS  DE  CUIVRE 

OBSERVATIONS   KT    E  X  P  12  lU  E  NC  B  S   DEPUIS    I  8 'l  9 

PAR    LE   D'   V.  BURQ 

AUTEUK    DE    1.  A    M  K  T  A  1,  I.  0  T  H  Ê  R  A  P  1  K 


PARIS 

G.  BAILLifîRE,  LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

HUE  ur  i,'i';cot.K  de  médecine,  17 

1  8  G7 


CONCOURS  DE  1867 


OUVRAGE 

l'RlîSENTÉ    A    l'académie    DES  SCIENCES 
Pour  les  prix  BRÉANT  et  IWONTYON 

KT    A    l'académie    TMPÉRIALK    DE    M  K  D  R  C  I  N  K 
Pour  le  prix  BARBIER 


•  Cet  ouvrage  ne  comprenait  d'abord  que  les  faits  et 
documents  relatifs  k  nos  travaux  antérieurs  à  l'épidémie 
de  1866,  sur  la  question  du  cuivre  envisagé  comme 
agent  prophylactique  et  curatif  du  choléra.  Il  allait 
l)araître  lorsque,  au  mois  de  juillet  derniei',  survint  une 
nouvelle  invasion,  du  lléau.  Notre  publication,  obligée 
de  se  compléter  par  une  seconde  partie  consacrée  h 
(c  qui  se  proiluisit  alors,  pendant  les  mois  de  juillet, 
août,  septembre  et  octobre,  chez  les  individus  soumis 
a  un  titre  quelconque  à  l'action  du  cuivre,  obligée  en 
outre  de  tenir  compte  de  toutes  les  observations  et 


discussions  (jui  suivirent,  a  tlù  naturellemenl  se  Caire 
attendre. 

Une  interruption,  de  près  d'une  année,  entre  la 
première  partie  de  ce  travail  et  la  seconde,  expliquera 
l'apparente  confusion  de  dates  qui  semble  parfois  exister 
dans- le  texte,  et  excusera  suffisamment  aussi,  nous 
l'espérons,  la  mise  en  cause  d'un  éminent  confrère 
dont  la  mort  est  venue  depuis  affliger  le  corps  médical 
tout  entier. 


A  MONSIEUR 

LE  PROFESSEUR  TROUSSEAU 


Illustre  et  très-cher  Maître, 

Il  y  a  dix  ans  passés  maintenant,  se  présentait,  dans  vos'salles 
à  l'Hôtel-Dieu,  l'auteur  de  la  Métallothérapie...  Prendre  place 
dans  le  cercle  nombreux  des  médecins  de  tout  âge  qui  se  pressaient 
attentifs  aux  savantes  leçons  du  Professeur,  à  la  fois  praticien, 
orateur  et  vulgarisateur  éminent,  était  son  but...  l'intéresser 
peut-être  un  jour  à  sa  découverte,  son  espérance. 

Traitant  bientôt  le  nouveau  venu  avec  la  plus  grande  bienveil- 
lance, vous  lui  avez,  trés-honoré  Maître,  fourni  mainte  occasion 
de  se  produire  dans  votre  important  service  de  clinique,  etparfois, 
honneur  insigne,  il  vous  est  arrivé  même  de  faire  de  ses  recherches 
le  sujet  de  vos  leçons  devant  cette  foule  qui  se  pressait  avide  de 
vous  entendre  dans  l'Amphithéâtre  de  l'Hôtel-Dieu. 

Vous  avez  fait  plus  encore,  illustre  Maître!  En  une  discussion 
solennelle  à  L'Académie,  vous  êtes  venu  attester  les  effets  sur  l'or- 

1 


yanisme  des  métaux,  en  application,  devant  une  assemblée  où  la 
mélalloihérapie  n'avait  rencontré  jusque-là  d'autre  écho  que  celui 
de  l'honorable  Secrétaire  perpétuel,  lisant  à  la  savante  compagnie 
le  titre  de  quelques-uns  des  nombreux  travaux  et  mémoires  que 
j'ai  eu  l'honneur  de  lui  adresser. 

Comblé  dans  mes  vœux  les  plus  chers  par  l'intérêt  d'un  si 
Imut  patronage,  hùnbré  â'iine  très-précîeusè  estime  et  d'une  atnitié 
dont  vous  avez  bien  voulu  me  donner  des  preuves  en  plus  d'une 
circonstance,  permettez-moi,  très-cher  Maître,  en  témoignage  de 
ma  gratitude  profonde,  de  vous  dédier  cette  œuvre,  qui  compte 
un  bien  petit  nombre  de  pages,  sans  doute,  pour  prétendre  à  ce 
titre,  mais  qui  le  justifiera  peut-être  a  vos  yeux  par  le  temps  et 
les  soins  qu'elle  a  demandés  à  son  auteur  pour  en  rassembler  et 
coordonner  les  divers  éléments. 

Veuillez  agréer. 

Illustre  et  très-cher  Maître, 
L'expression  des  sentiments  dit  dévouement  inaltérable. 

De  votre  très-obligé  et  très-respectueusement  affectionné. 


ly  V.  BURQ. 


PRÉFACE. 


L'an  passé,  presque  à  pareille  époque,  nous  avions 
l'honneur  d'adresser  successivement  aux  Académies  des 
sciences  et  de  médecine  de  Paris,  de  Florence,  et  de  Con- 
stantinople  le  mémoire  qui  a  paru  depuis  sous  ce  titre  : 
Préservation  et  traitement  du  choléra  par  le  cuivre.. 

Après  avoir  fait  eu  détail  l'historique  de  la  découverte 
des  propriétés  curatives  de  certains  métaux,  en  applica- 
tion sur  la  peau,  et  en  particulier  des  propriétés  anti- 
cholériques du  cuivre,  employé  intus  et  extra; après  avoir 
dit,  dans  notre  travail,  par  suite  de  quelles  circonstances 
la  nuit  était  venue  se  faire  sur  cette  importante  question 
de  la  préservation  des  ouvriers  en  cuivre  dans  le  choléra, . . . 
nuit  si  profonde  qu'il  n'en  avait  jamais  plus  été  parlé 
depuis  1853,...  nous  écrivions  :  «  En  face  de  l'épidémie 
nouvelle,  aujourd'hui  seulement,  après  douze  longues 
années  de  silence,  je  reprends  la  parole,  bien  décidé  cette 
fois  à  faire,  dans  l'intérêt  public,  tout  ce  qui  sera  néces- 
saire pour  que  la  vérité  éclate,  je  pourrais  dire  aussi 
pour  que  justice  soit  faite.  » 

C'était  vers  la  fin  d'août  que  nous  tenions  ce  langage... 
Quelques  jours  après  cet  engagement  si  formel  de  nous 


-  k  - 

vouer  à  la  chose  publique,  nous  n'hésitions  point  à 
écrire  à  un  puissant  confrère  la  lettre  que  l'on  retrouvera 
un  peu  plus  loin,  et  ayant  pris  seulement  le  temps  de  pu- 
blier lettre  et  mémoire,  dès  le  25  septembre,  nous  quit- 
tions nos  malades  pour  aller  expérimenter,  à  nos  seuls 
frais  et  risques,  les  nouvelles  armes  contre  le  fléau,  arrivé 
alors,  à  Toulon,  à  l'apogée  de  sa  fureur.  Depuis  cette 
époque,  que  s'est-il  passé?  qu'a-t-il  été  observé  de  nou- 
veau relativement  à  cette  préservation  remarquable  des 
ouvriers  sur  métaux,  qui  a  d'abord  servi  de  base  à  ce  trai- 
tement par  les  sels  de  cuivre  sur  lequel  nous  avions  fondé 
de  si  grandes  espérances? 

Quels  ont  été  les  eiïets  de  ce  système  métallothéra- 
pique  avec  lequel  déjà,  en  18Zi9,  nous  commencions  à  ob- 
tenir, dans  les  hôpitaux,  les  résultats  qui,  sur  le  rapport 
du  comité  consultatif  d'hygiène  publique,  nous  valaient, 
la  même  année,  la  médaille  d'argent  du  choléra  et  dé- 
terminaient le  gouvernement  à  prendre  à  sa  charge  les 
dépenses  nécessitées  par  nos  armatures?... 

Sous  tous  les  rapports,  la  moisson  a  été  abondante,  et 
nous  devrions  être  déjà  venu  dire  tous  les  fruits  que  l'idée 
nouvelle  a  portés;  mais  des  renseignements  complets  et 
bien  circonstanciés  touchant  les  faits  qui  se  sont  passés 
à  Paris,  durant  la  dernière  épidémie,  chez  les  ouvriers  en 
métaux,  renseignements  que  nous  avons  dû  aller  cher- 
cher au  domicile  môme  des  décédés  et  jusque  dans  les 
ateliers  oii  ils  travaillaient,  nous  faisaient  défaut  pour  un 
travail  d'ensemble.  C'est  seulement  après  une  enquête 
qui  n'a  pas  duré  moins  de  quatre  mois,  que  nous  nous 
somme  trouvé  en  mesure  de  répondre. 


Pour  en  finir  une  bonne  fois  et  ne  point  avoir  à  y  reve- 
nir, car  d'autres  questions  non  moins  intéressantes  de  la 
Métallothérapie,  traitement  des  névroses,  révélation  des 
idiosyncrasies  par  les  applications  métalliques,  récla- 
ment les  dernières  années  d'activité  que  noUB  pouvons 
encore  avoir  au  service  de  la  science,  nous  avions  entre- 
pris de  dresser  une  monographie  complète  du  sujet.  Mais 
^1  arrive  déjà  que  nous  sommes  arrêté  dans  notre  travail 
de  rédaction,  car  voilà  le  fléau  qui  fait  de  nouvelles  vic- 
times, et  si  nous  tardions  davantage,  les  nouveaux  ar- 
guments que  nous  avons  à  fournir  en  faveur  de  notre 
système  de  préservation  et  de  traitement,  risqueraient 
d'arriver  trop  tard  à  leur  adresse.  Forcé  de  nous  en  tenir 
encore  au  principal,  nous  nous  bornerons  donc  à  livrer  à 
l'impression  les  faits  et  les  documents  les  plus  impor- 
tants dont  s'est  enrichie,  dans  ces  derniers  temps,  la 
question  du  cuivre  dans  le  choléra.  En  lisant  les  obser- 
vations  nouvelles  que  nous  recueillions  à  Toulon  et  à  Mar- 
seille, pendant  que,  de  leur  côté,  MM.  les  docteurs  de 
Rogatis  et  Gallarini  se  faisaient,  en  Italie,  les  continua- 
teurs aussi  zélés  que  désintéressés  de  nos  recherches; 
en  voyant  les  guérisons  qu'on  a  commencé  à  obtenir 
avec  les  sels  de  cuivre,  à  Marseille  et  à  Paris,  en  suivant 
tous  les  détails  de  notre  nouvelle  enquête  touchant  les 
effets  de  l'épidémie  sur  tous  les  ouvriers  des  indutries  sur 
métaux  et  autres;  en  songeant  enfm  à  tout  ce  que  nous- 
avons  déjà  fait  pour  mener  à  bien  cette  partie  de  la  métallo- 
thérapie,  aujourd'hui  l'œuvre  de  toute  une  grande  partie 
de  notre  vie,  le  lecteur  jugera,  d'une  part,  si  la  solution 
tant  cherchée  se  rapproche,  et,  d'autre  part,  si  l'initiative 


—  6  — 

individuelle  a,  dans  ce  cas,  atteint  ses  dernières  limites. 

Pour  nous,  resté  fidèle  à  notre  programme,  nous  garde- 
rons longtemps  le  souvenir  des  marques  nombreuses  de 
sympathie  qui  sont  venues  nous  trouver  jusqu'à  Hyères, 
au  lendemain  du  jour  où  succombait  cet  autre  volontaire 
parisien,  l'infortuné  docteur  Tourette,  et  où,  avertis  par 
les  journaux  des  événements  de  Toulon,  singulièrement 
exagérés  en  ce  qui  nous  concernait  personnellement,  comme 
il  en  sera  justifié  plus  loin,  d'aucuns  invoquaient  déjà' 
notre  fin  supposée  pour  se  donner  raison  de  leur  résistance 
à  l'idée  nouvelle. 

Avant  d'entrer  en  matière,  il  nous  importe  de  bien 
faire  constater  ceci,  à  savoir  :  que  tous  les  faits  de  pré- 
servation spontanée  par  le  cuivre,  que  nous  avions  certi- 
fiés à  nouveau  dans  notre  dernière  publication,  «  défiant 
quiconque  de  venir  s'inscrire  en  faux  contre  ces  faits,  » 
tous,  sans  exception,  sont  restés  debout  par  le  silence 
approbatif  de  tous  les  hommes  honorables,  chefs  d'indus- 
trie ou  médecins,  que  nous  avions  pris,  une  deuxième  fois, 
publiquement  à  témoin  de  cette  préservation. 

Il  ne  pouvait  du  reste  en  être  autrement;  car,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit,  nous  avions  en  nos  mains  les  témoi- 
gnages écrits  de  ces  mêmes  hommes.  Comment  alors  des 
affirmations  en  sens  contraire  ont-elles  pu  se  produire, 
il  y  a  treize  années,  dans  le  sein  du  comité  consultatif 
.d'bygiène  publique,  et  s'y  produire  de  façon  à  ruiner  tout 
d'abord  en  haut  lieu  cette  enquête  de  1852  et  1853,  qui 
nous  avait  déjà  coûté  tant  de  soins  et  tant  de  peine,  et 
dont  les  résultats  s'étaient  montrés  si  consolants  pour 
l'avenir?...  Sur  quels  faits,  sur  quels  documents  étaient 


—  7  — 

basées  ces  assertions?...  En  quoi  seulement  consistaient- 
elles?...  Nous  l'ignorons,  hélas!  et,  quoi  que  nous  ayons 
pu  dire  ou  faire  à  cette  heure,  il  nous  a  été  impossible  d'en 
rien  savoir.  Notre  puissant  contradicteur  nous  ayant  dit  un 
jour  :  ((  Je  vous  ai  suivi,  je  suis  allé  partout  où  vous  êtes 
allé  vous-même,  »  nous  devions  espérer  tout  au  moins 
retrouver  quelques  traces  d'une  contre-enquête  sérieuse 
comme  le  sujet  lui-même,  mais  les  principaux  industriels 
que  nous  avions  cités,  les  Sax,  les  Gautrot,  les  Gail,  les 
Paillard,  les  Christoûe,  etc.,,  ^,tc.,  interrogés  par  nous  cà 
nouveau,  nous  ont  répondu  qu'ils  n'avaient  jamais  eu  à 
$'expli(juer  officiellement  avec  quiconpe  sur  la  préserva- 
tion de  leui-s  ouvriers,  et  qu'ils  étçiient  tout  prêts  à  attes- 
ter que  l'enquête  faite  par  nous  était  la  seule  dont  ils 
eussent  connaissance  !  !  ! 

D'un  autre  cô,té,  monsieur  le  docteur  Mêlier,  invité  à 
.s'expliquer  dans  une  lettre  pressante,  qui  compte  aujour- 
d'hui plus  .de  dix  mois  de  ,date,  jusqu'ici  s'est  abstenu  de 
répondre... 

Nous  ne  saurions  cependant  rester  plus  longtemps  sur 
cette  fin  de  nQn-recevoir. 

Plusieurs  voies  nous  sont  ouvertes  pour  obliger  morale- 
Daent  notre  éminent  confrère  à  sortir  d'un  silence  qui,,  pour 
beaucoup,  doit  équivçiloir  déjà  à  un  aveu  d'impuissance.,,. 

Nous  préférons,  pour  le  moment,  nous  borner  à  remet- 
tre sous  les  yeux  du  lecteur  la  lettre  que  no,us  av.o^s  ,eu 
l'honneur  de  lui  adresser  ,en  septembre  dei'nier,  et  c'est 
par  là  que  nous  terminerons  cette  préface...- 


8  — 


A  MONSIEUR  LE  DOCTEUR  MÈLIER, 

Membre  du  Comité  consultatif  d'hygiène  publique,  inspecteur  général  des  services  sanitaires, 
membre  de  l'Académie  impériale  de  médecine,  etc. 


Monsieur  et  très-honoré  confrère, 

Le  7  août  dernier,  reprenant  devant  l'Académie  la  ques- 
tion de  l'influence  des  métaux  dans  le  choléra,  qui  en 
18/i9  avait  fait  sa  première  apparition  dans  la  science ,  je 
disais  :  «  Aujourd'hui  seulement,  après  douze  longues 
années  de  silence,  je  reprends  la  parole,  bien  décidé  cette 
fois  à  faire,  dans  l'intérêt  public,  tout  ce  qui  sera  néces- 
saire pour  que  la  vérité  éclate.  » 

Malgré  cette  sorte  d'engagement  formel  de  faire  quand 
même  le  nécessaire,  en  vue  des  graves  intérêts  que  je  crois 
défendre,  pas  un  mot  n'était  prononcé  touchant  les  cir- 
constances particulières  qui,  en  1853,  avaient  fait  échouer 
mon  enquête  sur  le  choléra.  Hier  encore  j'étais  résolu  à 
toujours  dévorer  en  silence  les  souvenirs  amers  du  passé, 
mais  aujourd'hui  ma  décision  est  autre.  J'ai  réfléchi  que 
la  question  soulevée  par  moi  à  cette  époque,  étant  mainte- 
nant à  tout  le  monde,  je  n'avais  plus  le  droit  d'en  rien  • 
distraire,  et  qu'à  tous  ceux  qui  se  sont,  faits  les  complices  ^ 
de  mes  affirmations  ou  qui  se  sont  associés  à  mes  espé- 
rances, je  devais  la  vérité  tout  entière. 

En  conséquence,  Monsieur  et  très-honoré  confrère,  je 
me  suis  décidé  à  faire  précéder  l'impression  du  nouveau 
mémoire  que  je  viens  d'adresser  à  l'Institut  de  cette  lettre 


—  9  — 

à  votre  adresse.  Je  sais  tout  le  respect  que- votre  expérience 
et  votre  haute  situation  m'imposent,  j'ai  pris  garde  de  n'y 
point  manquer. 

En  1853,  à  la  suite  de  mes  recherches  et  publications 
sur  l'influence  des  métaux  en  général  et  sur  celle  du  cui- 
vre en  particulier,  dans  le  choléra,  publications  qui  avaient 
eu  le  privilège  de  jeter  de  l'émotion  jusqu'en  haut  lieu, 
S.  Ex.  M.  le  Ministre  de  l'agriculture  et  du  commerce,  qui 
a,  dans  son  département,  la  haute  direction  de  la  santé  pu- 
.  blique,  vous  délégua  afm  de  vérifier  les  faits  sur  lesquels 
je  venais  de  fonder  mon  système  de  préservation  et  de 
traitement  par  le  cuivre. 

Procéder  à  une  contre-enquête,  refaire  un  travail  que 
moi,  plein  de  foi  et  maître  de  mon  temps,  j'avais  mis  plu- 
sieurs mois  à  conduire  à  bonne  fin,  était  bien  une  mission 
quelque  peu  difficile-  pour  un  homme  aussi  occupé  que 
vous;  mais,  en  tout  cas,  elle  ne  fut  point  jugée  au-dessus 
du  zèle  dont  vous  aviez  donné  et  avez  donné  depuis  tant 
de  preuves  pour  la  chose  publique. 

Vous  vous  rendîtes  avec  empressement,  il  faut  le  croire, 
aux  ordres  du  Gouvernement.  Remplissant  votre  tâche 
comme  elle  méritait  de  l'être,  on  vous  vit,  sans  doute, 
Monsieur  et  très-honoré  confrère,  visitant  les  trois  ou 
quatre  cents  usines  ou  établissements  de  toute  sorte  où 
j'avais  été  chercher  les  preuves  de  mon  système,  montant 
les  mêmes  étages,  interrogeant  les  mêmes  ouvriers  jus- 
que dans  leurs  auberges  et  leurs  garnis,...  etc.,  etc.;  car, 
veuillez  vous  en  souvenir,  vous  m'avez  dit  à  moi-même 
certain  jour  :  «  Je  vous  ai  suivi,  je  suis  allé  partout  où 
vous  êtes  allé  vous-même...  »  et  ce  n'est  qu'après,  et 


— 'lO  — 

alors  aussi,  sa.ns  doute,  que  vous  aviez  pris  le  soin  de  vous 
renseigner  auprès  des  mêmes  industriels  et  chefs  d'usine 
de  diverses  parties  de  l'Europe  où  les  métaux  sont  extraits 
du  sem  de  la  terre,  ou  sont  mis  en  œuvre,  que  vous  fîtes 
votre  rapport  à  Son  Excellence.  Quel  était  le  contenu  de 
ce  rapport?  je  l'ignore,  vu  qu'il  est  toujours  resté  pour 
moi  lettre  close  ;  mais  ce  que  je  sais  malheureusement, 
c'est  que  votre  mission  mit  fin  aux  espérances  qu'on  avait 
pu  concevoir,  et  qu'aucune  tentative  ne  fut  faite  dans  le 
^ens  où  je  l'avais  indiqué. 

Encore  une  année,  et  la  France  comptait  quelque  cent 
mille  victimes  de  plus;  et  un  peu  plus  tard,  en  1855,  dans 
cette  mémorable  campagne  de  Grimée,  à  Varna,  à  Galli- 
poli,  etc.,  nos  malheureux  soldats,  frappés  du  choléra, 
n'étaient  point  même  appelés  à  jouir  du  bénéfice  de  ces 
applications  de  métaux  que  votre  savant  collègue  du  con- 
seil d'hygiène,  M.  le  professeur  Michel  Lévy,  aurait  pu 
cependant,  après  M.  le  professeur  Rostan  et  tant  d'autres, 
vous  dire  si  souverainement  efficaces  contre  les  crampes 
et  les  autres  phénomènes  nerveux  si  cruels  dans  cette  re- 
.(ïoutable  maladie. 

Ce  que  je  sais  aussi,  ou  mieux  ce  que  je  n'ai  point  ou- 
blié et  vous  prie  de  vouloir  bien  vous  rappeler  à  votre 
:tour,  c'est  que,  sur  l'invitation  que  vous  m'en  aviez  faite 
vous-même,  sur  vos  avis  charitables,  et  devant  la  menace 
d'un  de  ces  rapports  en  forme  d'exécution  sommaire  à 
l'usage  de  l'Académie,  lorsqu'elle  est  saisie  administrati- 
vement  d'une  question,  je  retirai  le  mémoire  que  j'avais 
eu  l'honneur  d'adresser  à. cette  savante  compagnie. 
Vos  paroles  avaient  eu  d'ailleurs  le  triste  .privilège  de 


—  11  — ' 

me  faire  douter  des  autres  et  de  moi  :  avant  tout  une  vé- 
rification des  faits  était  devenue  nécessaire. 

Une  fois  rentré  en  possession  de  moi-même,  je  me  remis 
en  route. 

Je  visitai  à  nouveau  nombre  des  hommes  honorables, 
des  industriels  érainents  que  j'avais  fait  figurer  au  pre- 
mier rang  de  mon  enquête,  partout  je  retrouvai  les  mêmes 
affirmations.  Au  moment  où  j'écris  ces  lignes,  j'ai  là,  sous 
mes  yeux,  des  bulletins  signés  :  Gail,  Thiébaut,  Sax,  Gau- 
trot,  Ghristofle,  Savart,  Barriquand,  etc.,  etc.,  où  sont 
écrites  ces  affirm^itions. 

Entre  vous.  Monsieur  et  très-honoré  confrère,  qui  avez 
très-probablement  nié  dans  votre  rapport,  et  moi  qui  ai 
affirmé  et  viens  affirmer  aujourd'hui  plus  énergiquement 
que  jamais,  il  y  a  assurément  quelque  chose  que  vous 
seul  pouvez  expliquer. 

Voici  à  nouveau  mes  preuves  :  nos  pairs,  le  public  mé- 
dical auquel  je  les  ai  déjà  adressées  dans  la  Gazette,  nu- 
méro du  22  août,  apprécieront. 

Veuillez  agréer, 
Monsieur  et  très-honoré  confrère. 
L'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  distingués 
et  empressés. 


D'-  V.  BURQ. 


MÉTALLOTHÉRAPIE 


I. 

HISTORIQUE 

DE  SES  APPLICATIONS  AU  CHOLÉRA. 


Depuis  bien  longtemps  déjà  l'usage  externe  des  métaux 
occupe  une  certaine  place  en  médecine,  mais  comme  il  n'est 
que  trop  souvent  dans  les  destinées  de  l'humanité  de  mar- 
cher, durant  une  longue  suite  d'années,  à  côté  d'une  vérité 
avant  que  de  soupçonner  même' sa  présence,  ces  agents  sont 
presque  toujours  passés  inaperçus  sous  des  déguisements,  ou 
sous  de  fausses  appellations  dérivées  de  prétendues  forces  qui, 
alors  même  qu'elles  étaient  vraies  en  principe,  n'avaient,  dans 
le  cas  particulier,  absolument  rien  à  faire. 

Anneaux  constellés  de  Paracelse.  —  C'est  d'abord  le  fameux 
Théophraste  Paracelse  qui  commence  par  appliquer  une  lame 
de  fer  aimanté  à  la  guérison  des  névralgies  dentaires,  puis  af- 
fuble les  métaux  de  nous  ne  savons  quels  pouvoirs  cabalistiques, 
sous  le  nom  d'anneaux  constellés.  A  cet  adepte,  qui  est  né  sous 
l'inlluence  du  soleil,  le  maître  fait  porter  un  anneau  du  plus 
précieux  métal;  et  à  celui-là,  atin  que  la  lune  le  protège,  un 
anneau  d^argenf,  un  autre,  pour  se  rendre  la  planète  Vénus 
propice,  devra  faire  usage  d'une  simple  bague  en  cmvre,  et  un 
dernier  sollicitera  l'appui  de  Mars,  de  Jupiter  ou  de  Mercure, 
avec  un  anneau  de  rer,A'élain  ou  de  plomb.  Toutes  ces  pratiques 
sont  bien  dignes  d'un  siècle  où  l'astrologie  tenait  encore  une 
si  grande  place  dans  les  choses  de  la  médecine;  mais  si  Para- 


—  l/l  — 

celse  eût  possédé  à  un  moindre  degré  les  superstitions  de  son 
époque,  il  est  fort  à  présumer  qu'il  ne  nous  aurait  point  laissé 
à  découvrir  les  différentes  aptitudes  ou  idiosyncrasies  métalli- 
ques,  qm  furent  toutes  si  bien  sous  sa  main  dans  ses  anneaux 

OUI  lo  IGLICS  • 

Bains  prolongés.  -  Un  peu  moins  de  deux  siècles  après  la 
mort  de  ce  génie  aventureux,  Pomme  devient  i-apidement 
célèbre,  dans  le  traitement  des  affections  nerveuses,  en  plon- 
geant ses  malades  dans  des  bains  de  huit  et  douze  heures  de 
durée.  Ce  médecin  croyait  guérir  le  prétendu  racornissement 
des  nerfs  de  ses  vaporeux  avec  l'eau  du  bain  seulement  et  bien 
que,  de  son  temps,  un  abbé  fort  avisé,  dont  il  a  parlé  lui-même 
dans  une  note  perdue  au  bas  de  l'une  de  ses  pages,  eût  déjà 
remarqué  que  les  bains  prolongés  agissaient  mieux  dans  une  bai- 
gnoire de  cuivre  que  dans  toute  autre,  ni  Pomme,  ni  aucun  de 
ses  imitateurs  ne  songent  une  seule  fois  au  métal  de  la  bai- 
gnoire et  encore  moins  à  en  tirer  parti.  Cependant  y  eut-il 
jamais  meilleur  moyen  que  ce  récipient  lui-même  pour  appli- 
quer une  armature  de  cuivre,  par  exemple;  et  beaucoup  de 
médecins  étonnés  de  ne  pas  avoir  les  mêmessuccès  que  Pomme 
a  obtenus  incontestablement,  sans  qu'il  ait  jamais  su  pour- 
quoi ne  le  doivent-ils  pas  quelquefois  à  ce  que,  dans  plusieurs 
établissements  de  bains,  le  zinc  a  remplacé  aujoui-d'hui  le 
cuivre  dans  la  fabrication  des  baignoires?... 

Armures  D'AIMANT.  -  Mais  nous  voilà 'déjà  arrivés  en  plein 
xviii«  siècle.  Au  milieu  de  ce  grand  mouvement  qui  transforme 
la  scieiîce  et  les  esprits,  où  nous  voyons  l'électricité  sortir  d'une 
bouteille  et  les  cuisses  d'une  grenouille  révéler  ie  galvanisme 
survient  l'abbé  Lenoble  qui  fonde  l'usurpation  médicale  des 
tluides  impondérables  sur  les  métaux  avec  ses  aimants  artificiels 
Plusieurs  années  se  passent  pendant  lesquelles  battei'ies  et 
machines  électi'iques,  piles  galvaniques  et  surtout  armures 
daiman  (plaques  et  anneaux  de  divei'ses  foi-mes  en  acier 
aimante)  forit  grand  bi-uit  dans  le  monde  des  curieux  aussi  bien 
que  dans  celui  des  malades;  mais  bientôt  une  réaction  se  pi-o- 
duit,  et  il  n  est  plus  question,  pour  un  temps  parmi  lesméde^ 
c.ns.  m  de  galvanisme,  ni  d'électi-icité,  ni  de  magnétisme 
un  instant,  au  commencement  de  ce  siècle,  l'Américain 


Perkins  fait  bien  de  nouveau  quelque  bruit  avec  ses  aiguilles  à 
perkinisme  (deux  aiguilles  d'un  métal  différent  qu'on  promenait 
à  la  surface  des  parties  malades)  ;  mais  bientôt  cette  formé 
d'application  du  galvanisme,  qui  n'était  pas  plus  vraie  que  celle 
du  magnétisme  dans  les  aimants,  meurt  avec  son  auteur  qui 
en  est  la  victime,  pour  avoir  voulu  s'en  servir  exclusivement 
dans  le  traitement  d'une  grave  maladie. 

Ce  n*èst  que  quinze  ou  vingt  années  plus  tard,  lorsqu'on  ëixt 
perfectionné  les  instruments  destinés  à  les  produire,  que  les 
fluides  impondérables  commencèrent  à  reprendre  faveur  en 
médecine.  Avec  les  appareils  de  Clark  et  de  Dujardin  c'était 
fort  bien,  ftiais  avec  eux  réapparaissent  les  armures  d'aimant, 
remises  en  faveur  par  Laênnec.  Puis  voici  venir  successivement 
d'abord  les  plaques  et  sondes  galvaniques  d'un  chimiste  célèbre,  ^ 
qui  faillirent  devenir  presque  aussi  populaires  que  ses  ciga- 
rettes ;  un  peu  plus  tard  les  chaînes  encore  bien  moins  galva- 
niques d'un  certain  industriel  allemand,  suivies  de  près  par 
certains  buses  dits  magnétiques  ;  et,  à  une  époque  plus  rappro- 
chée de  nous,  les  cataplasmes  électriques  du  célèbre  professeur 
Récamier;  les  tissus  électro-magnétiques  de  M.  Paul  Gage,  etc. 

Pratiques  populaires.  —  Au  milieu  de  ce  luxe  d'appareils  de 
toute  sorte  dont  les  auteurs,  toujours  sous  le  prétexte  de  ma- 
gnétisme, d'électricité  ou  de  galvanisme,  semblent  rivaliser  de 
bonne  foi  à  qui  mieux  mieux  frustrera  de  la  vertu  qui  leur  est 
propre  les  métaux  cuivre,  zinc  et  acier,  dont  plaques,  chaînes, 
cataplasmes,  etc.,  se  composent  invariablement,  nous  voyons 
le  peuple,  mieux  servi  cette  fois  par  ses  propres  instincts  que 
par  la  science,  trouver  en  lui-même  le  secret  de  véritables  ap- 
plications métalliques. 

Qu'est-ce  en  effet  que  celte  pratique  si  répandue  au  Japon 
sous  le  nom  d'acupuncture,  et  dont  un  de  nos  plus  savants 
maîtres,  M.  le  D--  Cloquet,  s'est  fait  l'introducteur  parmi  nous, 
si  ce  n'est  une  sincère  application  de  l'or  sous  la  forme  de  lon- 
gues aiguilles  que  certains  guérisseurs  de  cet  empire,  fort  habiles 
à  les  manier,  ne  craignent  pas  d'enfoncer  quelquefois  jusqu'au 
plus  profond  des  viscères  jsour  en  extraire  le  principe  ou  fluide 
morbifique? 

Que  sont  ces  anneaux  contre  In  migraine  qu'un  simple  méca- 


nicien-seiTurier  de  la  rue  Castiglione,  M.  Georget,  emprunta 
probablement,  il  y  a  quarante  années  environ,  aux  anciennes 
armures  du  père  Hell,  et  qui,  d'abord  en  fer  ou  en  acier  et 
plus  tard  en  cuivre,  eurent  tant  de  vogue  qu'il  leur  en  reste 
aujourd'hui  même  quelque  chose,  si  ce  n'est  une  des  plus  heu- 
reuses pratiques  de  la  métallothérapie,  et  nous  dirions  volon- 
tiers une  des  plus  intelligentes,  par  le  choix  des  surfaces 
d'application,  si  l'inventeur,  qui  n'étaitrien  moins  que  médecin, 
avait  pu  seulement  se  douter  de  la  valeur  de  sa  trouvaille? 

Le  retentissant  succès  obtenu,  il  y  a  deux  ans,  par  la  métal- 
lothérapie, sous  forme  de  casserole  dans  le  traitement  de  la 
migraine,  a  remis  en  mémoire  nombre  de  ces  pratiques  popu- 
laires. 

Citons  les  serre-malices,  sorte  de  diadème  en  cuivre  jaune 
'dont  les  femmes  de  l'Arctense  feraient  encore  usage,  autant  par 
la  certitude  acquise  de  l'efficacité  de  ce  cercle  de  cuivre  contre 
les  maux  de  tête,  très-fréquents  dans  ce  pays  froid  et  humide, 
que  par  attachement  aux  traditions  antiques. 

Citons  aussi  ces  pratiques  vulgaires  qui  consistent  à  mettre 
des  objets  en  fer  dans  la  chaussure,  ou  même  dans  le  lit  de. 
ceux  qui  sont  sujets  aux  crampes  dans  les  jambes,  mais  citons 
surtout  certaines  plaques  ou  médailles  de  cuivre  dont  il  aurait 
été  fait  usage  antérieurement  à  nos  recherches  et  travaux 
métallothérapiques.  ((  On  a  observé  en  Hongrie  que  de  porter 
sur  soi  une  lame  de  cuivre  qui  touche  la  peau  préserve  du  cho- 
léra. »  (Hahnemann,  biblioth.  Homœop.  de  Genève.) 

Action  du  cuivre  contre  le  choléra. 

Crampes  des  cholériques;  Armatures.  —  En  18Zi8,  étant  encore 
sur  les  bancs  de  l'École,  nous  avions  commencé  à  nous  occu- 
per de  l'action  des  métaux  en  applications  extérieures  dans 
certains  cas  de  névrose,  et  en  18Zi9  nous  poursuivions  particu- 
lièrement nos  recherches  du  côté  du  cuivre,  lorsqu'au  mois  de 
février  une  invasion  nouvelle  du  choléra  vint  nous  fournir  l'oc- 
casion de  doter  une  première  fois  ce  métal  de  propriétés  anli-  . 
cholériques  fort  inattendues,  et  de  créer,  nous  allons  dire  dans 
quelles  circonsl.'mccs,  l'une  des  applications  de  cette  thérapie 


—  17  — 


nouvelle  qui  a  nom  aujourd'hui  dans  la  science  de  métallo- 
thérapie. 

Le  premiei'  cholérique  qui  nous  fut  apporté  à  l'hôpital  Co- 
chin,  était  un  homme  fort  et  vigoureux,  qui,  le  matin  même, 
était  aussi  bien  portant  que  d'habitude.  Entré  dans  les  salles 
de  M.  Nonat,  vers  trois  heures,  il  offrait  déjà  au  plus  haut 
degré  tous  les  symptômes  de  la  maladie  asiatique,...  cyanose, 
refroidissement  des  extrémités,  évacuations  caractéristiques 
fort  abondantes,  et  crampes  très-in(enses  dans  les  membres 
inférieurs.  Le  soir,  à  sept  heures,  deux  bains  d'air  chaud  et 
des  frictions  de  diverse  nature  n'ayant  encore  produit  aucun 
soulagement,  nous  faisons  l'application  d'un  large  anneau  de 
laiton  sur  chaque  jambe,  au  niveau  des  muscles  afiéctés;  aus- 
sitôt les  crampes  cessent.  Au  bout  d'une  demi-heure  du  calme 
le  plus  satisfaisant,  nous  essayons  de  retirer  le  métal,  mais  les 
phénomènes  nerveux  sont  si  peu  de  temps  à  reparaître  que, 
bientôt  après,  le  malade  redemande  les  anneaux  avec  instance. 
A  peine  son  désir  satisfait,  nous  ne  l'entendons  plus  exhaler 
la  moindre  plainte. 

Un  peu  plus  tard,  la  nuit,  les  bras  sont  pris  à  leur  tour  de 
contractions  musculaires  très-violentes.  Alors  le  malade,  bien 
avisé,  saisit  à  pleine  main  un  des  anneaux  des  jambes  :  ne  pou- 
vant pas  se  l'appliquer  à  cause  de  la  forme,  il  l'emploié  pen- 
dant plusieurs  heures  à  poursuivre  les  crampes  partout  où  elles 
se  manifestent.  Cette  fois  encore  le  cuivre  ne  manque  jamais 
son  effet,  et,  ce  qui  est  bien  digne  de  remarque,  le  bras  droit, 
dont  la  main  accomplit  pres(^ue  seule  cette  manœuvre,  n'est 
sérieusement  affecté  que  lorsque  la  fatigue  oblige  le  malade 
à  se  servir  de  sa  main  gauche. 

Le  matin,  à  la  visite,  le  malade  était  redevenu  tout  à  fait 
calme;  se  sentant  déjà  mieux  que  la  veille,  il  se  plaisait  à  van- 
ter tout  haut  la  vertu  bienfaisante  de  nos  applications  de  métal. 

Le  même  jour,  nous  donnions  des  ordres  jiour  fabriquer 
un  grand  nombre  d'anneaux  de  laiion,  et  non  content  de  les 
appliquer  sur  les  cholériques  de  l'hôpital  Cochin,  pendant 
tout  le  temps  que  dura  l'épidémie,  nous  allâmes  de  nuit  et  de 
jour  montrer  à  en  faire  usage  dans  les  hôpitaux  du  Val-de- 
Grâce  et  de  l'Hôtel-Dieu. 

9 


—  18  -- 

Partout,  'partout,  nous  le  répétons,  nos  armatures  bkn  em- 
ployées, nous  voulons  dire  à  l'étal  humide  (par  l'interposition 
de  linges  mouillés  avec  de  l'eau  salée  entre  le  métal  et  la  peau), 
lorsque  tout  d'abord  sèches  elles  ne  sutilsaient  point,  eurent 
un  tel  succès,  que  tous,  aussi  bien  MM.  les  professeurs  Rostan, 
Michel  Lévy  et  notre  excellent  maître  M.  Nonat,  qui  se  reposa 
toujours  sur  nous  en  18/)9  du  soin  de  décramper  les  choléri- 
ques de  ses  salles,  que  MM.  A.  Richard,  Bouchut,  Durand,  Defau- 
conberge,  etc.,  qui  avaient  employé  eux-mêmes  ces  armatures 
ou  des  appareils  à  leur  imitation,  ou  qui,  comme  MM,  Masselot 
et  Krug,  au  Val-de-Grâce,  avaient  été  témoins  de  leur  appli- 
cation, tous,  sans  exception,  se  sont  plu  à  proclamer  ces  suc- 
cès dans  la  presse,  au  sein  des  Académies  et  jusque  dans  les 
délibérations  du  Conseil  d'hygiène,^  auprès  du  Gouvernement, 
Pour  que  les  résultats  obtenus  à  celte  époque  restent  bien  dé- 
finitivement acquis,  et  que  personne  de  ceux  à  qui  incombe  le 
soin  des  malades,  dans  nos  services  publics  surtout,  ne  puisse 
plus  venir  arguer  encore  de  l'insuiRsance  de  la  démonstration 
pour  se  donner  raison  d'avoir  tout  employé,  tout  osé  contre 
les  crampes  :  frictions,  embro  cation  s,  sinapisations,  électrisa- 
tions,  etc.,  etc.,  tout,  excepté  les  applications  di^, cuivre,  nous 
reproduirons  ici  une  page  d'un  long  mémoire  publié  par  nous 
dans  la  Gazette  médicale  du  22  février,  année  1850,  sous  ce 
titre  :  MÉMOIRE  sur  quelques  accidents  nerveux  consécutifs  au 

CHOLÉRA  ET  SUR  LEUR  TRAITEMENT  PAR  LES  ARMATURES  MÉTALLIQUES. 

'  «  La  tâche  que  nous  nous  étions  imposée,  en  écrivant  le  titre 
de  ce  mémoire,  se  trouve  remplie  maintenant.  Mais  il  nous 
reste  encore  à  établir  d'une  manière  définitive  l'efficacité  des 
armatures  métalliques  contre  les  accidents  nerveux  propres  au 
choléra,  afin  que  ces  anneaux,  dont  l'emploi  est  toujours  si 
innocent  et  siïacile,  rendent  dans  un  grand  nombre  de  mains 
les  services  qu'un  petit  nombre  en  ont  seulement  obtenus, 

«  Si  nous  pouvions  rapporter  toutes  les  observations  authen- 
tiques, au  nombre  de  plus  de  cent,  où  ces  appareils  ont  presque 
constamment  réussi,  nous  n'aurions  pas  de  peine  à  convaincre 
le  lecteur  de  leur  quasi  spécificité  contre  les  crampes,  les  suffo- 
cations, les  contractures,  etc.,  et  généralement  contre  tous  les 
spasmes  qu'on  observe  dans  le  choléra  et  dans  d'autres  affec- 


—  lo- 


tions; niais,  outre  que  le  défaut  d'espace  nous  rendrait  cette 
nouvelle  lâche  impossible,  nous  ne  saurions  le  faire  sans  nous 
exposer  à  perdre  le  fruit  de  nos  communications  aux  Acadé- 
mies appelées  à  se  prononcer  sur  la  valeur  de  ce  moyen. 

«  Nous  nous  bornerons  à  puiser  au  dehors  de  nous-méme, 
dans  les  documents  qui  appartiennent  aujourd'hui  à  la  science, 
et  la  démonstration,  nous  l'espérons,  sera  jugée  suffisante.  » 

OBSERVATIONS  RECUEILLIES  PAR  LES  CHIRURGIENS  DU  VAL-DE-GRACE, 
DANS  LE  SERVICE  DE  M.  MICHEL  l'ÉVY. 

(Extr."de  l'Echo  du  Val-de-Grâce.) 

Obs.  1.  —  Laisné,  sapeur,  de  forle  constitution,  a  été  pris  subite- 
ment, le  1"  mai,  de  diarrhée,  de  vomissements,  etc.  Le  lendemain  il 
est  apporté  à  l'hôpital  dans  l'état  suivant  :  Cyanose,  étatalgide,  sueur 
visqueuse,  etc.;  anxiélé  exlrê?ne,  seniiment  de  suffocaliotij  constiic- 
lion  à  la  base  du  IhoraXj  crampes  Irès-douloureuses  dans  tous  les 
membres,  notamment  dans  les  membres  inférieurs,  agitation  con- 
tinuelle. 

Prescription  :  Potion  stimulante;  bain  d'air  chaud;  frictions  avec  la 
térébenthine  et  le  laudanum;  infusion  de  tilleul  chaude. 

Ces  moyens  n'apportant  aucun  soulagement,  on  a  recours  aux  arma- 
tures sèches.  Presque'immédiatement  après  leur  application,  les  cram- 
pes ont  diminué  d'intensité  d'abord,  puis  ont  disparu  entièrement; 
la  conslriction,  si  douloureuse  à  la  base  du  thorax",  a  rapidement 
cessé  de  se  faire  sentir;  la  respiration  est  devenue  facile;. le  malade 
accuse  une  grande  amélioration  et  n'est  plus  agité.  Nous  avons  e7ilevé 
les  armatures  de  l'un  des  membres  inférieurs,  et  bientôt  les  crampes 
ont  reparu  dans  ce  membre;  les  armatures  réappliquées,  les  crampes 
ont  cessé  de  nouveau. 

«  Dans  trois  autres  cas  nous  avons  vu  la  conslriciion  de  la  base 
du  thorax ,  ainsi  que  des  crampes  très-douloureuses  dans  les 
membres,  être  immédiatement  calmées  ou  même  disparaître 
complètement  par  l'application  des  armatures  sèches.  Dans  l'un 
de  ces  cas,  nous  avons  vu  les  crampes  reparaître  au  bout  de  vingt 
minutes,  bien  que  les  armatures  fussent  encore  dupliquées, 
mais  les  douleurs  n'avaient  plus  leur  intensité  primitive.  » 

Signé  :  Massrlot. 


—  2U  — 


Obs.  If.  —  Castex,  fusillier,  esl  apporté  à  l'hôpital  le  16  mai,  à  neuf 
lieures  et  demie  du  matin.  Face  fraîche,  excavation  orbitaire,  elc. 
Vomissements  incessants,  crampes  dans  les  membres  pelviens, 
atroces  dans  les  pieds. 

Prescription  :  Potion  stimulante;  frictions  avec  un  mélange  de 
baume  Fioraventi  et  de  chloroforme. 

A  quatre  heures  du  soir,  les  crampes  augmentent  d'intensité  :  les 
armatures  métalliques  sèches  sont  placées  aux  membres  et  autour 
du  tronc;  alors  les  douleurs  et  la  ■co)islriclion  épigaslrirjue  cessent. 
On  enlève  les  armatures  d'un  côté,  peu  de  temps  après  les  conlrac- 
tions  spasmodiques  reviennent  de  ce  côté  seulement  et  disparaissent 
do  nouveau  sous  l'influence  des  anneaux. 

Ciistex  a  conservé  les  armatures  métalliques  toute  la  nuit;  les  phé- 
nomènes nerveux  n'ont  plus  reparu;  il  est  maintenant  convalescent. 
23  mai.  Signé  :  Knuc. 

Ocs.  III.  —  Clerc,  maréchal  des  logis  chef,  est  pris  le  matin  du 
choléra.  Il  entre  le  IG  mai,  à  six  heures  du  soir.  Crampes  dans  les 
viembres  inférieurs  et  dans  les  doigts.  Les  anneaux  sont  appliqués 
à  sec  sur  le  membre  inférieur  droit,  les  crampes  cessent  de  ce  côté; 
au  contraire,  elles  deviennent  Irçs-vives  au  bout  de  deux  heures  dans 
le  membre  gauche.  Les  armatures  sont  alors  mises  des  deux  côtés  et  . 
immédiatement,  au  bout  de  onze  minutes,  les  crampes  cessent  à 
gauche  comme  à  droite;  pendant  le  reste  de  la  nuit  le  malade  repo;e 
bien. 

Le  lendemain,  lorsqu'on  voulut  enlever  les  armatures.  Clerc  s'v 
opposa,  tant  elles  lui  avaient  produit  de  soulagement. 
Clerc  est  guéri. 

«  Ces  deux  observations,  recueillies  pendant  la  garde  du  doc- 
iGur  Bezeau,  ont  été  consignées  dans  son  rapport  du  16  mai. 
Elles  seront  suivies  de  plusieurs  autres  qui,  comme  celles-ci, 
ne  mettent  pas  en  doule  le  sxxcchs  presque  constant  du  procédé. 

«  Nous  avons  aussi  remarqué  que,  lorsque  la  peau  de  certains 
malades  était  shche,  aride  et  rugueuse,  il  était  bon  de  tremper 
(les  compresses  dans  une  solution  de  sel  marin  et  de  les  placer 
entre  les  armatures  et  la  peau.  » 

25  mai  18/|9.  Signé  :  Knijo. 

((  Un  de  nos  amis  et  collègues  de  l'hôpital  Cocliin,  M.  Detau- 


—  21  — 

conberge,  et  M.  Durand,  notre  camarade  d'étude,  qui  plusieurs 
fois  avaient  été  témoins  des  heureux  effets  des  conducteurs 
mélalliriues  appliqués  au  traitement  du  choléra,  sont  envoyés 
en  juillet  dans  le  village  de  Biesles  (Haute-Marne)  que  la  suette 
et  le  choléra  venaient  d'envahir. 

a  En  peu  de  jours  les  phénomènes  nerveux  sont  devenus  si 
intenses  et  si  rebelles,  que  ces  médecins  improvisent  d'urgence 
des  anneaux  avec  des  bandes  en  cuivre  mince  de  10  à  15  cen- 
timètres de  large,  qu'ils  fixent'de  leur  mieux  autour  des  mem- 
bres et  du  tronc,  ayant  bien  soin,  toutes  les  fois  que  cela  devient 
nécessaire,  de  les  séparer  de  la  peau  par  des  linges  imbibés 
d'eau  salée. 

«  Malgré  leur  imperfection,  ces  armatures  rendent  encore  as- 
sez de  services  pour  que  bientôt  elles  deviennent,  dans  les  loca- 
lités voisines,  d'un  usage  général  et  populaire,  à  ce  point  que' 
les  habitants,  presque  tous  ouvriers  couteliers,  les  fabriquaient 
eux-mêmes  et  s'en  servaient  à  la  moindre  apparence  de 
crampes,  avant  l'arrivée  du  médecin.  (Académie  de  médecine, 
séance  du  mois  d'octobre.) 

«  En  juillet,  M.  le  docteur  A.  Richard  (alors  prosecleur  à  la 
Faculté)  a  eu  deux  fois  l'occasion  d'employer,  avec  le  plus  grand 
succès,  une  armature  improvisée  avec  des  ustensiles  dé  ménage 
en  cuivre. 

«  M.  le  professeur  Rostan,  et  c'est  par  là  que  nous  termine- 
rons, à  qui  nous  devons  de  si  grandes  actions  de  grâce  pour  la 
bonté  avec  laquelle  il  nous  a  ouvert  les  portes  de  son  service, 
s'exprime  de  la  manière  suivante,  dans  sa  dernière  leçon  cli- 
nique sur  le  choléra  :  «  Mais  ce  sont  surtout  les  phénomènes 

«  cérébraux  qui  ont  attiré  l'attention  des  médecins.  C'est  contre 
«  ces  phénomènes  qu'on  a  déployé  le  plus  grand  nombre  de 
u  moyens  :  l'opium  et  ses  nombreuses  préparations  en  dedans 
«  et  au  dehors,  la  belladone  et  la  plupart  des  narcotiques, 
«  l'éther  sulfurique,  le  chloroforme,  le  camphre,  le  musc,  le 
«  casloréum,  etc.  Mais  un  moyen  spécial  que  nous  ne  devons 
«  pas  passer  sous  silence,  est  un  moyen  emprunté  à  la  phy- 
«  sique  et  employé  par  M.  Burq,  étudiant  en  médecine,  contre 
«  les  crampes,  les  douleurs  précordiales,  les  suffocations,  les 
'(  anxiétés.  Ce  moyen  consiste  en  plaques  métalliques,  dont  il 


((  entoure  les  membres  et  le  tronc  des  malades.  Vous  avez  vu 
«  ce  moyen  employé  dans  nos  salles  presque  toujours  avec  suc- 
«  ces.  »  {Gazette  des  hôpitaux,  jeudi  8  novembre  18/|9.) 

Le  choléra  disparu,  nous  reprîmes  nos  expériences  relatives 
au  traitement  des  maladies  nerveuses  par  les  applications  de 
métaux,  et  sur  ce  terrain  si  ingrat  de  la  pathologie  nerveuse,  la 
métallothérapie  ne  fut  point  longtemps  sans  y  étendre  considé- 
rablement son  nouveau  domaine.  Pour  ne  parler  que  de  ses  seuls 
succès  dans  les  hôpitaux,  il  y  eut  à  la  Salpêtrière,  service  des 
hystériques  incurables,  h  malades  sur  6  traitées  qui  purent  ren- 
trer dans  leur  famille  après  deux  ou  trois  mois  de  traitement 
par  une  simple  armature  de  laiton.  Il  v  eut  à  l'Hôtel-Dieu  ser- 
vices de  M.  Rostan  et  de  M.Tardieu-,  à  l'hôpital  Necker,  se'rvice 
de  M.  Horteloup,  et  à  la  Maison  impériale  de  santé,  services  de 
M.  Monod  et  de  M.  Duméril,  encore  des  hystériques,  puis  des 
hypocondriaques,  des  névralgiques  de  diverse  sorte,  3  para- 
lytiques, 2  amaurotiques,  etc.;  qui  furent  guéris  de  même,  qui 
sous  l'influence  d'applications  de  cuivre,  qui  par  des  anneaux 
de  tôle  d'acier,  celle-ci  avec  une  armature  d'argent,  une  autre 
avec  une  armature  faite  de  métal  des  cloches,  etc.,  etc. 

Nous  passons  rapidement  sur  ces  foits,  ayant  hâte  de  revenir 
à  la  question  du  choléra.  Nous  nous  bornerons  à  dire  qu'à  l'ex- 
ception desguérisons  obtenues  à  la  Salpêtrière,  dont  nous  avons 
dû  nous-même  nous  faire  l'historien  dans  notre  Traité  sur  la 
vùtallothérapie,  presque  toutes  les  observations  y  relatives  ont 
été  consignées  dans  la  science  par  les  élèves  'internes  eux- 
mêmes  des  divers  services  où  nous  avions  foit  nos  expériences  : 
■  par  MM.  Pierre  et  Coffin  dans  notre  thèse  inaugurale,  fé- 
vrier 1851;  par  M.  Salneuve  et  Liendon  dans  la  Gazette  médi- 
cale de  Paris  (année  1852),  où  chacun  pourra  les  lire  et  en  tirer 
profit  :  la  moitié  de  ces  faits  étaient  à  peine  connus,  que  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique  inscrivait  la  métallothérapie  sur  le 
programme  de  ses  prix. 

pRÉsfinvATIo^  DES  OUVRIERS  f.N  CUIVRE.  —  Un  jour  du  mois 
d'avril  1852,  où  nos  affaires  nous  avaient  appelé  dans  une  im- 


portante  fonderie  de  cuivre  de  la  rue  des  Gravilliers,  n"  22,  les 
hasards  de  la  conversation  nous  apprirent  que  tous  les  ouvriers 
et  locataires  de  l'établissement,  aa  nombre  de  deux  ccnls  envi- 
ron, avaient  été  respectés  par  le  choléra,  aussi  bien  en  1832 
qu'en  18/i9.  Ce  fait  d'une  immunité  aussi  complète,  bien  qu'à 
la  rigueur  il  pût  n'être  que  la  conséquence  d'une  heureuse 
exception,  nous  causa  tout  d'abord  une  grande  surprise,  et 
nous  eûmes  déjà  à  nous  demander  si  les  métaux  n'auraient 
point  d'autres  propriétés  contre  le  choléra  que  celles  dont  nous 
les  avions  particulièrement  dotés  lors  de  la  dernière  épidémie. 
Cependant  nous  avions  commencé  à  l'oublier,  lorsque  la  même 
observation  vint  s'offrir  à  nous  avec  une  sorte  de  ténacité,  et 
notamment  dans  trois  autres  fonderies  de  cuivre  de  la  même 
rue  (n°'  20,  kà  et  35),  où  4  à  500  ouvriers  et  locataires  avaient 
tous  été  aussi  parfaitement  épargnés  que  ceux  du  n»  22. 

Cette  nouvelle  et  très-surprenante  immunité  étant  très-loin 
d'être  justifiée  par  la  salubrité  du  quartier,  par  l'état  des  mai- 
sons elles-mêmes,  qui  toutes  les  quatre  étaient  aussi  pauvres 
d'extérieur  que  celles  où  se  réfugie*  d'ordinaire  la  fonderie, 
par  l'hygiène  des  habitants  et  lamortalilé  des  numéros  voisins, 
il  nous  fut  bien  impossible  de  ne  voir  là  qu'une  simple  coïnci- 
dence, et  à  partir  de  ce  moment,  point  de  trêve  ni  repos  que 
nous  ne  fussions  enfin  arrivé  à  constater  sûrement  les  pro- 
priétés remarquables  du  cuivre,  que  nous  n'avions  fait  d'abord 
que  soupçonner.  Pour  obtenir  cet  important  résultat,  écri- 
vions-nous dès  1853,  nous  nous  sommes  livré  à  une  vaste  en- 
quête dont  voici  les  principaux  détails.  ^ 

ÎNous  avons  visité,  en  personne,  à  Paris  seulement,  près  de 
m  maisons,  usines,  établissements  de  toutes  les  industries 
qui  s'exercent  sur  les  métaux,  depuis  lo  plus  modeste  atelier 
où  il  n'y  a  que  4,-  5,  à  10  ouvriers,  jusqu'aux  grands  établis- 
sements où,  comme  chez  MM.  Cail  et  Cavé,  ils  se  comptent 
par  centaines;  depuis  les  fonderies  de  fer  des  faubourgs  Saint- 
Marceau  et  Saint-Jacfiucs,  et  les  fonderies  de  caractères  de  la 
rue  de  Vaugirard,  jusqu'aux  usines  de  MM.  Lagoulte,  Calla, 
Gouin  et  Farcot,  à  la  Villetto,  à  la  Chapelle  et  à  Saint-Oucn  ; 
depuis  les  vastes  fabriques  et  fonderies  de  MM.  Cail  et  C^  à 
Chaillot  et  à  Grenelle,  jusqu'aux  fabricants  de  roulotles  en  cui- 


-  24  - 

vre  du  faubourg  Sainl-Antoine,  en  passant  par  toute  fabrique 
des  bronzes  du  Marais.  ^ 

Nous  nous  sommes  mis  en  rapport  avec  MM.  les  nrési 
dents   trésoriers  ou  secrélaires  des  différentes  associations 
ouvrières,  avec  les  mères  des  compagnons  serruriers,  maré- 
chaux, chaudronniers,  elc,  et  nous  avons  été  souvent  jusqu'à 
mte^ger  les  ouvriers  eux-mêmes,  dans  leurs  auberges  et  leurs 

En  même  temps,  nous  écrivions  dans  les  départements  à 
MM.  les  propriétaires,  directeurs  ou  médecins  de  nos  princi- 
pales usines,  forges,  lamineries,  tréfileries,  etc  •  à  MM  les 
maires  et  magistrats  des  villes  où,  comme  h  l'Aigle  et  :\  Ville- 
dieu,  la  population  est  presque  entièrement  adonnée  à  des 
travaux  sur  les  métaux,  demandant  à  chacun  de  vouloir  bien 
nous  éclairer  sur  la  marche  de  l'épidémie  dans  sa  localité 

Non  content  d'avoir  réuni  de  la  sorte  des  renseignements 
précis  pour  une  très-nombreuse  population,  nous  nous  som- 
mes adressé  -à  MM.  les  ambassadeurs  d'Angleterre,  de  Suède 
et  de  Russie,  à  M.  le  proYesseur  Huss,  de  Slockholm  à  M  de 
Montferrand,  architecte  de  Sa  Majesté  Impériale,  à' Saint-Pé- 
tersbourg, et  directeur  des  mines  de  Sibérie  de  S.  A.  le  prince 
pem.doff,  qui  à  lui  seul  nous  a  fourni  des  renseignements  sur 
46,500  mineurs  des  deux  sexes;  nous  nous  sommes  adressé 
encore  aux  plus  grands  établissements  métallurgiques  de  l'Eu- 
rope à  la  coutellerie  de  Shefîield,  aux  atiîneries  de  suivre  du 
conité  de  Galles,  à  la  chaudronnerie  de  Birmingham,  aux  mines 
de  Phalen,  de  Linkeping,  en  Suède,  aux  mines  du  Stolber^j,  do 
la  Silésie,  etc.,  etc.,  et  ce  n'est  qu'après  cinq  mois  de  corres- 
pondances et  de  recherches  de  toute  sorte,  qui  avaient  fini  par 
embrasser  une  population  de  plus"  de  200,000  individus  que 
nous  crûmes  avoir  le  droit  d'adresser  aux  Académies  des 
sciences  et  de  médecine  un  mémoire  qui  concluait  à  peu  près 
en  ces  termes  : 

l°Dans  le  choléra,  préservation  constante  de  l'immense  ma- 
jorilé  des  ouvriers  que  leur  profession  met  on  contact  habituel 
avec  des  poussières  de  cuivre  ; 

2"  Le  cuivre  ou  ses  alliages,  le  laiton  et  le  bronze,  appliqués 
à  la  peau  largement  et  d'une  manière  permanente,  sont,  dans 


—  -25  — 

• 

l'épidémie  de  choléra,  des  moyens  précieux  de  prèserva- 
:io/i- qu'on  ne  doit  point  négliger,  puisque  d'ailleurs  il  ne 
peut  y  avoir  aucun  inconvénient  à  en  faire  usage,  et  si  la 
préservation  relative  qui  nous  paraît  devoir  en  résulter  venait 
à  laisser  à  désirer,  peut-être  serait-il  utile  de  l'aider  par  quel- 
ques prises  de  poudre  très-fine  de  ce  même  métal,  et,  comme 
dernière  précaution,  par  de  larges  feuilles  de  laiton  qu'il 
serait  si  focile  aux  gens  aisés  de  dissimuler  dans  leurs  appar- 
tements. 

3"  Dans  le  traitement  du  choléra,  le  cuivre,  administré  en 
temps  opportun  soit  seul,  soit  associé  aux  agents  qui,  comme 
l'opium,  ont  reçu  la  sanction  de  l'expérience,  soit  en  limaille, 
soit  sous  une  autre  forme  dont  la  pratique  -ne  peut  tarder  à 
faire  connaître  la  véritable  dose  et  les  meilleures  appropria- 
tions, a  les  plus  rjrandes  chances  de  devenir,  entre  les  mains  des 
médecins,  un  puissaiU  moyen  de  guérison. 

Ainsi  se  terminait  ce  mémoire. 

11  était  à  peine  livré  à  l'impression  que  déjà  les  abonnés  du 
journal  In  Presse  pouvaient  y  lire  à  la  place  d'honneur  (l«page 
du  numéro  du  l/i  octobre  1853)  : 

«  M.  le  D""  Burq,  dont  nous  insérons  la  lettre,  est  parti  à  ses 
risques  et  périls,  quittant  ses  malades,  pour  aller  faire  de  la 
préservation  cholérique  en  Angleterre  où  sévit  le  choléra.  De- 
vant un  tel  acte  de  conviction,  de  dévouement  et  de  désinté- 
ressement, nous  n'avons  pas  dû  nous  arrêter  à  la  question  de 
savoir  si  la  lettre  qu'on  va  lire  n'était  pas  trop  longue  ot  trop 
spéciale  pour  être  insérée  dans  un  journal  politique,  —  nous 
la  pul)lions.  » 

Suivaient,  sous  le  lilre  de  Trailonent  préservatif  et  curatif 
du  choléra  par  les  métaux,  les  faits,  observations  et  prescriptions 
y  relatifs  qui  n'occupaient  pas  moins  de  six  grandes  colonnes 
du  journal. 

Presque  en  même  temps  d'autres  organes  importants  de 
cette  grande  presse,  toujours  à  Paris  si  généreuse  et  si  empres- 
sée quand  il  s'agit  d'une  œuvre  utile  i\  répandre,  et  notam- 
ment le  Siècle,  numéros  des  5,  6  septembre  et  3  décembre  1853, 
publiaient  encore  sur  le  même  sujet  de  longs  articles  où  rien 
n'était  omis  de  ce  qui  pouvait  donner  à  notre  enquête  toute 


l'authencité  désirable  (1)  et  rassurer  les  populations  de  nouveau 
menacéd^. 

Une  telle  publicité  venant  s'ajouter  à  celle  des  journaux  spé- 
ciaux, et  rencontrant  en  chemin  les  échos  plus  ou  moins 
bruyants  du  consensus  unanime  de  tous  les  chefs  d'usine  ou 
d'atelier  auxquels  nous  nous  étions  adressé,  et  dont  nos  pu- 
blications extra-scientifiques  avaient  eu  surtout  pour  but  d'en- 
gager le  témoignage  (2),  il  y  eut,  nous  l'avons  dit,  de  l'émo- 
tion jusqu'en  haut  lieu,  et  c'est  alors  que,  le  gouvernement 
intervenant  spontanément,  notre  savant  confrère,  M.  Mêlier, 
inspecteur  général  des  épidémies,  reçut  la  mission 'de  procède^ 
à  une  contre-enquête. 

Cette  fois  la  vérité  triomphait  donc  ou  allait  triompher,  du 
moins  on  pouvait  le  croire;  mais  il  n'en  fut  rien,  et  il  advint 
telles  circonstances,  celles  que  le  lecteur  sait  déjà,  plus  cer- 
taines autres,  dont  une  surtout,  relative  à  un  fait  inouï  de 
haute  piraterie  médicale,  accompli  précisément  sur  la  personne 
d'un  des  malades  traités  par  notre  méthode  avec  le  plus  de 
succès  (il  en  sera  question  tout  à  l'heure),  que  bientôt,  abreuvé 
de  dégoût  et  d'amertume,  nous  nous  condamnâmes  sur  cette 
question  au  plus  absolu  silence. 

Depuis  lors,  douze  longues  années  s'étaient  écoulées,  et 
quoique  nous  eussions  les  meilleures  raisons  pour  parler.  Ijien 
que  notamment  l'épidémie  de  1853-5/(  nous  eût  à  nouveau  et 

(1)  A  la  suite  de  ces  publications,  M.  Tedesco,  ancien  onicier  supérieur  de 
l'armée  turque,  nous  informait  qu'en  1850,  le  choléra  étant  à  Constantino- 
pie,  le  Khan  de  cette  capitale  (quartier  de  la  ville  où  sont  relégués  tous  les 
chaudronniers,  les  ferblantiers,  etc.)  se  trouva  si  bien  respecté  par  le  fléau, 
que  M.  Tedesco,  devinant  la  protection  exercée  par  le  cuivi-e,  fit  constniirè 
des  anneaux  de  ce  métal  pour  se  donner  à  lui  et  à  !?es  amis  la  même  pré- 
servation. 

(2)  Continuant  notre  enquête  à  ciel  ouvert,  nous  avions  invoqué  en  témoi- 
gnage nominativement  tous  les  principaux  chefs  d'usine  ou  d'ateliers  qui 
avaient  été  témoins  de  la  précieuse  immunité;...  nous  avions  pris  directement 
à  partie  tous  ceux,  patrons  et  ouvriers,  qui  avaient  pu  en  bénéficier,  et  pas 
un  nom  n'était  venu  s'inscrire  en  fsiux  contre  les  résultats  rassurants  de 
notre  euquôte...  Une  seule  voix  s'était  élevée,  celle  de  M.  le  Secrétau, 
poui;  réclamer,  en  faveur  d'Hahnemann  la  priorité  do  l'observation.  (L'on  a' 
vu  dans  l'historique  (pic  cette  priorité  se  réduit  à  2  ou  3  lignes  insérées  dans 
la  Bibliothèque  hommpathique  de  Genève.^  " 


—  27  — 

d'une  façon  autrement  significative,  donné  raison,  nous  n'avions 
plus  écrit  une  ligne  touchant  cette  remarquable  action  du 
cuivre  contre  le  choléra,  lorsque  l'année  dernière,  en  face 
d'une  nouvelle  épidémie,  nous  nous  décidâmes  à  reprenduB  la 
parole  et  à  venir  dire  devant  l'Académje  des  sciences  : 

Mémoire  des  7  et  21  août  1865. 

«  Préservation  spontanée.  —  J'affirme  de  nouveau  et  plus 
énergiquement  que  jamais  la  préservation  spontanée  chez 
l'immense  majorité  des  ouvriers  qui,  dans  les  diverses  épidé- 
mies de  choléra,  aii,  moment  même  où  sèvissail  la  maladie,  se 
sont  trouvés  soumis  par  leur  travail  à  une  absorption  perma- 
nente de  cuivre  réduit  à  l'état  de  poussière  très-ténue,  et  pour 
la  seconde  fois  je  vous  appelle  directement  en  témoignage, 
vous  tous,-  honorables  chefs  d'industrie,  patrons  dévoués  à  vos 
ouvriers,  qui  vous  êtes  faits  les  complices  de  mes  affirmations  : 

«  Dans  les  grands  ateliers  de  construction  et  autres,  vous 
MM.  Cail,  Gavé,  Calla,  Lagoutte,  Janrey,  Christotle,  Barriquand, 
Chevalier,  Savart,.etc.,  etc.;  dans  la  fabrique  des  instruments' 
de  musique,  vous  MM.  Sax,  Gautrot,  Raoux,  Besson,  Halary, 
Courtois,  Michaux,  Desruelle,  Labbaye,  etc.,  etc.;  dans  les 
bronzes,  vous  MM.  Victor  Paillard,  Denières,  Thiébaut,  Jour- 
neux,  Vauvray,  Riglet,  Marchand,  Desorcy,  Lacarrière,  Bavozet, 
Barré,  Périllat,  Graux-Marly,  Fouquet,  Nicolas,  Gugenheim  et 
autres... 

«  Je  vous  prends  à  témoin,  vous  tous,  ouvrier^  qui,  dans 
l'industrieuse  cité,  donnez  au  cuivre  toutes  les  formes,  fabri- 
quez depuis  l'humble  roulette  et  le  compas  en  cuivre  jusqu'aux 
bronzes  les  plus  merveilleux,  jusqu'à  ces  admirables  instru- 
ments de  précision  qui  ont  fondé  la  réputation  des  Gambey, 
des  Bréguet,  des  Froment,  des  Molteni,  etc.,  etc.;  vous  surtout 
ouvriers  ciseleurs,  tourneurs  et  monteurs  en  bronze,  membres 
de  cette  Société  si  prospère  dite  du  Don  accord  dont  les  statuts 
ont  été  imités  par  tant  d'autres  sociétés,  qui,  vivant  de  la  vie 
commune  des  hommes  i\  la  journée  dans  les  quartiers  où  pré- 
cisément les  ravages  du  choléra  ont  été  plus  intenses,  avez 
traversé  les  épidémies  de  1832,  IS^iO  et  1854  sans  fournir  au 


—  28  — 

fléau  une  seule  victime,  —  une  seule  victime!  —  j'insiste  pour 
que  personne  ne  s'y  trompe,  et  qui,  chose  inouïe,  inexplicable 
SI  la  préservation  que  je  dis  n'avait  point  existé,  si  elle  n'est 
que»  pure  chimère,  pour  ne  pas  dire  un  mensonge,  n'avez 
jamais  payé  votre  tribut  à  l'épidémie  que  par  un  chiffre  relati- 
vement insigniU'ant  de  journées  de  maladie,  —  en  tout  1G6 
pour  les  trois  épidémies  réunies.  J'ai  dit  une  seule  victime,  j'ai 
lort,  car  un  des  membres  de  votre  société,  le  sieur  Dutertre, 
qui  avai:,  quitté,  l'imprudent!  la  partie  des  bronzes  pour  se 
faire  distillateur  liquoriste,  est  mort  en  I8/49  du  choléra.  Fait 
non  moins  significatif,  je  constatais  encore,  il  y  a  peu  de  jours, 
avec  vos  honorables  président  et  secrétaire,  MM.  Victor  Paillard 
et  Barré,  qui  sont  prêts  à  le  certifier,  que  dans  ces  166  journées 
de  maladie,  le  plus  grand  nombre,  100  au  moins,  appartien- 
nent à  des  sociétaires  déserteurs  de  la  profession  ainsi  que  le 
malheureux  Dulertre,  et  que  c'est  sur  ces  derniers  seulement 
que  l'influence  épidémique  s'est  exercée  d'une  manière  sé- 
rieuse :  témoin  un  de  vos  camarades,  M.  Roche  fils,  qui,  ayant 
passé  de  la  ciselure  sur  bronze  à  la  gravure  sur  argent,  paya 
lui  aussi,  en  18/|9,  sa  désertion  d'une  attaque  de  choléra  assez 
grave  pour  charger  à  lui  seul  la  société  de  47  journées  de 
maladie. 

«  Je  vous  prends  à  témoin,  vous,  les  médecins  dévoués  de 
ces  ouvriers,  MM.  Vasscur  et  Noiret,  qui,  tandis  que  ces  faits 
de  parfaite  immunilé  se  passaient  sous  vos  yeux,  observiez  au 
contraire  des  cas  assez  fréquents  de  maladie  parmi  les  femmes 
et  les  enfants  de  ces  mêmes  préservés;  vous,  M.  le  docteur  de 
Pietra  Santa  qui,  pour  les  deux  épidémies  de  18/|9  et  185(|, 
avez  constaté  la  même  immunité  chez  les  jeunes  détenus  de  la 
prison  des  Màdelonnettes  dont  on  avait  fait  des  serruriers  en 
cuivre,  et  qui,  il  n'est  point  du  tout  indifférent  de  l'ajouter  ici, 
en  même  temps  que  vous  veniez  certifier  cette  immunilé 
devant  l'Académie,  fournissiez  les  meilleures  raisons  pour  exo- 
néi'er  le  cuivre  de  tous  les  méfaits  que  Corrigan  avait  mis  à  son 
compte... 

«  Vous  cnlin,  MM.  Pécholier  et  Saint-Pierre,  professeurs 
agrégés  à  la  Faculté  de  médecine  de  Montpellier,  qui,  dans  vos 
intéressantes  recherches  sur  difîérenles  industries  du  midi  de 


—  29  — 

la  France,  avez  retrouvé  cette  même  préservation  chez  toutes 
les  ouvrières  qui  y  sont  employées  à  la  fabrication  (les  sels  de 
cuivre,  connus  sous  le  nom  do  verdet,  et  avez  conclu  à  votre 
tour  avec  raison  de  la  parfaite  santé  dont  jouissent  ces  ou- 
vrières,' bien  que  toute  la  journée  elles  vivent  dans  une  atmos- 
phère chargée  des  poussières  et  émanations  de  ce  trop  fameux 
poison,  à  la  non-existenco  de  la  colique  do  cuivre 

„  2°  Prcservalion  iirovoqme.  —  En  me  fondant  sur  les  don- 
nées que  je  viens  d'exposer,  «quand  est  survenue  l'épidémie 
(le  185/1,  j'ai  établi  la  préservation  sur  un  certain  nombre 
d'individus,  on  leur  faisant  porter  sur  la  peau  des  plaques  de 
cuivre  disposées  i  cet  effet,  ou  en  leur  administrant  chaque 
jour  quelques  goulles  de  sels  do  cuivre  en  solution,  soit  par  en 
haut,  soit  par  en  bas.  Aucun  de  mes  préservés  n'a  été  atteint. 

«  En  185/1,  M.  le  docteur  Clever  do  Maldini,  médecin-major, 
préservait  par  les  mômes  moyens  lui  et  nombre  do  soldats  de 
la  garnison  de  Paris  qui  faisaient  partie  de  son  service. 

«  En  1855,  M.  le  docteur  Raymond,  médecin  détaché  aux  bat- 
teries d'artillerie  à  Gallipoli  et  à  Varna,  a  suivi  le  même  système 
avec  un  succès  dont  il  est  prêt  à  témoigner,  à  l'égard  des  ar- 
tilleurs contiés  à  ses  soins  dans  cette  rude  campagne  de  la 

guerre  do  Crimée. 

«  Beaucoup  de  personnes  ont,  '^i  coup  sûr,  été  préservées  de 
même.  Ainsi  à  la  Nouvelle-Orléans,  quand  le  choléra  éclata 
en  185/t,  opticiens,  chaudronniers  et  autres  se  mirent  à  fabri- 
quer des  armatures  semblables,  disaient  les  plus  osés,  à  celles 

(1)  La  colique  de  cuivre  est  chose  si  rare  que,  rayant  reclierchée  avec 
soin  sur  les  tableaux  des  maladies  de  la  Somiè  du  Bon  Accord,  ne  l'ai 
trouvée  presque  pas  indiquée  pour  une  période  de  quarante  années. 

A  partir  de  IS^-i.,  voici  les  seuls  cas  de  colique  signales  : 

De  1824  îi  1833,  rien. 

1833,  M.  Pilard,  colique  (sans  autre  désignation)  o  jours  do  maladie. 
•1835,  M.  Desvignes,  colique  et  vomissement .    .  .    *>  — 

•1837,  M.  Kiol,  colique  ne^rveusc   ^  ~ 

1837,  M.  Dupré,  colique *et  maux  de  tWe.    .    .       0  — 

1838,  M.  Fiéfet,  colique  intestinale  — 

1851,  M.  Rochery,  colique  

Total  des  journées  de  maladie  70 


—  30  — 

que  j'avais  fait  disposer  moi-même.  Mais  je  manque  de  ren- 
seignements sur  les  résultats  :  en  eussé-je  d'ailleurs,  et  de  très- 
valables,  que  ce  serait  encore  peu,  j'en  conviens,  pour  une 
ft.nmt,on  absolue,  quand  même  je  pourrais  citer  tous  les  au! 
très  cas  qui  se  sont  produits.à  mon  insu. 

«  Les  principales  raisons  sur  lesquelles  je  m'appuie  surtout 
pour  proclamer  la  possibilité  de  la  préservation  provoquée  sont  " 
analogues  (et  autrement  puissantes  à  cause  de  leur  grand 
nombre  à  celles  qui  ont  condurt  Jenner  à  affirmer  la  préserva- 
t.on  de  la  petite  vérole  par  la  vaccine.  En  effet,  mon  système 
n  est  pas  fonde  seulement  sur  un  nombre  relativement  restreint 
d  observations,  mais  sur  la  préservation  spontanée  de  milliers 
dmdmdus   préservation  démontrée,  prouvée,  indéniable  et 
contre  laquelle      défie  quiconque  de  s'inscrire  en  faux.  Je  ne 
demande  pas  d'autre  bénéfice  d'exception  que  celui  que  Jenner 
eut  pu  invoquer  lui-même,  comme,  par  exemple,  les  cas  de 
pet.  e  vérole  que  l'on  voit  survenir  chez  des  individus  cepen- 
dant iDien  et  dûment  vaccinés. 

«  3»  Application  extérieure  contre  les  crampes  des  cholériques 
~-  Une  chose  est  ressortie,  claire  et  évidente,  de  toutes  les  ex- 
périences tentées  pour  la  guérison  du  choléra  :  c'est  l'effet  im- 
médiat de  l'application  du  cuivre  à  l'extéi-ieur.  Après  avoir 
rapporte  les  preuves  ci-dessus,  nous  disions  : 
«  Il  m'est  donc  permis  d'affirmer  : 

«  Que  l'application  du  cuivre,  en  anneaux,  en  plaques,  en  ar- 
matures  on  sous  la  forme  même  la  plus  vulgaire  par  ex;mple, 
un  Simple  ustensile  de  ménage,  est  souverainement  effile 
contre  les  ci'ampes  et  tous  les  autres  désordres  nerveux  du  cho-' 
léi-a  suffocations,  anxiétés  précordiales,  etc.,  etc.  C'est  autant 
de  force  donnée  au  patient  pour  lutter  contre  le  mal 

h"  Action  intérieure  du  cuivre. -V^  traité  des  choléi-iques 
par  une  solution  titrée  de  sulfate  de  cuivre  à  l/5e  nue  j'admi 
nisti-ais  moi-même  aux  malades,  afin  d'éviter  l^^s  perles  de 

toutes  ''7  P^''  '''''  '  « 

toutes  les  doux  heui-es,  toutes  les  heui-es  et  même  p^us  tôt 

suivant  lo  cas  d'u.-gence,  dans  de  l'eau  sucrée  aromatisée  à  ' 
additionnée  au  besoin  d'un  peu  d'opium,  X  à  2  gouttes  de  lau- 
danum, pour  établir  la  tolérance  de  1'  stomac  ;  e^dt 


—  51  —  , 

circonstances,  les  effets  ont  été  si  rapides  qu'ils  semblaient  tenir 
vraiment  du  prodige,  surtout  lorsqu'ils  furent  secondés  par  de 
larges  applications 

«  Mais  ici  surtout  les  réserves  sont  nécessaires. 

«  Ma  conviction  est  que  les  sels  de  cuivre  administrés  en 
temps  opportun  peuvent  neutraliser  les  effels  du  poison  cholé- 
rique, ainsi  que  les  sels  de  quinine  administrés  en  temps  utile 
neutralisent  les  effluves  les  plus  délétères  du  poison  paludéen  ; 
mais  cette  conviction,  mes  espérances  si  l'on  veut,  reposent,  je 
me  hâte  de  le  reconnaître,  bien  plus  sur  tous  les  faits  que  j'ai 

(l)  En  1854,  nous  avons  traitû  eu  tout  15  ou  16  cliolérines  ou  clioléras  pai- 
le  sulfate  de  cuivre.  A  un  certain  M.  G...,  qui  est  attaclié  à  un  grand  res- 
taurant du  boulevard,  il  fut  administré  peut-être  bien  1  gramme  de  sel  en 
vingt-quatre  heures.  Celte  dose,  relativement  considérable,  fut  connue  des 
habitués  de  la  maison,  parmi  lesquels  nous  pourrions  citer  un  éminent 
confrère,  M.  le  docteur  M...,  et  depuis  ce  temps,  pour  les-plaisants  de 
l'endroit,  le  père  au  cuivre  ou  M.  G...  sont  restés  synonymes. 

Un  succès,  s'il  se  peut,  plus  remarquable  encore  est  celui  que  nous  avons 
obtenu  surlemalade  auquel  nous  faisions  allusion  ci-dessus  en  parlant  d'acte 
de  haute  piraterie...  Le  sujet  reconnaissant,  même  après  12  années,  du  ser- 
vice que  nous  lui  avions  rendu,  a  bien  voulu  nous  adresser  de  sa  maladie 
une  relation  et  nous  permettre  de  la  publier.  La  voici  textuellement.  C'est 
une  pièce  importante.  Pour  l'honneur  delà  profession  nous  imiterons  le 
silence  du  signataire  quant  aux  tristes  circonstances  qui  ont  suivi  immédia- 
tement après  sa  (/uérison  dii,  choléra  : 

«  Monsieur  le  docteur, 

«  Votre  demande  est  trop  légitime  pour  que  j'hésite  à  y  faire  droit  s  je  ne 
ferai  d'ailleurs  que  rendre  hommage  à  la  vérité,  et  si  elle  peut  vous  être 
utile,  je  me  féliciterai  d'avoir  contribué  à  l'établir. 

i<  Quoique  les  faits  que  j'ai  à  relater  remontent  assez  loin,  mon  récit  n'en 
sera  pas  moins  exact;  ils  se  rapportent,  en  effet,  à  une  des  phases  les  plus 
graves  de  ma  vie,  je  ne  pense  pas  que  je  puisse  jamais  rien  en  oublier.  Les 
voici. 

J'ai  eu,  en  1854,  une  attaque  très-violente  et  tros-prolongée  de  choléra! 
c'est  vous  qui  m'avez  soigné  et  J'ai  la  conviction  que  c'est  vous  qui  avez 
réussi  à  m'en  faire  triompher. 

«  Depuis  plusieurs  jours  je  me  trouvais  atteint  d'une  forte  diarrhée,  j'es- 
pérais la  vaincre  sans  le  secours  d'un  médecin  ;  je  n'ai  pu  y  parvenir.  La  nuit 
du  23  au  20  octobre,  surtout,  avait  été  alarmante  ;  cependant,  ignorant  la 
gravité  de  mon  état,  je  me  levais  pour  me  rendre  îi  mon  travail,  lorsque, 
chose  que  je  n'aurais  jamais  crue  possible  auparavant,  je  ne  reconnus  pas 
mes  propres  traits  en  me  regardant  dans  la  glace.  J'avais  le  teint  gris  foncé. 


—  32  — 

dits  de  la  préservation  sj.onlaiiée,  et  aussi  sur  cette  action  si 
constamment  efficace  du  cuivre  contre  les  crampes,  que  sur 
les  faits  de  ma  pratique  personnelle,  encore  aujourd'hui  en 
trop  petit  nombre  pour  me  permettre  sur  ce  point  capital  une 
affirmation  cafégorique. 

«  Jo  me  borne  donc  à  appeler  de  tous  mes  vœux  des  expé- 
riences de  la  part  de  mes  confrères  mieux  placés  que  moi  pour 
les  tenter  et  les  suivre,  et  afin  de  les  y  aider,  je  terminerai  par 
une  indication  sommaire  des  pratiques  et  formules  qui  me  pa- 
raissent le  mieux  appropriées  à  h  préservation  et  au  traitement 
du  choléra  par  le  cuivre. 

les  yeux  enfonces  dans  leur  orbite,  les  joues  osseuses  ;  je  commençais  à  m'in- 
quiéter;  puis,  doué  d'assez  d.  forces  encore,  je  descendis  demander  des  se- 
cours  a  ma  concierge. 

Elle  vous  amena  auprès  de  moi  :  vous  me  consignâtes  dans  mon  lit,  me 
dites  que  mon  état  était  grave,  et  sur  mon  insistance,  jugeant  sans  doute 
que  jetais  capable  de  supporter  la  vérité,  me  fites  connaître  que  j'avais  le 
choléra,  en  m'engageant  à  faire  les  réflexions  qu'en  vue  du  danger  je  pouvais 
trouver  nécessaires.  Voilà  donc  un  premier  fait  :  vous  me  considériez,  dès 
ce  moment-L'i,  comme  atteint  de  choléra. 

«  Votre  traitement  consistait  dans  l'application  du  cuivre  à  l'intérieur  et  à 
l'extérieur. 

«  Intérieurement  le  sulfate  de  cuivre;  vous  prépariez  et  m'administriez  le 
médicament;  vous  versiez  des  gouttes  d'une  petite  bouteille  bleue  (que  je  vois 
encore)  dans  un  breuvage  quelconque. 

«  Extérieurement,  outre  l'eau  cliaudc  autour  du  corps  et  aux  extrémités 
une  simple  casserole  en  cuivre  me  rendait  de  grands  services  contre  les 
crampes.  Cet  appareil,  qui  a  fait  beaucoup  sourire  aux  nombreux  récits  de 
ma  maladie,  suffisait  pour  arrêter  les  crampes  à  leur  début;  malheureuse- 
ment je  n'en  avais  qu'une  à  ma  disposition,  et  lorsque  la  souffrance  ou  la 
fatigue  me  l'avaient  fait  laisser  séjourner  près  de  l'endroit  où  elle  avait 
servi,  je  n'arrivais  pas  à  temps  pour  conjurer  d'autres  crampes,  celles- 
ci  s'emparant  d'ailleurs  de  moi  sans  bruit  et  presque  toujours  à  plusieurs 
endroits  du  corps  à  la  fois.  Je  dois  dire,  pour  être  complètement  vrai,  que 
la  casserole  n'avait  pas  la  puissance  d'arrêter  une  crampe  un  peu  avancée 
déjà,  c'est-à-dire  en  pleine  marche. 

«  Mon  corps  était  en  outre  entouré  d'une  chaîne,  que  j'ai  encore  et  qui 
porte  votre  nom  ;  vous  l'aviez  partagée  en  deux  sections,  l'une  pour  le  haut 
du  corps,  l'autre  jiour  les  parties  inférieures. 

>(  On  me  donnait  de  la  glace  lorsque  les  vomissements  prenaient  le  des- 
sus; du  punch  et  du  vin  chaud  pour  me  réchauffer  lo)-sque  le  froid  s'empa- 
rait trop  de  moi. 

«  Cette  lutte  terrible  aduré  plusieurs  Jours;  vous  la  suiviez  pasàpas,  venant 


—  33  — 


PRÉSERVATION. 

L'indication  à  remplir,  c'est  d'employer  le  métal,  préserva- 
teur, de  façon  à  mettre,  du  mieux  possible,  toute  personne  dans 
les  mêmes  conditions  d'absorption  cuprique  que  les  ouvriers 
qui  ont  été  le  plus  complètement  préservés. 

Pour  cela  deux  voies  sont  ouvertes;  d'une  part  la  voie  de 
l'estomac  ou  de  l'intestin,  et,  d'autre  part,  celle  de  la  peau. 
L'on  se  servira  de  l'une  et  de  l'autre. 

1°  Une  fois  par  jour,  deux  même,  si  l'intensité  de  l'épidémie 

de  deux  heures  en  deux  heures,  soit  pour  préparer  les  médicaments,  soit 
pour  en  surveiller  les  effets. 

«  Enfin  le  choléra  était  vaincu,  mais  des  symptômes  de  fièvre  typhoïde  com- 
mençaient à  se  montrer.  Jusque-là  je  n'avais  pas  perdu  une  parcelle  de  pré- 
sence d'esprit,  tandis  que  je  ne  me  souviens,  de  cette  seconde  phase  de  ma 
maladie,  que  de  la  saignée  que  l'on  m'a  faite,  saignée  suivie  d'une  syncope 
au  sortir  de  laquelle  je  ne  me  i-appelle  pas  vous  avoir  revu  à  mon  chevet. 

«  Ici  se  placent  des  faits  qui  vous  ont  péniblement  affecté;  je  ne  puis  en 
rendre  compte  que  par  ouï-dire,  car  ils  se  sont  passés  hors  de  ma  présence  et 
sans  intervention  de  ma  volonté,  devenue  nulle  à  ce  moment-là.  Le  récit  en 
est  d'ailleurs  étranger  au  but  de  cette  lettre,  et  je  ne  crois  pas  devoir  l'y 
faire  entrer.  Bref,  en  revenant  à  moi,  c'est  M.  X...,  alors  médecin  en  chef 
de  l'hôpital  X...,  que  je  voyais  chargé  de  ma  guérison  définitive. 

«  J'ai  appris  de  lui  que  j'avais  été  un  des  cinq  derniers  cas  observés  à  Paris, 
tant  en  ville  que  dans  les  hôpitaux;  que  l'attaque  dont  j'avais  souffert  avait 
été  si  extfôme  que  je  n'aurais  plus  désormais  rien  à 'craindre,  «  fussé-je 
même  au  foyer  de  l'épidémie;  »  qu'en  un  mot,  «  j'avais  remué  la  poussière 
du  tombeau.  » 

«  En  résumé^  il  résulte,  pour  moi,  des  faits  que  je  viens  de  relater  plus 
longuement  qu'à  votre  gré  peut-être,  la  conclusion  que  voici  : 

«  1°  En  octobre  1854  vous  m'avez  traité  d'une  attaque  de  choléra  très-dan- 
gereuse. 

«  2"  Vos  moyens  étaient  l'application  du  cuivre  à  l'intérieur  et  à  l'exté- 
rieur. 

«  3"  Vous  avez  vaincu  le  choléra,  en  moi,  à  l'aide  de  ces  moyens. 
<  Heureux  de  penser  que  mon  témoignage  peut  aider  à  vous  faire  rendre 
justice,  je  vous  présente,  Monsieur,  mes  salutations  très-distinguées. 

«  ROTH, 

«  Caissier,  che  de  comptabilité  chez  MM.  Carlhian  et  Corbière, 

«  rue  du  Sentier,  '20.  » 

3 


-  3/i  — 

Je  réclame,  prendre  dans  un  peu  d'eau  sucrée,  légèrement 
alcoolisée,  2,  3.  5  et  6  gouttes,  suivant  les  âges,  de  la  solution 
suivante  : 

Acétate  ou  sulfate  de  cuivre  cristallisé.     5  gram.  ) 

Laudanum  de  Rousseau  1    _  '  (  j^^^jg^ç 

Eau  commune  20    I 

Chaque  goutte  représente  i  centigr.  de  sel. 

Si,  malgré  l'addition  de  l'opium,  l'estomac  se  montre  réfrac- 
taire,  prendre  le  préservatif  en  lavement  dans  la  valeur  d'un 
verre  d'eau,  toujours  après  digestion  complhie. 

Cette  dernière  manière  d'user  du  préservatif  est  de  beaucoup 
préférable,  elle  ne  provoque  ni  répugnance  ni  nausées;  elle 
permet  de  doubler  et  de  tripler  au  besoin  la  dose,  et  n'était  la 
répugnance  instinctive  qu'éprouvent  quelques  personnes  à 
faire  un  fréquent  usage  de  l'irrigateur,  je  me  serais  abstenu 
d  indiquer  la  première.  ' 

(C'est  la  méthode  quaprès  expérience  faite  sur  nous- 
même,  nous  recommandons  aujourd'hui  exclusivement;  elle 
n'a  aucun  inconvénient.  Par  la  bouche  nous  ne  conseillons 
plus  comme  préservatif  que  l'oxyde  en  pilules  de  2  à  5  centiçr.) 

2°  Application  directe  à  la  peau,  sur  une  étendue  d'environ 
4  décimètre  pour  l'enfant,  de  3  à  4  décimètres  carrés  pour 
l'adulte,  de  feuilles  minces  de  cuivre  ou  de  laiton  découpées 
en  plaquettes,  sans  bavures  ni  aspérités,  fixées  à  distance  les 
unes  des  autres  par  un  lien  qui  permette  de  les  porter  en  cein- 
ture, à  diverses  hauteurs  du  corps,  un  jour  sur  un  point,  le 
lendemain  sur  un  autre,  afin  d'éviter  de  fatiguer  la  peau.  Celte 
disposition  est  celle  que  présentent  aujourd'hui  mes  armatures, 
lesquelles  consistent  tout  simplement  en  une  série  de  larges 
boutons  formés  de  deux  fians  de  métal  entre  lesquels  coulisse 
librement  un  lacet  élastique.  Les  applications  du  cuivre  seront 
permanentes,  et  continuées  jusqu'à  ce  qu'il  y  ait  formation 
notable  de  vert-de-gris.  A  ce  moment,  on  pourra  les  suspendre 
pour  les  reprendre  quelques  jours  après.  Pendant  ce  temps 
respecter  le  sel  formé,  et  pour  cela  se  baigner  aussi  peu  que 
possible. 

Si  les  applications  de  métal  étaient  mal  supportées,  donnaient 


—  35  — 


lieu,  ainsi  qu'il  arrive  quelquefois,  à  une  éruption  gênante,  on 
les  remplacerait  par  des  frictions,  tous  les  soirs,  sous  les 
aisselles  et  dans  les  aines  avec  la  pommade  qui  suit  : 

Acétate  de  cuivre  cristallisé  ...     k  grammes. 

Extrait  de  belladone  h  — 

Axonge  30  — 

M.  S., A. 

Enfin  dans  les  cas  où  les  petits  ennuis,  résultant  de  ce  double 
i         mode  de  préservation,  seraient  un  obstacle  sérieux  à  le  faire 
accepter  par  quelques  personnes,  j'incline  à  penser  qu'un  bain 
prolongé  au  sulfate  de  cuivre,  pris  au  moins  tous  les  deux 
jours,    pourrait  les  remplacer   avantageusement    l'un  et 
"  l'autre. 

En  ce  cas  il  faudrait  ajouter  au  sel  de  cuivre  du  sel  de  soude, 
pour  aider  à  l'absorption  par  une  sorte  de  désuintement  de  la 
peau,  et  voici  comment  nous  le  formulerions  : 

Liqueur  de  Bareswill    .    .     500  à  1,000  grammes, 
Sous-carbonate  de  soude.     250  grammes,  , 

pour  un  grand  bain  de  une  à  deux  heures  dans  une  baignoire 
de  cuivre  et  non  étamèe,  si  faire  se  peut. 

Traitement. 

Aussitôt  en  présence  d'un  cholérique,  lui  donner  par  la 
bouche  de  2  à  10  gouttes  de  la  solution  susdite  au  sulfate  ou  à 
l'acétatede  cuivre  (2  à  10  centigr.de  sel)  plus  10-20  et  jusqu'à 
50  gouttes  de  la  même  solution  en  lavement,  suivant  l'inten- 
sité du  mal,  et,  sans  désemparer,  mettre  au  contact  du 
corps  le  plus  de  cuivr.e  possible.  En  l'absence  d'appareil  spécial 
ou  d'un  quincaillier  voisin,  pour  y  faire  prendre  des  bande5 
minces  de  ce  métal,  recourir  aux  ustensiles  de  ménage  qui  se 
prêtent  le  mieux  à  l'application,  et,  si  l'action  s'en  fait  atten- 
.  dre,  interposer  une  compresse  d"eau  salée  entre  le  niélal  et  la 
peau(l);  puis  toutes  les  deux  heures  et  même  plus  souvent, 

(1)  Il  importe  que  cette  compresse  soit  mouillée  l'rL'qfuemment;  sèche,  elle 
devient  un  isolant  qui  arrête,  bien  entendu,  tout  effet  du  métal. 


ft  —  30  —  . 

si  le  cas  presse,  renouveler  la  dose  du  sel  de  cuivre.  Si  le 
malade  vomit,  renouveler  immédiatement  la  dose  en  la  faisant 
accompagner  d'un  peu  de  glace;  s'il  évacue,  renouveler  le  la- 
vement. 

Si  les  évacuations  répétées  par  haut  et  par  bas  ne  permettent 
point  l'introduction  du  remède  par  aucune  voie,  ou  même  si, 
celui-ci  ayant  été  gardé,  les  accidents  marchent  vite,  onctions 
sur  tout  le  corps  avec  la  pommade  sus-indiquée,  ou  bien  atta- 
que du  mal  par  le  remède  introduit,  suivant  la  méthode  hypo- 
dermique, avec  la  seringue  de  Pravaz.  Qu'importe,  en  pareil 
cas,  qu'il  y  ait  ou  non  à  la  suite  irritation  locale  par  le  sel  intro- 
duit sous  la  peau? 

Je  suis  sans  expérience  quant  au  bain  au  sulfate  de  cuivre 
dont  j'ai  parlé  plus  haut,  pas  plus  que,  je  l'avoue,  je  n'ai  mis 
en  pratique  ce  dernier  moyen;  mais,  bien  siàr  de  maîtriser  les 
crampes  par  mes  applications  et  par  conséquent  de  rendre  pos- 
sible au  malade  la  position  assise,  je  n'hésiterais  point  aujour- 
d'hui à  le  tenir  plongé  dans  un  bain  ayant  reçu  trois  à  quatre 
litres  de  la  liqueur  de  Bareswill  ou  de  Fehling  (ne  pourrait-on 
aussi  essayer  de  faire  pénétrer  le  spécifique  par  les  voies  res- 
piratoires? M.  le  D"-  Salles-Girons  affirme  que  cela  est  possible). 

Encore  quelques  mots  sur  ce  que  nous  avons  appelé  la  pré- 
servation à  distance,  et  sur  les  moyens  de  l'obtenir  peut-être 
artificiellement  avec  de  larges  feuilles  de  cuivre  mince  dissimu- 
lées au  voisinage  des  personnes  qui  ont  une  vie  sédentaire,  et 
nous  terminions  par  un  appel  chaleureux  à  nos  confrères  d'É- 
gypte,  d'Italie  et  du  midi  de  la  France,  alors  malheureusement 
mieux  placés  que  nous  pour  tenter  des  expériences  sur  le 
nouveau  traitement  et  les  suivre. 

Comment  cet  appel  a-t-il  été  entendu?  quels  sont  les  faits 
nouveaux  qui  se  sont  produits?  c'est  ce  que  nous  dirons  dans 
les  chapitres  qui  vont  suivre. 

• 


II. 


PRÉSERVATION  SPONTANEE 

DES  INDIVIDUS  SOUMIS  PAR  LEUR  PROFESSION 

^.  L'ABSORPTION  CUPRIQUE. 


COMPARAISON  DE  LA  MORTALITÉ  CHOLÉRIQUE 
CHEZ  LES  OUVRIERS  EN  CUIVRE  ET  CHEZ  LES  OUVRIERS  d'iNDUSTRIES 
SIMILAIRES,  SUR  FER,  ZINC,  PLOMR,  MERCURE,  ETC.,  ET  AUTRES. 


Depuis  bientôt  une  année  que  nous  avons  eu  l'honneur  d'a- 
dresser à  l'Académie  notre  dernier  mémoire  sur  l'influence 
préservatrice  et  curative  du  cuivre  dans  le  choléra,  il  s'est  passé 
des  faits,  il  a  été  recueilli  des  documents  d'un  intérêt  considé- 
rable relativement  à  ce  système  métallothérapique  à  l'aide  du- 
quel, dès  l'épidémie  de  18^19,  nous  préludions  si  heureusement 
contre  le  fléau,  sur  les  cholériques  de  l'hôpital  Gochin,  du 
Val-de-Grâce  et  de  l'Hôtel-Dieu. 

Déjà  les  médecins  connaissent  une  partie  de  ces  faits  et  do- 
cuments, par  les  communications  qui  sont  venues  du  midi  de 
la  France  et  de  l'Italie,  sous  la  signature  de  MM.  les  D''  Lisle, 
de  Marseille,  Gallarini,  de  Florence  et  de  Rogatis,  de  Naples, 
et  de  récentes  publications  ont  pu  apprendre  à  nos  confrères 
les  nouveaux  cas  de  guérison  obtenus  à  Paris  avec  les  sels  de 
cuivre  d'abord,  puis  les  exemples  d'immunité  remarquables 
que  nous  avions  rapportés  nous-même  des  villes  de  Toulon, 
de  La  Seyne  et  de  Marseille. 


—  38  — 

Ainsi,  par  exemple,  la  Gazelle  des  Hôpilaux,  du  19  mai,  a 
publié,  entre  autres,  le  fait  suivant  qui  suffirait  à  lui  seul,  s'il 
en  était  besoin,  pour  nous  consoler  de  bien  des  choses  et  qui  a 
été  pour  nous  un  bien  précieux  encouragement. 

«  A  Toulon,  pendant  que  les  maisons  se  fermaient  dans  la 
«  ville,  pendant  que  la  panique  était  partout  et  que  l'émigra- 
«  tion  devenait  générale,  les  ouvriers  en  cuivre  de  l'arsenal, 
«  avertis  de  nos  recherches,  se  sont  consultés,  et  ayant  trouvé 
<(  les  résultats  d'accord  avec  les  souvenirs  qui  leur  étaient 
«  restés  des  épidémies  antérieures,  tous  se  sont  bientôt  rassu- 
«  rés,  pas  un  n'a  fui,  et,  à  la  date  du  5  octobre,  pas  un, 
«  excepté  un  ouvrier  tourneur  que  la  mort  de  son  enfant 
((  avait  jeté  dans  une  profonde  perturbation  et  éloigné  natu- 
«  rellement  de  l'atelier,  n'avait  été  atteint  même  légère- 
«  ment.  » 

Nous  avons  visité  ces  ouvriers,  au  nombre  de  250  à  300,  au 
lendemain  des  plus  mauvais  jours.  Tous  étaient  à  leur  poste; 
le  voisinage  du  précieux  métal  semblait  avoir  doublé  leur  éner- 
gie au  travail,  comme  s'ils  eussent  voulu  s'en  imprégner  da- 
vantage. Témoin  'heureux  de  cette  parfaite  sécurité  que  nous 
devions  retrouver  à  Marseille  et  à  Paris  dans  plus  d'un  atelier, 
nous  nous  sommes  bien  promis  de  ne  point  faillir  à  notre 
tâche,  dussions-nous  n'obtenir  jamais  que  ce  résultat  de  don- 
ner conscience  de  leur  préservation  spontanée  au  plus  petit 
nombre  de  ces  millions  d'ouvriers  qui,  dans  le  vieux  et  le 
nouveau  monde,  travaillent  le  cuivre  sous  une  forme  ou  sous 
une  autre. 

Restent  maintenant  à  connaître  les  dernières  observations 
faites  à  Paris,  concernant  cette  même  immunité  des  ouvriers 
en  cuivre. 

Autorisé  par  M.  le  préfet  de  la  Seine  à  poursuivre  nos  re- 
cherches sur  les  tableaux  nosographiques  de  la  ville,  nous  y 
avons  relevé  avec  le  plus  grand  soin  les  noms  de  tous  les  cho- 
lériques décédés  qui  pouvaient  ressortir  aux  ditférentes  profes- 
sions signalées  par  nous  comme  ayant  joui,  par  rapport  au 
choléra,  d'une  préservation  plus  ou  moins  complète.  Les  ta- 
bleaux consultés  étant  malheureusement  muets  quatre  fois  sur 
cinq  sur  la  spécialité  de  la  profession,  et  d'autre  part  les  indi- 


—  39  — 

calions  y  relatives  qu'on  y  rencontre  n'étant  rien  moins  que 
sùrcs,  une  fois  en  possession  de  ces  noms,  nous  sommes  allé 
taire  à  domicile  une  enquête  sur  chaciue  cas  particulier.  Chemin 
faisant  nous  avons  visité  encore  une  fois  nombre  de  ces  ateliers 
de  toute  sorte  où  les  métaux,  et  surtout  le  cuivre,  sont  mis 
en  œuvre  pour  les  immenses  besoins  de  l'industrie  parisienne. 
Morts  et  vivants,  à  très-peu  d'exceptions  près,  ont  répondu;  et 
aujourd'hui,  après  plusieurs  mois  d'allées  et  de  venues  en  tous 
sens  aux  quatre  points  cardinaux  de  la  ville,  de  recherches 
sans  nombre  aux  sources  officielles  et  privées  (1),  nous  pou- 
vons enfin  dresser  le  bilan  de  la  dernière  épidémie  dans  les 
professions  désignées  ci-dessus. 

Eh  bien,  les  faits  qui  se  sont  passés  à  Paris  en  1865  sont- 
ils  venus  à  nouveau,  comme  à  Toulon,  comme  à  Marseille  et 
comme  en  Italie,  justifier  tout  ce  qui  a  été  écrit  au  sujet  de 
l'immunité  cholérique  des  industries  et  professions  qui  s'exer- 
cent sur  le  cuivre?...  Cette  préservation  spontanée,  que  nous 
affirmions  et  contre  laquelle  nous  avions  défié  quiconque  de 
venir  s'inscrire  en  faux,  s'est-elle  démentie  dans  ces  jours  né- 
fastes que  la  capitale  de  l'Empire  ^  dû  traverser  une  quatrième 
fois,  et  faut-il  faire  notre  deuil  de  ce  que  nous  n'appelions 
encore  que  des  espérances,  dans  une  de  nos  plus  récentes  publi- 
cations?... 

Pour  répondre,  comme  il  convient,  dans  une  pareille  ques- 

(1)  Des  tableaux  nosograpliiques  dressés  plus  utilement  pour  tout  le 
monde,  par  exemple,  suivant  un  projet  de  statistique  mortuaire  que  nous 
avons  adressé  en  1857  au  gouvernement,  après  certaine  expérience  acquise 
dans  la  matière,  auraient  singulièrement  diminué  la  difficulté  de  ces  recher- 
ches. Tels  qu'ils  existent,  ces  tableaux  sont  insuffisants,  aussi  sommes- 
nous  le  seul  qui,  dans  l'espace  de  plus  d'un  quart  de  siècle,  ayons  été 
les  exhumer,  par  deux  fois,  et  à  dix  ans  d'intervalle,  de  la  poussière  de 
leur  tombeau  aux  archives  de  la  ville. 

Cependant,  pour  ne  parler  que  des  choses  de  la  médecine,  dans  les  pro- 
fessions bien  interrogées,  l'on  peut  trouver,  Jenner  l'a  bien  prouvé,  la  solu- 
tion de  questions  de  premier  ordre.  Pourquoi  dès  lors  ue  pas  les  spécifier 
avec  soin  dans  tous  les  actes  de  décès?  Pourquoi  ne  pas  dire,  par  exemple, 
ce  que  X...,  ouvrier  tourneur,  mort  de  telle  maladie,  tournait,  soit  du  fer,  soit 
du  cuivre,  soit  du  bois,  etc.,  ce  que  Z...,  ouvrier  chaudronnier,  chaudron- 
nait,  du  fer  ou  du  cuivre,  au  lieu  d'écrire  simplement  X...,  tourneur,  Z..., 
chaudronnier,  etc.  ? 


-  /|0  - 


t.o  nous  ne  saunons  m.eux  faire  que  d'exposer  avec  quelques 
détails  tous  es  pnncpaux  résultats  et  documents  qui  s'y.  ap! 
portent.  La  Gazelle  des  Hôpitaux  en  a  publié  tout  dernièi-emem 
des  fragments  importants  que  nous  reproduirons,  chemin  fai- 
sant, dans  leur  texte  original,  afin  de  ne  rien  enlever  au  cachet 
qu  a  su  leur  donner  l'honorable  rédacteur  en  chef  de  ce  journal 

de  Parif  '      '"""^  ^         ''"'"'^'"'^  ^"^^^'^ 

1°  MorlalUé  dans  les  professions  qui  s'exercent  sur  le  cuivre  seul 
ou  alite  en  très-forte  proportion  à  un  autre  métal. 

1  i^'i  Inn^:  population  de  Paris  intra  muras,  s'élevait  à 
l,ob7,000  ames. 

Décès  cholériques,  6,176;  moyenne,  environ  3,7  sur  1  000 
Le  nombre  d'ouvriers  de  toute  sorte  qui  respirent  une  atmo- 
sphère p  us  ou  moins  chargée  de  fmes  poussières  àe  cuivre,  soit 
à  1  état  d  oxyde  ou  de  sel  (préservation  du  premier  degré)  soit 
suiiplement  à  l'état  métallique  (préservation  du  deuxième  de- 
gré), mais  de  poussières  de  cuiA^re  seul,  sans  mélange  de  pous- 
sières de  fer,  condition  sine  qua  non,  cela  va  de  soi,  de  la  pré- 
servation, ne  saurait  être  évalué  à  moins  de  30  000  (1)  Si 
nous  ajoutons  à  ces  ouvriers  tous  les  musiciens  de  profession 
c.vils  et  militaires,  dans  les  instruments  de  cuivre,  chez  les- 
quels le  jeu  de  l'instrument,  surtout  lorsqu'il  est  pratiqué  en 
marchant,  fait  refluer  vers  la  bouche  les  liquides  retenus  par 

(1)  Les  documents  officiels  manquent  pour  un  dénombrement  exact  des 

IZ  ^\  •'"^'ï"'^'^'  ^''^      recensements  de  po 

pulation  n'ont  abouti  qu'à  faire  connaître  le  nombre  d'individus  par  caté- 

comme?"";  7"-™-^  -^"^  «'opère  en  ce  m'ome^t^' 
Par  s,  comme  dans  tout  l'Empire,  n'en  dira  pas  davantage.  Il  serait  cepen- 
dant SI  facile  qu'il  en  fût  autrement  !... 

n;r  des  on  /r"r  ^'^'"^'"^  'I"'  volumineux 

fou  "h  ,1  rn-""""''  '•«"««'■g"«">«nts  qui  nous  ont 

ett  fou.n.s  rès-obhgeamment  à  la  préfecture  de  police.  Mais  nous  ne 
pouvons  cert.ner  que  ceci,  c'est  que  nous  avons  fait  de  notre  mieux  po 
nous  rapprocher  le  plus  possible  de  la  vérité.  ^ 


ses  nombreuses  courbures  et  parois,  toujours  plus  ou  moins 
tapissées  au  dedans  de  vert-de-gris,  si  bien  qu'il  n'est  pas  très- 
rare  de  rencontrer  des  coliques  chez  les  exécutants,  nous  arri- 
verons à  un  total  de  32  à  33,000  individus  pour  les  diverses 
catégories  de  professions  sur  le  cuivre,  que  nous  avons  dit 
jouir  de  l'immunité  cholérique,  immunité,  répétons-le  encore, 
toujours  proportionnelle  au  degré  d'absorption  cuprique. 

Sont  morts  du  choléra,  défalcation  faite  des  non-valeurs  por- 
tées siir  les  tableaux  nosographiques  pour  fausses  indications, 
interruption  ou  cessation  de  la  profession,  pour,  insuffisance 
ou  nullité  dans  le  mode  de  préservation,  pour  mélange  des 
deux  métaux,  cuivre  et  fer,  dans  les  poussières  de  l'atelier, 
10  individus  en  tout,  dont  2  jeunes  apprentis,  l'un  dans  l'op- 
tique, et  l'autre  dans  la  ciselure  sur  ornement.  Sur  les  8  qui 
restent,  2  seulement,  1  ciseleur  et  1  tourneur,  étaient  dans  de 
bonnes  conditions;  encore  même  ce  dernier,  du  nom  de  Julien, 
travaillait-il  près  d'une  fenêtre  toujours  ouverte. 

Un  troisième  ciseleur,  qui  cumulait  sa  profession  avec  celle 
de  figurant  dans  un  théâtre,  en  prenait  un  peu  trop  à  son  aise 
dans  l'atelier  où  il  travaillait  pour  faire  exception  bien  sérieuse. 

3  autres,  2  tourneurs  et  1  ciseleur,  étaient  aussi,  surtout  les 
deux  premiers,  dans  de  bonnes  conditions  de  préservation 
quant  à  la  profession;  mais  ils  en  avaient  singulièrement 
compromis  les  bénéfices  d'immunité,  l'un  par  des  excès, 
habituels,  l'autre  par  une  mauvaise  alimentation,  couronnée 
par  un  fait  de  haute  imprudence  équivalant  presque  à  un  em- 
poisonnement, et  le  troisième  par  une  médication  intempestive 
qui  était  venue  compliquer  de  ses  effets  une  mauvaise  santé 
habituelle. 

Enfin  2  derniers,  1  fondeur  fondant  et  1  polisseur,  surtout 
au  gras  avec  huile,  poudre  d'émeri  et  terre  pourrie,  placés 
par  leur  travail  tout  en  bas  de  l'échelle  de  préservation,  et  qui, 
de  plus,  vivaient  l'un  et  l'autre  en  lutte  perpétuelle  avec  les 
lois  de  l'hygiène. 

Mais  ne  tenons  aucun  compte,  si  l'on  veut,  des  circonstances 
qui  ont  atténué  tout  au  moins  les  effets  du  métal  chez  les  six 
derniers,  et  bornons-nous  à  retrancher  les  deux  apprentis,  dont 
les  droits  à  la  préservation  étaient,  en  tout  cas,  de  date  trop 


—  /,2  - 

récente,  le  plus  âgé  ayant  à  peine  dépassé  (|uatorze  ans,  pour 
pouvoir  compter  avec  les  autres. 

Restent  au  compte  des  diflerentes  professions  sur  le  cuivre 
ou  ses  alliages,  le  bronze  et  le  laiton,  y  compris  (ous  les  musi- 
ciens en  titre  dans  les  instruments  de  cuivre  : 

8  décès!!  Moyenne  de  la  mortalité  cholérique,  environ  1  sur 
4,000.  (Voir  plus  loin  pour  les  détails.) 

2°  MortaUté  dans  les  professions  sur  métaux  où  le  cuivre  n'occupe 
plus  qu'une  faible  place  [bijouterie  et  orfèvrerie  fine),  où  ce 
métal  tend  a  disparaître  {horlogerie),  et  où  il  disparaît  com- 
plètement (dorure)  : 

Environ  12,000  bijoutiers  et  orfèvres  en  fin  ont  eu  9  décès; 
moyenne,  1  sur  1,340. 

4,000  horlogers  en  ont  eu  9;  moyenne,  1  sur  680. 

800  fondeurs  en  caractères  en  ont  eu  2;  moyenne,  1  sur  400, 

3,500  doreurs  et  doreuses  en  ont  eu  11;  moyenne  1  sur 
320. 

On  voit  qu'au  fur  et  à  mesure  que  le  cuivre  tend  à  dispa- 
raître de  la  profession,  la  mortalité  augmente;  du  moment  où 
l'ouvrier  n'absorbe  plus  de  métal  préservateur,  elle  redevient 
normale. 

3°  Mortalité  dans  les  professions  similaires  surfer,  zinc,  étain, 
2)lomb,  mercure,  bois,  verre  et  marbre. 

Tandis  que  20  à  21,000  ouvriers  en  cuivre,  classés  plus  loin 
sous  la  préservation  du  premier  ou  deuxième  degré,  cMudron- 
niers,  estampeurs,  opticiens,  monteurs,  tourneurs,  fabricants 
d'instruments  de  musique,  lampistes,  balanciers,  orfèvres  et  bi- 
joutiers en  faux,  ne  présentaient  ensemble  que  trois  décès  (trois 
tourneurs),  dont  deux  survenus  dans  les  circonstances  de  mau- 
vaise hygiène  et  d'imprudence  capitale  que  nous  venons  de 
dire,  et  sur  lesquelles  on  trouvera  plus  loin  quelques  rensei- 
gnements ; 

27  à  28,000  chaudronniers  en  fer,  forgerons,  serruriers,  mé- 


-  ^,3  - 

caniciens,  ajusteurs  et  tourneurs  en  fer,  ferblantiers,  fondeurs 
en  fer,  polisseurs  d'acier  et  graveurs  sur  matrices  d'acier  (von-, 
encore  aux  détails  de  l'enquête),  en  avaient  119;  moyenne, 
presque  4  1/3  sur  1,000. 

Environ  6,000  zingueurs  ou  repousseurs  dans  le  zmc,  chau- 
dronniers étameurs  ambulants  ou  en  boutique,  plombiers, 
miroitiers,  tourneurs  sur  bois,  os,  ivoire  et  jais,  opticiens  sur 
verre,  tourneurs  et  graveurs  sur  verre  ou  cristaux,  polisseurs 
et  polisseuses  de  marbre  en  avaient  kl  ;  moyenne,  7  sur  1,000, 
■  ou  1  sur  Iho. 

Enfin,  tandis  que  les  musiciens  dans  les  instruments  de  cui- 
vre (impossible  de  fournir  ici  aucun  chiffre,  même  approxima- 
tif) avaient  0  décès,  les  tableaux  nosographiques  en  portaient  9 
au  compte  d'autres  musiciens. 

h°  Mortalité  dans  les  professions  prétendues  respectées 
par  le  vulgaire. 

Un  certain  nombre  de  professions  ont  passé  et  passent  encore, 
aux  yeux  de  beaucoup  de  gens,  pour  avoir  joui  par  rapport  au 
choléra  d'une  immunité  toute  spéciale.  Plus  d'une  fois  il  nous 
est  arrivé  de  voir  même  des  confrères  nous  opposer  la  préser- 
vation des  ouvriers  qui  exercent  leur  industrie  sur  des  produits 
animaux. 

Aux  auteurs,  plus  ou  moins  anonymes,  de  ces  assertions,  nous 
avons  déjà  répondu  :  «  En  1832,  les  tanneurs,  les  corroyeurs, 
les  mégissiers,  les  hongroyeurs  et  les  chamoiseurs  ont  eu  en- 
semble 72  morts,  dont  seulement  20  femmes  et  enfants.  [Rap- 
port de  la  commission  du  choléra.)  Les  vidangeurs  et  les  égou- 
tiers,  plus  souvent  encore  cités  comme  ayant  été  absolument 
préservés,  ont  eu,  d'après  le  même  rapport,  ensemble  11 
morts.  » 

,  En  1865,  ces  ouvriers  ont-ils  été  plus  heureux?  Pas  plus  que 
ceux  des  usines  à  gaz,  dont  on  avait  encore  vanté  si  haut  l'im- 
munité. •  " 
En  effet,  5,000  ou  6,000  ouvriers  dans  l'industrie  des  cuirs 
et  peaux  tannés  ont  eu,  dans  le  département  de  la  Seine,  21 
décès. 


-  w  - 

1,000  vidangeurs  ou  éi;outiers  en  ont  eu  /|. 

Et  2,500  ouvriers  dans  les  usines  à  gaz  en  ont  eu  10- 
moyenne,  k  sur  1,000,  plus  275  malades,  dont  70  pour  cliolé- 
rines  graves. 

Ces  derniers  chiffres,  extraits  d'un  travail  remarquable  exé- 
cuté dans  les  bureaux  de  la  Compagnie  Parisienne  par  M.  Sage, 
suffisent  à  expliquer  pourquoi,  l'épidémie  passée,  on  n'entendit 
presque  plus  parler  dans  le  choléra  de  cet  acide  phénique, 
prôné  auparavant  presque  à  l'égal  d'un  spécifique... 

Les  parfumeurs  font  seuls  un  peu  exception. 

1,700  n'ont  eu  que  2  décès...  Déjà  en  1832  ils  n'en  avaient 
eu  que  6 !... 

Ah  !  ici  il  y  a  peut-être  quelque  chose,  surtout  si,  comme 
cela  nous  a  été  affirmé  dans  plusieurs  maisons,  les  malades  ont 
été  en  aussi  petit  nombre. 

La  préservation  a-t-elle  été  le  fait  de  quelque  parfum  en  par- 
ticulier? Mais  alors  quel  est-il?  Comment  le  reconnaître  au 
milieu  de  tous  les  autres  ?  Ou  bien  a-t-elle  été  seulement  la 
conséquence  de  la  saturation  de  l'atmosphère  en  masse,  par 
ces  huiles  essentielles  dont  les  odeurs  pénétrantes  atteignent  les 
passants  dans  la  rue  jusqu'à  une  assez  grande  distance,  satu- 
ration à  ce  point  que  le  miasme  cholérique  n'aurait  plus  trouvé 
à  s'y  faire  place?,..  Si  cette  dernière  hypothèse  était  la  vraie, 
on  s'expliquerait  alors,  jusqu'à  certain  point,  pourquoi  Mont- 
faucon,  Clichy-la-Garenne  et  autres  endroits  infects,  ont  joui, 
en  1832  notamment,  d'une  préservation  très-marquée,  et  le 
camphre  et  le  chlore  n'auraient  peut-être  plus  autant  besoin 
de  leur  antisepticité  pour  justifier  la  faveur  dont  ils  jouissent. 

Malades.  —  Appelé,  par  les  nécessités  nouvelles  de  notre  en- 
quête à  domicile,  dans  tous  les  quartiers  occupés  par  l'indus- 
trie parisienne,  nous  en  avons  profité  pour  visiter  nombre  d'ate- 
liers ouverts  à  la  chaudronnerie,  à  la  fabrication  des  bronzes, 
des  instruments  de  musique,  d'optique,  etc.,  etc.  C'est  à  l'atelier 
surtout,  dans  les  registres  ouverts  à  la  maladie  ou  au  chômage 
qui  en  résulte,  bien  plus  encore,  s'il  se  peut,  que  dans  les  ta- 
bleaux de  la  mortalité,  que  la  préservation  se  trouve  marquée. 
La  cholérine  étant  prise  pour  base  d'appréciation,  au  lieu  du 


—  /i5  — 

choléra  seulement,  qui  s^est  terminé  par  la  mort,  on  est  alors 
en  présence  de  chiffres  bien  autrement  significatifs,  ceux  des 
immunités  observées. 

L'on  est  frappé  d'une  chose,  c'est  de  voir  les  ouvriers  de  cer- 
taines professions,  telles  que,  par  exemple,  la  ciselure,  qui, 
exercée  isolément  en  chambre  ou  dans  un  petit  atelier,  ne  donne 
droit  qu'à  une  préservation  relative,  à  cause  de  la  faible  quan- 
tité de  métal  détaché  par  le  burin  et  de  sa  forme  la  plus  ordi- 
naire en  petits  éclats,  y  jouir  de  l'immunité  commune,  lorsque 
à  leur  voisinage  sont  d'autres  ouvriers  qui  jettent  autour  d'eux 
des  poussières  de  cuivre  plus  fines  et  en  plus  grande  abon- 
dance. Ainsi,  dans  les  fabriques  d'instruments  de. musique  en 
cuivre,  chez  M.  Gautrot,  au  Marais,  qui  n'occupe  pas  moins  de 
300  ouvriers,  chez  M.  Lecomte,  son  voisin,  qui  ri'en  a  pas 
moins  d'une  centaine,  chez  M.  A.  Say,  etc.,  etc.,  les  simples 
découpeurs  ont  été  aussi  parfaitement  préservés  que  les  tour- 
neurs et  les  polisseurs... 

Ainsi  dans  l'optique  pas  un  malade  dans  les  maisons  Breguet, 
Secrelan,  Bardou,  Lorieux,  Darlot,  etc.,  parmi  les  ouvriers  de 
toutes  les  catégories...,  etc. 

L'intérêt  particulier  qui  se  rattachait  à  la  chaudronnerie  en 
cuivre,  à  laquelle,  trompé  nous-même  par  les  documents  offi- 
ciels (1),  nous  n'avions  point  encore  donné  la  place  qui  lui 
revient  dans  l'échelle  de  préservation,  nous  a  amené  à  visiter 
tous  les  établissements  en  ce  genre  qui,  à  Paris,  ont  quelque 
importance,  et  là  comme  à  Toulon,  comme  à  Marseille,  pré- 
servation constante  :  3  ouvriers  malades  seulement  en  1865, 
dont  1,  le  plus  gravement  atteint,  ne  s'est  absenté  que  cinq  jours. 

Le  nombre  des  malades  rencontrés  (nous  ne  disons  pas  qu'il 
n'y  en  ait  point  eu  d'autres)  s'élève  à  U  en  tout,  savoir  : 
2  dans  la  chaudronnerie,  k  dans  les  bronzes,  1  dans  les  instru- 
ments de  musique ,  3  dans  les  ateliers  du  chemin  de  fer  de 

(1)  Les  tableaux  nosograpliiques  portent,  pour  l'épidémie  de  1865, 14  morts 
au  compte  de  la  chaudronnerie,  dont  1  seul  avec  la  désignation  de  la  spé- 
cialité de  sa  profession  {étameur);  13  morts  restent  donc  comme  pour  attes- 
ter que  le  travail  du  cuivre,  dont  l'idée  semble  inséparable  de  la  qualifica- 
tion de  chaudronnier,  est  loin  d'avoir  été  favorable  aux  ouvriers  de  cette 
.profession. 


-  /,6  — 

Lyon,  3  dans  la  maison  Cliristone,  1-  clans  les  articles  de  bâti- 
ment... 

Dans  deux  cas  seulement,  chez  un  fondeur  fondant  et  chez 
un  ciseleur  de  la  maison  Barbedienne,  la  maladie  paraît  avoir  eu 
une  certaine  gravité...  Partout  ailleurs  elle  a  été  de  courte  du- 
rée... La  société  du  Bon  Accord,  entre  autres,  qui  compte 
environ  m  membres,  tous  monteurs,  tourneurs,  ciseleurs 
sur  bronze ,  travaillant  toujours  en  certain  nombre  dans  un 
même  atelier,  ce  qui  est  essentiellement  favorable  à  la  préser- 
vation, n'a  subi  en  tout  que  IZ,  journées  de  chômage.  La  grande 
usine  électro-métallurgique  d'Auteuil  n'a  point  eu  un  seul  ma- 
lade, tandis  que  sont  morts  2  hommes  au  service  particulier  de 
M.  Oudry,  le  directeur  propriétaire  de  l'usine...  Frappé  de  ces 
faits  et  de  bien  d'autres,  cet  éminent  industriel  nous  écrivait, 
à  la  date  du  6  février  :  «  Plus  que  jamais  je  crois  à  l'efficacité 
du  cuivre  et  de  ses  dérivés  comme  un  préservatif  assuré  contre 
l'affection  cholérique.  » 
Donnons  maintenant  la  parole  à  la  Gazette  des  Hôpitaux  : 

1°  Immunité  acquise  par  les  ouvriers  en  cuivre 
par  rapport  au  choléra. 

1°   lîNQUÊTE  FAITE  EN  ITALIE  ET   DANS  LE  MIDI  DE  LA  FRANCE. 

^  Nous  avons  annoncé  que  nous  publierions  les  résultats  de 
l'enquête  qui  a  été  faite  sur  l'immunité  des  ouvriers  en  cuivre, 
pendant  la  dernière  épidémie  de  choléra,  en  Italie  et  dans  le 
midi  de  la  France.  Voici,  d'après  les  notes  qui  nous  sont  com- 
muniquées par  M.  le  docteur  Burq,  les  faits  qui  ont  été  con- 
statés en  Italie  par  MM.  les  docteurs  Alfonso  de  Rogatis,  de 
Naples;  Gallarini,  de  Florence;  Capraris,  d'Atripalda!  etc.,  et 
dans  les  départements  du  Midi,  à  Marseille,  à  Toulon  et  à  La 
Seyne,  par  lui-môme. 

Après  la  publication  du  travail  communiqué  par  M.  Burq  à 
l'Académie  des  sciences  (voir  Gazelle  des  Hôpitaux,  août  1865), 
M.  le  docteur  Alfonso  de  Rogatis  s'est  fait  un  devoir  de  répéter 
les  recherches  de  notre  confrère,  récemment  confirmées  dans 


-  kl  — 

leurs  résultats  par  M.  le  docteur  Gallarini,  de  Florence.  Il  a  fait, 
en  conséquence,  une  enquête  sur  les  ouvriers  en  cuivre  de  la 
ville  de  Naplcs  et  de  diverses  autres  villes  de  l'Italie  méridio- 
nale. Ce  sont  les  résultats  de  cette  enquête  qu'il  expose  dans 
les  lignes  suivantes  : 

Florence.  —  Cette  ville  compte  32  établissements  où  l'on 
travaille  le  cuivre  pour  les  besoins  de  l'industrie,  ou  les  usages 
domestiques.  Dans  les  deûx  épidémies  de  1836  et  185Zi,  aucun 
cas  de  choléra  ne  s'est  produit  ni  parmi  les  ouvriers,  ni  parmi 
les  patrons  de  ces  établissements. 

On  m'a  assuré  que  semblable  préservation  avait  été  obser- 
vée à  Palerme.  (Signé  :  D--  Gallarini.) 

Naples.  —  Dans  les  deux  épidémies  sont  morts  seulement,  à 
Naples,  2  hommes  qui  travaillaient  dans  le  cuivre,  dont  un  déjà 
malade  depuis  plusieurs  années,  plus  2  marchands  de  ce  métal, 
l'un  et  l'autre  d'une  intempérance  notoire. 

A  l'hôtel  des  monnaies,  qui  compte  environ  ZjOO  ouvriers, 
pas  un  seul  homme  n'a  été  atteint.  (D--  de  Rogatis.) 

Rivello.  —  Population  de  ^,457  âmes,  sur  laquelle  la  moitié 
au  moins  s'occupe  à  des  travaux  de  cuivrerie.  Pour  cette  in- 
dustrie, plus  de  20  dépôts  de  cuivre  sont  dans  la  ville.  Dans  une 
localité  à  petite  distance  de  Rivello  sont  en  outre  2  fonderies 
de  cuivre  qui  comptent  chacune  de  15  à  20  ouvriers. 

Dans  les  deux  épidémies  le  fléau  a  exercé  de  grands  ravages 
dans  les  lieux  circonvoisins,  tandis  qu'à  Rivello  et  dans  la  sus- 
dite, localité,  il  n'y  a  point  eu  un  seul  mort.  (Le  syndic  de  la 
ville,  F.  Pecorelli.)  • 

Agnone.  —  Une  seule  fois  cette  ville  a  été  frappée  par  le 
choléra.  Elle  comptait  alors  10,000  habitants,  dont  150  environ 
ouvriers  en  cuivre,  disséminés  dans  diverses  parties  de  la  ville. 
Furent  attaqués  :  1,000  habitants,  sur  lesquels  300  moururent. 
Parmi  ces  derniers  se  trouvait  un  seul  ouvrier  en  cuivre,  lequel 
fut  atteint  au  refour  d'Isernie,  où  il  était  resté  quelque  temps 
sans  exercer  sa  profession.  (Le  syndic,  J.  Bonavolta.) 

Maratea.  —  Patrie  de  milliers  d'ouvriers  chaudronniers  qui 
sont  disséminés  dans  toute  l'Europe.  Peu  restent  dans  la  ville; 
mais  parmi  ceux-ci  aucune  victime  du  choléra  qui  y  a  éclaté  en 
1855  et  a  fait  50  victimes. 


-  Z,8  — 

Alripalda.  —  Peu  do,  victimes,  mais  parmi  elles  pas  un  ou- 
vrier en  cuivre.  (D--  Capraris.) 

Gava  dei  Tireni  (province  de  Salerne).  —  Fisciano  et  la  vallée 
de  San-Severino  Mercalo  comptent  beaucoup  d'ouvriers  en 
cuivre.  Tous  ont  été  respectés.  (Le  syndic,  J.  Genoino.) 

Sorrente.  —  Quelques  ateliers  seulement  où  le  cuivre  est 
travaillé  pour  l'usage  domestique.  Tous  les  ouvriers  en  cuivre 
ont  été  respectés,  etc. 

«  Mes  recherches,  dit  M.  le  docteur  de  Rogatis,  ne  pouvaient 
donner  un  meilleur  résultat.  Mais,  chose  remarquable,  outre  les 
ouvriers  en  cuivre,  il  semble  qu'un  autre  ordre  de  personnes 
jouissent  aussi  de  la  même  préservation  spontanée.  Ce  seraient 
les  habitants  de  la  rue,  de  la  localité,  et  même  de  la  cité  où  il 
y  a  beaucoup  d'industries  sur  le  cuivre  ou  de  dépôts  de  ce  mél 
tal.  Ainsi,  par  exemple,  dans  la  rue  Gatalana,  à  Naples,  rue 
malpropre  et  habitée  par  beaucoup  de  bas  peuple,  mais  où  le 
cuivre  est  presque  dans  chaque  maison  travaillé  ou  mis  en  dé- 
pôt, il  n'y  eut  aucun  cas  de  choléra  dans  l'épidémie  de  1855, 
et  cependant  la  seule  paroisse  d'Incoronatella,  au  centre  de  la- 
quelle est  située  cette  rue,  compta  221  décès. 

«  A  Rivello,  dont  la  moitié  de  la  population  est  occupée  à 
des  travaux  sur  le  cuivre,  et  où  il  y  a  plus  de  20  dépôts  de  ce' 
métal,  et  2  fonderies  à  petite  distance,  le  choléra,  je  l'ai  dit, 
n'a  point  pénétré,  tandis  qu'il  a  exercé  tout  alentour  de  grands 
ravages. 

u  Atripalda,  cité  éminemment  manufacturière  en  cuivre,  a 
offert  le  même  genre  de  préservation.  » 

A  propos  de  cette  préservation,  qu'il  a  appelée  «  à  distance  » 
dans  une  note  récente  à  l'Académie  des  sciences,  M.  Burq  nous 
rappelle  qu'en  1853  il  avait  déjà  signalé  la  préservation  des 
habitants  comme  des  ouvriers  sur  les  mines  de  cuivre  de 
Fahlun  et  Linkeping  en  Suède  (communication  de  M.  le  pro- 
fesseur Huss,  de  Stockholm);  l'immunité  presque  complète  de 
la  ville  de  Birmingham,  où  se  fait,  pour  la  plus  grande  part,  la 
chaudronnerie  en  cuivre  et  la  quincaillerie  de  toute  l'Angle- 
terre; la  préservation  relative,  mais  très-marquée,  d'après  les 
statistiques  mêmes- de  la  commission  du  choléra  de  1832,  de  di- 
vers quartiers  du  vieux  Paris  d'une  insalubrité  notoire,  tels  que 


—  Zi9  — 

la  rue  de  Lape,  faubourg  Saint-Antoine,  et  le  quartier  Saint- 
Martin-des-Chanips,  mais  où  en  revanche  se  trouvent  en  dépôt, 
ou  bien  appliquées  à  des  travaux  d'une  variété  infinie,  d'énor- 
mes quantités  de  métaux,  parmi  lesquels  le  cuivre  occupe  une 
très-grande  place. 

Enquête  à  Toulon,  La  Seijne  et  Marseille.  —  Ici  nous  laissons 
parler  M.  Burq  lui-même.  «  A  Toulon,  comme  à  La  Seyne  et  à 
Marseille,  dont  j'ai  pris  soin  de  visiter  jusqu'aux  plus  petits 
ateliers  sur  métaux,  tous  les  ouvriers  en  cuivre,  tous,  à  trois 
exceptions  près  pour  les  trois  villes  réunies,  ont  été  respectés 
par  le  fléau,  à  ce  point  que  les  livres  de  secours  de  l'arsena 
et  de  tous  les  grands  établissements,  tels  que  celui  des  forges 
et  chantiers  de  la  Méditerranée,  celui  des  Messageries  impériales, 
les  maisons  de  MM.  Pons-Peyruc,  de  M.  Frayssinet,  etc.,  etc., 
sont  à  peu  près  muets  sur  les  journées  de  maladie  de  ces  ou- 
•  vriers. 

Les  trois  exceptions  ont  porté  :  à  Toulon,  sur  1  tourneur  en 
cuivre  de  l'arsenal ,  que  la  mort  de  son  enfant  avait  jeté  dans 
le  plus  profond  abattement,  et  avait  naturellement  un  peu  éloi- 
gné de  l'atelier;  et  à  Marseille,  sur  2  tourneurs  de  la  compa- 
gnie des  forges  et  chantiers,  dont  1  atteint,  depuis  plusieurs 
années,  d'une  maladie  de  vessie,  et  le  deuxième,  qui  s'était 
fait  remarquer  par  des  soins  extrêmes  de  propreté,  pris  le  di- 
manche, hors  de  l'influence  de  l'ateHer. 

En  outre,  à  Toulon,  il  s'est  passé  ce  fait  considérable...  Suit 
l'exposition  des  résultats  si  encourageants  rapportés  plus  haut, 
concernant  les  effets  moraux  de  nos  recherches  sur  les  ouvriers 
en  cuivre  de  l'arsenal. 

Résumé  de  V enquête.  —  Toulon.  —  Outre  l'arsenal ,  il  y  a  à 
Toulon  un  établissement  de  construction  d'appareils  à  distiller; 
deux  ateliers  de  fondeurs-tourneurs  et  une  fonderie  de  ro- 
binets, comprenant  en  tout  k^Q  ouvriers,  environ,  qui  ne 
travaillent  que  le  cuivre,  et  dans  cette  effroyable  épidémie 
qui  a  enlevé  jusqu'à  90  personnes  en  un  seul  jour,  sur  une 
population  réduite  à  30  ou  35,000  âmes,  1  seul,  du  nom  de 
GÎaise,  est  mort,  et,  hors  lui,  pas  un  autre  n'avait  été  un  peu 
sérieusement  malade,  à  la  date  du  5  octobre,  jour  où  j'ai  quitté 
la  ville!... 


-  50  — 

M.  Guiset,  chef  ouvrier,  irès-ancien  à  l'arsenal,  ainsi  que 
plusieurs  autres  ouvriers ,  m'ont  affirmé  ,  en  présence  de 
M.  Brun,  ingénieur,  qui  m'accompagnait,  qu'en  1835,  18/|9 
et  1854,  la  même  immunité  avait  été  observée  parmi  les  ou- 
vriers en  cuivre. 

La  Seyne.  —  La  compagnie  des  forges  et  chantiers  occupe 
à  La  Seyne  environ  4,000  ouvriers,  sur  lesquels  de  5  à  600 
travaillent  exclusivement  le  cuivre.  Lorsque  l'épidémie  a  édaté, 
l'émigration  s'est  faite  tout  de  suite  sur  une  très-grande  échelle. 
Parmi  les  ouvriers  en  cuivre  qui  sont  restés,  et  qui  étaient, 
comme  les  autres,  en  bien  petit  nombre,  il  n'y  a  eu  ni  moi'ts 
ni  malades. 

Marseille.  —  A  Marseille,  la  même  compagnie  possède  deux 
grands  établissements,  l'un  à  Menpendy  et  l'autre  à  Areng,  dans 
lesquels  200  ouvriers,  environ,  de  la  catégorie  des  préservés. 

Sur  ce  nombre,  2  sont  morts  :  les  2  tourneurs  que  j'ai  cités 
plus  haut.  Ces  tourneurs  travaillaient  à  la  machine,  ne  tour- 
naient, par  conséquent,  que  de  grosses  pièces,  et  ne  se  ser- 
vaient jamais  de  la  lime  ni  du  papier  de  verre. 

Parmi  les  chaudronniers,  très-nombreux,  pas  un  malade. 
M.  Brussel,  contre-maîire  de  ces  derniers,  était,  en  185/j,  dans 
un  grand  atelier  de  chaudronnerie  en  cuivre  ;  sur  80  ouvriers, 
ni  mort  ni  malade  :  le  fait  fut  remarquée  En  185/|,  où  l'épidé- 
mie fut  autrement  cruelle,  il  y  eut  3,015  morts,  la  même  com- 
pagnie n'a  perdu  qu'un  seul  ouvrier  en  cuivre  :  c'était  un 
ivrogne  incorrigible.  A  La  Giotat,  aux  messageries  impériales, 
sur  300  ouvriers,  il  est  mort  1  modeleur,  1  forgeron,  1  chau- 
dronnier en  fer  et  le  concierge.  Parmi  les  ouvriers  en  cuivre, 
pas  même  de  malade. 

Après  ces  grands  établissements  de  construction  de  machines, 
j'ai  visité  ceux  de  MM.  Frayssinet  etC'«,  150  ouvriers;  de  M.  Va- 
léry, 130  ouvriers;  de  MM.  Bizard  et  Labarre,  60  ouvriers. 
Girard,  70  ouvriers,  Prudhon,  70  ouvriei-s,  Fiuel,  35  ouvriers, 
Gbavassieux,  20  ouvriers,  Fournet,  20  ouvriei-s;  plusieurs  ou- 
vriers en  fer  sont  morts,  et  pas  un  seul  ouvriei'  en  cuivre  n'a 
même  été  malade. 

Marseille  possède  en  outre  nombre  d'établissements  où  Ton 
ne  travaille  que  le  cuivre. 


—  51  — 

Tous  onX  été  successivement  visités  ;  savoir  : 

6  dans  la  chaudronnerie  et  la  fabrication  de  tubes  en  cuivre  ; 
h  dans  la  robineterie,  la  tournerie  et  la  facture  d'instruments 

de  musique  ; 

7  dans  la  fonderie  de  cuivre  et  bronze.  ^ 
Ensemble,  300  patrons  et  ouvriers. 

Sur  ce  nombre,  aucun  n'est  mort;  un  seul  a  été  un  peu  ma- 
lade au  commencement  de  l'épidémie.  Ceux  qui  sont  vieux  dans 
le  métier,  et  entre  autres  MM.  Menudet  père  et  Daniel,  témoins 
des  différentes  épidémies  de  choléra  qui  ont  régné  à  Marseille, 
attestent  Timmunité  de  leurs  ouvriers. 

A  côté  de  cette  immunité,  M.  Albert  Girard,  fils  de  l'honora- 
ble médecin  de  ce  nom,  à  Marseille,  m'écrivait,  à  la  date  du 
17  octobre,  «que,  dans  une  seule  usine  où  travaillaient  100  ou- 
vriers dans  le  plomb,  h  étaient  morts  du  choléra  1  »      V.  B. 

—  Si  les  faits  qui  ressortent  de  cette  double  enquête  ne  sont 
pas  de  nature  à  paraître  décisifs  et  à  entraîner  toutes  les  convic- 
tions, tant  les  questions  de  ce  genre  sont  obscures  et  difficiles 
à  résoudre,  on  conviendra  du  moins  qu'ils  méritent  d'être  pris 
en  considération,  et  d'être  soumis  à  un  examen  et  à  un  con- 
trôle sérieux. 

{Gazette  des  Hôpitaux],  samedi  49  mai  1866.) 

2"  ENQUÊTE  SUA  T.'ÉPIDÉMIE  DE  PARIS  DE  1865. 

Pénétré  de  l'utilité  de  provoquer  un  examen  sérieux  du  fait 
annoncé  dès  1852  par  M.  Burq,  et  étudié  depuis  par  lui  avec 
tant  de  persévérance,  et,  il  faut  bien  dire  le  mot,  tant  de  dé- 
vouement, nous  avons  cru  devoir  exposer  les  résultats  princi- 
paux qui  sont  ressorlis  des  enquêtes  faites  en  Italie  et  dans 
quehiues  villes  du  midi  de  la  France,  pendant  la  dernière 
épidémie,  dans  le  but  de  démontrer  l'influence  préservatrice 
du  cuivre  par  rapport  au  choléra.  Nous  continuons  aujourd'hui 
cette  exposition  en.  mettant  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  un 
résumé  de  l'enquête  beaucoup  plus  vaste  que  M.  Burq  vient 
de  faire  à  Paris  même,  à  la  suite  de  la  dernière  épidémie,  et 
qui  porte  parallèlement  sur  deux  catégories  d'ouvriers,  sur  les 


ouvriers  en  cuivre  et  sur  ceux  qui  travaillent  dans  des  in- 
dustries similaires  sur  fer,  zinc,  plomb,  bois,  etc. 

Avant  d'exposer  ces  résultats,  il  importe  de  bien  préciser  les 
termes  de  la  question  et  de  bien  établir  les  conditions  aux- 
quelles, suivant  M.  Burq,  a  lieu  l'immunité. 

^  La  seule  qualification  d'ouvrier  en  cuivre,  ou  le  fait  seul 
d'être  attaché  à  un  atelier  ou  à  une  usine  où  l'on  travaille  ce 
métal,  ne  suffit  pas  pour  constituer  quand  même  celle  im- 
munité. Il  est  clair,  par  exemple,  que  les  individus  qui  ne 
remplissent  dans  ces  établissements  que  les  fonctions  d'homme 
de  peine,  et  qui  restent  étrangers  aux  diverses  manipulations 
du  cuivre,  sont  en  dehors  des  conditions  d'immunité.  11  en  est 
de  même  pour  certaines  catégories  d'ouvriers,  comme  ceux  qui 
ne  font  que  découper  le  cuivre,  par  exemple. 

Les  ouvriers  en  cuivre  qui,  d'après  M.  Burq,  jouissent  géné- 
ralement du  bénéfice  de  l'immunité  ou  de  la  préservation 
cholérique,  sauf  de  rares  exceptions,  sont  ceux  qui,  par  la  na- 
ture de  leur  travail,  se  trouvent  soumis  à  une  absorption  per- 
manente du  cuivre  réduit  en  poussière  très-ténue. 

II  classe,  sous  ce  rapport,  en  première  ligne  :  toutes  les  in- 
dustries qui  dégagent  dans  l'atmosphère  des  poussières  d'oxyde 
ou  de  sels  solubles,  ou  tout  au  moins  susceptibles  de  le  de- 
venir une  fois  en  présence  de  l'organisme,  la  fabrication  du 
verdet  ou  vert-de-gris,  l'exploitation  des  mines  de  cuivre,  la 
chaudronnerie  au  marteau,  la  fabrique  des  casques  pour 
l'armée,  de  l'orfèvrerie  en  plaqué  et  généralement  de  tous  les 
articles  qui,  pour  leur  emboutissage  ou  estampage,  nécessitent 
de  fréquentes  recuites  du  métal.  (Préservation  du  l*""  degré.) 

En  deuxième  ligne,  toutes  les  industries  qui  donnent  lieu  à 
un  simple  dégagement  de  poussières  métalliques,  mais  de  pous- 
sières assez  ténues  pour  être  transformables  par  les  liquides 
de  l'organisme  en  oxyde,  ou  sels  solubles,  seule  condition  où  le 
métal  puisse  produire  un  effet  quelconque  (1)  ;  d'abord  l'opti- 

(1)  En  1854,  procédant  de  concert  avec  M.  le  D"-  Ducom,  pharma- 
cien en  chef  de  l'hôpital  Larihoisière,  à  des  expériences  sur  les  animaux, 
à  l'effet  de  voir  à  quelle  dose  le  métal  très-divisé  devenait  toxique,  nous 
avons  pu  donner  impunément,  plusieurs  jours  de  suite,  à  un  chien  de 


—  53  — 


que,  comprenant  aussi  les  instruments  de  précision,  la  facture 
des  instruments  de  musique  en  cuivre ,  la  balancerie,  les 
bronzes,  les  appareils  i\  gaz,  la  grande  orfèvrerie  et  bijouterie 
fausse;  puis,  environ  au  milieu  de  l'échelle,  la  fonderie,  in- 
dustrie mixte ,  où  se  trouvent  à  la  fois  poussières  métalliques 
et  poussières  d'oxyde  (1)  dont  les  ouvriers  sont  surtout  ap- 
pelés à  bénéficier,  et  plus  bas  encore  toute  la  grosse  mécas 
nique. 

Dans  ces  diverses  industries  sont  plus  particulièrement  pré- 
servés, dans  l'ordre  qui  suit  :  1°  les  ouvriers  qui  traitent  les 
plaques  de  cuivre  pour  en  enlever  les  sels  de  verdet;  2°  les 
mineurs  bocardeurs,  surtout  quand  le  minerai  contient  oxyde 
ou  sels  solubles  ;  3°  les  chaudronniers  emboutisseurs,  les  tour- 
neurs repousseurs,  puis  les  estampeurs;  4°  tous  les  ouvriers 
qui  font  un  grand  usage  de  la  lime  fine  et  du  papier  de  verre 
les  limeurs,  les  monteurs  et  les  polisseurs  à  sec,  appelés  aussi 
passeurs;  5°  les  tourneurs  au  pied  et  loin  derrière  eux  les 
tourneurs  au  chariot  qui ,  comme  les  raboteurs,  ne  détachent 
du  métal  que  des  copeaux  et  font  très-peu  de  poussières;  6°  les 
ciseleurs  figuristes  et  ornemanistes,  à  commencer  par  les  pre- 
miers, qui  emploient  concurremment  le  rifloir  (petite  lime)  et 
le  burin,  et  à  finir  par  les  ornemanistes  qui  ne  se  servent  guère 
que  du  ciseau  et  du  marteau  ;  1°  les  ébarbeurs  dans  les  fon- 
deries, ceux  qui  parent  avec  la  lime  et  le  ciseau  les  pièces  fon- 
dues, toujours  plus  ou  moins  encroûtées  de  calamine;  puis 
les  mouleurs"  (2),  et  tout  en  dernier  les  fondeurs  fondant,  qui 
sont  préservés  surtout  par  les  poussières  de  Tatelier,  lorsqu'ils 

moyenne  taille,  6  grammes,  puis  10,  puis  i5  de  très-fine  limaille  de  cuivre 
mêlée  aux  aliments!...  Au  bout  de  douze  ou  quinze  jours  d'un  tel  régime, 
l'animal  ne  paraissait  point  du  tout  s'en  porter  plus  mal. 

(t)  Du  sable  de  moulage,  que  nous  avions  pris  dans  la  fonderie  de 
M.  Thiébault,  soumis  très-obligeamment  à  l'analyse  par  M.  le  D''  Ducom, 
a  fourni,  en  môme  temps  que  beaucoup  de  cuivre  à  l'état  métallique,  une 
très-notable  quai.tité  d'oxyde. 

(2)  La  qualification  de  fondeurs  appliquée  aux  ébarbeurs  et  aux  mouleurs 
qui  forment,  en  dehors  des  hommes  de  pe'ne,  les  19/20  des  ouvriers  dans 
les  fonderies,  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  impropre.  Tous  ces  hommes  ne 
fondent  quoi  que  soit.  Étendue  aux  hommes  de  peine  de  cette-profession, 
cette  qualification  est,  s'il  se  peut,  plus  inexacte  encore. 


-  54  - 

se  mêlent  aux  autres  ouvriers  pour  le  remplissage  des  moules, 
et  non  point,  ainsi  qu'on  pourrait  être  tenté  de  le  croire,  par  le 
cuivre  lui-même  lorsqu'il  est  en  fusion  ;  8°  enfin  les  taraudeurs, 
tourneurs  fabricants  de  vis,  un  peu  les  graveurs,  et  tout  au 
bas  de  l'échelle ,  les  polisseurs  au  gras  ou  à  l'humide ,  puis 
les  déeoupeurs  de  toutes  sortes  boutonniers,  arsonniers  et 
plaquems,  les  emboutisseurs  à  froid  ccipsuliers,  fabricants  de 
porte-plumes,  etc.,  et  en  dehors  des  professions,  quelquefois 
les  habitants  eux-mêmes  au  voisinage  des  grands  établisse- 
ments de  cuivrerie  et  de  fonderie. 

L'expérience  de  ces  derniers  temps  a  encore  appris  à  M.  Burq 
qu'il  fallait  à  cette  liste  ajouter  toute  une  grande  classe  d'indi- 
vidus, celle  des  musiciens  qui  jouent  des  instruments  de  cuivre, 
à  commencer  par  les  essayeurs  dans  la  facture  de  ces  instru- 
ments. 

Le  métal  ne  pouvant  agir  que  par  absorption,  toutes  les 
conditions  qui  facihteront  son  introduction  dans  l'économie  se- 
ront donc  favorables.  Nous  citerons  plus  spécialement  l'abon- 
dance du  métal  dans  l'atmosphère  ambiante,  la  ténuité  plus 
grande  des  poussières,  l'air  confiné  pour  en  empêcher  la  trop 
facile  dispersion,  l'activité  plus  grande  des  sécrétions,  soit  con- 
stitutionnelle, soif  acquise  dans  l'exercice  de  la  profession,  l'as- 
siduité au  travail,  etc.— Abondance  du  métal,  a-t-il  été  dit  tout 
d'abord!  C'est  qu'en  effet  cette  condition  est  de  premier  ordre. 
Un  ouvrier  travaillant  seul,  quelle  que  soit  sa  profession,  aura 
toujours  moins  de  droits  à  la  préservation  que  si,  réuni  à 
d'autres  ouvriers,  ils  ennuagent  ensemble  l'atmosphère  de  l'a- 
telier. En  ce  cas,  il  pourra  même  se  faire  que,  pour  de  simples 
emboustisseurs  à  froid  ou  découpem's,  la  préservation  devienne 
de  premier  degré.  C'est  ainsi  que  la  maison  de  M.  Bach ,  rue 
Phélippeaux,  maison  unique  en  son  genre,  où  UOO  kilogr.  de 
cuivre  sont  mis  en  œuvre  chaque  jour  par  cinq  ou  six  cents 
ouvriers  pour  la  fabrication  des  étuis  et  porte-plumes,  n'a  ja- 
mais subi  les  atteintes  du  fléau.— V,  B. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter  qu'il  faut  tenir  encore 
compte,  dans  l'appréciation  du  fait  de  préservation,  de  toutes 
les  circoQsta'nces  accessoires  indépendantes  de  l'exercice  même 
de  la  profession,  qui  peuvent  en  atténuer  ou  en  accroître  les 


—  55  — 

effets,  telles  que  les  constitutions  et  les  réceptivités  individuelles, 
les  habitudes  et  manières  de  vivre,  etc.,  etc. 

Une  circonstance  enfin  veut  être  signalée  aussi,  c  est  1  espèce 
d'antagonisme  constaté  entre  le  fer  et  le  cuivre,  et  duquel  û 
résulte  que  la  simultanéité  ou  l'alternance  du  travad  portant 
sur  ces  deux  métaux  peut  neutraliser  l'action  et  les  propriétés 
de  l'un  ou  de  l'autre.  -  Il  n'est,  en  effet,  aucun  médecin  qui 
ne  sache  que  de  tous  les  antidotes  des  sels  de  cuivre,  le  fer  ré- 
duit est  précisément  le  plus  sûr. 

Ces  préliminaires  établis,  voici  quels  sont,  en  bloc,  les  ré- 
sultats de  l'enquête  de  M.  Burq.  Nous  ne  donnons  ici  que  les 
résultats  bruts,  les  chiffres  en  gros.  Nous  renverrons  ceux  qui 
désireront  voir  les  détails,  au  travail  original  de  M.  Burq,  qui 
sera  probablement  publié  plus  tard,  et  que  nous  ne  faisons  que 

résumer  ici.  -  . 

1"  Mortalité  cholérique  chez  les  ouvriers  en  cuivre.  _ 
On  sait  que,  dans  l'épidémie  de  1865,  sur  la  population 

intra-muros  de  Paris  s'élevant  à  1,667,000,  le  choiera  a  fait 

6,176  victimes  ;  moyenne,  3,7  sur  1,000. 
Le  nombre  des  ouvriers  en  cuivre  de  toutes  sortes,  peut  être 

évalué  à  environ  30,000.  Sur  ces  30,000  ouvriers,  sont  morts 

du  choléra  :  ,n     ^-  \ 

Un  apprenti  opticien,  âgé  de  quatorze  ans.  {Grandjean.) 

Un  tourneur  dans  les  instruments  de  musique  {Hurtaull), 
vivant  fort  mal  ,  pris  dans  la  nuit,  après  une  journée  de 
ftêchc  en  plein  soleil,  pendant  laquelle  il  avait  bu  abondam- 
ment de  l'eau  de  la  rivière,  très-basse  en  ce  moment  et  très, 
infecte  en  cet  endroit  (sur  le  quai  de  Javel). 

Un  tourneur  dans  les  appareils  à  gaz,  qui  travaillait  près 
d'une  fenêtre  toujours  ouverte.  {Julien.) 

Un  tourneur  pour  articles  de  bâtiment,  ivrogne  dont  i  a 
été  parlé  à  l'occasion  de  la  statistique  de  l'hôpital  Saint-An- 
toine. {Marchais.)  Voir  aussi  plus  loin. 
Un  ciseleur  dans  les  bronzes  d'église,  vingt-neuf  ans,  dans  de 

bonnes  conditions.  {.Joli.) 

Un  ciseleur  figuristc,  souffrant  depuis  quelque  temps  qui 
s'était  purgé  cinq  ou  six  fois  dans  la  quinzaine  qui  a  précédé 
l'invasion  du  choléra.  {Preyer.) 


—  56  — 

Un  ciseleur  aux  pièces  dans  les  bronzes  du  commerce,  tra- 
va,  ant.peu  de  son  métier  auquel  il  ajoutait  l'emploi  de  figu- 
rant dans  un  théâtre.  (Prévost.)  i      ue  n^u 

ard.)  «''"«"^^"iste,  de  quatorze  ans.  (Bros- 

^  Un  mouleur  fondeur,  de  mauvaise  santé  habituelle,  ayant 
lejà  passe  près  de  cmq  semaines  dans  un  hôpital  d'où  il  venait 
de  sortu>  au  moment  de  l'invasion.  (Grual.) 
Un  fondeur  fondant;  ivrognerie  et  misère.  (Dimont.) 
Un  pohsseur  surtout  au  gras,  ivrogne,  pris  après  toute  une 
émanée  d'épu.sement  (le  Martin  dont  il  sera  question  dan 
1  enquête  sur  les  malades  de  Saint-Antoine) 

Un  pohsseur  au  gras  dans  les  couverts  en  composition,  tra- 
vadlant  en  chambre.  [Langelot.) 

Un  apprenti  bijoutier  en  faux,  de  quinze  ans,  ne  travaillant 
que  quelques  heures  par  jour,  dans  un  très-petit  atelier,  à  la 
fabrication  des  boucles  de  ceintures.  {Millet  ) 

Une  bijoutière  en  faux,  chaînisle,  travaillant  seule,  en  cham- 
bre,  et  n  employant  que  le  fil  de  laiton.  [Delâire  ) 

Un  chaudronnier  riveur  en  fer  et  en  cuivre,  dans  les  ateliers 
du  chemin  de  fer  de  Lyon.  {Azière.) 

Un  tourneur  fabricant  de  vis  en  cuivre,  travaillant  pêle-mêle 
avec  d  autres  ouvriers  tourneurs  de  vis  en  fer.  [Timalo-  ) 

Quatre  ciseleurs  qui  avaient  arrêté  leur  travail,  l'un  (Clu- 
neau)^  faute  d'ouvrage,  un  autre  {Servan),  pour  cause  d'âge 
et  d  infirmité,  un  troisième  (5omaO,  par  vocation  pour  une 
autre  profession,  le  quatrième  {Cerisier),  par  inconduite  :  sans 
domicile,  il  avait  été  ramassé  avec  d'autres  vagabonds  dans 
les  tours  a  plâtre  de  la  Villette. 

Trois  tourneurs,  dont  l'un  {Giles)  simple  homme  de  peine 
ourneur  de  roue,  le  second  {Bonnassol)  réfractaire  avant  fui 
1  atelier,  le  troisième  {Marizellc)  vieillard  impotent 

Neuf  fondeurs,  dont  trois  hommes  de  peine,  les  deux  de 
Samt-Antoine  dont  il  sera  parlé  {Pierry  et  Vanier)  et  un  troi- 
sième {Lebrun),  tombé  ivre  mort  et  rapporté  chez  lui  le  lende- 
main après  toute  une  nuit  passée  à  la  belle  étoile.  un 
apprenti  de  quatorze  ans  {Parent),  qui  ne  faisait  que  les  cour- 
ses, trois  individus  ayant  renoncé  à  leur  profession  {Sard,  Lau- 


rain  et  Massiel),  un  fondeur  de  suif  [Dejardin],  et  le  neuvième 
.{Daiidinel),  inconnu. 

Sept  Ijijoutiers,  trois  à  qui  l'â^e  ou  des  infirmités  ne  permet- 
taient plus  de  travailler  [Courselle,  Adline  et  Pral),  un  commis- 
sionnaire pour  la  vente  {PauleL),  un  autre  occupé  à  faire  la 
place  et  qui  ne  travaillait  à  l'atelier  qu'à  ses  moments  perdus 
{Lavaux),  et  deux  inconnus  Garth  et  Marillè. 

Un  lampiste  qui  faisait  exclusivement  les  boîtes  en  zinc. 
{Varlet.) 

Un  planeur  qui  avait  troqué  sa  profession  contre  celle  de  la- 
veur de  devantures  de  boutiques.  {Carlier.) 

Deux  polisseuses,  de  nom  seulement,  l'une  concierge  {Ca- 
gnard),  l'autre  rentière.  {Hirsch.) 

Un  graveur  patron,  en  boutique.  (Jacot.) 

Un  quincaillier,  ne  s'occupant  que  de  taillanderie.  {Lebœsque.) 

Enfin  un  musicien  trombone  dans  la  ligne  {ih"  rég.),  mais 
retenu  depuis  près  de  cinq  mois  en  prison.  {Slœkel.) 

Cette  énumération  nous  donne  un  total  de  Z|5  ouvriers  en 
cuivre,  à  s'en  rapporter  à  l'indication  purement  nominale 
de  la  profession  (nous  venons  de  voir  qu'elle  est  loin  d'être 
toujours  justifiée),  chiffre  qui  ne  représenterait  encore  qu'une 
proportion  de  1  1/2  p.  1000,  tandis  que  la  population  entière, 
toutes  professions  comprises,  donne  la  proportion  de  mortalité 
cholérique,  pour  toute  la  durée  de  l'épidémie,  de  3,7  sur  1000. 
Mais,  compte  fait  des  erreurs  matérielles  d'indications,  des 
fausses  affectations  de  la  qualification  d'ouvrier  en  cuivre,  en- 
fin des  circonstances  spécifiées  qui  détruisaient  complètement 
chez  les  uns,  qui  neutralisaient  ou  affaiblissaient  chez  les  autres 
la  saturation  par  les  émanations  cupriques,  c'est-à-dire  les  con- 
ditions mêmes  de  l'immunité  ou  de  la  préservation  cholérique, 
suivant  M.  Burq,  ce  chiffre  de  /)5  se  trouve  en  réalité  réduit  à 
une  dizaine  environ,  où  se  sont  rencontrées  effectivement  à 
divers  degrés  ces  conditions.  Ce  ne  serait  plus  alors  la  propor- 
tion de  11/2  sur  1,000,  mais  |celle  de  1  sur  3,500  qui  repré- 
senterait la  mortalité  cholérique  des  ouvriers  en  cuivre. 

Passons  maintenant  au  rapprochement  de  cette  proportion 
avec  celle  qu'ont  donnée  les  diverses  professions  plus  ou 
moins  similaires  avec  celles  dont  il  vient  d'être  question.  Dans 


I 


—  58  — 

les  divers  entretiens  que  nous  avons  eus  avec  M.  Burq  sur  ce 
sujet,  nous  lui  avions  demandé  plusieurs  fois:  mais  connaissez- 
vous  la  proportion  de  mortalité  que  donnent  les  autres  profes- 
sions? Cette  question  était  trop  naturelle  pour  que  M.  Burq  ne 
cherchât  pas  à  la  résoudre,  sans  qu'il  fût  nécessaire  de  la  lui 
indiquer.  C'est  ce  qu'il  a  fait. 

Voici  les  résultats  de  l'enquête  qu'il  a  faite  sur  la  mortalité 
cholérique  dans  les  diverses  industries  du  fer,  de  l'acier,  de 
l'étain,  du  zinc,  du  plomb,  du  mercure,  du  verre,  du  bois  et 
de  l'ivoire,  comparativement  à  ceux  qu'a  donnés  l'enquête  sur 
l'industrie  du  cuivre. 

Les  industries  sur  métaux  autres  que  le  cuivre,  telles  que  la 
chaudronnerie  en  fer  ou  en  étain,  les  constructions  mécaniques, 
la  forgerie,  la  serrurerie,  la  ferblanterie,  la  zinguerie,  la  plom- 
berie, la  fonderie  en  fer,  la  fonderie  en  caractères,  la  miroiterie 
et  la  dorure,  présentent  ensemble  un  chiffre  qui  peut  s'éle- 
ver de  30,000  à  35,000.  Eh  bien,  tandis  que  à  peu  près 
même  nombre  d'ouvriers  en  cuivre  fournissent  un  contingent 
d'environ  10  décès  pendant  l'épidémie  de  1865,  les  ^ou- 
vriers des  différentes  indusiries  qui  viennent  d'être  énnmé- 
rées  lui  ont  payé  un  tribut  de  155  décès.  Mortalité,  dans  le 
premier  cas,  de  1  sur  3,000,  et  dans  le  deuxième  de  L  2/5 
sur  1,000. 

Voici  quelle  est  la  proportion  par  ordre  de  professions  simi- 
laires : 

1,000  chaudronniers  emboutisseurs  en  cuivre  ont  donné 
0  décès. 

1,500  chaudronniers  en  feront  donné  7  décès. 

400  chaudronniers  étameurs  ambulants  ou  en  boutique  ont 
donné  7  décès. 

1,000  à  1,200  forgerons  ont  donné  17  décès. 

Environ  1,300  à  1,500  ouvriers  en  cuivre,  estampeurs,  em- 
boutisseurs et  repousseurs  à  la  recuite,  autres  que  les  chau- 
dronniers, ont  donné  0  décès. 

350  au  plus,  repousseurs  dans  le  zinc,  en  ont  donné  3. 

Environ  2,500  opticiens  et  constructeurs  d'instruments  de 
précision  en  cuivre  ont  donné  1  décès  (1  apprenti). 

1,000  opticiens  dans  le  verre  en  ont  donné  5. 


—  59  — 

3000  à/i,000  ouvriers  monteurs  en  cuivre  et  en  bronze  de 
toute  sorte  ont  donné  0  décès. 

10  000  à  11,000  ouvriers  serruriers  ont  eu  32  décès. 

Un  même  nombre  à  peu  près  de  mécaniciens,  ajusteurs  ou 
tourneurs  en  fer,  ont  eu  33  décès. 

11  000  orfèvres  et  bijoutiers  en  faux,  facteurs  d  mslruments 
de  musique,  lampistes,  balanciers,  fabricants  de  tubes  et  de  de- 
vantures  de  boutique  en  cuivre,  ont  eu  1  décès. 

2,000  ferblantiers  en  ont  eu  9. 
•    1,000  plombiers  en  ont  eu  6. 
1,000  zingueurs  en  ont  eu  6. 
000  miroitiers  en  ont  eu  3. 
3,500  doreurs  en  ont  eu  11. 

Les  polisseurs  en  cuivre  (il  est  impossible  d'en  donner  le 
cbiCfre,  même  approximatif)  ont  donné  1  décès. 
500  ouvriers  dans  l'acier  poli  ont  eu  h  décès. 
200  à  300  polisseurs  et  polisseuses  de  marbre  ont  eu  5  décès. 
3,000  tourneurs  en  cuivre  ont  eu  3  décès. 
1,000  tourneurs  sur  bois,  os,  ivoire,  verre  et  jais,  ont  eu 

1 0  décès.  ,  . 

2,500  fondeurs  en  cuivre  et  en  bronze  ont  eu  1  deces. 

1,500  à  1,800  fondeurs  en  fer  en  ont  eu  7. 

700  à  800  fondeurs.de  caractères  en  ont  eu  2. 

800  à  1,000  graveurs  sur  cuivre  ont  eu  1  décès. 

150  graveurs  sur  matrices  d'acier  en  ont  eu  1. 

50  graveurs  sur  cristaux  en  ont  eu  1. 

Enfin,  musiciens  à  instruments  de  cuivre,  0. 

Musiciens  jouant  des  autres  instruments,  9. 

Dans  ce  chiffre  9  figure  un  nommé  Christian,  petite  flûte  au 
68«  rég  C'est  le  seul  musicien  qui,  avec  Stœkel,  soit  mort  dans 
toute  la  garnison  de  Paris.  Un  peu  plus  loin  (enquête  de  18/,9 
et  1853),  l'on  verra  que,  dans  les  épidémies  antérieures,  les 
musiciens  de  l'armée  n'ont  pas  été  plus  maltraités... 

Voici  les  noms  et  adresses  des  chaudronniers,  des  opticiens 

et  des  fondeurs  qui  sont  décédés        Le  sujet  exige  que  la 

porte  soit  ouverte  à  uné  vérification  : 


CHAUDRONNIERS  EN  FER, 


1.  Azière,  atelier  du  chemin  de  fer  de  Lyon 

2.  Boissmot.  maison  Hardevin,  rue  du  Grand-Saint-Michel  H 
o.  Devroete,  au  gazomètre  de  l'usine  à  gaz  de  Vincennes 
U.  bem,  maison  Normand,  à  la  Chapelle. 


Fournel,  maison  Rollet,  rue  du  Faubourg-Saint-lIartin,  m. 
Gogenheim,  maison  Goin,  à  Batignolles. 


7.  Lambert,  maison  Cail,  à  Grenelle. 


CHAUDRONNIERS,  ÉTAMEURS  AMBULANTS  OD  EN  BOUTIQUE. 

1.  Delcour,  en  boutique,  rue  des  Trois-Portes  U 

2.  Jansen,  en  boutique,  cour  Saint-Philippe-du-Roule,  29 
o.  Gire    en  boutique,  rue  de  Chabrol,  58  (Chapelle). 

li.  Vinclder,  en  boutique,  rue  Aumaire,  6. 

5.  Jaquet,  ambulant,  route  d'Ivry,  3. 

6.  Joubin,  ambulant,  rue  Cherroj',  3  (Batignolles) 
V.  Jouyet,  ambulant,  rue  de  Lévis,  18  (Batignolles) 

Ce  dernier  est  le  seul  qui  figure  sur  les  tableaux  noso- 
graphiques  sous  son  véritable  titre  d'étameur. 


OPTICIENS  (dans  le  VERRe). 


1 


Coulman,  maison  Méchet,  fabric.  de  Lentilles,  à  Plaisance 

2.  Goh.er,  en  boutique,  85,  rue  d'Orléans  (Batignolles). 

3.  Leclère,  maison  Évrard,  rue  des  Blancs-Manteaux,  83 
k.  Lepage,  en  chambre,  rue  du  Parc-Royal,  10. 

5.  Mousset,  rue  Morand,  25. 

fondeurs  en  fer  ou  EN  FONTE  MALLÉABLE. 

1-  Giry,  maison  Cail,  à  Grenelle. 

2.  Martin,  idem. 

S.'Laribe,  5,  rue  Houdart. 

/(.  Loubel,  maison  Piat,  rue  Saint-Maur. 


5.  Lefort,  8,  rue  de  Meaux. 

(3.  Bonet,  55,  rue  des  Amandiers-Popincourt. 

7.  Ueynold's,  rue  Péchoin,  1.  .  .  V.  B. 

Nous  bornerons  là  les  faits  empruntés  à  l'enquête  de 
M.  Burq.  Elle  renferme  d'autres  renseignements  qui  ont  aussi 
leur  part  d'intérêt;  mais  pour  ne  pas  compliquer  la  question, 
nous  les  négligeons  avec  intention.  Ces  résultats  tels  quels,  et 
en  supposant  même  qu'on  en  change  un  peu  les  rapports  en 
applitiuant  aux  diverses  industries  de  la  deuxième  catégorie  un 
système  d'élimination  semblable  à  celui  qui  a  été  fait  pour  les 
ouvriers  en  cuivre,  sont  encore  assez  frappants  par  le  contraste 
qu'ils  révèlent  pour  provoquer  une  sérieuse  attention.  Que 
l'on  contrôle  les  faits  groupés  dans  les  recherches  de  M,  Burq, 
qu'on  répète  son  enquête,  toujours  est-il  qu'il  y  a  là  un  fait 
important  à  éclaircir.  Nous  n'avons  entendu  parler  jusqu'à 
présent  que  du  fait  de  l'immunité  ou  de  la  préservation  par  le 
cuivre.  La  question  du  traitement  par  les  préparations  cu- 
priques, bien  que  s'y  rattachant  assez  naturellement,  en  reste 
à  nos  yeux,  pour  le  moment,  complètement  indépendante  et 
tout  entière  réservée. 

D""  Brochin, 

rédacteur  «n  chaf. 

[Gazette  des  Hôpitaux,  samedi  9  juin  1865.) 

Supplément  aux  articles  de  la  Gazette  des  hôpitaux. 

Parmi  les  documents  envoyés  à  la  Gazette,  et  dont  notre  ho- 
norable confrère  M.  le  D''  Brochin  ne  s'est  point  servi,  il  en  est 
quelques-uns  que  nous  ne  saurions  passer  sous  silence. 

Voici  les  principaux.  Ceux  relatifs  à  nos  recherches  sur  les 
épidémies  de  18Zi9  et  185/i-55  sont  en  notre  possession  depuis 
l'année  1856,  et  cependant  à  cette  heure  ils  sont  encore  entiè- 
rement inédits. 

DOCUMENTS  OFFICIELS. 
1°  Rapport  de  la  coMMissiON  du  Choléra  dk  1832. 
La  Commission  de  1832  ayant  opéré  la  classification  des  dé- 


—  02  — 

cédés  d'après  les  mêmes  éléments,  tableaux  nosographiques 
ou  bulletins  de  décès,  qui  nous  ont  servi  à  nous-même,  ses  sta- 
tistiques devaient  naturellement  se  ressentir  de  toutes  les  im- 
perfections, erreurs,  oublis  ou  confusions  dans  la  désignation 
de  la  profession  que  renferment  ces  documents. 

C'est  ainsi  que  dans  la  colonne  des  professions  qui  s'exercent 
sur  les  métaux  l'on  trouve,  confondus  ensemble,  1°  tous  les 
chaudronniers,  2°  tous  les  fondeurs,  3»  tous  les  tourneurs,  les- 
quels comptent,  les  premiers,  pour  28  décès,  les  seconds  pour 
48,  et  les  troisièmes  pour  18. 

Les  fondeurs  en  caractères  seuls  sont  mis  à  part. 

Quelle  était  dans  les  décédés  la  proportion  de  véritables  ou- 
vriers chaudronniers,  fondeurs  ou  tourneurs  en  cuivre?  Impos- 
sible de  répondre  autrement  que  par  à  peu  près  et  par  induc- 
tion. 

En  1865,  suivant  les  actes  de  décès,  on  aurait  pu  rigoureu- 
sement supposer  que  49  ouvriers  en  cuivre  avaient  succombé 
dans  ces  mêmes  professions,  savoir  : 

Dans  la  chaudronnerie   j/^ 

Dans  la  fonderie  . .  ^   21 

Dans  la  tournerie   -i  /, 


49 

Or,  les  recherches  faites  par  nous  ont  démontré  que  6  ou  7 
seulement,  sur  ce  chiflre,  c'est-à-dire  environ  1/7,  travaillaient 
réellement  dans  le  cuivre. 

Admettons  que  les  choses  se  soient  passées  à  peu  près  de 
même  en  1832.  Que  resterait-il  à  porter  au  compte  des  ou- 
virers  en  cuivre?  Peut-être  8  ou  10  décès  en  tout..,.  En  veut- 
on  le  double  ?  Qu'est-ce  encore  que  le  chiffre  20  ?  la  moyenne 
de  la  mortalité  ayant  été,  en  1832,  de  1  sur  40  habitants  ! 

Mais  quittons  l'hypothèse. 

En  dehors  des  professions  designées  ci-dessus,  où  la  confu- 
sion des  métaux  est  si  facile,  il  en  est  d'autres  où,  la  spécialité 
de  la  profession  ressortant  de  sa  désignation  même,  il  ne  sau- 
rait être  question  que  du  cuivre  ou  du  bronze. 

Quel  est  ici  le  chiflre  des  décès  poui'  l'épidémie  de  1832  ? 


—  63  - 

Dans  la  balancerie  0  décès. 

Dans  la  l»bric(ue  des  bronzes   » 

(Plus  la  part  afférente  dans  16  ciseleurs  et  18  tour- 
neurs). 

Monteurs  ea  cuivre  •  .•  •  •  '   " 

Lampistes   ^  " 

Fabricants  de  plaqué  •  •      ^  " 

Puis  (mais  ici,  malheureusement,  la  confusion 

recommence)  : 
Opticiens  et  lunetiers,  ensemble   ^'  " 

Estampeurs  ;   " 

Facteurs  d;inslruments  de  musique  (en  bois  et  eu 

cuivre)  

Quincailliers  

Tandis  que 

Serruriers  ont  eu  •  • 

Mécaniciens  (alors  à  peine  le  tiers  de  ce  qu'ils 

sont  aujourd'hui)  

Charrons-forgerons   ^' 

Ferblantiers   " 

Cloutiers  ■.  •••  " 

Doreurs  et  doreuses   " 

Tourneurs  en  bois!   " 

Et  dans  les  professions  prétendues  respectées  : 

Tanneurs,  corroyeurs,  mégissiers,  etc   53  » 

Vidangeurs  et  égoutiers   " 

Parfumeurs  •  •   ^  " 

(Les  usines  à  gaz  n'existaient  pas  encore.) 

Parmi  les  parties  de  la  ville  signalées  comme  le  moins  mal- 
traitées, se  trouvent  précisément  les  quartiers  à  métaux  :  le 
quartier  Saint-Martin-des-Champs,  qui  est  si  tristement  obstrué 
de  ruelles,  cours  et  passages  sans  nom...  la  rue  du  Temple,  la 
rue  Saint-Philippe,  ou  rue  de  Lape,  etc.,  etc...  Dans  nos  pré- 
cédentes publications  nous  avions  dit  :  «  La  Commission  du 
choléra  nous  a  déjà  donné,  sans  le  savoir,  gain  de  cause.  » 
Avons-nous  eu  raison  ?... 


23  » 


-  6/,  - 


•        ASSISTANCE  PUBLIQUE. 
2°  Rapports  de  M.  Blondel  sur  les  choléras  de  18/t9 

ET  DE  1853-5Zl  DANS  LES  HÔPITAUX. 

Épidémie  de  1849.  -  Cholériques  entrés  danâ  les  hôpitaux 
civils,  Z,,340;  ouvriers  en  métaux  :  hommes,  560  ;  femmes  60 
M.  Blondel  ne  dit  rien  de  plus. 

Épidémie  de  1853-54.  -  Décès  dans  le  hôpitaux,  non  com- 
pris les  hôpitaux  d'enfanls,  3,375,  sur  lesquels  il  y  eut  : 

Serruriers   ^2 

Forgerons   ^ 

Tourneurs  sans  désignation   26 

Chaudronniers   /, 

Opticiens   2 

Bijoutiers,  orfèvres   H  . 

Horlogers   3 

Polisseurs  et  brunisseuses   82 

(Les  brunisseuses  n'ont  aucun  droit  à  la  préservation.) 

Corroyeurs   3 

Vidangeurs  

M.  Blondel  a  fait  un  peu  plus,  on  le  voit,  pour  l'épidémie 
de  1854  que  pour  celle  de  18/i9.  Au  lieu  de  mettre  ensem- 
ble tous  les  ouvriers  en  métaux  il  a  commencé  à  les  sépa- 
rer; mais  aucune  distinction  n'est  établie  en  ce  qui  concerne 
les  tourneurs  d'une  part,  et  les  polisseurs  et  les  brunisseuses 
de  l'autre. 

Les  deux  rapports  de  M.  Blondel,  si  remarquables,  du  reste, 
à  d'autres  titres,  n'ont  donc  que  très-peu  de  valeur  au  point  de 
vue  de  la  question  qui  nous  occupe,  surtout  si  l'on  considère 
que  les  statistiques  de  l'auteur  ne  pouvaient  embrasser  qu'une 
partie  de  la  population,  celle  qui  se  recrute  dans  la  clientèle 
des  hôpitaux. 

PRÉFECTURE  DE  POLICE  DE  LA  SEINE. 
3"  Travil  de  m.  Trébuchet. 
La  préfecture  de  police,  se  trouvant  en  possession  de  tous 


-  65  — 

les  bulletins  de  décès,  était  en  mesure  de  tirer  meilleur  parti 
de  la  statistique. 

En  1849,  l'administration  n'avait  rien  fait  qui  pût  éclairer 
la  question. 

Mais  après  l'épidémie  de  1854,  en  suite  de  nos  recherches 
sur  la  préservation  des  ouvriers  en  cuivre,  M.  Trébuchet,  de 
si  regrettable  mémoire,  fit  dresser  un  tableau  spécial  que 
son  auteur,  M.  Niquet,  sous-chef  actuellement  à  la  Préfecture 
de  police,  a  bien  voulu  nous  communiquer. 

Nous  en  extrayons  ce  qui  suit  : 
1»  Professions  à  l'air  libre  (mariniers,  cochers,  voi- 

turiers,  charpentiers,  briquetiers,  vidangeurs,  cor-   nappon  sur 

diers,  baigneurs,  etc.,  etc.).  , 
Population,  105,387.  Décès  cholériques,  2,350....  22,19 
2»  Professions  s'exerçant  à  domicile  : 

Population,  1,008,652.  Décès,  5,962   5,91 

Détail  (le  chiffre  absolu  des  décès  n'est  point  indiqué)  : 

Journaliers   44,84 

Professions  exercées  auprès  des  malades   36,01 

Dito        dito     sur  les  animaux   12,42 

Dito        dito     sur  le  fer   8,15 

Dito        dito     sur  le  bois   7,85 

.  Dito       dito     sur  le  plomb   7,62 

Dito        dito     sur  métaux  précieux   6,59 

Ici  l'auteur  a  mis  ensemble  tous  les  orfèvres  et  et  bijoutiers. 

Professions  libérales  6,14 

Dito      sur  le  cuivre   ^'22 

Dito      sur  les  produits  animaux   ^1,20 

Les  professions  sur  le  cuivre  viennent,  on  le  voit,  tout  à  fait 
à  la  fin,  à  égalité,  moins  deux  centièmes  d'unité,  avec  les  pro- 
fessions sur  les  produits  animaux  :  en  outre,  notons  bien  ceci, 
que,  dans  l'évaluation,  sont  confondus  hommes,  femmes  et 
enfants  vivant  de  la  profession,  et  que  d'autre  part  dans  le 
nombre  des  décès  qui  ont  servi  à  établir  ce  cliiifre  proportioor 
nel  de  4,22,  figurent  les  brunisseuses  qui,  nous  l'avons  dit, 
n'ont  îi  la  préservation  aucune  espèce  de  droits,  et  qui,  réu- 


—  Gé- 
nies aux  polisseurs,  paraissent,  d'après  M.  Blondel ,  avoir 
donné  plus  de  décès  que  toutes  les  autres  professions  sur  mé- 
taux ensemble. 

ARCHIVES  DE  LA  VILLE. 
4°  Relevés  faits  par  nous-même  sur  les  tableaux  nosographiques, 
UNE  première  fois  EN  1856,  et  tout  récemment  encore  a  l'occa- 
sion de  nouvelles  recherches  relatives  a  la  préservation  des 
musiciens. 


PROFESSIONS, 


Chaudronniers,  sans  autre  désignation . . . . 
Opticiens,  idem. 

Facteurs  d'instruments  de  musique  

Balanciers  

Fabricants  de  bronzes  et  appareils  à  gaz.. 

Monteurs  et  limeursi^"''"'^^^°"^°  ^^°°^e- 
(sans  désignation  


Tourneurs  

(sans  désignation. 


Fondeurs  j^"  '^"'^^e  

(sans  désignation. 


Polisseurs  '^'^'^''^  

(sans  désignation. 

Ciseleurs,  sans  autre  désignation  

Lampistes.  

Estampeurs  

Bijoutiers,  sans  désignation  

Orfèvres,  idem  

Horlogers,  idem  


DÉCÈS  CHOLÉRIQUES 


EN  1849. 


3 
10 


11 

6 
3 
1 


Musiciens  de  l'arméeS  '"struments  de  oui  vre. 

(sans  désignation  


38 

27 

5 
17 
4 


'  Le  relevé  n'a 
point  été  fait 
pour  4849. 


28  122 


l.")0 


EN  1853-54 


o  — ' 


en  T, 

t2  i; 


4 

20 

13 

8 
2 
2 
2 

17 
3 

10 


95 


101 


I 


—  67  — 

Occupons-nous  d'abord  des  ouvriers,  les  musiciens  viendront 
après. 

Dans  le  tableau  ci-dessus  ont  été  mis  hors  cadre  : 

>in  •  V     (  8  âgés  de  moins  de  10  ans. 
Pour  18^19,  10  mdiv.     „  "     ,      ,  . 

1  2  —  de  plus  de  70  ans. 

Pour  1853,  7  indiv.  i  k  âgés  de  moins  de  10  ans. 
—  1854,  I  3  —  de  plus  de  70  ans. 

Donc  sont  morts  du  choléra,  suivant  les  tableaux  noso' 
graphiques  : 

\    28  ouvriers  en  cuivre. 

(  118  ditode prof. douteuses parrapportau cuivre. 
146  au  total. 


En  1849, 


En  1853,  )    5  ouvriers  en  cuivre, 

—  1854,  \  93  ditode  professions  douteuses. 

98  au  total. 

La  mortalité  cholérique  a  été  : 
En  1849,  de  1  sur  51  habitants. 
Et  en  1854,  de  1  sur  112  habitants. 

Si  tous  les  décédés  ci-dessus  avaient  exercé  leur  profession 
sur  le  cuivre,  la  préservation  serait  donc  encore  des  plus  évi- 
dentes, car,  à  mortalité  égale,  tout  compte  fait,  nous  devrions 
avoir  au  total  plus  du  double. 

Mais  sur  le  chiffre  de  28  ouvriers  en  cuivre,  qualifiés  tels, 
d'une  part,  et  sur  celui  de  5  d'autre  part,  combien  y  en  avait-il 
en  activité  de  travail  au  moment  où  ils  furent  pris  par  la  mala- 
die? Tous  étaient-ils  bien  restés  fidèles  à  leur  profession?  IN 'y 
avait-il  eu  aucune  erreur  commise  dans  la  désignation  de  la  pro- 
fession sur  l'acte  de  décès,  et  n'avait-on  pas  pris  ici,  comme  à 
Saint-Antoine,  des  tourneurs  de  roue,  par  exemple,  pour  des 
tourneurs  en  cuivre,  des  hommes  de  peine  de  la  fonderie  pour 
des  fondeurs  véritables? 

Puis  dans  les  chaudronniers,  sans  autre  désignation,  comme 
toujours,  combien  de  chaudronniers  en  cuivre,  ou  seulement  de 
chaudronniers  en  fer  ou  à  l'étain  ? 


—  68  — 


Dans  les  tourneurs,  monteurs,  ciseleurs,  polisseurs  et  fon- 
deurs, combien  qui  tournaient,  montaient,  ciselaient,  polis- 
saient et  fondaient  le  cuivre  et  le  bronze  ?... 

Dans  les  estampeurs,  les  bijoutiers,  les  orfèvres,  combien 
aussi  avaient  affaire  à  ce  métal  ?,.. 

Nous  nous  mîmes  alors  à  faire  à  domicile  une  enquête  sem- 
blable à  ce-lle  de  cette  année.  Malheureusement  nous  étions 
déjà  trop  éloignés,  même  pour  185/|,  de  l'époque  épidémique 
pour  que  nos  démarches  pussent  aboutir  à  un  bon  résultat;  et 
c'est  à  peine  si,  après  avoir  battu  le  pavé  pendant  plus  de  deux 
mois  (le  seul  pointage  sur  les  tableaux  nosographiques  nous 
avait  pris  déjà  presque  quatre  semaines),  nous  étions  parvenu 
à  retrouver  quelques  traces  de  la  profession.  Quant  aux  rensei- 
gnements, que  nous  avions  tout  d'abord  espérés,  sur  les  circon- 
stances qui  avaient  pu  atténuer,  ou  même  annihiler  la  préser- 
vation chez  un  certain  nombre,  dès  les  premiers  jours,  nous 
avions  acquis  la  certitude  qu'il  était  impossible  de  les  obtenir. 
Deux  fois  cependant,  nous  eûmes  sur  ce  point  satisfaction,  on 
va  le  voir,  car,  quelque  incomplets  qu'ils  soient,  nous  allons 
donner  les  résultats  de  notre  enquête. 

3°  Enquête  sur  les  épidémies  de  1849  et  de  1853-54.  —  spé- 
cialité DE  LA  PROFESSION  DES  OUVRIERS  DÉCÉDÉS  DANS  LES  PRO- 
FESSIONS QUALIFIÉES  DE  DOUTEUSES. 


CHOLÉRA  DE  1849. 


CHOLÉRA  DE  1853-54. 


Chaudronniers 


11.2  étameurs,  raccom- 
modeurs. 
i  en  boutique. 
8  inconnus. 


7.  2  étameurs  raccom- 


modeurs. 


1  homme  de  peine. 
1  de  17  ai;s  dans  le 


cuivre. 


3  inconnus. 


Opticiens 


C.  1  marchand  ambulant 


3.  1  dans  le  verre. 
2  inconnus. 


lunetier. 


1  dans  le  verre. 


4  sans  renseignements, 
dont  un  SgédclSans 
et  l'autre  de  17. 


69  — 


Facteurs  d'instrum" 
de  musique  


CHOLÉRA  UE  1849. 

3.  1  pistonnier. 
2  inconnus. 


Balanc.ers   1.  1  inconnu 

Fabricants  de  bronzes 
et  appareils  à  gaz. 


Monteurs  et  limeurs. 


3.  1  patron. 
'2  inconnus. 

6.  1  en  pendules. 

5  sans  renseignements, 
dontun  àgédelSans 
et  l'autre  de  17. 


CHOLERA  DE  1858-54. 


1.  1  fabricant  [de  bas- 
sons. 

1.  1  monteur  et  ajus- 
teur. 
1.  i  inconnu. 

4.  1  boîtes  de  lampes  en 

fer-blanc. 
1  appareils  à  gaz. 
1  pris  dans  le  cours 

d'une  petite  vérole. 
1  inconnu. 


Tourneurs. 


38 .  9  sur  bois  ou  sur  or. 
1  sur  fer. 

1  tourneur  de  roue, 

homme  de  peine. 
6  sur  cuiwe. 
21  inconnus. 


Fondeurs   27 .  3  en  caractères. 

3  en  fer. 

4  en  cuivre. 
18  inconnus. 

Ciseleurs   17.  2  sur  or. 

1  sur  bronze. 

14  inconnus. 

Polisseurs   5.  2  sur  acier. 

1  sur  acier  et  or. 

1  polisseur  à  la  brosse. 

;         1  inconnu. 


Estampeurs    

TOTAI   107  62 

  13  sur  cuivre  ou  bronze. 

  27  sur  d'autres  matières. 

 67  inconnus. 


20.  9  sur  bois  ou  sur  or. 

1  sur  zinc  (composi- 
tion). 

2  sur  cuivre,  mais  un 
qui  ne  travaillait 
plus  pour  cause  de 
phthisie. 

8  inconnus. 

13.  2  en  fer. 

1  ne  travaillant  plus. 

3  en  cuivre. 
7  inconnus. 

2.  1  sur  bronze. 

1  inconnu.  .  ' 

8.  1  de  baleines. 
1  de  glaces. 
1  de  peignes. 
1  sur  acier. 
1  sur  cuivre. 
3  inconnus. 

2.  1  plaques  de  schako 
(cuivre). 
1  inconu. 


1  — 
22  — 
39  — 


—  70  — 

1/3  des  ouvriers  non  spécifiés  appartenait,  on  le  voit,  à  des 
professions  sur  le  cuivre.  Admettons  que  dans  les  inconnus  il 
y.eut  ja  même  proportion  d'ouvriers  en  cuivre;  nous  arrive- 
rons à  un  total  de  63  pour  18^9,  et  de  29  pour  1853. 

Parmi  ces  hommes  n'y  a-t-il  eu  aucune  non-valeur  pour 
chômage,  pour  suspension  de  la  profession,  pour  fausse  indi- 
cation, pour  grave  imprudence  commise,  etc.  ?  Admettons-le, 
quoique  l'enquête  dont  nous  avons  rendu  compte  précédera-^ 
ment  nous  ait  démontré  que  cela  ne  saurait  être.  Acceptons 
d'un  autre  côté  que  le  total  des  ouvriers  dans  les  professions 
correspondantes  n'était  que  de  15,000  et  nous  aurons  pour  ces 
professions,  quoi?  Pour  1849,  une  mortalité  de  1  sur  240  au 
heu  de  1  sur  51.  Et  pour  1853-54,  de  1  sur  525,  au  heu  de 
1  sur  112  !... 

Les  serruriers  seuls  avaient  eu  157  décès  en  1832  et  en  1849, 
non  compris  ceux  à  domicile,  ils  en  ont  eu  42  !... 

Musiciens.  La  question  relative  à  la  préservation  des  musi- 
ciens, qui  jouent  dans  les  instruments  de  cuivre,  s'étant  pré- 
.sentée  cette  année  seulement,  c'est-à-dire  beaucoup  trop  tard 
pour  que  nous  pussions  songer  un  seul  instant  à  remonter*» 
pour  les  musiciens  civils  morts  du  choléra,  jusqu'à  1854  et 
moins  encore  à  1849,  ne  pouvait  trouver  une  solution  que 
dans  la  mortalité  afférente  aux  hôpitaux  militaires. 

Nous  nous  sommes  tout  d'abord  adressé  au  département  de 
la  guerre,  pour  avoir  le  chiffre  et  la  qualité  des  musiciens  décé- 
dés dans  les  diverses  épidémies.  L'intendance,  nous  ne  saurions 
trop  l'en  remercier,  s'est  empressée  de  faire  des  recherches  en 
ce  sens,  mais  au  moment  de  nous  en  adresser  les  résultats, 
son  bon  vouloir  s'est  tout  à  coup  trouvé  paralysé  par  un  refus 
DE  coMMUNiQUEn,  parti  d'où?...  Du  conseil  supérieur  de  santé!... 

Alors  nous  avons  dû  reprendre  le  chemin  des  archives  de  la 
ville,  pour  y  procéder  à  un  nouveau  dépouillement  des  tableaux 
nosographiques.  Au  bout  de  huit  jours  de  ce  travail  écœurant, 
nous  étions  arrivé  à  ceci,  que,  dans  les  diverses  épidémies  de 
choléra,  sont  morts,  dans  toute  la  garnison  de  Paris,  12  musi- 
ciens ou  clairons,  savoir  : 


En  1832   2 


—  71  — 
Sougelas,  musicien  au  16«  ligne 
Fay, 


l8/t9. 


Rompleau, 
Cochet, 
Kasller, 
Marquis, 


id. 
id. 
id. 
id. 
id. 


au  hO"  ligne, 
au  léger, 
au  27=  ligne, 
au  57«  ligne, 
au  59«  ligne. 


1853-5Zi...  3 


1865, 


Daidy,  élève  musicien  au  68«  ligne. 
Roussette,  musicien  au  15"  ligne. 
Hennequin,  id.  au  8«  léger. 
Roubinede ,  clairon  au  22«  ligne. 
Christian,  musicien  au  G8«  ligne. 
Stœkel,        id.      au  W  ligne. 


Total. 


12 


Retranchant  les  deux  derniers,  savoir  :  Christian,  parce  qu'il 
jouait  de  la  petite  tlûte,  et  Stœkel,  parce  qu'il  a  été  pris  au  bout 
de  k  mois  et  27  jours  de  prison  continue,  restent  10  musiciens 
ou  clairons,  en  tout,  pour  les  k  épidémies;  mais,  sur  ce  chiffre 
10,  combien  y  en  avait-il  qui,  comme  Christian,  jouaient  dMn 
instrument  en  bois  ?  Nes'en  trouvait-il  point  ensuite  quelques-uns 
qui,  lorsque  la  maladie  est  venue  les  atteindre,  étaient  tempo- 
rairement en  non-activité  de  service,  soit  pour  une  peine  disci- 
plinaire, comme  Slœkel,  soit  pour  cause  de  maladie  ou  autre? 

Nous  avons  écrit  à  ce  sujet  aux  colonels,  majors  ou  chefs 
de  musique  des  régiments  indiqués,  et  tout  ce  que  nous  avons 
pu  apprendre,  c'est  que  l'un  des  décédés,  Kasller,  du  57%  jouait 
de  la  clarinette,  et  qu'un  autre,  Daidy,  qui  jouait  du  cor,  était 
en  non-activité.  Admettons  que  tous  les  autres  fussent  des  musi- 
ciens dans  les  instruments  de  cuivre  et  n'eussent  rien  fait  pour 
se  mettre  hors  de  la  préservation,  nous  aurons  donc  à  noter 
8  décès  (8  exceptions)  sur  2,861  qui  ont  eu  lieu  dans  toute  la 
garnison,  savoir  : 

En  1832   837 

\m   ^329 

1853-5it   509 

1865   186 


Total 


2861 


—  72  — 

Des  recherches  faites  par  nous  en  1857,  dans  les  hôpitaux 
m.  itau-es,  concernant  la  mortalité  des  musiciens  par  phthisie 
pulmonaire,  et  faites  vrècisèmenl  avec  autorisation  spéciale  Z 
oonseUcle  santé,  nous  avaient  obligé  de  nous  occuper  déjà  de  la 
proportion  c,u.  existe  entre  les  musiciens  et  les  clairon   et  les 
autres  hommes  de  l'armée.  (Nous  ne  parlons  pas  des  trom 
pettes,  qui,  comptant  pour  peu  dans  la  garnison  de  Paris  ne 
jouant  presque  jamais  qu'à  cheval  et  toujours  fort  peu  de 
temps  de  suite,  ne  sauraient  en  rien  légitimer  le  rapproche- 
ment que  nous  avons  dû  faire  des  clairons  avec  les  musiciens  ) 
Cette  proportion  est  à  Paris,  en  temps  ordinaire,  environ  de 
1  à  25  ;  mais  adoptons,  pour  plus  de  sûreté,  le  nombre  30  au 
heu  de  celui  de  25. 

A  mortalité  égale,  c'est  donc  95  décès,  au  lieu  de  8,  que  nous 
devrions  avoir  dans  les  musiciens  et  clairons.  Notom  en  pas- 
sant qu  à  1  hôpital  militaire  de  Versailles,  sur  83  décès  cholé- 
riques qui  y  ont  eu  lieu,  65  en  18Z,9  (en  1832  l'hôpital  n'exis 
tait  point  encore),  et  18  en  1853-5^,  ne  figure^oint  de  musicien 
•Quant  aux  musiciens  civils,  de  profession,  tous  les  facteurs 
d  instruments,  tous  les  chefs  de  musique  que  nous  avons  con- 
sultes sont  unanimes  pour  affirmer  qu'à  part  une  ou  deux 
exceptions,  en  18/.9  et  en  1854,  ils  ont  joui  toujours  d'une  par- 
faite immunité.  Notre  dernière  enquête  justifie,  en  ses  résultats 
cette  affirmation,  car  sur  9  musiciens  civils,  morts  l'an  dernier 
du  choiera,  pas  un  ne  jouait  dans  les  instruments  de  cuivre. 

PRÉSERVATION  A  DISTANCE. 

■  IMMUNITÉ  SINGULIÈRE  OBSERVÉE  DANS  LA  VILLE  d'aUBAGNE. 

A  propos  de  la  préservation  que  nous  avons  appelée  à  dis- 
tance nous  avions  l'honneur  d'adresser,  le  26  février  dernier  à 
Académie  des  sciences  une  note  de  laquelle  nous  extrayons 
les  lignes  suivantes  : 

«  L'Académie  a  reçu,  dans  sa  séance  du  30  octobre,  par  la 
bouche  de  M.  le  professeur  Velpeau,  une  communication  de 
M  Cassiano  de  Prado,  de  laquelle  il  résulte  que,  dans  une  loca- 
lité d  une  population  de  2,000  âmes,  où  se  trouvent  des  mines 


—  73  — 

de  cuivre,  donnant  lieu  pour  leur  exploitation  à  un  grillage 
incessant  de  pyrites  de  ce  métal,  aucun  cas  de  choléra  ne  s'est 
manifesté,  quoiqu'il  ait  sévi  avec  violence  dans  les  localités 
voisines. 

(,  La  possibilité  du  fait,  a  dit  M.  Velpeau,  à  cette  occasion,  ne 
peut  point  être  niée,  mais  il  s'en  faut  qu'un  fait  pareil  puisse 
être  admis  comme  démontré  par  celte  seule  preuve.  Lyon,  ville 
peu  hygiénique  en  apparence,  est  restée  indemne  du.  choléra 
jusqu'ici,  de  même  7  autres  départements  de  la  France,  de 
même  Versailles  (1),  de  même  etc.  Pourquoi?  Pourquoi?  Eh! 
mon  Dieu,  peut-être  pour  quelque  cause  semblable  à  celle 
qu'a  prétendu  signaler  l'honorable  M.  Cassiano  de  Prado,  lors- 
qu'il a  parlé  d'émanations  cuivriques. 

«  Exemple.  —  Dans  la  nomenclature  des  villes  préservées, 
l'éminent  professeur  a  omis  de  citer  une  localité,  dont  la  pré- 
servation constante  est,  s'il  se  peut,  plus  remarquable  encore 
que  celle  de  Lyon,  située  qu'elle  est  entre  ces  deux  malheu- 
reuses cités  de  Marseille  et  de  Toulon  toujours  si  cruellement 
frappées,  et  si  bien  sur  le  chemin  de  l'une  comme  de  l'autre; 
qu'à  chaque  épidémie  nouvelle  on  y  vit  émigrer  Marseillais  ou 
Toulonnais,  suivant  le  cas.  Aubagne  est  le  nom  de  cette  ville  : 
nous  en  avions  beaucoup  entendu  parler  à  Toulon.  En  revenant 
sur  Paris,  nous  nous  y  arrêtâmes.  Informations  prises  à  bonne 
source,  aussitôt  notre  arrivée,  nous  apprenons  qu'en  effet  la 
réputation  d' Aubagne  n'était  point  usurpée,  qu'elle  n'avait 
jamais  trahi,  comme  Versailles,  la  confiance  de  personne,  et 
que,  tout  récemment  encore,  alors  que  le  choléra  sévissait  à 
Cassis  et  autres  lieux  d'alentour,  la  préservation  des  nouveaux 
venus,  comme  de  ses  habitants  fixes,  y  avait  été  complète. 

«  Le  lendemain  au  matin,  tout  préoccupé  encore  de  ce  qui 
nous  avait  été  dit  la  veille  au  sujet  de  cette  si  persévérante  im- 
munité, nous  nous  en  allions  à  l'aventure  par  cette  ville,  dont, 
après  Toulon,-  il  était  bien  permis  d'aimer  à  fouler  un  instant 
le  sol  privilégié,  lorsque  soudain  nombre  de  fourneaux,  entre- 


(1)  La  préservation  de  Versailles  n'est  rien  moins  que  démontrée,  à  en 
juger,  du  moins,  par  les  décès  (65,  en  1849,  et  18,  en  1854)  qui  ont  eu  lieu 
à  l'hôpital  militaire'  de  cette  ville. 


-  7Z,  - 

tenant  tout  alentour  comme  une  ceinture  de  fumée  attirent 
nos  regards.  Ces  fourneaux,  nous  les  reconnaissons  sans  peine 
pour  les  cheminées  de  fours  à  poterie.  Nous  nous  approchons 
machmalement  des  plus  voisins,  et  sous  les  hangards,  dans  les 
cours  et  jusque  sur  le  pré  ou  sur  le  champ  voisin,  partout 
nous  voyons  cruches  et  pots  par  milliers.  La  forme  en  est  par- 
fois étrange  et  des  plus  primitives...  Il  paraît  que  le  commerce 
de  Marseille,  qui  en  exporte  pour  plusieurs  millions  de  francs 
par  année,  en  Asie  et  en  Afrique,  ne  saurait  en  accepter  d'autres- 
mais  ce  qui  nous  frappe  surtout,  c'est  une  certaine  coloration 
vert  hleu  qui  tapisse  les  parois  d'un  très-grand  nombre.  Nous 
interrogeons  là-dessus  un  patron  qui,  sans  mystère  et  sans  se 
faire  prier,  nous  apprend,  en  la  forme -provençale,  que  la  cou- 
leur qui  nous  occupe  si  fort  est  tout  simplement  le  produit 
d  un  email  de  cuivre,  dont  lui  et  tous  ses  confrères  en  poterie 
de  la  localité  font  usage  concurremment  avec  les  émaux  de 
plomb. 

«  Ainsi  donc  Aubagne  toujours  préservée  du  choléra,  mal-ré 
qu'elle  ait  avec  Marseille  un  voisinage  -  elle  n'en  est  distante 
que  de  17  kilomètres  -  qui  a  été  si  fatal  aux  autres  parties 
de  la  contrée,  malgré  l'invasion,  à  chaque  nouvelle  épidémie 
de  milliers  de  personnes  accourues  des  centres  infectés  a  con- 
stamment dans  les  nombreux  fours  à  poterie  qui  l'entourent 
des  émaux  de  cuivre  nuit  et  jour  en  fusion,  sur  une  très-grande 
surface!... 

^  «  Qu'on  y  prenne  garde,  nous  n'affirmons  rien,  et  peut-être 
n  y  a-t-il  là  qu'une  simple  coïncidence;  mais  enfin,  ces  réserves 
taites,  qui  oserait  nier  la  valeur  du  fait  rapproché  de  tous  les 
cas  semblables  qui  ont  été  cités  ? 

«  Que  si  l'on  nous  demande  quel  a  pu  être  le  rôle  de  ces 
émaux,  par  rapport  aux  miasmes  cholériques...,  nous  répon- 
drons humblement  que  nous  n'en  savons  absolument  rien..., 
et  que  la  chimie,  interrogée  ici.  saurait  encore  bien  moins  ré- 
pondre que  par  la  bouche  si  autorisée  de  M.  Chevreuil,  cher- 
chant, en  présence  de  l'Académie,  la  clef  de  l'énigme  posée  par 
M.  Cassiano  de  Prado,  en  sa  communication  du  30  octobre. 

«  En  conséquence,  nous  nous  bornons  à  enregistrer  le  fait, 
et  nous  terminerons  en  disant  qu'un  jour  viendra  aussi  sans 


doute  où,  le  hasard  se  mettant  encore  de  la  partie,  quelque 
observateur  nullement  dédaigneux  des  petites  causes  sous  les- 
quelles se  cachent  si  souvent  de  grands  effets,  soulèvera  un 
coin  du  voile  qui  recouvre  la  préservation  si  remarquable  de  la- 
ville  de  Lyon,  préservation  qui  pour  tous,  cela  est  vrai,  n'a 
point  cessé  d'être  un  mystère.  » 

DE  QUELQUES  FAITS  QUI  ONT  ÉTÉ  CITÉS  EN  OPPOSITION 

DES  NOTRES. 

RÉPONSE  A  NOS  CONTRAUICTEURS. 

Sous  ce  titre  :  Résistances,  il  y  aurait  à  fairç  tout  un  long 
et  curieux  chapitre  sur  les  diverses  phases  d'opposition,  sous 
toutes  les  formes,  que  la  métallothérapie  a  traversées  de- 
puis dix-huit  années  qu'elle  a  pris  naissance.  Ce  chapitre, 
nous  l'écrirons  peut-être  un  jour,  ne  fût-ce  que  pour  l'édi- 
fication et  l'expérience  des  confrères  qui  pourraient  se  sentir, 
eux  aussi,  à  leurs  débuts,  quelques  velléités  d'indépendance. 
«  Toutes  les  vérités  ne  sont  pas  bonnes  à  dire,  »  nous  rap- 
pelait, au  lendemain  de  nos  actes  probatoires,  un  maître, 
célèbre  entre  tous,  qui  avait  appris  de  son  côté  ce  qu'il  peut 
en  coûter  de  trop  prendre  à  la  lettre  ce  mot  de  liberté  inscrit 
en  tête  de  la  profession  médicale. 

Mais  passons... 

Dans  notre  mémoire  aux  Académies,  nous  disions,  il  convient 
de  le  rappeler  ici  : 

«  J'atfirme  de  nouveau  et  plus  énergiquement  que  jamais  la 
préservation  spontanée  chez  l'immense  majorité  des  ouvriers 
qui,  dans  les  diverses  épidémies  de  choléra,  au  moment  même 
où  'sévissait  la  maladie,  se  sont  trouvés  soumis  par  leur  travail 
à  une  absorption  permanente  de  cuivre  réduit  à  l'état  de  pous- 
sière très-ténue,  —  j'ajoute  aujourd'hui  :  sans  mélange  ni  alter- 
nance de  poussières  de  fer  ou  d'un  autre  métal  réducteur  des 
oxydes  ou  sels  de  cuivre.  CDntre  cette  préservation,  je  défie  qm- 
conque  de  venir  s'inscrire  en  [aux.  Je  ne  demande  pas  d'autre 
bénéfice  d'exception  que  celui  que  Jenner  eût  pu  invoquer 


—  76  — 

lui-même,  comme,  par  exemple,  les  cas  de  petite  vérole  que 
LTcinés  '"^'^'dus  cependant  bien  et  dûment 

Le  lecteur  sait  maintenant  à  qui  s'adressait  particulièrement 
notie  défi.  De  ce  coté,  silence  absolu,  nous  l'avons  dit  en  com- 
mençant, et  pas  un  des  faits  opposés  en  1853  avec  tant  de 
succès  à  notre  enquête,  n'est  encore  sorti  des  limbes  adminis- 
tratifs. Aurait-il  été  reconnu  tardivement  que  ces  faits,  en  pré- 
sence surtout  de  nos  nouvelles  affirmations  que  rien  n'était 
.venu  m  démentir  ni  contredire,  n'avaient  point  une  valeur  suf- 
fisante, et  notre  éminent  contradicteur,  animé  sans  doute  d'une 
foi  non  moins  robuste  que  la  nôtre  mais  en  sens  contraire 
a-t-.l  attendu  que  l'épidémie  que  nous  venons  de  traverser  lui 
fourmt  les  moyens  de  se  donner  raison?..  Dans  ces  derniers 
mois,  en  faisant  notre  enquête,  nous  nous  sommes  trouvé  plu- 
sieurs fois  sur  les  pas  d'un  médecin  qui  paraissait  se  livrer  aux 
mêmes  recherches...  Quel  était  le  nom  de  ce  confrère  ?  On 
na  pomt  su  nous  le  dire...  D'où  venait-il?...  Il  était  porteur 
nous  dit-on,  de  références  sur  grand  format  avec  estampille  de 
grand  module.  Quel  était  son  but?  11  prenait  si  peu  soin  de  le 
dissimuler  que  plusieurs  des  industriels  visités,  comme  s'ils 
s  étaient  donné  le  mot,  l'ont  caractérisé  de  la  sorte  •  «  votre 
antagoniste. ,,  Qu'a-t-il  trouvé?  Rien,  presque  toujours,  que  des 
croyants  ou  même  des  apôtres  de  la  préservation  du  choléra 
par  le  .mivre,  apôtres  parfois  si  fervents,  qu'il  s'en  est  suivi 
certains  démêlés  qui  seraient  bouffons,  si,  au  fond  de  tout  cela 
Il  n  y  avait  quelque  chose  de  fort  triste  :  le  parti  pris  de  Taire 
obstacle  quand  même  à  une  vérité  nouvelle  qui  porte  pciU-élrc 
en  elle  la  solution  du  terrible  problème....  S'il  en  est  autre- 
ment, nous  ne  saurions  plus  tarder  bien  longtemps  à  le  savoir 
car  le  confrère  anonyme  dont  nous  voulons  parler  compren- 
dra sans  doute  que,  s'étant  présenté  au  nom  d'un  intérêt  pu- 
blic. Il  n'a  point  le  droit  de  se  taire  sur  les  faits  qui  lui  ont  été 
révélés. 

Voyons  ailleurs. 

Dans  les  premiers  mois  de  l'année,  il  a  paru  inopinément, 
venant  de  l'hôpital  Saint-Antoine,  une  double  attaque  contre 
notre  système. 


—  77  - 

Voici  la  première. 

Elle  a  eu  tous  les  honneurs  :  communication  à  la  société  des 
médecins  des  hôpitaux  de  la  Seine,  présentation  à  l'Institut, 
insertion  dans  les  archives  générales  de  médecine,  etc.,  etc. 

«  Les  recherches  faites  dans  les  épidémies  de  18:.9  et  1853-5ii, 
ont  conduit  à  penser  que  certaines  professions  avaient  le  pri- 
vilège d'échapper  au  choléra;  les  ouvriers  en  cuivre  ont  notam- 
ment été  considérés  comme  jouissant  d'une  immunité  à  peu 
près  complète.  Le  cuivre,  envisagé  comme  agent  préventif  du 
choléra,  n'a  pas  tardé  à  devenir  un  antidote  du  poison  cholé- 
rique, et  ses  succès  ont  été  proclamés  bien  haut  dans  l'épidé- 
mie actuelle. 

«  En  face  d'une  question  aussi  importante,  qui  s'annonce 
comme  devant  donner  la  solution  complète  du  problème,  pré- 
serverel  guérir,  il  est  du  devoir  de  chacun  d'apporter  le  tribut 
de  ses  observations. 

((  ]e  n'ai  point  fait  usage  des  préparations  de  cuivre  dans 
une  mesure  assez  étendue,  pour  être  en  droit  de  louer  ou  de 
blâmer  cette  médication,  car  elle  n'a  été  administrée  qu'à  trois 
de  mes  malades;  tous  trois  ont  succombé;  mais  il  est  vrai  de 
dire  qu'ils  étaient  arrivés  à  l'algidité  complète  presque  as- 
phyxique.  Les  résultats  de  ma  statistique  s'expriment  plus 
catégoriquement  quant  à  l'immunité  des  ouvriers  en  cuivre,, 
attribuée  à  l'influence  heureuse  de  leur  profession. 

«  Sur  213  malades,  j'ai  compté  8  ouvriers  en  cuivre.  Quelque 
petit  que  puisse  sembler  ce  chiffre,  il  ne  doit  point  passer  ina- 
perçu, puisque  ces  ouvriers  sont  relativement  peu  nombreux, 
si  surtout  on  néglige  les  professions  qui  ne  travaillent  le  cuivre 
que  par  circonstance,  telles  que  horlogers,  ciseleurs,  mécani- 
ciens, pour  ne  compter  que  les  fondeurs  et  polisseurs. 
Ces  8  malades  sont  : 

«  1°  Martin,  58  ans,  polisseur  en  cuivre  depuis  7  ans.  Début 
brusque  du  choléra.  Entré  mourant.  Mort  12  heures  après  le 
début. 

«  2"  Marchais,  53  ans,  tourneur  en  cuivre  depuis  /lO  ans. 
Choléra  après  k  jours  de  diarrhée  prémonitoire.  Algidilé  com- 
plète à  l'entrée.  Mort  30  heures  après  son  entrée. 

«  3"  Giles,  35  ans,  tourneur  en  cuivre,  homme  très-robuste. 


—  78  — 

Début  brusque.  Apporté  mourant.  Mort  21  heures  après  le 
début. 

«  4°  Hamouy,  51  ans,  tourneur  en  cuivre.  Diarrhée  séreuse 
épidémique.  Guéri. 

«  5°  Kurtz,  24  ans,  fondeur  en  cuivre.  Début  brusque,  alci- 
dité  incomplète.  Guéri. 

«  6°  Pierry,  30  ans,  fondeur  en  cuivre.  Début  brusque  sans 
diarrhée  prémonitoire,  algidité  complète.  Mort. 

«  7°  Vanier,  28  ans,  fondeur  en  cuivre  depuis  quelques  se- 
mâmes. Choléra  léger  après  3  jours  de  diarrhée  prodromique 
Mort.  ^ 

«  8»  Marchandé,  40  ans,  monteur  en  cuivre.  Début  brusque 
sans  diarrhée,  algidité  complète.  Guéri. 

«  Le  début  brusque  du  choléra,  sans  diarrhée  prémonitoire 
chez  5  de  ces  malades,  et  le  chiffre  relativement  considérable 
de  la  mortalité,  prouvent  l'intensité  du  mal  et  l'impuissance  de 
tous  les  moyens  thérapeutiques  mis  en  œuvre.  5  sont  morts 
sur  8,  et  tous  ont  succombé  dans  la  période  algide.  Si  les  rele- 
vés statistiques  des  autres  hôpitaux  viennent  grossir  ce  chiffre 
dans  la  même  proportion,  les  qualités  préventives  du  cuivre  ne 
seront  plus  qu'une  espérance  déçue,  et  ses  propriétés  cura- 
tives  seront  du  même  coup  fortement  ébranlées  en  perdant  la 
base  qui  a  servi  à  les  édifier.  » 

(Extrait  des  Archwes  générales  de  médecine,  numéros 
de  février  et  mars.) 

C'est  tout  de  suite,  dès  la  deuxième  page  du  mémoire,  que 
ie  feu  s  ouvre.  ^ 

Mais  quel  est  donc  l'auteur  qui  se  montre  si  empressé  de 
courir  sus  à  la  métallothérapie,  el  qui  semble  avoir  si  bien  pris 
a  tache  d'en  faire  oublier  l'inventeur,  que  son  nom,  comme  s'il 
ne  1  eut  jamais  connu,  ne  lui  vient  pas  une  seule  fois  sous  la 
plume?  Quel  est  aussi  le  médecin  qui,  ayant  sous  sa  direction 
tout  un  important  service  d'hôpital,  ne  consent  à  faire  usage 
des  sels  de  cuivre  que  dans  trois  circonstances,  sur  des  cliolé- 
nques  aUjides,  et  probablement  aussi  aux  doses  faibles  de  10 
ou  15  centig.,  exclusivement  conseillées  par  M.  le  docteur  Lisie 
el  qui  ne  trouve  point  une  seule  fois  l'occasion  d'employer  (dù 
moms  II  ne  le  dit  pas)  ces  applications  de  cuivre,  déclarées  si 


—  79  — 

souverainement  efficaces  contre  les  crampes  par  l'un  de  nos 
maîtres  les  plus  vénérés?.  C'est  un  médecin  de  notre  temps, 
un  de  nos  plus  anciens  camarades,  dont  la  main  s'était  encore 
trouvée,  quelque  temps  auparavant,  à  mi-chemin  de  la  nôtre, 
M.  le  docteur  Mesnet.  C'était,  si  nous  avons  bonne  mémoire, 
vers  les  premiers  jours  de  novembre  qu'eut  lieu  notre  ren- 
contre. La  moisson  relative  aux  ouvriers  en  cuivre  était  alors 
à  peu  près  terminée  à  Saint-Antoine.  M.  Mesnet  ne  nous  en 
dit  mot.  Pourquoi  une  discrétion  si  complète?  Pourquoi  ne  pas 
nous  avoir  averti?  Avisé  en  temps  utile,  noas  eussions  été,  nous, 
aux  renseignements,  nous  aurions  procédé,  comme  toujours,  à 
une  enquête  sérieuse,  et  le  lecteur  impartial  en  nous  lisant  ici, 
tout  à  l'heure,  comme  dans  la  Gazette  des  hôpitaux  du  U  avril, 
où  a  déjà  paru  notre  réponse,  n'aurait  point  à  se  dire  que  notre 
confrère  de  l'hôpital  Saint-Antoine  a  perdu  là  une  bien  belle 
occasion  de  réserver  son  zèle  scientifique  pour  une  meilleure 
cause. 

Les  attaques  contre  le  cuivre  ne  sont  point  parties  seulement 
du  service  des  hommes  à  l'hôpital  Saint-Antoine.  Dans  les  salles 
des  femmes  on  avait  aussi  l'œil  ouvert,  il  paraît,  sur  les  entrées, 
et  l'interne  du  service,  aujourd'hui  reçu  médecin,  n'a  point 
manqué  de  saisir  au  passage  deux  ouvrières  qualifiées,  à  leur 
arrivée,  l'une  de  polisseuse  en  cuivre,  et  l'autre  de  dècoupeuse  de 
rouages  en  cuivre.  Ces  deux  malades,  l'auteur  les  a  présentées, 
dans  sa  thèse  inaugurale,  comme  destinées  à  donner  le  dernier 
coup  à  notre  système.  Ici  nous  ferons  grâce  au  lecteur  de  l'ar- 
ticle où  M.  X...  pourfend  en  une  forme  qui  lui  est  propre  et 
avec  des  arguments-  à  lui,  «  la  théorie  malheureuse  qui  devait 
crouler  devant  l'évidence,  etc.  »  Si  nous  le  citions,  il  nous  faudrait 
y  répondre,  et  nous  n'avons  aucune  expérience  des  armes  dont 
paraît  aimer  à  se  servir  notre  jeune  confrère.  Nous  ne  retien- 
drons de  son  argumentation  que  les  noms  des  deux  ouvrières 
citées.  Dans  l'enquête  qui  va  suivre  l'on  verra  quelle  était  en 
réalité  leur  profession. 


—  80  — 

3°  ENQUÊTE  SUR  LES  MALADES  DE  l'hOPITAL  SAINT-ANTOINE. 

«  Dans  notre  Revue  clinique  du  2k  mars  dernier,  en  rappor- 
tant, à  propos  de  la  relation  de  l'épidémie  de  choléra  à  l'hôpital 
Saint-Antoine,  la  proportion,  par  rapport  aux  diverses  profes- 
sions, des  ouvriers  en  cuivre  qui  avaient  été  atteints  du  cho- 
léra, nous  avons  particulièrement  signalé  ces  faite  à  l'attention 
de  notre  confrère  M.  le  docteur  Burq,  afin  de  lui  fournir  l'oc- 
casion d'examiner  lui-même  de  près  ces  faits  et  de  leur  appli- 
quer le  système  d'enquête  auquel  il  soumet  tous  les  faits  de  ce 
genre, 

«  M.  le  docteur  Burq  n'a  pas  manqué  de  répondre  à  notre 
appel,  et  voici  la  réponse  qu'il  y  fait.  Nous  la  reproduisons, 
sans  rien  préjuger  sur  les  conséquences  à  en  déduire,  et  dans 
l'unique  but  de  servir  à  la  recherche  de  la  vérité. 

«  D""  BROCHIN.  » 

Je  viens  répondre  à  votre  appel  du  samedi  24  mars. 
■  Je  touchais  presque  à  la  fin  de  ma  nouvelle  enquête,  —  ceux 
qui  ont  jamais  essayé  d'entreprendre  semblables  recherches 
sur  cette  population  nomade  et  souvent  sans  feu  ni  lieu  dont 
se  compose  une  grande  partie  de  la  classe  ouvrière  de  Paris, 
en  comprendront  seuls  toutes  les  difficultés;  —  et  déjà  je  ne 
songeais  plus  à  mes  fatigues  que  pour  mieux  en  savourer  tous 
les  fruits,  lorsque  m'est  arrivé  le  numéro  de  la  Gazetle  des 
hôpitaux  où  il  est  dit  que  sur  357  cholériques  {22k  hommes  et 
133  femmes)  reçus  dans  l'hôpital  Saint-Antoine  on  aurait  noté 
8  ouvriers  en  cuivre  dont  4  seulement  guéris...  (c'est  en  réa- 
lité 11-et  non  pas  8). 

11  ouvriers  en  cuivre  sur  357  entrées!...  c'était  quelque  chose, 
et  bien  qu'à  tout  prendre  il  pût  n'y  avoir  dans  ce  fait  qu'une 
de  ces  coïncidences  fortuites  qui  ont  nom  de  séries  cjans  le 
langage  clinique,  coïncidence  à  la  rigueur  possible,  à  cause  du 
grand  nombre  d'industries  sur  le  cuivre  dans  les  arrondisse- 
ments que  dessert  cet  hôpital,  mais  qui  en  aucun  cas  ne  pou- 
vait donner  lieu  à  très-grande  surprise,  puisque  dans  mes 
publications  antérieures  j'avais,  qu'on  ne  l'oublie  pas,  noté 
moi-même  nombre  d'exceptions,  dont  8  en  18Z|9  pour  la  seule 


^  81  -  • 

fonderie  de  cuivre  ;  cependant  la  chose  prenait  de  la  gravité  (1). 

J'ai  repris  aussitôt  le  chemin  de  ce  faubourg  Saint-Antoine 
que  j'avais  déjà  tant  de  fois  en  tous  sens  sillonné:  ^e  suis  allé 
au  domicile  et  ;\  l'atelier  de  tous  les  ouvriers  indiqués  comme 
ayant  fait  échec  à  la  préservation  cuprique  ;  j'ai  recueilli  sur 
leur  compte  les  renseignements  les  plus  circonstanciés,  et  ce. 
sont  les  résultats  de  celte  petite  enquête,  annexe  de  la  grande 
que  j'ai  dite  plus  haut,  que  je  viens  vous  apporter.  ^ 

En  lisant  les  faits  annoncés  en  opposition  des  nôtres,  vous 
vous  étiez  dit  sans  doute,  monsieur  le  rédacteur,  que  dans  cette 
publication,  rien  n'avait  dû  se  faire  à  la  légère,  et  que  très-cer- 
tainement ce  n'était  qu'après  informations  recueillies  à  bonne 
source,  qu'avaient  parlé  des  hommes  élevés  dans  le  respect  de 
tous  les  droits,  ceux  des  auteurs  aussi  bien  (^ue  ceux  de  la 
science,  et  qui  n'ignoraient  point,  d'ailleurs,  qu'il  y  avait  tout 
auprès  des  oreilles  grandes  ouvertes  pour  les  entendre. 

Eh  bien  !  lisez,  monsieur  le  rédacteur,  et  jugez;  et  si,  chemin 
faisant,  le  sentiment  de  ce  (\m  est  juste  en  vous  quelque  peu  se 
révolte,  comptez  ce  que  je  dois,  moi,  faire  d'efforts  pour  em- 
pêcher qu'en  ces  lignes  il  n'éclate. 

L'hôpital  Saint-Antoine  a  reçu,  dans  le  dernier  choléra, 
9  hommes  qualifiés  d'ouvriers  en  cuivre,  plus  2  femmes  por- 
tées sur  le  registre  des  entrées,  l'une  comme  polisseuse,  l'autre 
comme  déco'upeuse.  En  tout  11  malades  sur  lesquels  5  sont 
décédés,  et  6  ont  guéri,  savoir  : 
Décédés  : 

1°  Giles,  trente-cinq  ans,  tourneur  en  cuivre,  demeurant  rue 
des  Tournelles,  26; 
2°  Pierry,  trente  ans,  fondeur  en  cuivre,  impasse  Godelet, 

16  bis; 

3°  Vanier,  trente-huit  ans,  fondeur  en  cuivre,  faubourg  Saint- 
Antoine,  116; 

(1)  La  fonderie  de  enivre,  il  est  vrai,  est  loin  d'Ctre  des  mieux  placées 
dans  réchellc  de  préservation,  et  h  l'époque  où  ont  été  faites  nos  premières 
recherches,  nous  ne  savions  encore  faire  nous-méme  aucune  différence 
entre  les  simples  hommes  de  peine  et  les  véritables  ouvriers  de  cette  indus- 
trie. . 


—  82  — 

ti°  Martin,  cinquante-huit  ans,  polisseur  en  cuivre,  rue  de 
Montreuil,  HO  ; 

5°  Marchais,  cinquante-trois  ans,  tourneur  en  cuivre,  im- 
passe Boutron,  11. 
Guéris  : 

1°  Hamouy,  cinquante  et  un  ans,  tourneur  en  cuivre,  rue 
Popincourt,  15  ; 

2°  Marchandé,  quarante  ans,  monteur  en  cuivre,  rue  de  Mon- 
treuil, 9  ; 

3"  Kurts,  vingt-quatre  ans,  fondeur  en  cuivre,  rue  des  Aman- 
diers, ih; 

k°  Brœker,  trente-deux  ans,  fondeur  en  cuivre,  rue  Louis- 
Philippe,  9. 

5°  Angellause,  quarante  ans,  polisseuse,  cité  Popincourt,  IG. 
6"  Berthé,  dix-sept  ans,  découpeuse,  cité  Popincourt,  22. 
Voici  maintenant,  en  aussi  peu  de  mots  que  possible,  l'his- 
toire de  chacun  de  ces  11  malades  : 

1»  Giles,  tourneur  en  cuivre  ?. ..  Il  était  tourneur  en  effet,  mais 
tourneur  de  roue  chez  M.  Darlot,  opticien,  rue  Chapon,  1Z|,  où 
il  travaillait  comme  simple  homme  de  peine. 

C'était  un  pauvre  diable  qui  se  privait  parfois  du  nécessaire 
pour  économiser  un  peu  sur  son  maigre  salaire. 

M.  Darlot,  ouvrier  lui-même,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  aujour- 
d'hui un  de  nos  artistes  fabricants  émérites  en  optique,  avait 
environ  trente  ouvriers,  pas  un  n'a  été  malade.  Pas  de  malade 
non  plus,  ni  en  1849  ni  en  185/j,  chez  M.  Lerebours,  où  travail- 
lait alors  M.  Darlot. 

L'immunité  des  opticiens,  travaillant  sur  le  cuivre,  est  un 
fait  acquis  aujourd'hui  pour  M.  Darlot,  comme  pour  tous  ses 
confrères  en  optique. 

2°  Pierry,  fondeur  en  cuivre?  Encore  un  simple  homme  de 
peine.  Entré  comme  tel  chez  MM.  Caylar  et  Gain,  fondeurs  en 
cuivre,  rue  Popincourt,  90.11  ne  limait,  n'ébarbait  ni  ne  fondait 
jamais.  Tout  aussi  ami  de  l'épargne  que  Giles,  Pierry,  occupé 
depuis  huit  jours  à  un  travail  de  fourneau  des  plus  pénibles, 
n'avait  voulu  rien  distraire  du  double  salaire  en  vue  duquel  il 
avait  entrepris  ce  travail  exceptionnel,  pour  ajouter  un  peu  à 
sa  maigre  pitance  habituelle.  Uuisselant  de  sueur  à  un  brasier 


« 


—  83  — 

ardent,  devant  lequel  il  était  obligé  de  se  tenir  jusqu'à  douze 
et  quatorze  heures  de  suite,  il  s'était  contenté,  tout  le  temps, 
de  l'eau  de  l'atelier  pour  étancher  sa  soif.  > 

Lorsque  la  maladie  est  venue  fondre  sur  lui,  il  était  à  bout 
de  forces. 

Il  y  avait  à  ce  moment  dans  la  même  fonderie  120  ouvriers. 
Aucun  autre  n'a  été  malade,  si  'ce  n'est  un  qui  a  eu  quatre  ou 
cinq  jours  de  véritable  cholérophobie,  mais  sans  diarrhée,  ni 
vomissement,  ni  crampes. 

En  1849  et  1854,  l'un  des  associés  de  cette  importante  mai- 
son, M.  Gain,  était  dans  la  fonderie  en  cuivre  de  M.  Detourbet, 
faubourg  du  Temple  :  il  atteste  que  les  choses  s'y  sont  passées 
non  moins  heureusement  (1). 

3"  Vanier,  fondeur  en  cuivre  ?  Moins  encore  que  le  précé- 
dent. Jardinier  de  son  état  et  entré  depuis  peu  comme  homme 
de  peine  chez  M.  Rousseau,  fondeur,  rue  Beccaria,  9.  Son  sa- 
laire, qui  n'était  que  de  2  francs  par  jour,  sufKt  à  prouver  le 
peu  de  services  qu'il  y  rendait,  et  la  triste  chère  qu'il  devait 
faire. 

Ni  morts  ni  malades  chez  M.  Rousseau,  qui  occupe  en 
moyenne  de  15  à  20  ouvriers. 

k°  Martin,  polisseur  en  cuivre?  C'est  vrai,  mais  polisseur 
surtout  au  gras.  Il  travaillait  chez  M.  Chachoin,  rue  Saint- 
Gilles,  12;  précisément  dans  la  même  maison  qu'un  grand 
fabricant  d'instruments  de  musique  en  cuivre,  M.  Lecomte, 
qui  sur  100  ouvriers  n'a  eu  ni  mort  ni  malade. 

Le  travail  de  Martin  consistait  principalement  à  passer  huile 
et  terre  pourrie  sur  le  métal  qu'il  frottait  ensuite.  Le  cuivre 
était  de  cette  manière  fort  peu  disséminé  en  poussière  fine 
dans  l'atmosphère  ambiante,  ainsi  que  le  veut  la  préservation 
pour  être  etiicace,  mais  de  temps  en  temps  lime  et  papier  de 
verre  avaient  aussi  leur  tour.  Donc  Martin  avait,  dans  une  cer- 
taine mesure,  des  droits  à  être  préservé.  Mais  à  côté  du  préser- 

(1)  On  nous  a  fait  voir  chez  MM.  Cayar  et  Gain,  un  mouton  qui,  depuis 
deux  ans,  y  vit  constamment  dans  les  ateliers.  Cet  animal  est  superbe  de 
taille  et  de  santé,  et  cependant,  outre  t|u'il  ne  quitte  jamais  la  fonderie,  sa 
boisson  la  plus  habituelle  est  l'eau  d'une  auge  où  l'on  met  souvent  i\  trem- 
per les  vieux  cuivres. 


-  8/,  - 

vatif,  bien  souvenl  se  trouvaient  i'inconduite  et  l'ivrognerie 
aggravées  par  l'insuffisance  de  nourriture.  Martin,  loustic-phi- 
losophe, avait  complètement  adopté  la  devise  :  courte  et  bonne. 
Sa  paye  faite,  il  disparaissait  et  ne  rentrait  à  l'atelier  que  lors- 
qu'il n'avait  plus  d'argent.  Il  vivait  alors  tout  le  reste  de  la 
semaine  d'une  soupe  laite  sur  les  fourneaux  de  l'atelier  avec 
seulement  un  peu  de  graisse,  et  dont  les  chiens,  nous  disait 
son  chef  d'atelier,  n'auraient  point  voulu  manger.  C'est  après 
quatre  jours  d'un  tel  régime,  un  samedi,  qu'il  fut  attaqué  de 
la  maladie. 

M.  Chachoin  est  établi  depuis  une  trentaine  d'années;  20  ou- 
vriers en  moyenne  chez  lui  ne  travaillent  que  le  cuivre;  jamais 
ni  mort  ni  malade  du  choléra,  hors  Martin. 

5»  Marchais,  tourneur  en  cuivre?  Oui,  mais  un  Martin  n»  2, 
et  pris  comme  lui  un  samedi.  Ce  jour-là,  pour  arriver  à  temps 
à  la  paye  qui  devait  se  faire  le  soir.  Marchais  bridant,  suivant 
son  expression,  une  étape,  avait  travaillé  très-fort  presque  sans 
manger  de  la  journée. 

Jusqu'au  mercredi,  jour  de  son  entrée  à  l'hôpital,  il  était 
resté  sans  aucun  traitement. 

M.  Pichard,  rue  d'Aval,  13,  chez  lequel  Marchais  travaillait, 
est  depuis  longtemps  dans  le  métier.  La  moyenne  des  ouvriers 
qu'il  occupe  est  de  30.  Pas  d'autre  cholérique  à  signaler. 

M.  Savaglio,  concurrent  émérite  de  M.  Pichard,  rue  des 
Amandiers-Popincourt,  53,  n'a  jamais  perdu  aucun  de  ses  ou- 
vriers par  le  choléra.  La  moyenne  de  ceux  qu'il  occupe  est  de 
80.  L'an  dernier,  un  seul,  le  sieur  Liocco,  a  eu  pendant  quel- 
ques jours  la  cholérine. 

M.  Cussac,  contre-maître,  atteste  hautement  l'immunité  dont 
jouissent  les  ouvriers  de  sa  profession.  Marchais  est  le  seul,  dit- 
il,  qui  ait  succombé  parmi  les  très-nombreux  ouvriers  tour- 
neurs en  cuivre  de  tout  le  faubourg  (mon  enquête,  terminée 
aujourd'hui,  montre  que  M.  Cussac  avait  parfaitement  raison), 
et  sa  mort  nous  a  tous  beaucoup  surpris. 

Voilà  pour  les  décédés.  Voyons  les  autres. 

1»  llamouy,  tourneur  en  cuivre?  Pas  du  tout,  car  il  est  bou- 
langer,de  son  état  et  n'a  jamais  tourné  que  de  la  pâte  à  cuire. 
Perdant  ses  forces  et  sa  vue,  il  a  été  contraint  de  quitter  sa 


profession  pour  se  faire  ce  qu'il  a  pu,  homme  de  peine.  Je  suis 
dérocheur  en  cuivre,  déroclieur,  entendez-vous,  disait-il  à 
l'heure  de  la  visite.  Dérocheur?  Vous  vous  moquez.  C'est  tour- 
neur, sans  doute,  que  vous  voulez  dire;  et  c'est  sous  cette 
quali'flcation  qu'il  est  resté  inscrit!  Allez  voir  Hamouy,  et  vous 
entendrez  le  pauvre  homme  protester  encore. 

Recueilli  par  commisération  par  un  M.  Marguerie,  fabricant 
de  menus  articles  de  métal,  impasse  du  Saumon,  n»  10,  à 
Ménilmontant,  il  s'occupe  à  assécher  avec  de  la  sciure  de  bois 
des  bandes  de  cuivre  dérochées  d'abord  dans  l'acide,  puis  lavées 
à  grande  eau.  Où  est  là,  nous  le  demandons,  la  poussière  de 
cuivre  à  absorber?  Après  ça,  peut-être  que  cet  homme  étan- 
chait  de  temps  en  temps  sa  soif  à  même  des  baquets  où  l'on 
avait  mis  le  cuivre  à  tremper!  Il  était  si  profondément  misé- 
rable l'an  dernier,  étant  resté  sans  travail  de  décembre  186fi 
jusqu'au  1"  juillet  suivant!  Hamouy  est  bien  malheureux, 
mais,  s'il  se  peut,  il  est  plus  sale  encore  :  dans  le  grenier  où  on 
le  loge  par  pitié ,  cette  sorte  de  Job  couche  sur  un  grabat  sor- 
dide, et  ses  voisins  sont  unanimes  à  dire  que  si  la  maison  tout 
entière  n'a  point  eu  le  choléra,  ce  n'est  point  du  tout  sa 
faute. 

2»  Marchandé ,  monteur  en  cuivre?  De  sa  profession  oui, 
mais  depuis  un  an  il  l'avait  quittée  pour  se  faire  marchand  de 
poisson  dans  les  rues.  Devenu  très-misérable  par  inconduite  et 
par  paresse,  il  logeait  dans  une  sorte  de  chenil,  lui,  sa  femme 
et  deux  ou  trois  enfants.  Quinze  jours  à  trois  semaines  avant 
qu'il  tombât  malade,  un  de  ses  anciens  camarades,  M.  Petit, 
établi  monteur  repousseur,  avenue  de  la  Roquette,  22,  le  pre- 
nant en  pitié,  l'avait  employé  chez  lui,  et  à  ce  sujet,  M.  Petit 
nous  a  écrit  :  «  Lorsque  Marchandé  a  pris  le  choléra,  il  y  avait 
quatre  jours  qu'il  n'était  venu  à  l'atelier  et,  tant  avant  qu'après 
sa  maladie,  il  n'a  travaillé  que  vingt  jours  chez  moi.  Du  reste, 
dans  son  travail,  il  ne  faisait  qu'ccpprèler,  c'est-à-dire  tracer  et 
couper  le  cuivre  par  morceaux  ;  ce  qui  ne  fait  aucune  pous- 
sière !  » 

3°  Kurtz,  fondeur  en  cuivre?  Non  :  encore  simple  homme  de 
peine  chez  M.  Fiel,  fondeur  en  cuivre,  passage  Saint-Pierre,  12, 
où  il  n'a  travaillé  du  reste  que  fort  peu  de  temps.  Dans  ce 


—  86  — 

nouveau  métier,  Kurtz  avait  la  charge  de  cribler,  dans  un  petit 
atelier  à  part,  le  sable  neuf  servant  à  la  confection  des  moules. 
Guère  plus  heureux  sous  ce  rapport  que  le  concierge  de  la 
maison,  il  n'avait  donc  même  pas  avec  le  métal  des  rapports 
de  voisinage. 

M.  Fiel  avait  40  ouvriers.  II  est  très-ancien  dans  la  partie. 
Jamais  chez  lui,  en  temps  de  choléra,  ni  mort  ni  malade.  La 
fonderie  de  cuivre  compte,  dit-il,  2,000  à  2,500  ouvriers;  pas 
un  seul  mort,  à  sa  connaissance,  dans  la  dernière  épidémie. 

k°  Brœker,  fondeur  en  cuivre  ?  Non,-  homme  de  peine  chez 
M.  Mordat,  rue  Louis-Philippe,  32,  et  spécialement  chargé  des 
livraisons  à  domicile. 

Dans  la  maison  Mordat  on  est  fondeur  en  cuivre  de  père  en 
fds.  30  ouvriers,  tant  mouleurs,  ébarbeurs  que  fondeurs," réunis 
dans  le  même  atelier;  personne  de  malade  ni  en  1849,  ni  en 
1854,  ni  en  1865. 

Le  jour  même  où  je  m'étais  présenté  chez  M.  Mordat,  je 
visitais  à  nouveau  l'importante  maison  de  M.  Thiébault,  fau- 
bourg Saint-Denis,  et,  le  lendemain,  cet  éminent  industriel, 
maire  du  10"  arrondissement,  nous  faisait  l'honneur  de  nous 
écrire  que  pas  un  de  ses  ouvriers,  sur  250  à  300  qu'il  occupe, 
n'avait  été  malade. 

Même  constatation,  me  dit-on  dans  la  maison,  venait  d'y  être 
faite  par  le  confrère  dont  il  est  parlé  plus  haut. 

5°  Angellause,  polisseuse  en  cuivre  !  Je  me  suis  transporté 
dans  un  misérable  troisième  de  la  cité  Popincourt,  16,  et  j'y  ai 
vu  une  malheureuse  femme  toute  contrefaite,  en  face  d'une 
demi-douzaine  de  pièces  de  petite  horlogerie  qui  auraient  bien 
tenu  ensemble  dans  le  creux  de  la  main. 

De  lime,  de  papier  de  verre,  pas  :  seulement  du  blanc  d'Es- 
pagne, de  la  terre  pourrie,  de  l'huile  ou  de  l'eau,  une  peau  et 
quelquefois  une  pierre  à  huile,  et  voilà  avec  quoi  la  pauvre 
ouvrière  détache  les  parcelles  de  cuivre  et  en  ennuage  l'atmo- 
sphère de  sa  chambre  !  Mais  à  ce  compte,  la  moindre  cuisinière 
aurait  à  la  préservation  dix  fois  plus  de  droits  qu'elle. 

Je  passe  vite  à  la  dernière,  car,  devant  de  telles  choses,  de- 
vant les  preuves  d'un  tel  parti  pris,  je  sens  le  sang  me  venir 
battre  aux  tempes. 


—  87  — 

ôoBerthé,  découpeuse  en  cuivre?  Non,  non  une  dernière 
fois.  Mais,  d'abord,  depuis  quand  ai-je  dit  que  découper  du 
cuivre  c'est-à-dire  détacher  avec  un  emporte-pièce,  dont  le 
fonctionnement  doit  se  faire  sans  aucune  éraillure,  du  métal 
sous  forme  de  petits  flans  ou  autres,  donnait  lieu  à  la  préser- 
vation' Il  est  vrai  qu'à  ces  flans  sont  mêlés  parfois  des  linéa- 
ments comme  de  petits  sabres!  Et  ce  sont  ces  sabres-là  que, 
tout  jeu  de  mots  à  part,  l'on  prétendrait  faire  avaler  par  la 
jeune  Berthél...  Allons  voir  maintenant  cette  prétendue  dé- 
coupeuse de  rouages  en  cuivre.  Nous  entrons  chez  M.^  Ri- 
chard rue  Saint-Gilles,  11.  Voici  Berthéà  son  ouvrage.  Dune 
main  elle  tient  un  tout  petit  long  tube  mince,  argenté,  désigne 
sous  le  nom  de  virole,  et  avec  l'autre,  armée  d'un  mandrm  de 
fer  elle  redresse  le  petit  tube  quand  il  est  déformé  ;  et  s  il  lui 
arrive  de  rencontrer  à  l'ouverture  quelque  aspérité,  alors  e  e 
prend  une  petite  cisaille  avec  laquelle  elle  découpe,  non,  elle 
coupe  la  dite  aspérité. 

Et  voilà  les  faits  qu'on  nous  oppose,  et  voilà  avec  quoi  un 
jeune  confrère  que  je  ne  nommerai  pas,  -  MM.  les  internes, 
hier  encore  ses  collègues,  qui  ont  lu  sa  brochure,  j'en  suis  sur, 
m'approuveront,  -  écrivant  sous  l'inspiration  de  ses  maîtres, 
prétend  venir  jeter  bas  une  œuvre  dont  l'observation  première 
a  porté,  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  sur  une  population  de 
plus  de  100,000  individus,  et  qui,  sans  parler  de  tout  ce  que 
nous  y  ajoutions  naguère  à  Marseille,  à  Toulon  et  à  la  Seyne, 
vient  de  recevoir  en  Italie  la  plus  éclatante  confirmation  de  la 
part  d'hommes  aussi  honorables  que  désintéressés,  MM.  les 
docteurs  Gallarini,  à  Florence,  et  Alphonso  de  Rogatis,  à  Na- 

^^Eri  vérité,  n'est-ce  point  trop  fort?..  Heureusement  que  la 
lutte  ne  nous  fait  point  plus  peur  que  l'injustice,  d'où  qu'elle 
vienne,  ne  saurait  nous  abattre,  et  que  les  armes  ne  nous 
manquent  pas  pour  défendre  une  œuvre  si  péniblement  édi- 
fice !.. 

Je  me  résume,  et  je  dis  :  deux  hommes  travaillant  réellement 
dans  le  cuivre  et  qui,  à  ce  titre,  un  surtout  (Marchais),  avaient 
dans  une  certaine  mesure  des  droits  à  être  préservés,  si  la 
préservation  par  l' inloxicalion  cuprique  que  j'ai  dite  n'est 


—  88  — 

point  une  chimère,  pour  ne  rien  dire  de  plus  ;  mais  2  ivro-nes 
endurcis,  absents  de  l'atelier  le  plus  possible,  vivant  dans  le 
desordre,  se  privant  parfois  du  nécessaire  quatre  et  cinq  jours 
de  la  semaine  pour  boire  plus  à  l'aise  le  reste  du  temps,  et  pris 
1  un  et  l'autre,  au  bout  de  toute  une  semaine  d'épuisement  •  tel 
est  en  définitive  le  chiffre  véritable  qui,  pour  les  ouvriers  en 
cuivre,  doit  être  porté  à  Tactif  de  l'épidémie  cholérique  à 
l'hôpital  Saint-Antoine  qui  y  a  compté  429  malades,  dont 
269  adultes  du  sexe  masculin. 

Or,  si  l'on  veut  bien  réfléchir  qu'il  existe  à  Paris  environ 
30,000  ouvriers  en  cuivre,  nous  laissons  les  femmes  de  côté 
que  ces  ouvriers,  répandus  surtout  dans  les  quartiers  de  la  rive 
droite,  et  plus  spécialement  encore  vers  le  faubourg  Saint- 
Antoine,  ne  sauraient  compter  pour  moins  de  1/8  à  1/10  dans 
la  clientèle  des  hôpitaux  qui  desservent  ces  quartiers  l'on  ar- 
rivera à  ce  résultat  que,  si  les  ouvriers  en  cuivre  n'étaient  pas 
en  dehors  de  la  loi  commune,  c'est  au  moins  25  d'entre  eux  et 
non  point  2  seulement,  qui  devraient  figurer  dans  la  statis- 
tique des  hommes  traités  à  l'hôpital  Saint-Antoine. 

{Gazette  des  Hôpitaux,  samedi  14  avril,)' 

-  En  nous  lisant,  plus  d'un  lecteur  aura  remarqué,  sans 
doute,  le  nombre  d'éliminations  faites  dans  les  ouvriers  en 
cuivre,  ou  qu'on  aurait  pu  supposer  tels  d'après  la  statistique 
des  décès.  Si  quelqu'un  était  tenté  de  s'en  étonner,  nous  ré- 
pondrions que,  dans  ces  éliminations,  dont  aucune  ne  redouta 
un  contrôle,  l'on  ne  saurait  s'empêcher  de  reconnaître  précisé- 
ment une  preuve  de  plus  en  faveur  de  la  présemlion  sponta- 
née. Elles  démontrent,  en  effet,  que  l'ouvrier  en  cuivre  qui 
abandonne  sa  profession,  ou  qui,  pour  une  cause  quelconque 
Ja  délaisse,  ou  bien  vient  à  se  trouver  dans  des  conditions 
d  hygiène,  d'insalubrité  ou  même  de  voisinage  qui  en  annulent 
es  eliets,  perd  presque  aussitôt  les  droits  qu'il  pouvait  avoir  à 
a  préservation  par  la  nature  de  son  travail,  et  rentre  dans  la 
loi  commune.  — 

Avant  de  quitter  la  préservation  spontanée,  pour  passer  à 
i  examen  des  faits  qui  en  sont  résultés,  nous  demandons  à  re- 


—  89  — 

produire  quelques  pages  de  la  brochure  publiée  à  Naples  par 
M  le  de  Rogalis,  sous  ce  titre  :  Obseroalions  et  expériences 
sur  l'action  prophylactique  et  curatioe  du  cuivre  et  de  ses  pre- 
varalions,  dans  le  choléra  asiatique. 

Dans  ces  pages,  extraites  du  chapitre  IV,  intitulé  :  Béflexions 
sur  les  faits  et  expériences  qui  ont  été  rapportés  et  raisons  pour 
lesquelles  le  traitement  du  choléra  par  le  cuivre  doit  être  préfère 
à  tout  autre,  notre  honorable  confrère  nous  paraît  avoir  bien 
résumé  et  dit,  en  la  forme  italienne,  les  traits  principaux  de 
la  question.  Son  extrême  bienveillance  à  noire  egaM  nous 
causant  quelque  gêne,  nous  prions  M.  le  de  Rogat.s  de  nous 
pardonner  si  nous  ne  l'avons  pas  toujours  traduit  fidèlement, 
et  avons  opéré  même  quelques  soustractions. 

«  Le  choléra  a  envahi  l'Europe  quatre  fois  en  peu  d'années; 
pas  mi  pays  dont  il  n'ait  décimé  les  populations.  Sa  tureur 
s'est  étendue  partout,  tous  ont  payé  même  fatal  tribut.  Tel 
fiu'un  ouragan  furieux  qui  renverse  le  chêne  séculaire  et  le 
faible  roseau,  tout  mêle  et  tout  confond,  ainsi  fait  le  tleau 
asiatique  quand  il  s'abat  sur  une  contrée.  Hommes  et  femmes, 
vieillards  et  enfants,  nobles  et  plébéiens,  riches  et  pauvres, 
tous  sont  entraînés  dans  le  même  tourbillon  et  précipités  mi- 
sérablement dans  le  gouffre.  Au  milieu  de  cet  émouvant 
désastre  un  homme  seul  reste  debout,  ainsi  qu'une  tour  solide, 
dont  la  cime  ne  craint  pas  la  fureur  des  vents.  Cet  homme, 
invulnérable  comme  un  nouvel  Achille,  n'est  autre  que  le  fils  de 
l'artisan,  qui  passe  ses  jours  comme  enseveli  dans  les  entrailles 
de  la  terre,  à  la  recherche  du  cuivre,  qui  se  trempe  de  sueur  à 
une  fournaise  ardente  dans  laquelle  le  cuivre  a  été  mis  en  fusion 
(ici  notre  confrère  se  trompe  :  l'on  a  vu  plus  haut  que  les  vérita- 
bles fondeurs  fondant  sont  en  faible  minorité,  et  que  les  ouvriers 
dits  fondeurs  doivent  surtout  leur  préservation  aux  poussières 
de  l'atelier),  ou  qui  bat  avec  son  marteau  ce  métal  du  matin 
au  soir,  pour  lui  donner  la  forme  voulue  pour  les  usages  aux- 
quels il  le  destine.  Et  en  ettet,  aussi  bien  sur  les  bords  de  la 
Seine  et  de  la  Tamise,  que  sur  ceux  de  l'Ârno  et  du  Sebeto, 
l'ouvrier  que  sa  profession  met  en  contact  continuel  avec  le 
cuivre  a  toujours  été  respecté.  Cette  surprenante  immunité  ^ 
<^té  constatée  sjir  une  population  de  plus  de  100,000  ouvriers 


—  90  — 

sur  le  cuivre  ou  ses  alliages,  le  bronze  et  le  laiton.  Et  pour  que 
la  vérité  de  ce  que  je  viens  de  dire  ressorte  davantage,  je  me 
fais  un  devoir  de  l'appuyer  par  les  nombreux  témoignages  des 
personnes  et  autorités  qui  suivent.  »  Ici  M.  le  D'deRogatis  fait 
rénumération  de  tous  les  hommes  honorables,  che'fs  d'in- 
dustrie et  médecins  que  nous  avions  pris  à  témoin  de  nos 
recherches.  Aux  noms  de  MM.  les  D"  Vasseur,  Noirel  de 
Pietra-Santa,  Pécholier  et  Saint-Pierre,  il  ajoute  ceux  de  M  le 
D"-  Gallarini,  de  Florence,  et  de  M.  le  Finzi,  de  la  marine 
italienne.  Puis  il  continue  ainsi  : 

«  J'ai  obtenu  à  Naples  les  mêmes  affirmations  des  principaux 
négociants  et  des  plus  vieux  ouvriers  dam  le  cuivre,  et  dans 
mon  enquête  pour  les  autres  villes  de  l'Italie  méridionale  j'ai 
reçu  les  mêmes  assurances  des  divers  syndics,  qui  ont  répondu 
avec  empressement  à  mon  appel,,  ce  qui  concourt,  avec  l'auto- 
rité de  leurs  noms,  à  donner  une  importance  plus  grande  à 
mes  recherches. 

«  Après  le  témoignage  solennel  et  unanime  d'hommes  de 
positions  si  diverses,  et  dont  quelques-uns  ont  particulièrement 
mérité  l'estime  et  la  confiance  de  leur  pays,  je  pense  que  tous 
les  faits  ci-dessus  énoncés  acquièrent  une  telle  évidence,  qu'ils 
doivent  jeter,  dans  l'esprit  du  plus  grand  nombre,  la  certitude 
que  le  cuivre,  par  une  vertu  propre  et  toute  particulière,  a 
détruit  chez  ces  ouvriers  la  réceptivité  cholérique  et  les  a  ren- 
dus indemnes.  Et  puisque  cette  préservation  a  été  si  constante, 
SI  universelle  et  si  sûre,  force  est  bien  de  conclure  que  le  cui- 
vre est  doué  d'une  spécificité  prophylactique  dans  le  choléra. 
A  celui  qui  serait  tenté  d'infirmer  la  préservation  générale, 
spontanée,  par  les  décès  arrivés  chez  des  personnes  adonnées 
au  travail  du  cuivre,  je  répondrai  que  ces  décès  ont  été  très- 
rares  et  qu'ils  ont-  toujours  eu  lieu  soit  à  la  suite  d'intem- 
pérance ou  d'autres  erreurs  d'hygiène,  soit  parce  que  les 
individus  se  trouvaient  atteints  d'une  autre  maladie  qui  s'est 
aggravée  ou  s'est  transformée  sous  l'influence  du  génie  de  l'épi- 
démie dominante,  soit  enfin  parce  qu'ils  avaient  quitté  leur 
ancien  métier.  Maisicjuand  bien  même  ne  seraient  point  inter- 
venues les  causes  occasionnelles  que  je  viens  d'énoncer,  il 
suffirait  de  réfléchir  que  le  nombre  des  morts  est  si  insignifiant. 


—  91  — 

que  ce  ne  peut  être  qu'une  exception  confirmant  davantage 
les  faits  généraux  de  la  préservation. 

«  Étant  donc  bien  démontré  que  l'action  préservatrice  du 
cuivre  s'est  produite  spontanément,  toute  en  faveur  d'une 
classe  particulière  d'ouvriers,  ce  serait  une  chose  bien  dure  et 
bien  malheureuse  si  un  aussi  grand  bénéfice  devait  rester  le 
privilège  exclusif  d'une  petite  fraction  de  la  société,  et  si  à 
nous  autres,  nouveaux  Tantales,  il  nous  était  refusé  d'y  pren- 
dre part  et  d'en  jouir.  Mais  qu'on  se  rassure,  ce  n'est  point  le 
cas  :  avant  peu  j'aurai  prouvé,  avec  arguments  de  faits  et  d'ana- 
logie, que  nous  tous,  tant  que  nous  sommes,  pouvons  tirer 
profit  de  cet  héroïque  remède,  et  conséquemment  nous  pré- 
server de  la  maladie. 

«  Toutes  les  fois  que  l'Europe  fut  jonchée  de  morts  par  le 
fléau  arabe  de  la  variole,  les  seuls  vachers  furent  partout  et 
toujours  épargnés.  Ce  grand  fait  ne  pouvait  passer  inaperçu 
devant  le  sagace  et  très-diligent  observateur  Jenner,  qui  soup- 
çonna que  cette  singulière  immunité  était  due  tout  entière  au 
métier  des  préservés,  et  que  c'était  dans  celui-ci  seulement 
qu'il  fallait  en  rechercher  la  cause.  Pour  cela,  il  se  mit  à  étu- 
dier sévèrement  le  fait  sous  tous  ses  aspects,  et,  au  bout  de 
quelque  temps,  après  des  recherches  minutieuses  et  souvent 
répétées,  il  vint  à  savoir  que  des  pustules  analogues  à  celles 
de  la  variole  se  développaient  spontanément  sur  le  pis  des 
vaches.  Ce  fut -un  éclair  qui  dissipa  les  épaisses  ténèbres  dans 
lesquelles  était  resté  enseveli  le  mal  exterminateur,  et  c'est  de 
là  que  partirent  les  recherches  qui  plus  tard  devaient  mener. 
Jenner  à  la  sublime  et  glorieuse  découverte,  par  laquelle  sa 
mémoire  est  chère  à  tous  et  vivra  aussi  longtemps  que  le 
monde  lui-même.  C'est  en  vertu  du  même  raisonnement  et  du 
même  éclair  que  le     Burq  a  agi,  et  qu'il  lui  est  venu  la  même 
idée  de  provoquer  chez  tous  la  préservation  du  choléra.  En 
effet,  telle  est  l'analogie  qui  s'observe  dans  ces  deux  très- 
intéressantes  questions,  que  chacun  pourra  faire  la  même 
comparaison  en  lisant  attentivement  le  tableau  qui  suit  : 


—  92  — 


1. 

PRÉSERVATION  SPONTANÉE,  CONSTANTE  ET  UNIVERSELLE 
des  vachers  dans  la  variole.  des  ouvriers  en  cuivre  dans  le  choléra. 

2. 

ATTRIBUTION  DE  CETTE  IMMUNITÉ  A  l'aBSORPTION 

accidentelle  du  pus  vaccinal  (  cow-  journalière  du   cuivre   ou  de  ses 

pox),  avec  lequel  les  vachers,  dans  composés,  avec  lesquels  les  ouvriers 

1  exercice  de  leur  profession,  sont  mis  sont  en  contact  habituel  dans  l'exer- 

en  contact  au  moment  de  la  traite.  cice  de  leur  profession. 

3. 

DÉTERAIINATION 

de  Jenner  d'user  du  cow-pox  pré-  du  D-"  Burq  d'user  du  métal  pré- 
servateur de  manière  à  mettre  tout  le  servateur  de  façon  à  mettre  toute 
monde  dans  les  conditions  d'absorp-  personne  dans  les  mêmes  conditions 
tion  vaccinale  où  se  sont  trouvés  les  d'absorption  cuprique  que  celles  dans 
vachers  spontanément  préservés.         lesquelles  les  ouvriers  en  cuivre  ont 

été  spontanément  préservés. 


La  découverte  de  Jenner  fut  com-  Celle  du  Burq  ne  l'est  pas  en- 
plete  et  devint  un  bienfait  pour  l'hu-   core,  mais  très-probablement  elle  de 

viendra  telle  avantpeu,  et  lui  aussi. 


«  D'après  tout  ceci,  il  paraît  indubitable  que  cette  ressem- 
blance si  frappante  qui  se  retrouve,  du  commencement  à  la  fin 
entre  la  découverte  de  Jenner  et  celle  commencée  et  déjà  si 
avancée  par  le  Burq,  ne  soit  un  argument  d'analogie  qui 
milite  en  faveur  de  cette  dernière,  et  autorise  à  croire  que  tôt 
ou  tard,  après  de  nouvelles  éludes  et  des  expériences  réitérées, 
la  préservation  cuprique  pourra  triompher  aussi  complètement 
que  la  vaccine  (1).  » 

(1)  Au  moment  de  donner  le  bon  à  tirer  de  ceUe  feuille,  la  Gazette  des 
J  ôpitaux,  nous  apporte  le  nom  du  confrère  anonyme  dont  nous  avons  parlé 
Inexactitude,  nous  parlons  par  euphémisme,  impuissance  ou  puérilité;  voilà 
au  fond  tout  ce  qui  caractérise  cette  aUaque  nouvelle.  Kous  y  reviendrons 


m 

> 

PRÉSERVATION  PROVOQUÉE 


PAR  L'APPLICATION  EXTERNE  ET  L'ADMINISTRATION 
INTÉRIEURE  DU  CUIVRE. 


Nous  diviserons  la  préservation  provoquée  en  externe,  interne 
et  mixte,  suivant  qu'il  est  seulement  fait  usage  du  cuivre  à 
l'extérieur  ou  à  l'intérieur,  ou  que  l'on  cherche  à  faire  péné- 
trer ce  métal  dans  l'organisme  à  la  fois  par  la  peau  et  par  les 
voies  digestives. 

Préservation  externe.  —  Les  publications  de  MM.  les  D"  Gal- 
larini  et  de  Rogatis  n'ont  rencontré  en  Italie  aucune  contradic- 
tion, et  elles  y  ont  été  d'autant  mieux  accueillies,  que  l'im- 
partialité de  leurs  auteurs  les  mettait  à  l'abri  de  tout  soupçon. 
Beaucoup  d'habitants,  paraît-il,  se  sont  mis  à  porter  une  plaque 
de  cuivre;  mais  il  n'aurait  été  fait  rien  de  plus.  Quels  ont  été 
les  résultats  de  ce  seul  mode  de  préservation  ?  M.  le  D'de  Roga- 
tis, à  qui  nous  avions  écrit  à  ce  sujet,  a  bien  voulu  nous  in- 
former que  de  toutes  les.  personnes  qui,  à  sa  connaissance, 
avaient  eu  recours  à  ces  plaques,  aucune  n'avait  été  atteinte  de 
la  maladie.  Le  nombre  de  ces  personnes  est  sans  doute  peu 
considérable,  car  nous  ne  saurions,  pour  notre  compte,  admet- 
tre ici  plus  qu'une  préservation  relative,  par  le  fait  même  de 
l'application  du  métal.  Quant  à  ce  qui  regarde  l'intluence  mo- 
rale, c'est  autre  chose  :  tout  à  l'heure  nous  dirons  ce  que  nous 
on  pensons. 

En  France,  bon  nombre  de  gens,  avertis  aussi  par  les  jour- 
naux des  effets  préservatifs  du  cuivre,  en  ont  assurément  fait 


—  9Z,  -  • 

même  usage,  pendant  l'épidémie  que  noug  venons  de  traverser. 
Pour  nous,  ayant  refusé  nettement,  et  pour  cause,  malgré  des 
sollicitations  pressantes,  de  laisser  prôner  en  aucune  façon  nos 
armatures  auprès  du  public,  et,  par  suite  de  ce  silence,  la  plu- 
part de  ceux  qui  ont  voulu  suivre  notre  système  de  préservation 
s'étant  vus  obligés  de  s'adresser  aux  premiers  artisans  venus 
pour  se  faire  confectionner  des  appareils,  nous  ne  saurions 
guère  citer  de  notre  côté  qu'un  petit  nombre  de  cas  heureux, 
peut-être  tout  au  plus  une  cinquantaine  d'applications  métal- 
liques préventives  (1). 

La  préservation  externe  provoquée  manque  donc  encore,  il 
faut  en  convenir,  de  preuves  directes  suffisantes  pour  s'affirmer- 
et  cependant,  sans  parler  des  effets  du  métal  en  lui-même,  qui 
oserait  assurer,  en  présence  de  ce  qui  s'est  passé  à  Toulon  chez 
les  ouvriers  en  cuivre  de  la  ville  et  de  l'arsenal,  qu'au  point  de 
vue  moral  et  consécutivement  au  point  de  vue  de  la  maladie 
elle-même,  ces  applications  ont  été  stériles?  Quand  la  maladie 
sévit  cruellement,  comme  nous  l'avons  vu  sévir  dans  le  midi  de 
la  France,  quand  tous,  grands  et  petits,  sont  sous'fe  coup  d'un 
ennemi  invisible  qui  tue  en  quelques  heures  et  contre  lequel 
l'art  est  impuissant,  quand  fort  peu  échappent  à  l'émotion  bien 
naturelle  qui  tend  si  fatalement  à  ouvrir  la  porte  à  la  maladie 
n'est-ce  donc  rien  que  d'avoir  quelque  chose  sous  sa  main  pour 
s'y  rattacher,  pour  se  remettre  en  confiance?  Dans  ces  cir- 
constances, des  pratiques  préventives  de  la  nature  de  celles  que 
nous  conseillons  seraient-elles  bonnes  seulement  pour  quelques 

(1)  En  dehors  des  cas  qui  sont  à  notre  connaissance  personnelle,  il  en  est 
d'autres,  probablement  en  assez  grand  nombre,  sur  lesquels  des  confrères 
pourraient  venir  nous  renseigner  utilement. 

Nous  avons  eu,  par  exemple,  plusieurs  fols  ^  répoudre  à  des  lettres  de  la 
nature  de  celle-ci  : 

«  Mônsieur  et  très-honoré  confrère, 
«  Lors  du  choléra  de  1854,  j'ai  employé  comme  moyen  préservatif  quel- 
ques-unes de  vos  armatures,  j'en  ai  été  très-satisfait,  et  les  personnes  qui 

en  ont  fait  usage  ont  été  préservées  de  la  maladie  

«  Comme  kl  maladie  reparaît  dans  nos  environs,  seriez-vous  assez  bon 

pour  vous  charger  de  m'en  faire  expédier  de  suite  de  nouvelles  

«  Recevez,  etc.,  Pionnieh. 
«  Faulquemont  (Moselle;,  25  mars  18C6.  » 


—  95  — 

âmes  faibles?...  A  Toulon  nous  avions  emporté  toute  une  pro- 
vision d'armatures  :  autour  de  nous  bon  nombre  de  ces  appa- 
reils'furent  bientôt  distribués,  et  parmi  les  personnes  appelées 
•à  profiter  de  cette  distribution,  qui,  nous  n'avons  pas  besoin  de 
le  dire,  fut  entièrement  gratuite,  des  confrères  ne  furent  point 
les  derniers  à  s'en  montrer  satisfaits...  Y  avait-il  une  seiile  âme 
faible  parmi  tous  ces  hommes  qui  se  sont  montrés  à  Toulon, 
comme  partout,  l'honneur  de  notre  profession?  Nous-même 
aurions-nous  donc  été  d'un  mauvais  exemple,  parce  que  nous 
avions  tenu  à  justifier  personnellement  de  notre  foi  en  nos  ar- 
matures?.. Qui  oserait  le  dire?.,  et  beaucoup  seront,  sans  doute, 
avec  nous  de  cet  avis,  que,  la  préservation  indiquée,  fût-elle  le 
résultat  d'une  erreur,  il  y  aurait  encore,  si  elle  avait  trouvé 
créance,  à  faire  des  vœux  pour  que  l'erreur  ne  se  dissipât  point, 
avant  que  la  lumière  ne  fut  faite. 

Préservation  interne.  —  Nous  ne  savons  presque  rien  des  ten- 
tatives de  préservation  qui  ont  été  faites  par  l'administration 
seule  des  préparations  de  cuivre.  La  répugnance  qu'inspirent  à 
tout  le  monde  les  sels  de  ce  métal  a  dii  faire  en  tous  cas  que 
les  essais  de  ce  genre  ont  été  rares  et  timides. 

PRÉSERVA-noN  MiXTK.  —  Pour  Ics  mêmes  raisons,  la  préser- 
vation mixte  a  du  rencontrer  fort  peu  d'adhérents.  En  ce  qui 
nous  concerne  personnellement,  nous  avons  cette  fois  bien  peu 
de  chose  à  ajouter  aux  faits  de  1853-54,  et  nous  ne  pouvons 
guère  citer  qu'une  seule  observation,  celle  que  nous  avons  re- 
cueillie sur  nous-même  pendant  notre  séjour  dans  le  Midi. 
La  voici;  nous  espérons  qu'elle  ne  sera  point  lue  sans  intérêt. 

Dans  ce  que  nous  allons  dire  relativement  aux  précautions 
prises,  le  lecteur  verra,  très-certainement,  non  pas  l'effet  d'un 
sentiment  de  conservation  puéril,  —  lorsqu'on  est  susceptible 
de  pareil  sentiment,  on  reste  tranquillement  à  ses  affaires  que 
personne  ne  vous  oblige  à  quitter,  et  l'on  ne  va  point  de  soi- 
même  se  jeter,  à  140  lieues  de  distance,  dans  un  foyer  d'épi- 
démie, —  mais  il  y  verra  notre  but  véritabld,  qui  était  celui  de 
faire  sur  notre  personne  une  démonstration  complète,  non-seu- 
lement au  point  de  vue  de  la  préservation  on  elle-même,  mais 
aussi  de  la  dose  du  préservatif  que  l'on  peut  s'administrer  sans 
danger. 


—  90  — 


UN  I2PIS0DE  DE  L'ÉPIDÉMIE  DE  TOULON, 

• 

Le  jour  OÙ  le  choléra  faisait  sa  réapparition  en  France,  ce 
jour-là  même  nous  décidions  que  la  métallothérapie  irait  à  sa 
rencontre.  Seulement,  nous  rappelant  ce  qui  nous  était  arrivé 
à  Londres  une  première  fois,  lors  de  l'épidémie  de  1853,  où 
ayant  fort  mal  pris  notre  temps,  il  nous  avait  été  impossible 
d'expérimenter,  nous  résolûmes  aussi  d'attendre,  avant  de 
nous  mettre  en  route,  que  la  maladie  eût  pris  des  proportions 
suffisantes,  pour  que  nous  fussions  certain 'd'avance  de  ne  point 
manquer  de  malades. 

Le  20  septembre,  Toulon  ayant  commencé  à  nous  adresser 
ses  plus  tristes  bulletins,  mon  départ  fut  arrêté,  et,  le  jour 
même,  mes  dispositions  prises  en  conséquence. 

Le  21,  je  portais  déjà  à  même  de  la  peau  une  armature  de 
50  plaquettes  de  cuivre  de  la  grandeur  d'une  pièce  de  deux 
francs,  représentant  ensemble  une  surface  d'environ  3  décim. 
carrés,  et  dès  le  surlendemain  (22)  je  commençais  à  m'adminis- 
trer  le  sulfate  de  cuivre  en  lavements  à  dose  progressive  à  par- 
tir de  6  gouttes  de  ma  solution  à  1/5  ;  puis  le  2/i,  la  veille  de  mon 
départ,  frictions  dans  les  lieux  d'élection,  aux  aisselles  et  dans 
les  aines,  avec  une  pommade  contenant  2  gr.  de  sulfate  de 
cuivre  pour  30  gr.  d'axonge'. 

Au  bout  de  8  jours,  au  moment  de  mon  arrivée  à  Toulon 
(le  28  septembre),  j'avais  doublé  le  nombre  de  plaquettes, 
j'avais  usé  30  gr.  de  la  pommade  susdite  à  1/15  de  sel  de  cuivre 
et  je  prenais,  matin  et  soir,  l/k  de  lavement  avec  12  gouttes 
(12  cèntigr.)  de  ma  solution. 

Ma  peau  présentait  sur  le  tronc  de  nombreuses  macules  de 
vert-de-gris;  elle  était  en  divers  endroits  et,  surtout  là  où 
avaient  été  faites  les  frictions,  le  siège  d'un  peu  d'irritation, 
mais  jusque-là  rien  de  particulier  à  noter'  si  ce  n'est  une  con- 
stipation assez  marquée  et  de  petits  accès  de  fièvre,  le  soir, 
lesquels  avaient  commencé  à  me  prendre  dès  mon  entrée  dans 
je  foyer  épidémique,  à  Marseille,  mais  pas  avant. 

Dans  la  nuit  du  28  au  29,  nouvel  accès  un  peu  plus  fort;  je 
l'attribue  à  la  fatigue  qui  commençait  à  devenir  grande. 


—  97  — 

29.  Armé  de  mes  100  plaquettes,  et  ayant  pris  en  lavement 
U  gouttes,  toute  ma  journée  se  passe  à  chercher  partout 
l'ennemi  :  à  l'hôpital  militaire,  je  suis  la  visite  dans  les  salles 

i  de  cholériques,  salles  ramassées,  ainsi  que  tout  l'édifice,  mal 
ventilées,  d'une  insalubrité  notoire  et  devenues  aussi  de  redou- 
tables foyers  d'infection  ;  témoin  le  nombre  de  victimes  parmi 
les  infirmiers  et  les  médecins.  Sorti  de  l'hôpital,  je  cours  les 
vieux  quartiers  de  Toulon,  je  vais  m'asseoir  tout  à  côté  d'un 
vieux  navire  appelé  la  Paiac/ie,  qui  m'avait  été  signalé  comme  un 
foyer  d'infection  tout  privilégié  :  après  y  avoir  humé,  2  heures 
durant,  par  une  chaleur  accablante,  les  miasmes  pestilentiels 
doublés  des  émanations  du  port  qui,  elles  du  moins,  m'aver- 
tissaient de  leur  présence,  je  monte  sur  le  bateau  qui  conduit 
à  la  Seyne;  je  visite  en  détail  l'établissement  des  forges  et  chan- 
tiers; je  m'approche  de  l'infect  ruisseau  sur  les  bords  duquel 
le  fléau  avait  fait  ses  premières  et  si  nombreuses  victimes  ;  je 
parcours  un  peu-cette  triste  ville,  comptant,  c'était  facile,  les 
maisons  qui  avaient  gardé  leurs  habitants,  et,  le  soir  venu,  le 
même  bateau  me  ramenait  à  Toulon,  moi  15«  ou20«  dont  une 
douzaine  de  galériens  qui  venaient  d'enterrer  les  morts!... 

Je  rentre  à  mon  hôtel  très-fatigué,  et  déjà  un  peu  pris  par  la 
fièvre;  de  10  heures  jusque  vers  3  h.  du  matin,  nouvel  accès. 

30.  C'est  le  jour  convenu  avec  l'honorable  M.Minvielle,  le 
médecin  en  chef,  pour  commencer  mes  expériences  à  l'hôpital 
militaire.  Encore  mal  remis  de  ma  fatigue  de  la  veille  et  de  celle 
de  la  nuit,  je  m'y  rends  de  bonne  heure,  ayant  pris  préalable- 

•ment  un  quart  de  lavement,  cette  fois  à  15  gouttes. 

Dans  les  salles,  je  rencontre  Tourrette.  Le  malheureux  con- 
frère, entré  en  expérimentation  depuis  la  veille,  me  fait  les 
honneurs  des  malades  qui  lui  ont  été  confiés;  les  miens,  que 
j'ai  demandés  vierges  de  tout  traitement,  seront  pris  plus 
tard,  dans  la  journée,  parmi  les  nouveaux  arrivés.  En  atten- 
dant, pour  ne  pas  perdre  de  temps,  je  me  traîne  en  dehors  de 
la  ville  jusqu'à  un  endroit  désigné  sous  le  nom  de  pont  de  l'As, 
■  en  vue  d'y  visiter  une  importante  fonderie  de  cuivre. 

Je  retourne  à  l'hôpital  vers  une  heure,  et  la  première  nou- 
velle que  j'y  reçois,  c'est  que  Tourrette  vient  d'être  lui-même 
frappé  par  l'impitoyable  ;mal.  J'accours  avec  M.  le  D""  Guilla- 

7 


—  98  — 


bert;...  et,  le  volontaire  intrépide  qui  n'uvait  point  hésité, 
malgré  son  âge,  à  quitter  femme,'  enfants,  amis,  malades, 
pouf  venir  se  dévouer  à  la  malheureuse  ville  de  Toulon, 
l'homme  bienfaisant  qui,  le  matin,  s'acheminait  encore  vers 
l'hôpital,  supputant  sans  doute  en  lui-même  avec  bonheur 
le  nombre  de  victimes  qri'U  allait  arracher  au  fléau,  et  qui, 
tout  à  l'heure  encore,  nous  disait  à  tous  ses  espérances,  je  le 
retrouve  dans  tme  triste  chambre  d'hôtel  où  tout  lui  manque, 
et  où  tout  indique  que  la  fin  qui  s'avance  rend  déjà  aux  pro- 
priétaires de  la  maison  sa  présence  plus  qu'importune.  Au- 
près de  l'infortuné  s'est  bien  rendu  en  toute  hâte  un  de  ces 
jeunes  confrères  de  Montpellier,  dont  le  souvenir  vivra  long- 
temps, il  faut  le  croire,  dans  le  cœur  des  habitants  de  Toulon  ; 
le  dévoué  confrère  est  encore  là,  au  moment  de  notre  arrivée, 
au  chevet  du  malade,  dirigeant  les  manœuvres  de  deux  infir- 
miers militaires  que  M.  le  D--  Minvielle  s'est  empressé  de  lui 
dépêcher,  et  qui,  les  braves  gens,  font  de  leur  mieux.  Mais  tout 
à  l'heure,  quand  viendra  le  moment  suprême,  où  sera  la  famille, 
où  seront  les  amis  dont  la  présence  console  à  l'heure  dernière? 
Viendra-t-il  au  moins  de  par  la  ville  quelques  personnes  pour 
en  tenir  lieu?  Eh  !  qu'importe  dans  cette  hécatombe  une  vic- 
time de  plus!...  Depuis  tantôt  un  mois  que  le  fléau  frappe  à 
coups  redoublés  sur  la  malheureuse  cité,  la  source  des  larmes 
s'y  est  tarie;  c'est  à  peine  si  les  habitants  qui  lui  restent,  abî- 
més dans  la  douleur,  en  ont  pu  garder  pour  leurs  proches!... 

Quelques  heures  après,  Tourrette,  transporté  à  l'hôpital  de 
la  marine,  y  rendait  le  dernier  soupir,  et  presque  au  même  * 
moment  j'étais  pris  de  mon  côté  d'un  épouvantable  accès 
de  fièvre.  Seul  dans  un  hôtel,  où  le  service  avait  été  singuliè- 
rement mis  en  souffrance  parla  fuite  de  ses  meilleurs  employés, 
je  passai  une  bien  cruelle  nuit!..  Le  lendemaiii,  mes  excellents 
confrères,  MM.  Laure  et  Minvielle,  étant  venus  me  visiter,  il 
fut  décidé  que  je  me  soumettrais  sans  retard  à  la  médication 
quinique,  et  que  je  partirais  sur  l'heure  pour  aller  me  reposer 
quelques  jours  dans  un  lieu  non  infecté. 

A  quoi  tenait  cette  fièvre?...  Je  sais  ce  que  répondront  ceux 
qui  prétendent  que  le  même  miasme  produit,  suivant  les 
cas  ou  les  circonstances,  ici  une  attaque  du  choléra,  et  là  un 


—  99  — 

accès  de  fièvre  inlermiUente  à  forme  plus  ou  moins  pernicieuse. 

Pour  moi,  ce  que  je  puis  dire,  c'est  que  cette  fièvre  qui  n'a 
été  accompagnée  d'aucun  phénomène  cholérique  proprement 
dit,  qui  s'est  au  contraire  présentée  avec  une  constipation  opi- 
niâtre dont  j'eus  seulement  raison  à  Hyères  par  des  lavements 
répétés,  a  été  très -vraisemblablement  le  produit  de  la  lutte 
que  se  sont  livrés,  en  mon  organisme,  d'une  part  le  préser- 
vatif que  je  m'étais  administré,  et  de  l'autre  les  miasmes  qui 
faisaient  effort  pour  me  pénétrer,  lutte  dont  les  conséquences 
furent  aggravées  par  un  excès  de  fatigue...  Quant  à  l'attribuer 
à  la  méthode  de  préservation  elle-même,  on  n'y  saurait  son- 
ger. Celle-ci  y  est  restée  si  parfaitement  étrangère,  qu'une  fois 
de  retour  à  Paris  j'ai  continué  pendant  un  temps  l'usage  de  sels 
de  cuivre,  ainsi  que  mes  applications,  sans  en  être  aucune- 
ment incommodé;  il  m'est  même  arrivé  un  matin  de  prendre 
par  erreur,  peu  après  m'être  administré  15  centigrammes  de 
sulfate  de  cuivre  en  lavement,  une  dose  d'oxyde  noir  de  cuivre 
(deutoxyde)  décuple  de  celle  que  je  voulais  :  j'avais  demandé 
au  pharmacien  des  pilules  à  1  centig.  et  c'étaient  des  pilules 
de  5  centig.  qui  avaient  été  préparées.  Averti  à  temps,  je  me 
suis  tenu  sur  mes  gardes,  prêt  à  intervenir  au  besoin,  au 
moyen  de  l'émétique  ou  du  fer  réduit  par  l'hydrogène,  mais 
cette  dose  qui  était  de  10  centig.,  ce  qui  représente  environ 
18  à  20  centig.  de  sulfate,  s'en  est  allée  comme  tout  le  reste, 
sans  déterminer  aucun  accident  :  4  ou  5  heures  après  l'avoir 
ingérée,  je  déjeunais  comme  si  rien  ne  s'était  passé! 

Un  honorable  confrère,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  M.  le 
D""  Lisle,  a  écrit  :  «  Je  regarde  les  agents  de  la  préservation  pro- 
voquée comme  inutiles  ou  dangereux.  »  Dangereux?  nous  ve- 
nons de  répondre...  Inutiles?  voyons  un  peu.  Une  fois  en  trai- 
tement par  la  quinine,  je  suspendis  naturellement  l'usage 
interne  du  sulfate  de  cuivre,  et  de  plus,  comme  à  ce  moment 
je  me  trouvais  en  dehors  de  tout  foyer  épidémiqne,  je  fus  bien 
aise  d'en  profiter  pour  cesser  un  peu  mes  applications. 

A  Hyères  j'avais  donc  mis  de  côté  plaques  et  sels  de  cuivre. 

Après  quelques  jours  de  repos  je  revins  à  Toulon,  puis  à 
Marseille,  mais  cette  fois  sans  avoir  pris  le  préservatif.  Les  nou- 
velles venues  de  Paris  me  rappelant  en  toute  hâte,  j'avais  cru 


—  100  — 

la  précaution  superflue.  Or  il  arriva,  détail  complélement  inédit 
qu'étant  resté  à  Marseille  plus  de  temps  que  je  ne  l'avais  û'a- 
bord  prévu,  je  finis  par  y  subir,  à  mon  tour,  l'influence  cholé- 
rique; si  bien  que,  parti  un  mardi,  ayant  eu  déjà  la  veille  deux 
selles  douteuses,  après  une  visite  faite  au  canal  de  la  Durance 
par  un  temps  abominablement  pluvieux,  je  fus  pris,  à  la  sta- 
tion d'Orange,  d'une  cholérine  assez  intense  pour  m'obliger  de 
m'arrêter  en  route  et  de  m'aliter.  Les  sels  de  cuivre  en  lave- 
ment et  les  applications  d'armatures  que  je  me  hâtai  de  re- 
prendre suffirent  pour  avoir  raison  du  mal;  mais  il  ne  m'a 
fallu,  pour  me  remettre,  rien  moins  qu'une  huitaine,  et  ce 
n'est  que  10  jours  après  avoir  quitté  Marseille  que  je  me  crus 
en  assez  bon  état  pour  venir  retrouver  l'épidémie  à  Paris. 

Ainsi,  pendant  tout  le  temps  que  j'ai  suivi  scrupuleusement 
mon  système  de  préservation  intus  et  extra,  à  Toulon  comme 
à  la  Seyne  etàMarseille,  j'ai  traversé  l'épidémie,  moi  nouveau 
venu,  sans  lui  payer  aucun  tribut,  sans  éprouver  aucun  de  ces 
accidents,  dérangement  d'entrailles  ou  autre,  qui  étaient  mon- 
naie courante  tout  autour  de  moi  parmi  les  gens  les  mieux 
acclimatés;  puis,  ayant  désarmé,  je  commets  l'imprudence  de 
me  présenter  devant  l'ennemi  sans  armatures  ni  sels  de  cuivre, 
et  voilà  le  miasme  qui  bientôt  me  pénètre  et  se  met  à  me 
poursuivre  en  dehors  même  de  tout  foyer  épidémique,  jus- 
qu'au moment  oh  j'ai  recours  pour  le  combattre  aux  mêmes 
armes  que  j'avais  employées  tout  d'abord  pour  le  tenir  à 
distance!...  Un  mot  encore  avant  de  quitter  ce  sujet. 

La  question  de  la  préservation  provoquée  par  le  cuivre,  telle 
qu'elle  est  posée  aujourd'hui,  ne  nous  paraît  soluble  que  par 
l'intervention  de  l'autorité.  Cette  préservation  devant  être 
appliquée  sur  une  grande  échelle  pour  être  bien  jugée,  nous 
ne  voyons  que  les  troupes  d'une  garnison  sur  lesquelles  une 
expérience  décisive  puisse  être  exécutée,  expérience  d'ailleurs 
facile  si  l'on  se  bornait  à  la  préservation  externe.  Le  gouverne- 
ment se  décidera-t-il  jamais  à  l'entreprendre?...  En  fait  de 
progrès,  l'expérience  acquise  montre  que  l'on  peut  tout  at- 
tendre de  sa  haute  initiative!... 


TRAITEMENT  PAR  LES  SELS  DE  CUIVRE 

RELEVÉ  DES  EXPÉRIENCES  QUI  ONT  ÉTÉ  FAITES, 
34  GUÉRISONS  SUR  43  CAS  TRAITÉS 
PAR  MM.  LES  D"  LISLE,  PELLARIN,  HLANDET,  HERGER  ET  AHNAL. 


Pendant  que  la  métallothérapie,  appliquée  au  traitement  du  ♦ 
choléra,  ne  rencontrait  à  Paris  que  doute  ou  incrédulité,  et 
passait  sans  que  personne  songeât  même  à  mentionner  dans 
une  instrution  populaire  ces  applications  métalliques,  si  à  la 
portée  de  tous  et  toujours  sans  inconvénient,  qui,  dans  le  cho- 
léra de  18/(9,  s'étaient  montrées  tant  de  fois  efficaces  pour  le 
soulagement  instantané  des  victimes  du  fléau,  notre  double 
système  de  préservation  et  de  traitement  recevait  au  loin  un 
favorable  accueil  !... 

Nous  avons  exposé  dans  le  chapitre  II  les  faits  de  préserva- 
tion spontanée  qui  nous  sont  venus  de  l'Italie.  Voici  maintenant 
ceux  relatifs  au  traitement.  Les  premiers,  par  ordre  et  par  leur 
importance,  nous  ont  été  envoyés  de  Marseille,  nous  allons 
dire  très-exactement  et  "sans  rien  omettre  dans  quelles  cir- 
constances, car,  dans  cette  question  de  haute  lutte,  il  n'est  point 
de  détail  inutile,...  chaque  chose  a  son  prix.  Encore  si  nous 
n'avions  eu  à  combattre  que  pour  le  triomphe  de  la  vérité  !... 
Mais  l'idée  nouvelle  commençait  à  peine  à  faire  son  chemin, 
que  déjà,  on  va  le  voir,  il  nous  fallait  la  défendre  contre  les 
empiétements  d'un  confrère  qui  prétendait  à  l'honneur  de  la 
découverte. 


—  102  — 

La  Gazelle  des  Hôpitaux  publiait  dans  sa  Revue  clinique  du 
7  octobre  1865  : 

«  M.  le  docteur  Burq,  qui  s'est  rendu  à  Toulon  pour  y  appli- 
quer sa  méthode  métallothérapique  au  traitement  du  choléra, 
nous  écrit  de  cette  ville  pour  nous  informer  qu'un  service  de 
cholériques  vient  de  lui  être  ouvert  à  l'hôpital  militaire.  Déjà, 
nous  dit-il,  l'usage  thérapeutique  du  cuivre  a  produit  à  Mar- 
seille des  résultats  considérables  entre  les  mains  de  plusieurs 
médecins.  M.  le  docteur  Lisle,  médecin  de  Tasile  des  aliénés,  a 
traité  par  les  sels  de  cuivre  24  cholériques,  dont  20  ont  guéri. 
Sur  les  h  morts,  1  a  succombé  au  bout  d'une  heure  et  demie 
à  deux  heures,  c'est-à-dire  probablement  avant  que  l'absorption 
du  cuivre  eût  le  temps  de  se  faire ,  et  deux  autres  ont  lutté  six 
à  sept  jours,  et  ont  fini  par  succomber  à  des  phénomènes  conges- 
tifs,  après  le  rétablissement  des  principales  fonctions.  M  Lisle 
avant  d'avoir  recours  aux  sels  de  cuivre,  avait  traité  treize  ma- 
lades par  les  méthodes  ordinaires,  et  en  a  perdu  onze.  M.  Ber- 
.  nard  a  traité  aussi  par  le  cuivre  intus  (  le  sulfate  de  cuivre  )  deux 
sœurs  de  la  Conception  qui  ont  guéri.  Un  autre  médecin  a  eu 
aussi  des  succès  par  le  même  moyen. 

«  M.  Burq  nous  promet  dans  sa  lettre  de  plus  amples  détails 
sur  les  résultats  de  ses  nouvelles  et  courageuses  tentatives.  Mais 
des  nouvelles  ultérieures  publiées  par  les  journaux  politiques 
nous  apprennent  que  M.  Burq,  trop  confiant  probablement  dans 
efficacité  de  sa  méthode  qu'il  s'est  abusivement  appliquée  à 
lui-même  comme  moyen  prophylactique,  tombé  malade  peu 
de  temps  après  son  arrivée  à  Toulon,  a  dû  quitter  cette  ville 
et  se  diriger  sur  Hyères,  où  il  est  allé  prendre  quelques  jours 
de  re-pos.  ». 

A  peine  ces  lignes  avaient-elles  paru,  que  VUnion  médicale 
nsérait  en  tête  de  ses  colonnes  la  lettre  qui  suit  : 


NOTE  SUR  LE  TRAITEMENT  DU  CHOLÉRA 
PAR  LE  SULFATE  DE  CUIVRE; 


Par  le  docteur  Lisle  , 
Médecin  en  chef  de  l'*Asile  des  aliénés  de  Marseille. 

«  Marseille,  le  16  octobre  1865, 

«  Monsieur  le  Rédacleur  en  chef, 
«  On  me  remet  à  l'instant  le  numéro  "de  la  Gazelle  dioMidi, 
du  mardi  10  octobre  courant,  dans  lequel  je  trouve  l'article 
suivant  : 

On  lit  dans  la  Gazette  des  Hôpitaux  :  «  M.  le  docteur  Burq 
«  nous  écrit  de  Toulon,  etc.,  etc.  » 

«  11  y  a  dans  ce  petit  article,  des  erreurs  graves,  et  surloutune 
omission  des  plus  fâcheuses  qu'il  est  de  mon  devoir  de  signaler, 
sans  aucun  retard,  à  ceux  de  mes  confrères  qui  seraient  tentés 
de  suivre  mon  exemple.  J'ai  eu  l'honneur,  en  effet,  de  recevou* 
la  visite  du  docteur  Burq  avant  son  départ  pour  Toulon,  et, 
dans  une  assez  longue  conversation  que  j'ai  eue  avec  lui  sur  ce 
sujet,  je  lui  ai  fait  connaître  sommairement  les  résultats  que 
j'ai  o'btenus.  Mais  j'ai  toutes  raisons  d'être  étonné  que  M.  le  doc- 
teur Burq,  s' attribuant  le  droit  de  rendre  ces  faits  publics,  sans 
mon  autorisation,  n'ait  pas  cru  devoir  dire  en  même  temps  que  la 
dose  de  sulfate  de  cuivre  que  j'ai  employée  est  très-inférieure  a 
celle  qu'il  a  formulée  lui-même  dans  ses  diverses  publications,  et 
que  je  considère  comme  essentiellement  dangereuse.  Souffrez 
donc.  Monsieur  le  Rédacteur  en  chef,  que  je  résume,  à  la  hâte, 
les  faits  observés  pour  les  mettre  au  plus  tôt  sous  les  yeux  de 
vos  lecteurs;  ceux-ci,  j'espëre,  y  trouveront  quelques  indica- 
tions utiles,  au  moment  où  vous  semblez  menacés,  à  Pans, 
d'avoir  à  passer  par  les  cruelles  épreuves  que  nous  venons  de 
subir. 

«  L'épidémie  cholérique,  qui  désole  la  ville  de  Marseille  de- 
puis trois  mois,  a  été  plus  sérieuse  et  plus  meurtrière  qu'on  ne 
l'a  cru  au  dehors.  Elle  a  été  grave,  surtout  dans  notre  asile,  où, 
sur  une  population  de  moins  de  1,000  habilanls,  nous  avons 


-  lO/i  - 

eu,  du  29  juillet  au  1/,  octobre  courant,  68  cas  de  choléra  par- 
faitement caractérisés  et  plus  de  150  cas  de  cholérine,  embar- 
ras gastrique  et  autres  affections  intestinales,  dont  le  plus  grand 
nombre  auraient  produit  le  choléra,  si  elles  n'avaient  été  arrê- 
tées dès  leur  début,  par  un  traitement  énergique.  Les  68  cas 
de  choléra,  dontZ,0  ont  été  observés  chez  les  hommes  et  28  chez 
les  femmes,  ont  donné  35  décès,  17  chez  les  premiers  et  18 
chez  les  secondes. 

((  Les  quatorze  premiers  malades  soumis  à  mon  observation 
dans  la  section  des  hommes  ont  été  traités  par  les  moyens  le 
p  us  généralement  acceptés  :  excitants  alcooliques,  opiacés 
glace,  frictions  et  applications  chaudes ,  etc.;  quelques-uns  onl 
même  été  purgés  au  début.  Sur  ce  nombre,  12  sont  morts  plus 
ou  moins  rapidement;  les  2  autres  ont  eu  une  convalescence 
des  plus  difficiles  et  qui  s'ést  prolongée  au  delà  de  six  semaines 
Cela  était  peu  encourageant.  Je  savais  d'ailleurs  que  mes  con- 
frères n  étaient  guère  plus  heureux.  Que  faire  cependant  ?  J'avais 
bien  lu  dans  les  journaux  de  Marseille  deux  ou  trois  articles 
recommandant  vivement  les  préparations  de  cuivre,  diaprés  les 
tdBes- plutôt  théoriques  que  pratiques-dé  3L  le  docteur  Burq  mais 
comme  tant  d'autres,  je  me  défie  de  tous  les  remèdes  vieux 
ou  nouveaux  qui  nous  viennent  par  les  journaux  politiques. 
Jjn  ^tais  là,  lorsqu'on  me  communiqua  votre  numéro  du 
22  août  dernier,  contenant  un  long  article  de  M.  le  docteur 
Burq.  sur  les  vertus  prophylactiques  des  armatures  et  des  sels 
de  cuivre.  Quoique  ce  praticien  ne  parût  pas  avoir  employé  les 
sels  de  cuwre  a  l'intérieur,  et  n'invoquât  son  expérience  person- 
nelle que  pour  le  traitement  des  - crampes  par  des  applications 
externes  d&ce  métal,  cela  devenait  plus  sérieux,  et  je  me  décidai 
a  en  essayer. 

-  «  L'occasion  ne  tarda  pas  à  s'en  présenter.  Le  30  août  der- 
nier, à  SIX  heures  du  matin,  une  jeune  femme  robuste  et  pleine 
de  santé,  qui  est  à  mon  service  depuis  mon  arrivée  À  Marseille, 
fut  prise  tout  à  coup  des  symptômes  les  plus  graves  :  diarrhée 
séreuse,  blanchâlre,  riziforme  très-abondante;  un  peu  après 
Vomissements  incoercibles  et  crampes  terribles,  presque  conti- 
nues, occupant  tous  les  muscles  des  membres  inférieurs  et 
des  gouttières  vertébrales;  pouls  fréquent,  petit,  puis  filiforme- 


—  105  — 

langue  humide  et  fraîche,  légèrement  bleuâtre;  soif  ardente  ; 
peau  plutôt  fraîche  que  chaude  ;  yeux  caves  enfoncés  dans  leur 
orbite  et  entourés  d'un  cercle  bistré.  Traitement.  Potion  com- 
posée de  :  1°  Eau  distillée  de  menthe,  120  grammes;  —  lau- 
danum de  Sydenham,  ^|0  gouttes.  —  2°  Alcoolat  de  menthe, 
ZiO  grammes;  —  thé  additionné  de  150-  grammes  de  rhum  par 
litre  ;  —  frictions  et  applications  chaudes  sur  la  peau  ;  —  quel- 
ques morceaux  de  glace  de  temps  à  autre. 

«  Malgré,  ce  traitement,  les  symptômes  s'aggravèrent  rapi- 
dement, et,  à  une  heure,  tout  faisait  présager  une  mort  pro- 
chaine; le  pouls  était  tout  à  fait  insensible  ;  la  figure  et  la  langue 
cyanosées  et  froides;  les  extrémités  étaient  froides  jusqu'au 
genou  et  jusqu'au  coude,  et  avaient  pris  une  teinte  bleuâtre  ; 
la  diarrhée  et  les  vomissements  continuaient  et  n'étaient  plus 
volontaires;  les  crampes  étaient  toujours  très-douloureuses. 
C'est  alors  qu'après  en  avoir  conféré  avec  mon  collègue,  chargé 
du  service  des  femmes,  qui  jugeait  comme  moi  la  mort  immi- 
nente, je  me  décidai  à  administrer  à  ma  malade,  dans  une 
cuillerée  d'eau  sucrée,  en  même  temps  que  deux  gouttes  de 
laudanum,  quatre  gouttes  d'une  solution  de  sulfate  de  cuivre, 
préparée,  je  le  croyais  du  moins,  d'après  les  indications  de 
M.  le  docteur  Burq.  Une  heure  et  demie  après,  un  changement 
inespéré  s'était  produit  :  les  crampes  et  les  vomissements 
avaient  diminué  de  fréquence  et  d'intensité  ;  l'expression  de  la 
physionomie  était  moins  anxieuse;  la  chaleur  revenait  peu  à 
peu;  la  langue  surtout  et  l'haleine  étaient  moins  froides; 
cependant  le  pouls  restait  insensible  et  la  diarrhée  était  encore 
tibondanle.  Je  préparai  immédiatement  une  potion  contenant 
cinq  gouttes  de  laudanum  et  dix  gouttes  de  la  solution  de  sul- 
fate de  cuivre,  qui  fut  administrée  d'abord  par  cuillerées,  puis 
par  demi-cuillerées,  et  d'heure  en  heure. 

«  Vers  le  soir,  les  crampes  cessèrent  complètement,  et  un  peu 
après  les  vomissements.  Le  pouls  et  la  chaleur  revinrent  dans 
la  nuit  ;  la  diarrhée,  après  avoir  diminué  également  pendant 
la  nuit,  était  à  peu  près  insignifiante  dès  le  matin  du  second 
jour.  Enfin,  quoique  la  soif  fût  encore  très-vive,  la  malade  se 
trouvait  déjà  si  bien  qu'elle  parlait  de  manger.  La  potion  cui- 
vreuse fut  prise  tout  entière  et  ne  fut  pas  renouvelée. 


—  lOG  — 

«  Cependant,  la  période  de  réaction  fut  laborieuse  et  exigea 
un  traitement  énergique  (une  saignée  le  troisième  jour,  sangsues 
aux  tempes,  deux  purgatifs,  et  enfin  toniques).  11  est  inutile 
d'entrer  dans  de  plus  longs  détails  à  ce  sujet.  J'ajoute  cepen- 
dant que,  deux  jours  après  l'invasion  de  la'  maladie,  la  malade 
put  faire  un  voyage  fatigant  pour  aller  ^ans  son  pays,  et 
qu'aujourd'hui  elle  se  porte  à  merveille. 

«  Ce  fait  me  parut  assez  concluant  pour  faire  cesser  toutes 
mes  hésitations,  et  depuis  ce  jour  tous  mes  cholériques  ont 
été  soumis  au  même  traitement.  Cependant,  j'ai  peu  à  peu  fait 
subir  à  la  formule  quelques  modifications  que  je  vous  ferai . 
connaître  tout  à  l'heure.  Je  dois  auparavant  vous  soumettre 
quelques  chiffres  dont  je  vous  garantis  la  parfaite  exactitude, 
et  sur  lesquels  j'appellerai  très-série usemeut  l'attention  de  vos 
lecteurs. 

«  Je  vous  ai  déjà  dit  que  j'ai  eu  jusqu'ici,  40  cas  de  choléra 
dans  mon  service,  et  je  crains  que  ce  ne  soit  pas  encore  fini; 
le  dernier  est  mort  hier.  Vous  savez  ce  que'  sont  devenus  les 
14  premiers;  les  26  restants  ont  été  soumis  au  traitement  par 
le  sulfate  de  cuivre,  et  5  seulement  sont  morts,  21  ont  donc  été 
guéris,  et,  chez  le  plus  grand  nombre,  la  convalescence  a  été 
prompte  et  de  peu  de  durée.  La  maladie  réelle  et  sérieuse  n'a 
guère  duré  plus  de  vingt-quatre,  quarante-huit  ou  peut-être 
soixante-douze  heures,  et  la  convalescence,  six,  huit,  dix  ou 
quinze  jours,  et,  chez  le  plus  grand  nombre  aussi,  la  période 
de  réaction  a  été  ou  nulle  ou  tout  à  fait  insignifiante.  Et,  chose 
digne  de  remarque,  les  principaux  symptômes  (crampes,  vo- 
missements, froid,  diarrhée)  ont  suivi  à  peu  près  constamment, 
dans  leur  diminution  et  leur  disparition  successives,  la  même 
marche  que  chez  la  malade  dont  je  viens  de  vous  résumer  l'ob- 
servation. 

«  Cependant  je  dois  insister  sur  un  point  essentiel  :  tous  ces 
malades  étaient  aussi  gravement  atteints  que  les  premiers,  au 
moment  où  je  les  ai  vus  pour  la  première  fois;  tous,  à  une 
exception  près,  avaient  des  déjections  abondantes  par  haut  et 
par  bas,  dont  la  matière  était  des  plus  caractéristiques;  tous 
avaient  des  crampes  plus  ou  moins  violentes;  chez  tous,  le 
dernier  excepté,  les  urines  ont  été  supprimées  pendant  plus  ù-.. 


—  1.07  — 

vingt-quatre  heures,  et,  chez  plusieurs ,  pendant  deux  ou  trois 
jours;  tous,  moins  trois  ou  quatre,  offraient  des  traces  évidentes 
de  cyanose,  avaient-  la  langue  et  les  extrémités  froides  à  des 
degrés  variables,  le  pouls  petit,  filiforme,  et  quelques-uns  tout 
à  fait  insensible. 

«  Pour  donner  toute  leur  valeur  aux  faits  qui  précèdent,  je 
dois  vous  dire  quelques  mots  des  cinq  malades  qui  ont  suc- 
combé. 

«  Le  premier  était  atteint  de  paralysie  générale  an-ivée  à  sa 
dernière  période.  Il  était  retenu  au  lit,  depuis  près  de  deux 
mois,  par  une  de  ces  diarrhées  ultimes  que  rien  n'arrête.  On 
peut  dire  que  le  choléra  n'a  réellement  frappé  qu'un  cadavre. 

«  Le  second  est  mort  en  sept  heures  d'un  de  ces  choléras 
secs  qui,  au  dire  de  tous,  tuent  plus  promptement  et  plus  sû- 
rement que  l'autre.  Il  n'avait  pu  prendre  que  deux  cuillerées 
de  la  potion  cuivreuse. 

«  Un  autre  est  frappé  subitement  par  des  symptômes  telle- 
ment graves,  que,  dès  la  première  vue,  je  jugeai  tout  traitement 
devoir  être  inutile.  Je  lui  administrai  cependant  le  sulfate  de 
cuivre,  qui  parut  enrayer  un  instant  la  marche  de  la  maladie; 
les  vomissements,  qui-  étaient  très-fréquents,  cessèrent  même 
entièrement  vers  la  troisième  heure;  mais  les  autres  symptômes 
s'aggravèrent  rapidement,  et  le  malade  succomba  après  neuf 
heures  de  souffrance. 

«  Les  choses  se  sont  passées  tout  autrement  chez  le  qua- 
trième :  cet  homme  paraissait  aussi  gravement  atteint  pendant 
les  premières  heures  que  le  précédent;  le  pouls  surtout  était 
complètement  insensible,  et  est  resté  tel  pendant  onze  heures 
au  moins  ;  cependant,  une  amélioration  lente,  mais  constamment 
progressive,  se  manifesta  sous  l'action  du  sulfate  de  cuivre  ;  si 
bien  que,  vers  la  vingtième  heure  après  l'invasion  de  la  mala- 
die, le  patient  paraissait  entrer  en  pleine  réaction.  Cet  état  dura 
deux  jours,  et  le  malade  avait  déjà  pris  un  peu  de  bouillon  et 
de  vin,  lorsqu'il  tomba  dans  un  grand  aff'aissement  suivi  d'un 
coma  profond  dont  ne  purent  le  sortir  ni  des  sinapismes  fré- 
quemment répétés,  ni  un  large  vésicatoire  appliqué  sur  la 
région  épigastrique ,  qui  parassait  très-douloureuse,  ni,  enfin, 
dix  sangsues  appliquées  aux  tempes.  11  est  bon  de  noter  qu'il 


—  108  — 

SlV"'/        ^"  jo-^r,  deux  vomissements  d'une 

matière  verdatre  suivis  de  nausées  très-pénibles.  A  la  fin  du 

si'nalIT  "''T       ''^"'"^^'^"^        n'ont  amais  été 

signalées  que  je  sache,  dans  la  période  ultime  du  choléra^  J'y 
reviendrai  un  peu  plus  bas.  ^"uiera.  y 

déhilfn'ff  •K,"'"'^"'^'"''  j'""'  épileptique,  d'une  constitution 

est  m^rf  h     '"T  ^'^'^"^^  '''"-^''''^  fréquentes, 

est  mo  t  hier,  après  quatre  jours  de  maladie,  sans  avoir  pré 
sent  d'autres  symptômes  du  choléra  que  quelques  vomisse- 
ments caractéristiques  et  un  refroidissement  général  qui  lrès 
p\":'E;:rr"^^^  refrudesceleUTn: 
c.  Aux  chiffres  qui  précèdent,  je  dois  encore  ajouter  un  petit 

oronTér  r  ^'^  ^^'^^^^P^^^     -^^^'^  de  cuivre 

qui  on  ete  atteintes  du  choléra  du  6  septembre  au  .8  octobre 
courant,  pendant  que  j'étais  seul  char^^é  des  deux  services  • 
leur  nombre  a  été  de  6,  en  y  comprenant  toutefois  une  sœu; 
hospi^lière  et  la  jeune  fille  dont  j'ai  rapporté  plus  haut  l'ob- 
eivation.  Sur  ce  nombre,  2  aliénées  sont  mortes,  et,  chez 
toutes  les  deux,  la  mort  est  survenue  à  la  fin  du  quatrième  et 
du  cinquième  jour,  et  a  été  précédée  d'un  coma  profond  et  de 
convulsions  absolument  comme  dans  le  fait  que  j'ai  observé 
dans  la  section  des  hommes. 

<(  Ainsi  donc  en  résumé  :  68  malades  hommes  et  femmes 
ont  ete  atteints  du  choléra  depuis  son  invasion  à  l'asile  jusqu'à 
ce  jour.  Sur  ce  nombre,  36  ont  été  traités  par  les  moyens  ordi- 
naires et  ont  donné  28  décès  pour  8  guérisons;  26  hommes  et 
6  femmes,  ensemble  32,  ont  été  traites  par  le  sulfate  de  cuivre  • 
/  cie  ces  malades  sont  morts  et  25  ont  été  guéris. 

«  Voilà  les  faits  dans  toute  leur  sincérité;  je  les  olTre  avec 
confiance  aux  réflexions  et  à  l'appréciation  de  mes  confrères- 
sont-Ils  assez  nombreux  et  assez  concluante  pour  me  permettre 
a  affirmer  que  j'ai  définitivement  résolu  le  problème  de  la  guéri- 
son  du  choléra?  Ce  que  j'ai  obtenu,  au  milieu  d'une  population 
Cl  aliènes  que  j'avais  constamment  sous  la  main  et  que  je  pou- 
vais visiteràtouteheuredujouret  de  la  nuit,  se  reproduira-t-il 


—  109  — 

partout  et  toujours  dans  des  conditions  bien  différentes  de  la 
pratique  hospitalière  et  civile?  Je  ne  sais  vraiment  qu'en  penser. 
Des  expériences  nouvelles,  pratiquées  sur  une  grande  échelle, 
pourront  seules  répondre  d'une  manière  satisfaisante  à  ces  dif-  ' 
faciles  questions.  J'ose  donc  espérer  que  mon  appel  sera  entendit 
par  des  médecins  des  divers  pays  que  l'épidémie  peut  envahir 
encore,  et  que,  avant  peu,  la  lumière  sera  faite. 

«  En  attendant,  et  avant  de  finir,  permettez-moi.  Monsieur 
le  Rédacteur  en  chef,  de  déterminer  les  conditions  de  ces  ex- 
périences en  vous  indiquant  avec  précision  le  mode  d'adminis- 
tration auquel  je  me  suis  arrêté,  après  les  tâtonnements  des 
premiers  jours.  Je  dois  vous  avouer  d'abord  que,  malgré  les 
afjp,rmations  si  positives  de  M.  le  docteur  Burq,  je  n'avais 
accepté  ses  formules  qu'en  tremblant.  J'ai  lu  avec  beaucoup 
d'intérêt  dans  votre  journal,  et  plus  tard  dans  une  brochure 
qu'il  m'a  remise  lui-même ,  la  relation  de  ses  nombreuses  re- 
cherches sur  la  préservation  à  peu  près  constante  des  ouvriers 
sur  métaux.  J'ai  moins  goûté  ses  vues  théoriques  sur  la  pré- 
servation provoquée,  dont  les  agents  me  semblent  devoir  être 
ou  inutiles  ou  dangereux. 

«  Cependant,  je  me  plais  à  le  dire  bien  haut,  c'est  cette  lec-  ' 
ture  seule  qui  m'a  décidé  à  tenter  mes  expériences  ;  si  j'ai  hésité 
quelque  temps,  c'est  que  je  ne  comprenais  pas  comment  un 
malade,  même  atteint  du  choléra ,  pourrait  avaler,  sans  un 
danger  sérieux,  dans  l'espace  de  vingt-quatre  heures,  1  gramme, 
et  même  beaucoup  plus,  d'une  substance  aussi  active  que  le 
sulfate  ou  l'acétate  de  cuivre.  Il  me  semblait  inévitable  que 
chaque  prise  fût  suivie  de  vomissements  violents,  et  je  com- 
prenais encore  moins  que  les  vomissements  ainsi  provoqués 
dussent  avoir  une  action  curative  efficace. 

«  Aussi,  quel  fut  mon  étonnement  lorsque  je  vis,  au  con- 
traire, ce  symptôme  si  grave  et  si  douloureux  diminuer  rapide- 
ment, pour  disparaître  tout  à  fait  sous  l'action  des  médicaments 
ingérés.  Ce  phénomène  étrange  s'étant  l'enouvelé  chez  plusieurs 
malades,  je  soupçonnais  une  erreur  dans  la  préparation  du 
remède;  je  m'informai,  et  j'appris,  en  effet,  que  pour  préparer 
la  solution  titrée  au  cinquième  que  j'avais  demandée,  on  avait 
faitdissoudre  5  grammes  desulfate  decuivre  dans  100  grammes 


I 


—  HO  — 

d'eau  distillée.  Une  erreur  h  peine  croyable  m'avait  donné  la 
verilable  formule,  et  tout  me  fut  expliqué.  On  n'avait  pas 
même  donné  à  mes  malades  le  cinquième  de  la  dose  prescrite 
Au  lieu  de  les  faire  vomir,  le  sulfate  de  cuivre,  pris  a^isi,  avait 
été  absorbé  et  porté  dans  le  torrent  circulatoire  où  il  avait 
neutralisé  le  poison  cholérique.  Il  y  avait  là  quelque  chose  qui 
ressemblait  beaucoup  à  l'action  du  sulfate  de  quinine  dans  un 
accès  de  fièvre  pernicieuse. 

«  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire,  Monsieur  le  Rédacteur,  que 
je  m'en  suis  tenu  à  ma  solution  au  vingtième,  tout  en  bénis- 
sant le  hasard  heureux  qui  l'avait  mise  entre  mes  mains.  Je  fais 
donc  préparer  une  solution  contenant  : 

Sulfate  du  cuivre   grammes,  5 

Eau  distillée   do  ,jqq 

«  Puis,  avec  cette  solution,  je  fais  composer  une  potion  con- 
tenant : 

Solution  de  sulfate  de  cuivre  au  20'...      i\  g'bOcenti"' 

Laudanum  de  Sydenham   10  gouttes.  ° 

^^^^^<^<-ée   120  grammes. 

«  Cette  potion  est  administrée  au  malade  le  plus  près  qu'il 
est  possible  du  début  de  la  maladie,  à  l'exclusion  de  toute  autre 
médication  :  dans  les  cas  très-graves,  par  cuillerée  à  café  de 
quart  d'heure  en  quart  d'heure-,  par  demi-cuillerée  à  bouche 
de  demi-heure  en  demi-heure  dans  les  cas  moyens;  et  enfin 
d'heure  en  heure  dans  les  cas  légers.  On  continue  ainsi  jusqu'à 
ce  que  la  chaleur  soit  revenue  à  la  peau  et  à  la  langue,  et  que 
le  pouls  se  soit  un  peu  relevé.  Ensuite  les  prises  ne  sont  plus 
données  que  toutes  les  trois  ou  cinq  heures,  et  l'on  cesse  com- 
plètement aussitôt  que  l'état  du  malade  permet  d'espérer  que 
la  période  algideest  terminée.  C'est  là  la  marche  que  j'ai  suivie 
à  peu  près  constamment.  Mais  il  n'est  pas  douteux  qu'elle  ne 
puisse  être  modifiée  suivant  les  circonstances.  Cependant  je 
dois  ajouter  que,  pour  chaque  prise  successive,  je  n'ai  jamais 
donné  au  delà  d'une  demi-cuillerée  à  bouche  de  la  potion, 
sinon  peut-être  au  début,  dans  les  cas  les  plus  graves,  où  je 
commençais  par  une  cuillerée  entière. 

«  Les  boissons  qui  m'ont  paru  les  plus  utiles  sont,  dans  les 


—  111  — 

premières  heures,  du  Ihé  chaud  additionné  de  bO  à  100  gram- 
mes de  rhum  par  litre.  Un  peu  plus  tard  la  limonade  cuite,  le 
riz  acidulé,  ou  le  sirop  d'orgeat.  Toutes  ces  boissons  doivent 
être  prises,  souvent  et  en  petites  quantités  à  la  fois;  j'ajoute 
encore  un  petit  morceau  de  glace  toutes  les  demi-heures.  Enfin, 
le  malade  doit  être  couvert  chaudement,  mais  sans  exagéra- 
tion :  s'il  est  possible,  enveloppé  dans  une  couverture  de  laine, 
mais  seulement  jusqu'au  retour  de  la  chaleur.  Lorsque  la  réac- 
tion opère,  le  malade  peut  prendre  un  peu  de  bouillon,  et  c'est 
généralement  le  deuxième  ou  le  troisième  jour;  je  me  suis 
toujours  bien  trouvé  d'une  boisson  composée  de  : 

Vin  vieux   0,25  centilitres. 

Eau  de  Saint-Gaimier. . .  0,2S  — 
Eau  ordinaire   0,50  — 

«  Quant  à  la  quantité  de  sulfate  de  cuivre  absorbée,  elle  a 
varié  entre  h  centigrammes  et  20  ou  même  23  centigrammes, 
c'est-à-dire  que  chaque  malade  a  pris,  depuis  la  moitié  seule- 
ment de  la  potion  indiquée  ci-dessus,  jusqu'à  deux  et  même 
trois  de  ces  potions.  Mais  j'ai  remarqué  que,  dans  ces  derniers 
cas,  la  convalescence  a  toujours  été  longue  et  ditiicile.  Elle  a 
présenté  d'abord  quelques  symptômes  cérébraux  assez  sérieux  : 
subdélirium  ou  même  délire  pendant  la  nuit,  assoupissement 
plus  ou  moins  profond ,  et  même  un  peu  de  coma  ;  puis  un 
état  adynamique  inquiétant  qui,  chez  une  sœur  hospitalière 
entre  autres,  a  duré  dix  à  douze  jours,  et  a  exigé  l'emploi  de 
trois  purgatifs  salins  et  ensuite  du  quinquina. 

«  Ces  symptômes  étaient-ils  uniquement  la  suite  de  la  per- 
turbation profonde  imprimée  à  toute  l'économie  par  le  choléra 
durant  sa  période  algide?  Cela  est  fort  possible.  Cependant,- je 
suis  porté  à  croire  que  le  cuivre  n'y  est  pas  resté  complète- 
ment étranger.  Voici  quels  sont  mes  motifs  :  l'absorption  étant 
très-peu  active  pendant  la  période  algide  du  choléra,  les  doses 
successives  du  médicament  ingéré  s'accumulent  peu  à  peu 
dans  l'estomac,  surtout  lorsque  les  vomissements  ont  cessé.  H 
arrive  alors  nécessairement  que,  lorsque  la  période  de  réaction 
commence,  la  faculté  d'absorption  se  réveillant  avec  énergie, 
une  quantité  desulfiite  de  cuivre,  qui  peut  varier  entre  5  et  10, 


—  112  - 

ou  même  5  centigrammes,  est  portée  rapidement  dans  le 
torrent  de  la  circulation,  et  détermine  chez  le  sujet  des  phéno- 
mènes d'intoxication  d'autant  plus  graves  que  l'absoplion  aura 
été  plus  considérable. 

«  Ainsi  s'expliqueraient,  en  partie  du  moins,  les  symptômes 
ataxiques  et  adynamiques  présentés  par  quelques-uns  de  mes 
malades,  et  mieux  encore  le  coma  profond  et  les  convulsions 
qui  ont  précédé  la  mort  de  trois  d'entre  eux,  ainsi  qu'on  l'a 
vu  plus  haut.  Si  mon  observation  est  juste,  il  en  surgirait  une 
indication  nouvelle  qui  consisterait  à  neutraliser  l'excès  du 
sulfate  de  cuivre  ingéré,  soit  en  faisant  vomir  le  malade  dès  le 
début  de  la  période  dé  réaction,  soit  en  lui  administrant  une 
quantité  suffisante  de  fer  réduite  par  l'hydrogène.  La  seule  ma- 
lade chez  laquelle  j'aie  pu  encore  suivre  cette  dernière  indi- 
cation m'a  paru  s'en  trouver  très-bien.  Elle  avait  pris  20  cen- 
tigrammes environ  de  sulfate  de  cuivre,  dont  l'action  toxique 
a  été  prévenue  à  la  fin  du  deuxième  jour  de  la  maladie  par 
l'administration  de  Z|0  centigrammes  de  fer  réduit  par  l'hy- 
drogène. Trois  jours  après,  la  malade  a  pu  se  lever,  et  sortir 
de  l'infirmerie  le  septième  jour  après  l'invasion  de  la  maladie. 

«  Une  seule  réflexion,  et  je  termine  :  Si,  comme  la  logique  la 
plus  élémentaire  m'autorise  à  le  croire,  les  choses  se  soîU  passées 
comme  je  viens  de  le  dire,  que  deviendraienl  les  malades  auxquels 
on  administrerait  les  quantités  de  sulfate  du  cuivre  conseillées 
.  par  M.  le  docteur  Burq?  n  E.  Lisle. 

Nous  venons  de  donner  in  extenso  la  lettre  de  M.  Lisle,  nous 
bornant  à  souligner  certains  passages  qui  auront  certainement 
frappé  le  lecteur,  s'il  a  consenti  à  nous  suivre  jusqu'au  bout. 
Cette  lettre  fut  tout  un  événement.  Dès  son  arrivée  à  Paris, 
dans  les  bureaux  de  l'Union  médicale,  l'honorable  rédacteur  en 
chef,  M.  A.  Latour,  l'avait  fait  composer  d'urgence;  les  journaux 
spéciaux,  la  Gazette  des  Hôpitaux  en  tête,  s'étaieçt  empressés 
de  la  reproduire  ou  d'en  publier  des  extraits,  et  entre-temps, 
M.  le  professeur  Velpeau  lui-même  était  venu,  avec  l'auto- 
rité de  sa  parole,  porter  la  question  devant  ses  illustres  collè- 
gues de  l'Académie  des  sciences.  Les  succès  obtenus  à  l'asile  des 
ali  énés  de  Marseille  étant  d'ailleurs  indéniables,  puisque,  sans 


—  113  — 

parler  de  la  véracité  de  l'honorable  confrère  qui  les  racontait, 
les  faits  s'étaient  produits  au  grand  jour  sous  l'œil  de  l'admi- 
nistration (1),  avec  un  collègue  et  des  élèves  pour  témoins,  bien- 
tôt il  ne  fut  plus  question  que  de  M.  Lisie  et  de  son  traitement. 
Quant  au  véritable  inventeur  de  la  nouvelle  méthode  cura- 
tive,  M.  Velpeau  en  avait  bien  dit  quelques  mots,  mais  on  l'eut 
vite  oublié,  et  si  parfaitement  oublié  qu'un  peu  plus  lard,  quand 
fut  venue  l'heure  de  compter  les  meilleurs  dévouements,  des 
deux  volontaires  Parisiens-,  partis  pour  Toulon,  celui-là  seul  qui 
avait  succombé  trouva  une  place  sur  la  liste  de  ceux  qui  étaient 
signalés  à  la  reconnaissance  publique  !... 

En  face  des  prétentions  inouïes  de  M.  le  D''  Lisle,  et  de  la 
consécration  donnée  par  nos  confrères  à  cette  usurpation  fla- 
grante de  tous  nos  droits  de  priorité,  comment  garder  le  si- 
lence?... Comment  ne  pas  protester?  Une  autre  très-grave  raison 
nous  enjoignait,  d'ailleurs,  de  parler.  Nous  avions  vu  à  l'usage 
•  les  doses  de  M.  Lisle  dans  les  hôpitaux  de  Marseille.  Elles  n'y 
avaient  rien  produit.  Eh!  n'était-il  point  à  craindre  que  les 
résultats  ne  fussent  les  mêmes  dans  la  pratique  nosocomiale?  Si 
ces  doses  avaient  pu  se  montrer  suffisantes  sur  des  malades 
pris  à  temps ,  qu'attendre  en  etfet  de  quelques  centigrammes 
du  remède  administré  tout  près  de  la  période  ultime,  si  ce  n'est 
dans  cette  période  même?...  Cependant,  après  y  avoir  réfléchi, 
nous  jugeâmes  qu'il  valait  mieux  laisser  faire,  et  différer  encore 
l'expression  de  nos  sentiments.  Les  motifs  de  cette  décision  on 
les  trouvera  bientôt  dans  notre  réponse.  Mais  avant  d'en  venir  à 
celle-ci,  nous  croyons  devoir  raconter  les  faits  qui  suivirent, 
en  observant  l'ordre  de  date  dans  lequel  ils  se  sont  produits. 

Voyons  d'abord  ceux  recueillis  en  ville,  où  le  succès  peut 
être  obtenu  â  moins  de  frais. 

(1)  L'Asile  des  aliénés  à  Marseille  compte  parmi  les  plus  importants  éta- 
blissements de  ce  genre  qui  soient  en  France.  11  est  situé  dans  la  ville  môme, 
à  peu  de  distance  de  l'hôpital  de  la  Conception.  Voisin  de  l'administration, 
par  conséquent,  rien  ne  saurait  s'y  passer  sans  que  les  autorités,  desquelles 
relève  directement  le  médecin,  et  qui  soni  ici,  nous  dit-on,  d'une  extrême 
vigilance,  en  fussent  aussitôt  avertis... 


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—  llZi  — 


UNION  MÉDICALE  (4  novembre). 

CAS  GÉJIELLAIUES  DE  CHOLÉRA  CONSANGUIN  ;  —  GUÉRISON  IMMÉDIATE 
DE  LA  CYANOSE  ALGIDE  PAR  LE  SULFATE  DE  CUIVRE. 

I         «  Paris,  30  octobre  18G5. 
«  Monsieur  et  très-honoré  confrère, 

«  Appelé,  le  2S  octobre  dernier,  à  soigner  M"^  Legendre,  âgée  de 
soixante-dix  ans,-  rue  Traversine,  n"  31,  j'observais,  après  une  seule 
nuit  d'invasion  diarrhéique,  un  choléra  demi-sec,  la  cyanose  algide, 
aphone,  anurique.  Conditions  hygiéniques  mauvaises,  logement  insuf- 
fisant, 16  mètres  carrés  séparés  en  deux  chambres;  mais  famille  dé- 
vouée, esclave  de  l'ordonnance.  J'entrepris  le  traitement  à  domicile. 
Prescription  :  Ipéca,  2  grammes;  laudanum,  40  gouttes;  bain  de 
moutarde  ;  thé,  rhum. 

«  26  octobre.  Un  peu  de  réaction;  filet  de  voix  revenu;  oppression. 

«  27  octobre.  La  réaction  est  profonde.  Je  venais  de  lire  la  note  de 
Lisle,  mon  ancien  collègue  de  concours.  Je  fais  tomber  30  gouttes  de 
sulfate  de  cuivre  au  vingtième  dans  cinq  cuillerées  d'eau;  j'en  fais 
prendre  une  d'heure  en  heure. 

«  28  octobre.  La  réaction  est  rétablie;  la  cyanose  effacée;  l'algidilé 
convertie  en  sueur  chaude;  la  période  de  dépression  est  surmontée; 
il  reste  la  réaction  à  ménager  ou  à  combattre. 

«  Mais,  dès  le  27  octobre,  un  autre  drame  commençait  dans  la  pièce 
voisine.  La  fille,  Richard,  trente  et  un  ans,  nourrice,  était  couchée 
après  une  nuit  d'invasion  diarrhéique,  cyanosée,  algide,  aphone. 

«  Prescription  :  Sulfate  de  cuivre,  30  gouttes  versées  par  moi  dans 
cinq  cuillerées  d'eau,  thé,  sinapisme. 

«  28  octobre.  Pleine  réaction  immédiate,  après  quinze  heures  à 
peine  de  cyanose  algide. 

«  29  et  30  octobre.  La  réaction  continue  franche,  nette,  sûre  pour  la 
fille;  un  peu  moins  vive  pour  la  mère,  que  je  rends  au  régime  tonique 
et  alimentaire  (vin,  potage). 

«  Le  sulfate  de  cuivre,  que  je  me  propose  d'employer  ainsi  dans 
chaque  occasion  où  le  traitement  à  domicile  sera  possible,  m'était  déjà 
connu  comme  le  plus  énergique  des  excitants  dans  la  chorée,  dans  le 
croup,  etc.;  il  me  paraît  guérir  la  cyanose,  mais  non  la  réaction.  En 
remontant  l'organisme,  il  ferait  la  moitié  dè  la  besogne.  Reste  encore 


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la  réaction  à  combattre  :  mais  c'est  déjà  beaucoup  que  d'abréger  ou 
môme  de  supprimer  la  période  asthénique. 

«  Agréez,  etc.  D"-  Blandet, 

«  Membre  de  la  Société  médico-chirurgicale.  » 


UNION  MÉDICALE  (-11  novembre). 

TRAITEMENT  DU  CHOLÉRA  PAR  LE  SULFATE  DE  CUIVRE. 

«  Monsieur  et  honoré  confrère, 

c(  Vous  faites  appel  à  ceux  qui  auront  essayé  le  traitement  du  cho- 
léra par  le  sulfate  de  cuivre,  pour  qu'ils  fassent  connaître  les  résultats 
qu'ils  en  obtiennent.  Si  petit  que  soit  encore  le  nombre  des  cas  dans 
lesquels  j'ai  appliqué  ce  moyen,  je  m'empresse  de  vous  apporter 
ma  part  de  renseignements. 

«  Peu  satisfait  des  médications  que  j'avais  jusque-là  employées 
contre  le  choléra  conBrmé,  sitôt  que  j'eus  connnaissance,  par  l'UmoN 
MÉDICALE,  des  succès  qu'avait  obtenus  M.  le  docteur  Lisle,  à  l'asile 
des  aliénés  de  3Iarseille,  au  moyen  fie  la  solution  étendue  de  sulfate 
de  cuivre,  je  me  décidai  à  l'expérimenter  à  mon  tour. 

«  Le  26  octobre  au  malin,  je  fus  appelé,  pàr  une  lettre  du  bureau  de 
bienfaisance,  rue  Ducouédic,  55,  auprès  de  la  veuve  Toutain,  que  je 
trouvai  en  proie  aux  plus  graves  accidents  d'une  attaque  de  choléra, 
précédée  d'une  diarrhée  survenue  la  nuit  précédente  seulement  :  vo- 
missements, crampes,  voix  éteinte,  pouls  filiforme,  cyanose.  J'ajoute 
que  cette  femme,  âgée  de  cinquante  et  un  ans,  restée  veuve  avec 
quatre  enfants  encore  jeunes,  a  une  constitution  épuisée  par  les  pri- 
vations. 

«  Je  prescrivis  une  potion  de  160  grammes  de  liquide  édulcoré,  avec 
12  gouttes  de  laudanum  et  1  décigramme  de  sulfate  de  cuivre,  ce  qui 
est  sensiblement  la  même  proportion  qu'emploie  M.  Lisle  (ls,50  d'une 
solution  au  20",  soit  75  milligrammes  de  sel  cuprique,  pour  une  potion 
de  120  grammes).  Je  fis  donner  le  médicament  par  cuillerée  à  café 
de  quart  d'heure  en  quart  d'heure,  comme  l'emploie  notre  confrère  de 
Marseille  pour  les  cas  graves. 

«  Et  à  ce  propos,  je  demande  un  éclaircissement  :  M.  Lisle  adminis- 
tre sa  cuillerée  à  café  de  quart  d'heure  en  quart  d'heure  dans  les  cas 
graves;  par  demi-cuillerée  à  bouche  de  demi-heure  en  demi-heure 
dan^  les  cas  moyens;  or,  cela  fait  la  môme  quantité  de  substance  ac- 


—  116  — 

tive  dans  les  deux  sortes  de  cas.  N'y  a-t-il  pas  eu  là  une  faute  d'im- 
pression? 

«  Je  reviens  à  l'efTet  observé  sur  ma  malade  :  les  selles  et  les  vomis- 
sements furent  arrêtés  dans  la  journée;  le  froid  delà  peau  diminua 
un  peu.  Le  soir,  je  fis  éloigner  le  moment  de  prise  de  la  potion. 

«  Le  lendemain  27,  la  prostration  restant  très-grande,  j'ajoutai  à 
l'emploi  de  la  solution  cuprique  celui  d'une  potion  à  l'extrait  de  quin- 
quina, et  l'application  d'un  vésicatoire  sur  l'épigastre  pour  combattre 
l'étouffement  qu'accusait  la  malade. 

«  Le  dénoûment  n'en  fut  pas  moins  fatal  :  la  veuve  Toulain  expira 
le  28  au  soir.  Mais  c'était  là,  je  dois  le  dire,  un  cas  qui,  à  première 
vue,  m'avait  paru  désespéré. 

«  Le  26  encore,  dans  l'après-midi,  je  fus  appelé  rue  d'Alembert,  7, 
pour  un  homme  de  trente-six  ans,  présentant  des  conditions  inverses  : 
une  constitution  vigoureuse  et  sanguine,  mais  l'habitude  des  boissons 
alcooliques,  dont  ses  relations  de  commerce  lui  offrent  trop  souvent 
l'occasion  d'user.  Celui-ci  avait  eu,  depuis  la  veille  au  soir,  une  qua- 
rantaine de  selles,  et,  depuis  le  matin,  des  vomissements  incessants. 
Pouls  médiocre,  température  de  la  peau  abaissée,  point  de  crampes. 
Potion  de  190  grammes  avec  centigrammes  de  sulfate  de  cuivre 
et  15  gouttes  de  laudanum. 

«  Dans  la  nuit,  cessation  de  la  diarrhée,  mais  persistance  des  vomis- 
sements de  plus  en  plus  pénibles  :  ce  qui  me  fait  renoncer,  à  partir 
du  lendemain  .matin,  à  la  solution  cuprique,  de  peur  qu'elle  ne  fût 
elle-même  pour  quelque  chose,  par  sa  propriété  vomitive,  dans  ce 
fâcheux  symptôme.  Le  sous-nitrate  de  bismuth,  la  potion  laudanisée 
éthérée,  celle  de  Rivière,  un  vésicatoire  à  l'épigastre,  rien  ne  put 
triompher  de  ces  vomissements,  accompagnés  de  lipothymies,  d'un 
sentiment  d'étouffemenl,  d'un  malaise  général  qui  s'exaspéraient 
chaque  nuit,  l'affaiblissement  du  malade  et  le  refroidissement  de  la 
peau  allant  toujours  en  augmentant. 

«  Une  application  de  trois  sangsues  à  l'épigastre,  le  l.^""  novembre, 
amena  un  répit  passager.  Mais,  dès  que  le  sang  eut  cessé  de  couler,  • 
retour  des  vomissements,  et  la  petitesse  du  pouls,  les  syncopes  immi- 
nentes, ne  me  semblaient  pas  permettre  une  nouvelle  émission  san- 
guine. 

«  M.  Woillez,  appelé  en  consultation  le  3,  conseilla  l'application  d'un 
nouveau  vésicatoire  à  la  môme  place  que  le  premier,  l'essai  du  vin  de 
quinquina  au  malaga  par  cuillerée;  enfin  une  potion  avec  un  gramme 
de  teinture  de  hachisch  à  prendre  par  cuillerée  à  soupe  de  deux  en 
deux  heures.  C'est  ce  dernier  moyen  seul  qui  a  paru  diminuer  la  fré- 
quence dos  vomissements,  sans  toutefois  ramener  la  chaleur  ni  la  sé- 


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crétion  urinaire.  Suivant  une  indication  publiée  dans  I'Union  Médi- 
cale du  jour,  j'ai,  le  4,  badigeonné,  non  pas  la  surface  abdominale, 
qui  était  occupée  par  un  vésicatoire,  mais  la  gouttière  rachidienne, 
depuis  la  nuque  jusqu'aux  lombes,  avec  du  collodion  riciné,  et  j'ai 
recouvert  le  badigeon  d'une  couche  d'ouate. 

«  Ce  matin,  pour  la  première  fois,  j'ai  trouvé  la  peau  de  mon  malade 
réchauffée  ;  il  a  rendu,  en  quatre  fois,  environ  un  verre  d'urine.  Il 
avait  commencé,  dès  la  veille,  à  garder  des  bouillons  et  môme  une 
couple  de  cuillerées  de  potage  au  tapioca.  —  L'état  du  malade  con- 
tinue de  s'améliorer.  Le  succès  me  paraît  dii  essentiellement  au  ha- 
chisch, que  M.  Woiilez  a  reconnu  plutôt  efficace  contre  les  vomisse- 
ment que  comme  moyen  de  rétablir  la  chaleur  normale. 

«  Jusqu'à  présent,  l'emploi  du  sulfate  de  cuivre  [aurait  semblé  peu 
avantageux  entre  mes  mains  ;  voulant  me  conformer  exactement  aux 
indications  de  M.  Lisle,  j'ai  fait  préparer  par  M.  Bernard,  pharma- 
cien, route  d'Orléans,  63,  une  solution  au  lOO"  dont  j'ai  fait  mettre 
7  grammes  dans  les  potions  de  120'  grammes  prescrites  aux  malades 
suivants  du  Bureau  de  bienfaisance  ; 

«  '1°  Femme  Thomas,  cinquante  et  un  ans,  '187,  route  d'Orléans.  Le 
27  octobre,  diarrhée  riziforme,  vomissements  et  crampes;  point  de 
cyanose  marquée.  Cessation  graduelle  des  accidents  à  la  suite  de  l'ad- 
ministration de  la  potion  cuprique.  Aujourd'hui,  guérison. 

«  2"  Le  mari  de  la  précédente  malade,  âgé  de  soixante  et  un  ans, 
présente,  trois  jours  plus  tard,  les  mômes  symptômes.  Administration 
du  sel  de  cuivre  pendant  douze  heures,  par  demi-cuillerée  à  soupe, 
d'heure  en  heure,  puis  de  deux  en  deux  heures  seulement.  Chez  lui, 
la  diarrhée  et  la  prostration  ont  duré  plus  longtemps  que  chez  la 
femme  :  il  est  resté  alité  jusqu'au  5. 

«  3°  Le  fils  de  ces  derniers,  Paul,  âgé  de  vingt-deux  ans,  est  attaqué 
bien  plus  gravement,  le  2  de  ce  mois,  après  deux  jours  de  diarrhée. 
Je  le  trouve  couché,  avec  son  père,  sur  une  paillasse  étendue  par 
terre,  il  n'y  a,  dans  le  cabinet  étroit  occupé  par  toute  cette  famille, 
composée  de  cinq  personnes,  cabinet  sans  foyer,  qui  n'est  éclairé  et 
aéré  que  par  une  petite  lucarne  et  par  la  porte,  il  n'y  a  qu'un  lit  de 
sangle  et  une  paillasse  étendue  sur  le  carreau.  La  potion,  ou  7  centi- 
grammes de  sulfate  de  cuivre,  qui,  par  l'erreur  ou  la  négligence  de  * 
son  entourage,  n'a  commencé  à  lui  ôtre  donnée  que  six  heures  au 
moins  après  le  début  des  crampes,  a  fait  graduellement  cesser  les 
symptômes  alarmants.  Ce  malade  a  pris  deux  potions,  soit  14  centi- 
grammes de  sel  cuprique.  Il  est  encore  alité,  mais  en  voie  do  gué- 
rison. 

«  4"  Dans  la  même  maison,  au  deuxième  étage,  l'enfant  Maillot,  Agé 


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de  vingt  mois,  qui,  malgré  la  défense  de  la  mère,  a  été  conduit  sur 
le  palier  et  dans  la  chambre  des  précédents  malades,  a  été  atteint  de 
diarrhée  le  3,  et  de  vomissements  avec  refroidissement  prononcé  le  4. 
Cot  enfant  ne  sortait  d'un  état  de  mort  apparente  en  jetant  le  cri  hy- 
drencéphalique  qun  pour  vomir  ou  présenter  des  mouvements  con- 
vulsifs  .des  bras  et  du  visage,  puis  il  retombait  dans  le  coma.  Il  lui  a 
été  administré  une  potion  de  50  grammes  de  liquide  avec  2  centi- 
grammes de  sulfate  de  cuivre.  En  le  quittant  le  soir,  je  n'espérais  pas 
le  retrouver  vivant.  Contre  mon  attente,  il  s'est  réchaufTé  et  ranimé. 
Aujourd'hui,  il  est,  quoique  très-abattu,  dans  un  état  qui  donne  tout 
espoir. 

«  5°  Enfin,  avenue  du  Commandeur,  -12,  maison  oiî  il  est  déjà  mort 
un  cholérique,  le  nommé  Philippe,  âgé  de  quarante  ans,  atteint  de 
diarrhée  blanche,  de  vomissements  et  de  crampes  violentes  dans  la 
matinée  du  31  octobre,  est  promptement  sorti  du  danger  à  la  suite  de 
deux  potions  au  sulfate- de  cuivre  (14  centigrammes). 

«  En  somme,  voilà  sept  cas  dans  cinq  desquels  la  solution  cuprique 
a  paru  manifestement  avantageuse.  C'est  assez  pour  encourager  à  con- 
tinuer, contre  le  choléra  confirmé,  l'emploi  de  ce  médicament,  dont 
l'idée  première  appartient  au  docteur  Burq,  il  est  juste  de  le  recon- 
naître et  il  convient  de  le  rappeler. 

«  Veuillez  agréer,  etc.  D--  Ch.  Pellarin. 

«  Paris-Montrouge,  7  novembre  1865?  » 

GAZETTE  DES  HOPITAUX  (28  juillet  1866).  ' 

DEUX    GUÉRISONS   DU   CHOLERA    PAR   LES  SELS   DE  CUIVRE. 

«  Le  31  octobre  1865,  à  7  heures  du  matin,  je  fus  demandé  dans 
la  maison  que  j'habite,  rue  des  Bons-Enfants,  nMO,  pour  donner  des 
soins  au  sieur  P....,  employé  dans  un  grand  journal  de  Paris. 

«  M.  P...  est  âgé  de  vingt-huit  ans,  il  est  très-nerveux;  très-im- 
pressionnable, mais  d'une  bonne  santé  habituelle.  Sa  vie  est  régulière. 
Dans  la  journé  du  30  il  fait  plusieurs  courses  à  pied,  quoique  déjii 
•un  peu  souffrant.  Dans  la  nuit,  diarrhée  extrêmement  abondante, 
mais  pas  de  crampes.  Le  malade  s'inquiète  et,  à  ma  visite,  sa  physio- 
nomie exprime  l'anxiété.  Il  est  abattu,  son  pouls  est  très-petit  et 
fréquent,  les  yeux  sont  cerclés  de  noir,  la  peau  commence  à  se  re- 
froidir, et  les  selles,  copieuses  et  parsemées  de  petits  flocons  blan- 
châtres comme  des  grains  de  riz  clair-semés,  se  succèdent  avec  ra- 
pidité. M.  P....  en  a  plusieurs  en  ma  présence,  le  liquide  coule  comme 


—  119  — 

de  source.  Les  boissons  sont  vomies  avec  des  matières  bilieuses  et 
glaireuses. 

«  Traitement  :  Ipéca,  puis  potion  de  Rivière,  glace,  boissons  aro- 
matiques, potion  calmante,  laudanum,  friction  avec  pommade  au  chlo- 
roforme, %inapismes,  lavements  amidonnés,  astringents,  décoction 
blanche  additionnée  de  sous-nitrate  de  bismuth,  etc. 

«Je  revois  plusieurs  fois  M.  P....  dans  la.journée,  et  malgré  des 
soins  assidus  et  l'emploi  des  moyens  ci-dessus  l'affection  s'aggrave  • 

d'heure  en  heure. 

«  Le  1"  novembre  au  matin,  face  grippée,  yeux  caves,  peau  froide 
et  cyanosée,  crampes,  vomissements  et  selles  avec  coliques,  pouls 
très-petit  et  très-fréquent;  le  wakcJe  e7oî«/fe. 

«  C'est  alors  que,  supprimant  toute  autre  médication,  j'eus  l'idée 
d'expérimenter  la  potion  au  sulfate  de  cuivre,  selon  la  formule  pu- 
bliée par  M.  le  docteur  Lisie  dans  V Union  médicale,  et  dès  la  pre- 
mière cuillerée  le  malade  éprouve  nn  mieux  sensible.  A  partir  de  ce 
moment  M.  P....  n'a  plus  vomi  qu'une  seule  fois  :  l'étouffement  a  été 
comme  jugulé,  peu  à  peu  les  selles  se  sont  éloignées,  sont  devenues 
moins  abondantes,  et  ont  pris  une  coloration  brune.  La  cyanose  a 
disparu,  la  chaleur  est  revenne  ;  il  n'y  a  plus  eu  ni  coliques  ni  crampes. 
Ce  qui  m'a  surtout  frappé  dans  ce  changement  de  scène,  c'est  la  sou- . 
daineté. 

«  Le  malade  a  pris  deux  potions  en  trois  jours.  Dès  le  5,  M.  P.... 
entrait  en  convalescence,  et  le  7  je  lui  faisais  ma  dernière  visite. 
Quelques  jours  après,  le  malade  guéri  venait  me  remercier. 

«  Après  la  soudaineté  de  la  guérison,  c'est  la  rapidité  de  la  con- 
valescence qui  m'a  le  plus  surpris. 

«  Agréez,  etc.  Berger. 
«  Paris,  1"  mai  1866.  » 

D'un  autre  côté,  un  éminent  confrère,  M.  le  D^  Ârnal,  médecin 
de  Sa.  Majesté  l'Empereur,  a  bien  voulu  nous  transmettre  les 
notes  suivantes  que  nous  transcrivons  textuellement  : 

«  M"'"  X,  bien  portante,  prise  la  nuit  de  vomissements,  diarrhée 
blanche,  huit  à  dix  garde-robes,  douleurs  épigastriques,  crampes, 
froid,  sans  coloration,  grande  terreur. 

«  Le  matin  potion  gommeuse  de  120  grammes  avec  sulfate  de  cuivre 
0,05  additionnée  de  quelques  gouttes  de  laudanum- (pour  établir  la 
tolérance),  une  cuillerée  toutes  les  heures.  Amélioration  progressive. 
Le  lendemain,  bien  complet. 

«  D""  Arnai,.  » 


—  120  — 

Le  tait  de  M.  le     Arnal  ferme  la  série  des  succès  obtenus  en 
1860  dans  la  pratique  privée...  des  succès  connus,  autlmitiques 
iMen  entendu   car  comment  supposer  que  le  traitement  dû 
choléra  par  les  sels  de  cuivre  n'ait  point  rencontré  d'autres 
adhérents,  et  combien  de  confrères  qui  pourraient,  saîs  doute 
témoigner  encore  en  sa  faveur!...  Pour  nous,  nous  n'avons  per- 
sonnellement que  fort  peu  à  y  ajouter.  Revenu  à  Paris  vers  les 
derniers  jours  d'octobre  seulement,  c'est-à-dire  alors  que  l'épi- 
démie était  tout  près  de  sort  déclin,  nous  n'avons  eu  à  traiter  que 
cinq  malades.  Tous  ont  guéri,  mais  aucun  n'était  atteint  d'une 
manière  assez  sérieuse  pour  être  présenté  comme  exemple  Deux 
cependant  ont  ont  offert  de  l'intérêt...  Le  premier  fut  un  étran- 
ger domicilié  aux  champs-Élysées...  Indisposé  depuis  plusieurs 
jours,  le  4  novembre,  M.  X...  en  était  arrivé  au  chiffre  de  dix 
à  douze  garde-robes  dans  la  journée.  Vers  4  heures  nous  lui 
prescrivionspotionàlO  centigr.,  l/ide  lavementà  0,40  centigr 
plus  une  armature  sur  le  tronc,  et  déjà  le  soir  à  10  heures  il 
avait  une  selle  demi-consistante.  Dès  le  lendemain,  tous  les  ac- 
cidents étaient  conjurés. 

Le  second  était  un  employé  de  commerce,  domicilié  rue 
Papillon,  6.  Depuis  quatre  jours  cholérine  intense  qn'on  avait 
cherché  vainement  à  combattre  par  le  bismuth,  l'opium,  etc. 

21  novembre,  plusieurs  selles  caractéristiques,  vomisse- 
ments, commencement  du  froid,  grande  frayeur.  Le  soir,  à 
huit  heures,  nous  instituons  le  traitement  par  le  cuivre  intus 
et  extra.  (Pot.  à  15  centigr.  et  lav.  à  40.)  24  heures  après,  plus 
d'évacuation  d'aucune  sorte,  et  le  deuxième  jour  (23  au  matin), 
nous  faisions  déjà  à  N...  notre  dernière  visite. 

Passons  maintenant  aux  faits  de  la  pratique  hospitalière  : 

NAPLES,  HOPITAL  SAINTE-MARIE-DE-LORETTE. 

Nous  avons  écrit  à  Naples  à  M.  le  D^  de  Rogatis  pour  savoir 
ce  qui  s'y  était  passé  concernant  le  traitement.  Voici  la  réponse 
de  notre  très-distingué  confrère. 


«•Naples,  le  24  novembre  18G5. 


«  Monsieur  et  très-cher  confrère, 
«  Je  vous  adresse  mes  plus  vifs  remercîments  pour  l'aimable  lettre 
que  vous  avez  bien  voulu  m'écrire,  et  je  me  félicite  que  mon  petit 
opuscule  ait  été  jugé  cligna  de  votre  approbation.  La  lecture  d'un 
simple  abrégé  du  mémoire  que -vous  avez  présenté,  le  20  août  dernier, 
à  l'Académie  des  sciences  m'a  tellement  intéressé  ,  que  je  me  suis 
fait  un  devoir  de  répéter  dans  ces  provinces  les  recherches  que  vous 
avez  faites  en  France  et  ailleurs.  Ayant  obtenu  mêmes  résultats, 
touchant  les  faits  de  la  préservation  spontanée  de  tous  les  ouvriers 
en  cuivre,  je  ne  pouvais  point  ne  pas  partager  toutes  vos  idées  sur 
la  vertu  du  cuivre  contre  le  choléra.  Je  me  suis  donc  mis  à  en  pro- 
pager l'usage,  et  comme  préservatif  artificiel  et  comme  moyen  curalif 
probable,  préférable  en  tous  cas  à  tous  les  autres  expédients  auxquels 
on  a  eu  recours  vainement  jusqu'à  ce  jour...  L'usage  des  plaques 
de  cuivre  s'est  répandu  généralement  durant  l'épidémie  actuelle,  et, 
aillant  que  je  puisse  le  savoir,  aucun  de  ceux  qui  les  a  employées  n'a 
été  frappé  du  mal.  Il  n'en  a  point  été  de  même  pour  l'usage  interne 
du  sulfate  de  cuivre,  que  tous  ont  repoussé  par  crainte  de  son  action 
toxique.  Dans  la  pratique  civile  il  ne  m'a  point  été  possible  d'expéri- 
menter la  vertu  de  ce  remède  sur  les  cholériques,  parce  que  je  me 
serais  exposé  à  la  fureur  du  peuple  qui  nous  regarde  comme  des  em-  ^ 
poisonneurs  stipendiés  par  le  gouvernement.  Cependant  je  désirais 
ardemment  faire  quelques  expériences,  et  celles-ci  ne  pouvaient  avoir 
lieu  que  dans  l'un  des  trois  hôpitaux  de  cholériques  organisés  à  Naples 
dans  cette  triste  occurrence.  J'avais  besoin  de  l'autorisation  de  la 
commission  médicale  de  surveillance,  instituée  à  cette  occasion  par 
l'autorité  gouvernementale  et  municipale  :  cette  commission,  composqe 
des  professeurs  les  plus  renommés,  n'a  point  accepté  la  première  fois 
ma  proposition.  Après  quelques  jours,  je  lus  dans  la  Gazelle  des 
Hôpilaux  du  22  octobre  4863,  la  lettre  de  M.  le  D--  Lisle,  et  l'encou- 
rageante statistique  des  succès  qu'il  a  obtenus  à  Marseille  par  la  mé- 
thode que  vous  préconisez,  toutefois  en  modifiant  vos  doses. 

«  Cette  lettre  ranima  mon  courage!  Le  lendemain  je  me  présentai-  de 
nouveau  à  la  susdite  commission.  Je  lui  tins  un  langage  ferme.  Je  lui 
soumis  le  numéro  du  journal.  A  l'unanimité  je  fus  autorisé  à  faire 
quelques  expériences  à  l'hôpital  Sainte-Marie-de-Lorette,  mais  seule- 
ment sur  les  malades  gravement  atteints  et!  encore  avec  les  doses  de 
M.  Lisle  :  je  pouvais  à  peine  croire  à  une  telle  concession.  J'acceptai 
donc,  malgré  des  conditions  si  dures. 


--  122  — 

«  Samedi,  ^8  novembre,  à  l'heure  de  midi,  on  m'assiçna  trois 
femmes,  dont  une  nouvellement  accouchée.  Deux  taient  a  glTdep 

cœrdSs!  caractéristique  et  vomissements^n: 

«  La  troisième  était  algide,  cyanosée,  dans  le  coina;  toutefois  le 
pouls  était  encore  un  peu  sensible  toutelois  le 

«Au  bout  de  deux  heures,  dans  les  deux  premiers  cas,  j'avais  obtenu 
delWn  "-"P''^'  des  vomissements  et  une  diminution  notable 
traite  '^^'^^^^"'î"^     ^e  la  soif;  et  après  cinq  à  six  heures  de 

tra  tement  je  constatais  chez  les  trois  malades  la  réapparition  de  la 

uisr;:r''%'"  'T''''^^  ^^^"^  -^'^  "  -  p-  ^ 

fel  s  a     .f'f  ^«-^  du  sang  sontdevenues 

te  les  que  le  médecin  de  garde,  auquel  j'avais  été  obligé  de  confier 

appoint  et,  suivant  lavis  que  je  lui  en  avais  laissé,  a  suspendu  le.re- 
«  Le  lendemain  1 9,  à  six  heures  et  demie  du  matin,  j'ai  retrouvé  les 
a  "éesT'l  ''''  -  je  les  a^ 

sorel^  Ixp^alt  ^""^  '  ^'^^  = 

'  rlnL'^  ^"''•«^  "^^'«des  restait  toujours 

dans  le  même  état,  c'est-à-dire  chaude,  sans  vomissement,  sans  dou- 
ieur  epigastrique;  l'autre  commençait  de  nouveau  à  se  refroidir  un 
peu...  A  ce  moment  finirent  mes  expériences,  parce  que  le  chef  de 
service,  guide  par  des  considérations  purement  morales,  pensa  que  cette 
malade, qui  avait  le  mieux  profité  du  remède,  pourrait  être  sauvéeavec 
un  Min  et  un  léger  excitant.  En  présence  de  cette  substitution  de 
traitement,  je  me  relirai,  et  sur  trois  cholériques  très-graves  l'un  est 
mort  et  les  deux  autres  sont  restés  avec  un  résultat  incomplet. 

«  J  exposai  ces  faits  au  président  de  la  commission,  M.  le  professeur 
irudenle,  qui  me  répondit  qu'il  était  indispensable  de  reco'mmencer 
les  expériences  dans  un  autre  hôpital,  vu  que  dans  celui  de  Lorelte 
on  avait  entendu  dire  par  des  infirmiers  et  par  d'autres  personnes 
qu  on  administrait  du  poison,  et  qu'il  était  à  craindre  qu'il  ne  sortît 
(le  la  une  tempête  contre  les  professeurs  et  surtout  contre  moi. 

«  La  commission  n'a  pas  tenu  de  nouvelle  séance,  et  par  conséquent 
Il  n  .y  a  point  eu  de  nouvelles  expériences.  Si  l'on  me  confie  des  ma- 
lades moins  graves,  c'est  bien.  Dans  le  cas  contraire,  je  n'accepterai 
pas,  et  pour  mon  honneur  et  pour  ne  pas  faire  tomber  en  discrédit 


le  traitement  que  nous  voulons  propager,  vous  en  Franco  et  moi  en 
Italie,  dans  l'intérêt  de  l'humanité  et  de  la  science. 

«  D-"  Alfonso  de  Rocatis.  » 

MARSEILLE.  —  (Hôtel-Dieu  et  hôpital  de  la  Conception.) 

Dans  les  hôpitaux  de  Marseille,  les  sels  de  cuivre  ont  été  em- 
ployés, à  notre  connaissance,  13  fois,  savoir  :  8  fois  par 
M.  "Seux  à  l'Hôtel-Dieu  ;  2  fois  par  M.  de  La  Souchère,  et  3  fois 
par  M.  Bernard  à  l'hôpital  de  la  Conception,  mais  toujours  aux 
doses  indiquées  par  M.  Lisle.  Les  résultats  ont  été  à  peu  de 
chose  près  ce  qu'ils  sont  d'ordinaire  :  dans  deux  cas  seule- 
ment ces  doses  ont  été  dépassées,  et  alors  les  effets  du  traite- 
ment ont  été  ce  que  nous  allons  dire. 

Dès  le  premier  jour  de  nôtre  arrivée  à-Marseille,  nous  avions 
l'honneur  d'apprendre,  par  la  houche  même  de  M.  le  D-"^  Seux, 
que  6  cholériques  avaient  été  traités  dans  ses  salles,  à  l'Hôtel- 
Dieu,  par  les  sels  de  cuivre,  et  que  3  sur  les  6  avaient  suc- 
combé... Nous  demandons  la  quantité  de  sel  administrée  : 
M.  Seux  nous  répond  que  pour  k  malades  elle  a  été  de  5  cent, 
et  pour  2  autres  de  20  centigr.  Nous  nous  récrions  sur  l'exi- 
guïté des  doses,  et  nous  invoquons  les  résultats  des  expérien- 
ces déjà  faites  sur  nous-môme  :  nous  disons  les  succès  obtenus 
en  185^  au  prix  seulement  de  doses  5  et  6  fois  plus  considéra- 
bles, et  notre  honorable  confrère,  un  peu  rassuré  par  nos  pa- 
roles, nous  promet  d'oser  davantage  à  la  première  occasion. 

Le  lendemain,  à  sa  visite,  M.  Seux  tient  parole.  A, 2  choléri- 
ques algides,  n°  7  et  10,  il  administre  50  centigr.  en  lavement, 
plus  une  potion  à  10  centigr.  à  renouveler  l'une  et  l'autre  un 
peu  plus  lard.  Arrivé  peu  de  temps  après  dans  le  service, 
nous  trouvons  le  n°  10  dans  le  plus  triste  état.  Il  a  bien  déjà 
pris  son  lavement  et  une  cuiller  de  la  potion,  mais  nous  som- 
mes d'avis  que  cela  ne  sutiit  pas,  et,  comme  le  temps  presse, 
nous  insistons  auprès  de  M.  le  D^  Dauvergne,  chef  interne  de 
l'hôpital,  pour  que  le  malade  avale  sur-le-champ  toute  sa  po-, 
tion.  Cela  se  fait.  On  renouvelle  la  potion,  qui  est  prise  ensuite 
par  cuillerées:  plus  tard,  deuxième  lavement  à  50  centigr.,  nt 
qudques  jours  après,  à  notre  ^retour  de  Toulon,  nous  avions  la 


—  m  — 

salisfacUon  de  retrouver  le  malade  tout  à  fait  convalescent 
Son  vo.sm  le  n»  7,  qui  avait  reçu  à  peu  près  le  même  traite' 
ment,  avait  échappé  lui  aussi  au  choléra,  mais  pour  succomber 
double  '      """"''"^  convalescence,  à  une  pneumonie 

A  l'hôpiial  de  la  Conception,  il  y  a  eu  1  mort  et  Z,  guérisons 
Mais  hatons-nous  de  dire  que  sur  les  Z,,  3  étaient  précisément 
des  religieuses  de  la  maison,  c'est-à-dire  des  malades  qui 
comme  les  pensionnaires  de  M.  Lisle,  se  trouvaient  presque 
sous  la  main  du  médecin...  M.  le     Bernard  avant  pu  interve- 
nir à  temps,  20  cenligr.  lui  ont  suffi. 

En  résumé,  sur  13  cholériques  traités  par  les  sels  de  cuivre 
6  morts,  dont  i  par  pneumonie  double  survenue  après  que  là 
période  la  plus  grave  de  la  maladie  avait  été  heureusement 
ranchie,  voilà  les  faits-qui  se  sont  passés  dans  les  hôpitaux  de 
Marseille  :  en  dehors  de  l'asile  des  aliénés. 

De  tels  résultats,  si  l'on  retranche  les  deux  malades  n»  7  et 
10,  qui  ont  été  traités  d'après  nos  indications,  n'étaient  «^uère 
en  faveur  des  prescriptions  exclusives  de  M.  Lisle;  mais  à^ôfé 
de  ceux  dont  nous  allons  parler,  c'est  presque  un  triomphe  11 
est  vrai  de  convenir  que  dans  les  expériences  qui  vont  suivre 
les  cas  choisis  étaient  en  général  de  ceux  où  le  remède  réus- 
sissant, la  démonstration  ne  devait  rien  laisser  à  désirer  même 
aux  yeux  des  plus  difficiles.  On  en  jugera  du  reste  par  les  aveux 
mêmes  des  expérimentateurs,  ou  par  la  rapidité  du  dénoû- 
ment. 

•    PARIS.  —  (HÔPITAL  Saint-Antoine.) 

«  Je  n'ai  point  fait  usage  des  préparations  de  cuivre  dans  une 
mesure  assez  étendue,  pour  être  en  droit  de  louer  ou  de  blâ- 
mer cette  médication,  car  elle  n'a  été  administrée  qu'à  3  de 
nos  malades  ;  tous  trois  ont  succombé,  mais  il  est  vrai  de 
dire  qu'ils  étaient  arrivés  à  l'algidité  complète  presque  asnhyxi- 
que.  '' 

.  «  D''  Mesnet  »  (déjà  cité). 

(Ext.  des  Arch.  gén.  de  Médecine.) 

HÔMTAi.  Saint-Louis.  —  «  Le  traitement  a  toujours  été  des 


—  125  — 

plus  simples:  M.  le  D"^  HiUairet,  laissant  de  côté  les  moyens 
empii-iques,  a  traité  le  choléra  comme  toute  ^autre  maladie. 
Une  seule  fois,  dans  un  cas  désespéré  nous  avons  essayé  sans 
succès  la  potion  au  sulfate  de  cuivre  à  25  centigr.  » 

(Ext.  de  la  Gaz.  des  Hôp.,  28  août  1866). 

-HÔPITAL  Beaujon.  —  '(  Je  ne  crains  pas  de  ranger  ici  {moyens 
empiriques  réputés  spécifiques)  le  cuivre  sous  toutes  ses  formes, 
à  l'état  métallique  ou  à  l'étal  de  combinaison  saline. 

«  M.  Burq  vante  ses  armatures  métalliques;  »  M.  Lisle,  le 
sulfate  de  cuivre,  préconisé  aussi  par  M.  Blandet,  qui  le  consi- 
dère com'me  le  plus  énergique  des  excitans  dans  la  chorée  et 
le  croup,  et  adopté  par  M.  le  D-^  Pellarin. 

«  Quant  aux  armatures,  je  n'en  comprends  l'utilité  possible 
qu'à  titre  de  palliatif  des  contractures  douloureuses,  et  rien  ne 
prouve  qu'elles  puissent  faire  autre  chose. 

«  Malgré  les  prétendus  faits  d'immunité  observés  chez  les 
ouvriers  qui  travaillent  le  minerai  de  cuivre,  le  sulfate  de  ce 
métal  ne  m'inspirait  aucune  confiance.  Toutefois,  cédant  à  la 
sollicitation  d'un  maître  vénéré  et  d'un  de  nos  honorés  con- 
frères de  la-presse  médicale,  je  consentis  à  prescrire. un  jour 
les  préparations  cupriques  à  l'hôpital  Beaujon.  Six  malades 
nouveaux  reçus  dans  une  journée  du  mois  d'octobre  furent 
mis  à  l'usage  de  la  potion  de  sulfate  de  cuivre,  d'après  la  for- 
mule publiée  par  M,  leD'  Lisle.  Le  lendemain,  5  de  ces  mala- 
des étaient  morts.  Le  sixième  seul  a  survécu.  Je  n'accuse  pas 
le  médicament  d'avoir  aggravé  le  mal  et  accéléré  la  terminai- 
son fatale,  je  constate  seulement  qu'il  s'est  montré  impuissant, 
ce  qui  me  porte  à  croire  que  les  succès  obtenus  ailleurs  ne  lui 
sont  pas  imputables. 

((  D''  GUBLER.  » 

{Exl.  du  DuL  gén.  de  Thérapeutique,  28  février  1866.) 

Malgré  les  prétendus  faits  d'immunité  (qu'a  donc  à  opposer  à 
ces  faits  M.  le  D--  Gùbler?)  cédant  à  la  sollicitation  d'un  maître 
vénéré,  je  consentis,  etc. 

Voilà  certes  de  quoi  témoigner  de  la  bonne  volonté  de  notre 
savant  confrère  en  faveur  de  l'idée  nouvelle!... 


—  126  — 

Pendant  qu'à  l'hôpital  Beaujon  s'accomplissait  cet  acte  de 
haute  condescendance...  l'essai  cl' U7i  remède  qui  venait  de  gué- 
rir 25  cholériques  sur  32...  un  honorable  confrère  de  \I.  Gubler 
nous  proposait  de  son  côté  de  nous  livrer  tous  les  choléras  al- 
fjides  de  son  service,  mais  le  conirère  en  question  ne  voulait 
nous  livrer  que  ceux-là  :  les  sels  de  cuivre  les  guérissant,  alors 
et  alors  seulement  il  devait  se  rendre!...  11  y  avait  là  sans  doute 
pour  la  métalIoLhérapie  comme  tout  un  gnînd  honneur  en  per- 
spective, mais  nous  n'étonnerons  personne  en  disant  que  son 
auteur  s'est  empressé  de  le  décliner,  et  de  réserver  son  inter- 
vention pour  telle  circonstance  où  liberté  entière  lui  serait 
concédée,  sous  la  seule  garantie  d'un  contrôle  efficace. 
Mais  poursuivons. 

HÔPITAL  Laiuboisière.  —  «  Le  2k  octobre,  M.  le  Burq  vint 
.  demander  à  M.  Pidoux  d'essayer  le  sulfate  de  cuivre  dans  son 
service.  La  conviction  profonde  de  cet  honorable  médecin,  les 
succès  qu'il  annonçait  comme  certains,  immédiats,  si  l'on  voulait 
renoncer  à  toute  prévention  fâcheuse,  les  résultats  heureux 
obtenus  par  M.  le  Lisle,  à  Marseille,  tout  cela  fit  consentir 
M.  Pidoux  à  ce  qu'une  épreuve  fût  tentée  dans  son  service. 
«  Voici  comment  le  médicament  fut  formulé  : 

Julep  gommeux  de   150  gr. 

Sulfate  de  cuivre  ammoniacal,    75  centigr. 

Laudanum   e  gouttes. 

«  Cette  potion  était  à  prendre  par  cuillerées  à  bouche  toutes 
les  heures,  et  on  donnait,  en  outre,  un  quart  de  lavement 
chaque  jour  avec  50  centigr.  de  ce  sel. 

«  Sur  9  malades  soumis  à  ce  traitement,  il  y  eut  8  morts,  sans 
amélioration  même  passagère;  et  la  seule  malade  qui  ait  'çuéri 
avait  refusé  de  continuer  l'uâage  de  la  potion  qui  la  faisait  vo- 
mir et  lui  laissait  dans  la  bouche  un  arrière-goût  insuppor- 
table. 

«  D""  Stoufflet.  » 
(Ext.  de  la  Gaz.  des  Hôp.,  H  août.) 

L'auteur  de  ces  lignes  est  le  confrère  anonyme,  dont  nous 
avons  entendu  parler  plus  haut.  C'est  dans  sa  thèse  inaugurale 


—  127  — 

que  M.  Stoufllet  les  avait  d'abord  écrites  avec  quelques  autres 
plus  précieuses  encore  sur  la  préservation.  Ce  n'était  point 
assez,  il  paraît,  pouvnoîre  antagoniste  de  s'attaquer  à  celle-ci, 
il  lui  fallait  encore  s'en  prendre  au  traitement  et  à  son  au- 
teur. Un  extrait  de  la  réponse  que  nous  avons  adressée  à  la 
Gazette  des  Hôpitaux  k  cette  occasion,  permettra  déjà  de  juger 
les  procédés  d'argumentation  à  l'usage  de  notre  jeune  con- 
frère. 

REVUE  CLINIQUE.  (D-  Baochin). 

«  L'exposé  sommaire  qui  a  été  fait,  dans  la  revue  clinique  du 
11  août  dernier,  du  résultat  des  essais  de  traitement  du  cho- 
léra par  les  sels  de  cuivre,  dans  le  service  de  M.  Pidoux  à 
l'hôpital  Lariboisière,  a  provoqué  de  la  part  de  M.  le  docteur 
Burq  une  réclamation  à  laquelle  il  nous  a  paru  juste  de  faire 
droit,  tout  en  réservant,  bien  entendu,  notre  appréciation 
ultérieure  sur  la  valeur  réelle  de  cette  médication  encore  eu  • 
ce  moment  en  voie  d'expérimentation. 

«  M.  Burq,  dans  la  lettre  qu'il  nous  a  fait  l'honneur  de  nous 
adresser,  commence  par  protester  contre  les  expressions  qui 
lui  auraient  été  prêtées,  dit-il,  de  succès  annoncés  comme  cer- 
tains et  immédiats,  tandis  ([ue  dans  toutes  ses  publications  il 
n'a  jamais  prononcé  d'autre  expression  que  celle  d'espé- 
rances, ainsi  que  cela  résulte  des  textes  qu'il  rapporte.  Cette 
protestation,  dont  nous  reproduisons  ci-dessous  les  termes, 
est  suivie  d'explications  sur  l'insuliisance  des  doses  administrées 
qui  nous  paraissent  nécessaires  pour  bien  apprécier  tous  les  élé-  ' 
ments  de  la  question. 

«  Quant  à  la  question  du  traitemenf, dit-il,  il  m'importe  beau- 
coup que  chacun  sache  que  sur  ce  point  je  n'ai  cessé  de  faire 
des  réserves. 

«  Je  disais  dans  mon  mémoire  à  l'Académie  des  sciences,  le 
21  août  1865  : 

«  J'ai  traité  en  1853-5/i  des  cholériques  

 »  {Voir  plus  haut,  p.  30  et  suhi.) 

«  11  ne  peut  donc  point  être  vrai  que  sur  les  effets  futurs  du 
traitement,  j'aie  affirmé  quoi  que  ce  soit,  à  M.  le  docteur 
ridoux,  dont  l'estime  m'est  particulièrement  chère.  11  n'est  pas 


plus  exact  de  venir  dire  que  ce  maître  vénéré  ait  jamais  donné 
à  ses  malades  les  doses  que  j'avais  indiquées,  ni  même  que 
j'aie  pris  une  part  personnelle  aux  expériences  qu'il  a  faites,  et 
quand  M.  le  docteur  Stoufflet  parle  de  0,75  cent,  de  sel  cu- 
prique dans  les  juleps  administrés,  il  commet  particulièrement 
une  erreur  des  plus  graves,  car  la  question  des  doses  est  capi- 
tale dans  ce  traitemept. 

«  M.  le  docteur  Pidoux,  je  l'affirme,  a  toujours  agi  conformé- 
ment aux  prescriptions  de  M.  le  docteur  Lislequi  seul,  par  son 
mémoire,  l'a  décidé  à'tenter  des  expériences...  Trois  ou  quatre 
fois  seulement,  peut-être  davantage,  je  ne  saurais  le  dire  au 
juste,  n'ayant  pris  à  cette  occasion  aucune  note,  parce  que  je 
ne  pouvais  avoir  que  de  la  curiosité  pour  des  essais,  dont  les 
résultats  m'étaient  connus  d'avance  par  les  expériences  néga- 
tives dont  je  venais  d'être  témoin  à  Marseille,  l'on  a  prescrit, 
sur  mes  observations,  un  lavement  contenant  0,50  centig.  de 
sel  de  cuivre,  et,  si  j'ai  bonne  mémoire,»  deux  ou  trois  fois  aussi 
on  a  donné  une  deuxième  potion  dans  les  vingt-quatre  heures, 
mais  chaque  potion  ne  contenait  jamais  que  le  dixième  de  la 
dose  de  sel  indiquée  par  M.  le  docteur  Stoufflet,  c'est-à-dire 
7  centig.  et  demi.  Je  m'en  réfère  du  reste,  sur  ce  point,  aux 
termes  niêmes  de  la  protestation  que  j'ai  eu  l'honneur  d'adres- 
ser à  ce  sujet  aux  Académies  dès  sciences  et  de  médecine, 
protestation  insérée  en  entier  dans  le  numéro  du  16  novembre 
1865  de  la  Gazette  des  hôpitaux. 

«  Dans  cette  protestation,  qui  est  toujours  restée  sans  réponse, 
après  avoir  parlé  de  l'utilité  des  doses  faibles,  quand  rien  ne 
presse  et  que  le  médecin,  ayant  les  malades  sous  la  main,  ainsi 
qu'il  est  arrivé  à  M.  le  docteur  Lisie,  en  son  asile  d'aliénés, 
peut  en  quelque  sorte  commander  encore  aux  événements, 

intervenir  en  temps  opportun  après  avoir  dit  combien  au 

contraire  ces  doses  réparties  sur  toute  une  journée,  sont  insigni- 
fiantes quand  elles  s'adressent  à  des  malades  comme  ceux  qui 
ressortissent  à  la  pratique  nosocomiale,  quand  l'absorption  va 

cesser  de  se  faire,  je  m'exprimais  en  ces  termes  : 

«  A  Paris,  nous  avons  assisté,  sans  y  prendre  aucun©  part, 
au  traitement  de  neuf  malades  :  on  leur  a  donné  7  centig.  et 
demi  de  sel  de  cuivre  à  prendre  dans  les  vingt-quatre  heures. 


—  129  — 


7  cenlig.  et  demi  dans  une  telle  maladie,  n'est-ce  point  comme 
si,  dans  un  effroyable  accès  pernicieux,  l'on  s'amusait  à  donner 

15  ou  20  centig.  de  sel  quinique  fracta  dosi?        Mais  Urban 

donnait  d'emblée  15  centig.  de  sulfate  de  cuivre  dans  le  traite- 
ment de  l'épilepsie,  et  il  ne  craignait  pas  de  porter  la  dose 
jusqu'à  40  centig.  et  plus,  en  une  seule  journée!   et  moi- 
même,  pendant  mon  séjour  à  Toulon,  en  vue.  de  la  préserva- 
tion seule,  j'absorbais  jusqu'à  30  et  35  centig.  de  sel  de  cuivre 
chaque  jour  Je  proteste  énergiquement  contre  ces  expé- 
riences faites  toutes  au  nom  de  M.  le  docteur  Lisle  En  vérité 

ceux  de  nos  honorables  confrères  qui  ont  essayé  de  cette  façon 
les  sels  de  cuivre,  auraient  voulu  se  disculper  d'avoir  attendu, 
pour  les  employer,  qu'ils  leur  arrivassent  de  Marseille,  que  cer- 
tainement il  leur  eût  été  impossible  de  s'y  prendre  mieux...  Et 
puisque  les  doses  faibles  n'ont  rien  produit  à  l'hôpilal,  il  faut 
de  toute  nécessité,  pour  juger  la  méthode,  en  venir  à  celles  que 
j'ai  conseillées  :  50-60  centig.  jusqu'à  1  gramme  par  vingt- 
quatre  heures,  sans  compter  les  lavements. 

«  Qu'il  me  soit  permis,  en  terminant,  de  demander  à  l'Aca- 
démie, au  sein  de  laquelle  se  sont  déjà  produits  les  échos 
d'appréciations  en  sens  contraire,  de  ne  rien  précipiter,  de 
vouloir  bien  réserver  sur  ce  point  son  jugement.  La  question 
que  j'ai  soulevée  est  encore  à  l'étude  ;  le  traitement  du  cho- 
léra par  les  sels  de  cuivre  est  toujours  une  méthode  qui  se 
cherche,  et  je  n'en  suis  encore  moi-même,  je  me  hâte  de  le 
déclarer,  qu'au  chapitre  des  espérances.  Seulement  ces  espé- 
rances vont  grandissant  de  jour  en  jour,  et  bientôt,  il  faut 
l'espérer,  l'auteur  rencontrera  de  sincères  partisans  qui  l'aide- 
ront à  résoudre  ce  difficile  problème. 

«  Veuillez  agréer,  Monsieur  le  président,  etc.,  etc. 

«  Dans  la  statistique  de  M>  le  docteur  Stoufflet  il  y  a  huit  morts 
sur  neuf  malades  traités,  soit!....,  mais  en  quoi  cela  nous  re- 
garde-t-il,  puisque  nos  prescriptions  n'ont  point  été  observées, 
et  que,  grâce  aux  terreurs  inspirées  aux  médecins  par  M.  le 
docteur  Lisle,  l'on  s'est  contenté  à  l'hôpital  Lariboisière  de 
donner  aux  malades  quelques  centigrammes  du  remède,  c'est 
affaire  à  la  médecine  quasi  expeclanle;  et  que  conclure  si  ce 

9 


—  130  — 

n'est  que  le  hasard  avait,  tout  au  moins,  singulièrement  bien 
fait  les  choses?  car  8  morts  sur  9  cas  de  toute  venue,  cela  ne 
s'était  peut-être  jamais  vu.  Voudrait-on  prétendre  que  dans 
cette  mortalité  effroyable,  le  traitement  a  été  lui-même  pour 

quelque  chose!        J'ai  dit  les  doses  que  je  prenais  à  Toulon; 

à  l^heure  qu'il  est,  continuant  mes  expériences  de  préser- 
vation, je  m'administre,  chaque  jour,  et  fais  prendre  à  d'au- 
tres, par  le  bas,  depuis  6  jusqu'à  20  centig.  de  sel  cuprique, 
et  jamais,  au  grand  jamais,  je  n'ai  eu  à  enregistrer  aucun 
accident   » 

(Extrait  de  la  Gazelle  des  Hôpitaux  du  15  septembre.) 

Donc,  en  résumé,  dans  les  expériences  qui  ont  été  faites  à 
Lariboisière,  il  n'y  a  eu  de  notre  part  ni  affirmation,  ni  pro- 
messe d'aucune  sorte  :  réduit  au  simple  rôle  de  témoin,  nous 
n'avions  à  en  faire  aucune. 

M.  le  docteur  Pidoux,  agissant  conformément  aux  prescrip- 
tions de  M.  Lisle,  a  donné  dans  ses  potions  seulement  7  centig. 
1/2  de  sulfate  de  cuivre,  c'est-à-dire  une  dose  dix  fois  moindre 
que  celle  qui  a  été  affirmée  par  M.  Stoufflet!... 

Plus  loin,  dans  un  appendice  que  l'épidémie  de  1866  a  rendu 
nécessaire,  nous  montrerons  comment  notre  jeune  confrère  s'y 
prend  pour  battre  en  brèche  la  préservation,  et  comment  il 
achève  de  nous  donner  raison  d'avoir  taxé  son  argumentation 
d'inexacte,  d'impuissante  ou  de  puérile. 

Nous 'avons  exposé  loyalement,  et  sans  rien  omettre,  tous  les 
faits  pour  et  contre  qui  sont  venus  à  notre  connaissance.  Pour 
que  le  lecteur  possède  tous  les  éléments  de  la  question,  et 
puisse  juger  en  parfaite  connaissance  de  cause,  il  ne  nous  reste  , 
plus  maintenant  qu'à  y  ajouter  notre  réponse  à  M.  le  docteur 
Lisle.  La  voici  telle  que  nous  l'avions  d'abord  adressée  au 
journal  de  M.  Amédée  Latour. 


—  131  — 


A  MONSIEUR  LE  RÉDACTEUR  EN  CHEF  DE  L'UNION  MÉDICALE 

RÉPONSE  A  M.  LE  D""  LISLE 
SUR  l'emploi  du  sulfate  de  cuivre  dans  LE  TRAITEMENT 

DU  CHOLÉttA. 

«  Paris,  23  décembre. 

«  Monsieur  le  rédacteur, 

«  L'Union  Médicale  a  publié,  sur  le  traitement  du  choléra  par 
les  sels  de  cuivre,  une  lettre  de  M.  le  D""  Lisie  qui,  de  ma  part, 
demande  une  réponse.  Cette  réponse,  la  voici  :  ...  j'arrive  un 
peu  tard,  j'en  conviens,  mais  le  public  que  la  question  inté- 
resse voudra  bien  me  le  pardonner.  De  retour  seulement  de  ma 
campagne  dans  le  Midi,  au  moment  de  la  publication  faite  par 
M.  Lisle,  je  me  suis  trouvé,  au  bout  d'un  mois  d'absence, 
en  présence  de  tant  de  choses  accumulées,  que,  dans  les  pre- 
miers jours,  il  m'a  été  impossible  de  trouver  le  temps  néces- 
saire pour  répondre,  ainsi  qué  le  sujet  le  "comporte,  à  notre 
honorable  confrère  de  Marseille.  Puis,  le  premier  moment  , 
passé,  l'opportunité  manquant  déjà  un  peu,  j'ai  réfléchi  qu'il 
valait  peut-être  mieux  différer  encore  ma  réponse.  Mon  si- 
lence, en  laissant  croire  à  mes  confrères  de  Paris  que  la  vraie^ 
découverte  leur  venait  de  Marseille,  d'un  médecin  déjà  très- 
honorablement  connu,  revêtu  d'un  caractère  officiel,  à  la  tête 
d'un  grand  établissement,  etc.,  ne  pouvait-il  disposer  quelques  . 
esprits  en  faveur  de  la  nouvelle  médication  ?...  Je  l'ai  essayé,  et 
le  succès  ne  s'est  point  fait  attendre.  Avant  la  lettre  de  M.  Lisle, 
malgré  tout  ce  que  j'avais  pu  écrire  ©u  faire,  il  ne  s'était  point 
donné  à  Paris,  que  je  sache,  dans  l'épidémie  actuelle,  un 
seul  centigramme  de  sulfate  de  cuivre  ;  mais  M.  Lisle  s'étant 
mis  de  la  partie  et  ayant  adressé  ses  formules,  tout  à  coup  les 
choses  ont  changé  de  face,  en  ville  et  dans  maint  hôpital  l'on 
a  administré  ce  remède,  et  voilà  comment  les  sels  de  cuivre, 
dans  le  choléra,  ont  bénéficié  pour  la  deuxième  fois,  en  trois 
mois,  de  la  loi  des  distances  qui  préside  au  succès  de  toute 
invention  nouvelle !,.,  Seulement,  autre  effet  de  la  même  loi, 
tandis  qu'à  Marseille,  l'asile  des  aliénés  excepté,  bien  entendu, 


—  132  — 

c'est  la  solution  Burq  qui,  s'il  en  était  encore  besoin,  jouirait 
vraisemblablement  do.  la  faveur  des  confrères,  ici  l'on  a  prescrit 
la  potion  Liste,  d'aucv/ns  disaient  même  le  traitement  de  M.  Liste  ! 
Ah  !  que  M.  Lisle,  ou  tout  autre  médecin  venu  aussi  de  Mar- 
seille ou  de  plus  loin  encore,  n'a-t-il  également  parlé  des 
applications  du  cuivre  contre  les  crampes  et  contre  les  autres 
phénomènes  nerveux  du  choléra!...  Nous  n'aurions  point  eu 
le  chagrin  de  voir,  dans  les  divers  services  que  nous  avons  vi- 
sités, les  ARMATURES  desquelles  M.  le  professeur  Rostan  disait, 
en  1849,  «  Vous  avez  vu  ce  mmjen  employé  dans  nos  salles 
presque  toujours  avec  succès,  »  y  briller  constamment  par  leur 
absence,  et  l'on  eût  vu  un  peu  moins,  sans  doute,  les  médecins 
se  résoudre,  comme  autrefois,  à  faire  linimenter,  sinapiser,  fo- 
menter et  frotter  jusqu'au  vif  les  pauvres  malades  qui  n'en 
peuvent  mais,  pas  plus  que  les  gens  de  service  chargés  de 
cette  écœurante  et  souvent  si  dangereuse  besogne...  Que  fal- 
lait-il pour  cela  ?  En  l'absence  d'appareils  spéciaux  qui,  répé- 
tons-le, n'ont  point  d'autre  avantage  que  de  rendre  l'application 
plus  facile,  quelques  larges  bandes  et  plaques  découpées  dans 
de  la  tôle  de  cuivre!...  Ceci  dit,  avec  un  peu  d'amertume,  je 
ne  saurais  m'en  défendre,  mais  sans  ressentiment  contre  per- 
sonne autre  que  la  mauvaise  fée  qui  présida,  sans  doute,  à 
dla  naissance  de  la  métallothérapie,  et  qui  après  dix-sept  ou 
dix-huit  années  n'est  point  encore  disposée,  il  faut  le  croire,  à 
l'épargner  de  ses  rigueurs,  j'entre  sans  plus  tarder  dans  mon 
sujet. 

«  Je  rappellerai  d'abord  les  termes  par  lesquels  débute,  à 
mon  égard,  la  lettre  de  M.  Lisle  : 

k 

«  On  lit  dans  la  Gazette  des  Hôpitaux  :  M.  le  docteur  Burq 
nous  écrit  de  Toulon  

«  Erreurs  graves,  omission  des  plus  fâclieuses!  et,  pour  dire 
le  mot  sans  détour,  indiscrétion  !  te\s  sont,  en  résumé,  les  pé- 
chés que  nous  aurions  commis  à  l'endroit  de  M.  Lisle.  Commen- 
çons par  nous  laver  du  dernier,  qui,  pour  gens  bien  élevés,  est 
assurément  le  plus  gros. 

«  Indiscrétion  !  Lorsque  je  suis  arrivé  à  Marseille,  plusieurs 
autres  médecins,  à  l'IIôtel-Dieu,  à  la  Conception  et  ailleurs. 


—  133  — 

avaient,  de  leur  côté,  expérimenté  les  sels  de  cuivre,  et  les  succès 
obtenus  par  M.  Lisle  y  étaient  presque  de  notoriété  publique. 
M.  le  docteur  Didiot  en  avait  fait  l'objet  d'une  conférence  à 
l'hôpital  militaire;  c'est  là  que  je  les  ai  appris  pour  la  pre- 
mière fois,  et  M.  Lisle,  que  j'ai  eu  l'honneur  de  visiter,  sur  les 
propres  indications  de  M.  Didiot,  n'a  fait  que  les  confirmer.  Du 
reste,  si  M.  Lisle  a  bonne  mémoire,  il  lui  sera  facile  de  se  sou- 
venir que,  lors  de  ma  deuxième  visite  à  l'asile  des  aliénés' de 
Marseille,  il  m'autorisa  lui-même  à  dire  à  nos  confrères  de 
Toulon  ce  qui  s'y  était  passé. 

«  Serais-je  allé  trop  loin  en  écrivant,  au  courant  de  la  plume, 
sur  ce  sujet,  quelques  lignes  dont  la  publication  est  un  peu 
venue  me  surprendre  moi-même?  Si  c'est  là  un  grief  véritable, 
je  m'en  accuse  volontiers,  mais  sans  trop  m'en  repentir,  je  le  ■ 
confesse,  car  sans  mon  indiscrétion,  si  indiscrétion  il  y  a  à  divul- 
guer des  faits  déjà  connus  et  qui,  vu  les  circonstances,  ressor- 
tissaient  en  tout  cas  à  la  loi  de  sûreté  générale,  la  communi- 
cation très-importante  de  M.  le  docteur  Lisle  pouvait  encore  se 
faire  attendre. 

«  Je  passe  au  deuxième  chef. 

«  Erreurs  graves  !  Ces  erreurs  sont-elles  dans  le  chiffre  des 
morts  traités  par  les  méthodes  ordinaires  ?  Je  disais  11  décès 
sur  13  malades,  il  paraît  que  c'est  12  sur  14. 

«  Sont-elles  dans  celui  des  insuccès  de  la  nouvelle  méthode  ? 

«  Je  disais,  d'après  M.  Lisle,  20  guérisons  sur  2k  malades 
traités  par  le  sulfate  de  cuivre;...  depuis,  paraît-il,  deux  nou- 
veaux malades  ont  porté  chez  les  hommes  le  chiffre  des  guéri- 
sons  à  21,  et  celui  des  décès  à  5,  au  lieu  de  k  ! 

«  Enfin,  les  erreurs  graves  sont-elles  dans  les  renseignements 
fournis  sur  les  malades  chez  lesquels  la  médication  cuprique  a  • 
échoué?  Mais  la  lettre  de  M.  Lisle  montre  évidemment,  qu'au 
lieu  d'enchérir  sur  les  faits,  je  suis  resté  au  contraire,  dans  l'at- 
ténuation des  insuccès,  bien  au-dessous  de  la  vérité.  M.  Lisle 
nous  apprend,  en  effet,  que  des  5  malades  qui  ont  succombé 
un  premier  n'était  déjà  presque  plus  qu'un  cadavre,  qu'un 
deuxième  n'a  eu  le  temps  de  prendre  que  deux  cuillerées 
de  la  potion  cuprique,  qu'un  troisième  était  dans  un  état 
si  grave  que  M.  Lisle  n'a  appliqué  la  nouvelle  méthode  que  par 


—  134  — 

simple  acquit  de  conscience,  et  que  des  h  malades  décédc's, 
lors  de  mon  passage  à  Marseille,  le  quatrième,  après  avoir  vu 
en  effet  toutes  les  fonctions  se  rétablir,  a  succombé  au  bout  de 
plusieurs  jours  à  des  phénomènes  consécutifs. 

«  En  vérité,  quelle  mouche  a  donc  piqué  M.  Lisle  pour  qu'il 
se  montre  à  notre  endroit  d'humeur  si  difficile  ! 

(i  Reste  enfin  le  reproche  d'omission  qualifiée  des  plus  fâ- 
cheuses, et  cela  pour  avoir  négligé  de  dire  à  mon  correspond;! nt 
que  M.  Lisle  s'est  servi  d'une  dose  de,^ sulfate  de  cuivre  plus 
faible  que  celle  que  j'avais  indiquée,  indiquée  pour  les  cas 
graves.  La  suite  de  la  lettre  fait  aisément  comprendre  toute  la 

•  valeur  du  grief  que  cherche  à  m'imputer  M.  Lisle.  Mais,  de 
bonne  foi,  pouvais-je,  dans  une  lettre  de  renseignements  écrits 
à  la  hâte,  entrer  dans  des  détails  bien  circonstanciés?  Avais-je 
à  ce  moment  à  me  préoccuper  d'autre  chose,  que  de  faire  sa- 
voir à  mes  amis  que  les  sels  de  cuivre  n'avaient  point  trahi  mes 
espérances?  Et  pouvais-je  me  douter  que  M.  Lisle,  ayant  réussi 
à  guérir  avec  une  solution  moins  chargée  de  sels  de  cuivre  que 
celle  que  j'avais  formulée  moi-même,  il  lui  viendrait  à  l'idée 
d'écrire  les  lignes  suivantes  : 

«  Voilà  les  faits  dans  toute  leur  sincérité  (36  cholériques 
traités  par  les  moyens  ordinaires,  28  décès  et  8  guérisons; 
32  traités  par  le  sulfate  de  cuivre,  7  morts  contre  25  guéri- 
sons),  je  les  offre  avec  confiance  aux  réflexions  et  à  l'appré- 
ciation de  mes  confrères;  sont-ils  assez  nombreux  et  assez  con- 
cluants pour  me  permettre  d'affirme^r  que  j'ai  définitivement 
résolu  le  problème  de  la  guérison  du  choléra?..  » 

«  A  une  conclusion  si  inattendue,  pour  ne  rien  dire  de  plus, 
il  fallait  des  prémisses.  M.  Lisle  ne  s'en  est  point  fait  faute. 

•  Pour  arriver  à  se  persuader  qu'il  est  bien  l'auteur,  le  véritable 
inventeur  de  la  méthode  nouvelle,  mon  honorable  confrère 
s'affirme  à  lui-même  que  je  n'ai  sur  le  traitement  interne  du 
choléra  que  des  idées  spéculatives;  dans  certain  passage  de  sa 
lettre  il  va  même  jusqu'à  dire  :  «Quoique  ce  praticien  (D'  Burq) 
ne  parût  pas  avoir  employé  les  sols  de  cuivre  à  l'intérieur,  et 
n'invoquât  son  expérience  personnelle  que  pour  le  traitement 
des  crampes  par  des  applications  externes  de  ce  métal,  etc.  » 

u  Si  M.  le  docteur  Lisle  n'avait  appris  à  connaître  les  faits 


—  135  — 

et  gestes  de  la  métallolliérapie  que  par  le  nouveau  iV'(/sie?i,  édi- 
tion de  .1856,  dont  je  signale  à  tous  les  esprits  impartiaux 
l'article  me  concernant  comme  modèle  de  description  fantai- 
siste et  de  négation  des  droits  les  plus  sacrés,  les  plus  impres- 
criptibles, la  métallothérapie  y  figurant  tronquée,  méconnais-  ■ 
sable  et  sans  nom  d'auteur,  je  comprendrais  son  langage,  mais 
M.  Lisle  dit  avoir  pris  connaissance  de  mes  diverses  publica- 
tions. A  quelques  lignes  de  celles  où  il  triomphe,  il  écrit  même  : 
«  J'ai  lu  avec  beaucoup  d'intérêt,  dans  la  Gazette  des  Hôpitaux, 
et  plus  tard,  dans  une  brochure  que  M.  le  docteur  Burq  m'a 
remise  lui-même,  la  relation  de  ses  nombreuses  recherches  sur 
la  préservation  à  peu  près  constante  des  ouvriers  sur  métaux... 
Je  me  plais  à  le  dire  bien  haut,  c'est  cette  lecture  seule  qui  m'a 
décidé  à  tenter  mes  expériences,  etc.  »  Et  cependant  M.  Lisle 
n'hésite  point  à  conclure  dans  les  termes  ci-dessus,  et  cela  à  la 
fiice  de  tous  ses  confrères  de  Marseille,  dont  plusieurs,  MM.  les 
docteurs  Seux,  Bernard  et  de  la  Souchère,  entre  autres,  faisaient 
tout  juste  en  même  temps  que  lui  semblable  découverte,  ou  qui, 
du  moins,  s'essayaient  à  la  faire!  !...  Et  si  jamais,  le  monstre 
enfin  terrassé,  les  humains  montent  au  Capitole  pour  y  remer- 
cier les  dieux,  M.  le  docteur  Lisle  voudra  bien  nous  permettre 
de  l'y  suivre,  mais  à  distance,  et  le  front  ceint  d'une  simple  ar- 
mature en  guise  de  bandelettes!  Ah  !  quelle  occasion  pour  nous 
de  prendre  une  revanche  éclatante  des  paroles  quelque  peu 
dures  du  début  de  la  lettre  de  M.  Lisle...  mais  je  m'arrête  à 
cette  dernière  et  d'ailleurs  fort  innocente  plaisanterie,  car  je  ne 
veux  ni  ne  dois  oublier  que  c'est  grâce  à  l'accueil  qui  lui  a  été 
fait  à  l'asile  des  aliénés  de  Marseille,  grâce  à  l'initiative  prise 
par  son  honorable  directeur,  que  la  métallothérapie  doit  en 
partie  l'honneur  d'occuper  un  peu  en  ce  moment  l'attention 
générale. 

«  Je  me  bornerai  donc  à  rétablir  les  faits. 

«  En  l'année  1852,  dans  un  troisième  mémoire  sur  le  cho- 
léra que  j'adressais  aux  Académies  des  sciences  et  de  médecine, 
et  un  peu  plus  tard,  en  1853,  dans  mon  Traité  sur  la  métallo-  . 
thérapie,  p.  28,  je  disais  :  «  Dans  le  traitement  du  choléra,  le 
cuivre  administré  en  temps  opportun,  soit  seul,  soit  associé 
aux  agents  qui,  comme  l'opium,  ont  reçu  la  sanction  de  l'ex- 


—  136  — 

périence,  soit  en  limaille,  soit  sous  une  autre  forme  dont 
a  pratique  ne  peut  tarder  à  faire  connaître  la  véritable  dose  et 
les  meilleures  .'appropriations,  a  les  plus  grandes  chances  de 
devenu-  un  puissant  moyen  de  guérison.  » 

«  Vient  le  choléra  de  185/,,  j'applique  ma  méthode  sur  un 
certain  nombre  de  malades,  et,  à  treize  ans  de  date,  le  20  août 
dernier,  j'avais  l'honneur  d'adresser  à  l'Académie  des  sciences 
sur  la  préservation  et  le  traitement  du  choléra  par  le  cuivre  uii 
nouveau  mémoire,  édité  peu  après  à  la  librairie  Germer  Bail- 
hère,  où  se  trouve,  entre  autres,  p.  21,  le  passage  suivant  • 

«  Action  intérieure  du  cuivre.  -  J'ai  traité  des  cholériques 
par  une  solution  titrée  de  sulfate  de  cuivre  à  1/5^,  que  j'admi- 
nistrais moi-même  aux  malades,  afin  d'éviter  des  pertes  de 
temps  et  pour  être  sûr  des  doses  par  2.3  gouttes  (2.3  gouttes 
'd  une  solution  à  1/5^,  la  goutte  pesant  5  centigrammes,  font, 
si  je  ne  me  trompe,  2  à  3  centigrammes  :  voilà  les  doses  fai- 
bles),  et  jusqu'à  10  gouttes  toutes  les  heures,  toutes  les  demi- 
heures,  et  même  plus  tôt,  suivant  les  cas  d'urgence,  dans  de 
1  eau  sucrée  aromatisée,  et  additionnée  au  besoin  d'un  peu 
d'opium,  1  à  2  gouttes  de  laudanum,  pour  établir  la  tolérance 
de  l'estomac.  En  diverses  circonstances,  les  effets  ont  été  «^i  ra- 
pides qu'ils  semblaient  tenir  vraiment  du  prodige,  surtout  lors- 
qu  Ils  furent  secondés  par  de  larges  applications  du  même  métal  ^ 
Est-ce  assez  clair,  et  faut-il  encore,  pour  établir  mes  droits  à 
la  priorité,  citer  tout  le  paragraphe  consacré  au  traitement 
p.  23  et  24),  lequel  commence  par  ces  mots  :  «  Aussitôt  en 
présence  d'un  cholérique,  lui  administrer  de  3  à  10  "outtes 
(de  3  à  10  centigr.)  de  la  solution  susdite,  et  sans  désemparer. 

Une  grande  modération  régnait,  il  est  vrai,'  dans' mon  lan-a-e' 
Je  terminais  en  disant  ;  -  «  Les  faits  de  ma  pratique  personnelle 
sont  encore  aujourd'hui  en  trop  petit  nombre,  pour  me  per- 
mettre sur  ce  point  capital  (la  guérison  par  les  sels  de  cuivre) 
une  afiirmation  catégorique...  -Ce  ne  sont  encore  que  des  es- 
pérances;... je  me  borne  donc  à  appeler  de  tous  mes  vœuv  des 
expériences  de  la  part  de  mes  confrères,  mieux  placés  que  moi 
pour  les  tenter  et  les  suivre  (l'appel  fait  par  M.  Lisle  n'était,  on 
le  voit,  qu'un  écho  du  nôtre).  » 


—  137  — 

«  Mais  pour, avoir  parlé  en  médecin,  pour  m'être  souvenu 
que  les  faits  du  lendemain  viennent  trop  souvent,  hélas  !  don- 
ner un  démenti  à  ceux  de  la  veille,  mes  droits  seraient-ils  tom- 
bés en  déchéance,  ou  seraient-ils  seulement  diminués?...  Poser 
la  question,  c'est  évidemment  y  répondre,  et  je  ne  ferai  point 
au  lecteur  l'injure  d'insister. 

«  Donc,  de  ma  part,  quoi  qu'en  ait  dit  M.  Lisle,  il  n'y  a  eu 
ni  erreur  grave,  ni  indiscrétion,  et  quant  au  chef  d'omission, 
j'en  vois  une,  en  effet,  des  plus  fâcheuses,  mais  commise  par 
M.  Lisle  à  mon  détriment,  avec  les  circonstances  aggravantes 
d'une  affu-mation  gratuite  qui  se  conciliait  assez  mal,  du  reste, 
avec  cette  omission;  je  veux  parler  des  doses  énormes  de  sel 
de  cuivre  que  j'aurais  données?...  non,  car,  suivant  M.  Lisle, 
je  ne  parais  point  du  tout  en  avoir  fait  personnellement  usage, 
mais  conseillées  d'après  des  vues  purement  théoriques.  Sur  ce 
dernier  point  j'ai  déjà  répondu  chemin  faisant  ;  mais  les  quelques 
mots  que  j'ai  dits  n'étaient  qu'une  sorte  d'avertissement  pour 
prévenir  le  lecteur  que  je  ne  perdais  point  de  vue  la  chose 
principale.  Je  vais  maintenant  entrer  dans  les  détails,  le  sujet 
en  vaut  la  peine. 

u  Question  des  doses.  —  Si  les  faits  sans  nombre  de  pré- 
servation par  le  cuivre  que  j'ai  signalés  sont  fondés,  et,  à  cet 
égard,  j'attends  toujours  les  preuves  du  contraire  ;  si,  en  raison 
de  ces  faits  et  de  tous  ceux  de  même  nature  qui  ont  été  re- 
cueillis depuis  par  moi  à  Toulon,  à  La  Seyne  et  à  Marseille,  et 
par  MM.  les  docteurs  Gallarini  et  de  Rogatis  à  Florence,  à  Na- 
ples  et  dans  d'autres  parties  de  l'Italie,  j'avais  le  droit  d'écrire 
—  que  les  sels  de  cuivre,  administrés  en  temps  opportun,  sont 
appelés  à  neutraliser  les  effets  du  poison  cholérique,  ainsi  que 
les  sels  de  quinine  administrés  en  temps  utile,  neutralisent  les 
effluves  les  plus  délétères  du  poison  paludéen,  —  h  quelle  dose 
doit-on  donner  le  remède?... 

«  Un  mot  d'abord  sur  le  titre  de  la  solution  à  employer. 
«  La  dose  du  médicament  réservée,  est-il  plus  convenable 
d'user  de  la  solution  à  1/5°  que  j'ai  recommandée,  ou  de  celle 
à  l/20«,  que  le  hasard  heureux,  que  bénit  M.  Lisle,  lui  a  mis 
entre  les  mains  et  qu'il  paraît  recommander  à  l'exclusion  de 
toute  autre. 


—  138  — 


«En  SOI,  la  chose  est,  au  fond,  parfaitement  indifférente  • 
mais  voulant  faire,  pour  l'administration  facile  des  sels  de  cui- 
vre, un  peu  ce  qui  avait  été  fait  pour  celle  de  l'opium  par  les 
auteurs  des  deux  laudanum,  j'ai  adopté  une  solution  à  l/5« 
parce  que,  à  ce  degi'é  de  concentration,  chaque  goutte  pesant 
5  centigr.  contient  tout  juste  1  centigr.  de  principe  actif 
comme  le  laudanum  de  Sydenham  :  autant  de  gouttes  versées 
dans  une  tasse  de  tisane  ou  dans  un  lavement,  autant  de  cen- 
tigrammes de  sel  de  cuivre,  le  dosage  se  fait  facilement  et 
notre  système  de  numération  y  trouve  parfaitement  son  compte 
La  solution  à  l/20«  présente-t-elle  les  mêmes  avantages?  A 
poids  égal  de  sel,  le  remède  tient  déjà  plus  de  place  dans  la 
poche  du  médecin  qui  veut  en  faire  usage,  elle  oblige  à  comp- 
ter par  quart  de  centigramme,  ce  qui  est  en  opposition  for- 
melle avec  le  système  décimal.  Lorsqu'il  s'agira  de  doses  un  peu 
élevées,  elle  manquera  précisément  son  but  en  obligeant  à 
recourir  aux  balances,  car,  si  l'on  peut  encore  compter  10  ou 
20  gouttes  ide  suite  d'une  main  sûre,  le  dosage  est  plus  que 
diflicile  lorsqu'il  s'agit  de  60-80  gouttes  qui  ne  font  encore  que 
15  ou  20  centigr.,  et  plus  haut  il  devient  à  peu  près  impos- 
sible. Il  n'y  a  qu'un  seul  cas  qui  pourrait  légitimer  les  préfé- 
rences de  M.  Lisle,  celui  où  quelque  médecin,  effrayé  à  son 
tour  par  les  doses  qu'il  avoue  lui-même,  voudrait  donner 
moins  de  1  centigr.  de  sel;  mais  ici  nous  touchons  aux  doses 
infinitésimales,  et  sur  ce  point  je  récuse  toute  compétence. 

«  Donc,  en  fait  de  solution  préparée  à  l'avance,  pour  servir 
plus  promptement  et  à  moins  de  frais  aux  besoins  extempo- 
ranes  de  la  médication,  c'est  la  solution  à  l/5«  qui  doit  avoir  la 
préférence. 

«  Occupons-nous  maintenant  des  doses. 
«  Ici  deux  questions  se  présentent  qui  demandent  chacune 
une  réponse  :  à  quelle  dose  peut-on  porter  le  médicament 
sans  danger  pour  le  malade? 

'(  A  quelle  dose  doit-on  le  donner  pour  obtenir  la  guérison? 
«  Je  répondrai  d'abord  à  la  première. 
«  Action  des  sels  de  cuivre  dans  l'état  PHrsiOLOGinuE.  —  Les 
recherches,  qui  ont  été  dites  plus  haut,  de  M.  le  docteur 
Pietra-Sunta  sur  les  jeunes  détenus,  fabricants  de  serrures  en 


—  139  — 

cuivre,  de  MM.  les  professeurs  Pecholier  et  Saint-Pierre  à  Mont- 
pellier sur  les  ouvrières  en  verdet,  celles  que  j'ai  faites  moi- 
même  dans  la  fabrique  des  bronzes,  tendent  à  établir  que 
cette  si  fameuse  colique  de  cuivre  est  tout  au  moins  aussi 
rare  qu'on  la  croyait  commune  au  temps  de  Corrigan.  En 
effet,  les  prisonniers  des  Madelonnettes  n'en  ont  pas  offert 
d'exemple  en  un  espace  de  plusieurs  années  ;  les  ouvrières  en 
verdet,  bien  que  vivant  toute  l'année  dans  une  sorte  d'atmo- 
sphère' de  vert  de  gris,  jouissent,  paraît-il,  d'une  santé  floris- 
sante, elles  sont  même  exemples  de  la  chlorose,  nous  disent  nos 
savants  confrères  de  Montpellier,  et  quant  aux  ouvriers  de  la 
fabrique  des  bronzes  de  Paris,  ils  sont  eux-mêmes  si  peu  sujets 
à  la  colique  de  cuivre,  que  c'est  tout  au  plus  si  je  l'ai  trouvé 
véritablement  mentionnée  une  ou  deux  fois  pour  une  période  de 
quarante  années,  sur  les  registres  de  la  Société  du  Bon  accord. 
Cependant  je  dois  à  la  vérité  de  dire  que,  lors  de  mon  en- 
quête à  Marseille,  dans  les  grands  ateliers  de  Mempendy,  j'ai 
recueilli  quelques  plaintes  au  sujet  de  malaises  intestinaux, 
mais  toujours  sans  gravité,  et  parmi  les  ouvriers  chaudron- 
niers seulement. 

«  Donc,  dans  l'état  physiologique,  les  chaudronniers,  les  tour- 
neurs, les  ciseleurs,  les  monteurs,  les  fondeurs,  etc.  etc.,  à 
quelque  dose  qu'ils  s'imprègnent  de  cuivre  par  le  travail  ^de 
l'atelier,  ce  poison  n'a  jamais  déterminé  chez  eux,  que  l'on 
sache,  aucun  accident  sérieux  :  on  peut  objecter  sans  doute  que 
ces  ouvriers  s'y  habituent  peu  à  peu,  mais,  parmi  les  ouvriers 
en  plomb,  les  cérusiers,  par  exemple,  sont,  à  peu  de  chose 
près,  au  point  de  vue  du  genre  de  travail,  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  les  ouvrières  en  verdet  :  chez  eux  l'accoutumance 
s'établit-elle  jamais  ?.. 

«  D'un  autre  côté,  si  nous  consultons  l'expérience  directe, 
ma  propre  observation  est  là  pour  apprendre ,  qu'à  l'état  de 
santé,  un  individu  peut  absorber  impunément,  huit  et  quinze 
jours' de  suite,  jusqu'à  30  ccntig.  et  même  plus  de  sel  cupri- 
que ;  de  la  constipation,  et  peut-être  aussi  un  peu  d'inappé- 
tence, c'est  là  tout  ce  que  j'en  ai  éprouvé  (1) . 

(I)  Pilules  d'oxyde  (le  cuivre  et  lav(imeiits  au  sulfate  de  cuivic  sont  tou- 
jours passés  comme  inaperçus.  Mais  ayant  essayé  une  fois  de  prendre  iQ 


—  l/iO  — 

«  Voyons  maintenant  comment  les  choses  se  passent  dans  l'élut 
pathologique. 

«  Plusieurs  auteurs  ont  recommandé  les  sels  de  cuivre  dans 
le  traitement  de  diverses  maladies.  Nous  remarquons  parmi 
eux,  Swediaur,  Biet  et  surtout  Urban;  voici  la  formule  de  ce 
dernier.  (Bonchardat.) 

Sulfate  de  cuivre   3  déci^r. 

Mie  de  pain   1  ^ram. 

Sirop  Q.  S.  •     b  • 

pour  12  pilules  à  prendre,  3  le  matin  et  le  soir,  en  augmentant 
de  une  tous  les  deux  jours,  c'est-à-dire  que,  dès  le  premier  jour 
le  malade  prenait  15  centigr.  de  sel  de  cuivre,  juste  la  dose  là 
plus  élevée  qu^ait  recommandée  M.  le  docteur  Lisle  et  qu'au 
bout  de  vingt  jours  de  traitement  seulement,  déjà  Urban  ne 
lui  en  administrait  pas  moins  de  40  centigr.  ! 

«  Les  auteurs  sont  muets  sur  le  chapitre  des  accidents 
«  Depuis  tantôt  douze  ou  treize  années,  je  soutiens  que 
les  métaux  en  général,  et  surtout  le  cuivre  et  le  zinc,  sont  au 
même  titre  que  le  fer  des  antinévropathiques,  des  moyens  cu- 
ratifs  de  la  chlorose,  et  que  le  degré  de  fréquence  dé  leur  action 
n  est  moindre  que  parce  .que  ces  métaux  sont,  moins  souvent 
que  le  fer,  appropriés  à  Vidiosyncrasie  des  malades  pour  exer- 
cer les  actions  dynamiques,  en  vertu  desquelles  seulement  se  mo- 
difie utilement  l'état  de  l'organisme  chez  les  névropalhiques  ou 
les  chiorotiques.  Cette  efficacité  du  cuivre,  en  particulier  déjà 
mise  hors  de  doute  par  les  succès  des  auteurs  cités  plus  'haut 
à  unfe  époque  où  l'on  confondait  encore  si  souvent,  sous  le 
même  nom,  l'hystérie  et  l'épilepsie,  prouvée  par  Mm!  Pecho- 
her  et  Saint-Pierre  qui  ont  témoigné  de  la  rareté  de  la  chlo- 
rose chez  les  ouvrières  en  verdet,  je  l'ai,  moi,  souvent 
mise  à  profit,  en  me  servant  des  précieux  procédés  de  la 
niétallothérapie  pour  la  désignation  préalable  du  métal  appro- 
prié dans  chaque  cas  particulier.  M.  le  docteur  Bosias,  entre 

préservatif  :\  la  seulo  dose  de  5  centig.  dans  des  biscuits  préparés  par  M.  Ga- 
gneres,  pharmacien,  j'en  ai  été  assez  vivement  incommodé.  Du  reste  d'assez 
fréquents  accidents  culinaires  ont  démontré  que,  si  les  sels  de  cuivre  pri, 
seuls  sont  inoilensifs  dans  une  certaine  lin.ite,  il  ne  saurait  eu  ûtre  de  même 
lorsqu'ils  sont  mêlés  aux  aliments. 


autres,  a  rapporté  dans  la  Gazelle  des  Hôpilaux  de  1860  un 
remarquable  exemple  de  ce  traitement,  recueilli  à  l'Hôtcl-Dieu 
dans  le  service  de  M.  Robert.  Eh  bien,  les  sels  de  cuivre, 
continués  un  et  plusieurs  mois  de  suite,  n'ont  jamais  amené 
d'accident  regrettable.  Il  est  vrai  de  dire  qu'ici ,  n'étant  point 
obligé  d'aller  vite,  jamais  je  n'ai  dépassé  la  dose  de  15  centig. 

«  Dans  le  choléra  de  1854,  les  sels  de  cuivre  ont  été  admi- 
•nistrés,  je  l'ai  dit,  jusqu'à  la  dose  de  80  centigr.,!  gr.  par  jour; 
en  aucun  cas  je  n'ai  eu  à  me  repentir  de  la  médication. 

«  Ce  n'est  point  que,  tout  au  début,  je  fusse  moi-même 
tout  à  fait  tranquille  à  l'endroit  des  hautes  doses.  Mais  com- 
ment hésiter?  Comment,  l'arme  une  fois  reconnue  bonne,  en 
face  d'un  si  terrible  ennemi ,  refuser  d'en  faire  usage  par  peur 
d'atteindre  la  victime  même...  ou,  comment,  nous  borner  à 
donner  quoi?  5,  10  ou  15  centigr.,  dans  toute  une  polion,  ne 
laissant  ainsi  au  malade,  qui  n'a  plus  que  quelques  heures 
devant  lui ,  que  la  chance  d'absorber  seulement  un  grain  ou 
deux  du  sel  spécifique,  si  spécifique  il  y  a!...  Je  me  rassurais 
d'ailleurs  en  pensant  que  les  moyens  les  plus  héroïques  en 
.médecine,  alors  qu'ils  sont  dangereux,  cessent  précisément  de 
l'être  au  même  degré,  lorsque  le  mal  à  combattre  est  apte  à 
leur  opposer  une  grande  force  de  résistance.  Témoin,  par 
exemple,  les  doses  considérables  d'opium  que  l'on  peut  admi- 
nistrer impunément  dans  un  cas  de  tétanos,  et  jusque  dans 
certaines  névralgies  rebelles. 

«  Concluons  donc  que,  pas  plus  à  l'état  pathologiçiue  que  dans 
l'état  physiologique,  rien  ne  saurait  justifier  les  craintes  que 
l'on  a  généralement  et  que  professe  en  particulier  M.  Lisle 
contre  les  sels  de  cuivre,  que  ces  craintes  sont  tout  au  moins 
exagérées,  et  que,  sans  prétendre  qu'il  faille  se  départir  dans 
leur  administration  des  règles  de  la  prudence  la  plus  commune, 
il  n'y  a  rien  à  redouter  dans  le  choléra  de  doses  comme  50,  60 
et  môme  80  centigr,  réparties  sur  toute  une  journée. 

«  Et  maintenant  à  quelles  doses  doit-on  donner  les  sels  de 
cuivre  pour  qu'ils  soient  efficaces?  Est-ce  aux  doses  faibles  ex- 
clusivement indiquées  par  M.  Lisle,  ou  bien  i\  celles  que  j'ai 
conseillées  le  premier,  doses  faibles  dans  les  cas  légers,  et 
fortes  dans  les  cas  graves  ?..  J'ai  répondu. 


—  m  — 

«  A  celte  lettre  déjà  longue  je  n'ajoute  plus  que  ceci  • 
«Les  sels  de  cuivre  sont-ils,  oui  ou  non,  un  spécifique 
contre  la  maladie  asiatique  ? 

«  Si  oui,  le  meilleur  moyen  de  s'en  convaincre  c'est  de  s'at- 
taquer avec  ces  sels  à  la  cholérine  à  ses  divers  degrés 

«Ici  l'expérience  est  facile,  elle  offre  toute  sécurité,  car  d'un 
coté  l'absorption  est  certaine  et,  de  l'autre,  foute  idée  de 
danger  est  éloignée,  puisqu'il  s'agit  seulement  de  doses  faibles/ 
«  Ici  non  plus,  pas  de  doute  possible!  Si,  dans  la  cholérine 
bien  accentuée,  soit  avec  un  quart  de  lavement  contenant  10 
20,  30,  50  centigrammes  de  sulfate  de  cuivre,  répété  au  be- 
soin, soit  avec  quelques  gouttes  de  notre  solution  à  l/ô*  2  3 
5  ou  10  au  plus,  données  en  plusieurs  fois  dans  les  vingt-quatre 
heures,  sans  addition  aucune  de  laudanum  puisqu'il  s'agit  de 
juger  la  valeur  du  médicament,  soit  enfin  avec  2  à  5  centi- 
grammes d'oxide  noir  en  pilules  ou  en  potion,  lorsque  l'on 
craint  que  le  sulfate  de  cuivre  non  additionné  d'opium  soit 
mal  toléré,  ou  que,  d'ailleurs,  sa  saveur  en  rend  l'administra- 
tion difficile;  si,  dis-je,  on  obtient  des  résultats  certains,  ra- 
pides; SI,  comme  nous  l'avons  vu  maintes  fois,  la  cholérine  la 
plus  forte  cède  en  quelques  heures  sous  l'influence  de  ce  seul 
médicament,  comment  ne  pas  reconnaître  la  spécificité  des  sels 
de  cuivre,  et  faudra-l-il  attendre,  pour  la  proclamer,  que  ces 
sels  aient  ressuscité  des  cadavres?... 

«  Dans  le  choléra  confirmé  au  contraire  les  sels  de  cuivre 
sont,  il  faut  le  dire,  difficiles  à  juger,  parce  que,  en  présence 
d  un  insuccès,  les  esprits  impartiaux  se  trouveront  toujours  en 
face  de  cette  double  question  : 

«  L'absorption  s'est-elle  faite?  La  dose  a-L-elle  été  suffisante? 
Et  les  observations  négatives  n'auront  réellement  de  valeur, 
que  lorsque  l'analyse  pourra  du  moins  répondre  en  toute  assu- 
rance à  la  première  de  ces  questions. 

«  Dans  les  expériences  que  nous  devions  faire  à  Toulon,  l'au- 
topsie toujours  et  la  recherche  des  sels  de  cuivre  dans  le  foie 
avaient  été  une  des  conditions  essentielles  de  notre  pro-ramme, 
et  quiconque  tient  à  la  vérité  devra,  en  semblable  occasion' 
faire  les  mêmes  réserves. 

«  Veuillez  agréer.  Monsieur  le  rédacteur,  etc.  » 


\ 


RÉSUMÉ  GÉNÉRAL 


Sur  tous  les  faits  aujourd'hui  connus,  nous  nous  résumons  et 
nous  disons  : 

En  Italie  (enquête  de  MM.  les  docteurs  Gallarini  à  Florence  et 
de  Rogatis  à  Naples),  dans  les  deux  épidémies  de  choléra  qui  y 
ont  régné  en  1835  et  1854,  fous  les  ouvriers  en  cuivre  de  Flo- 
rence, Naples,  Palerme  et  de  diverses  autres  villes  des  provmces 
méridionales  n'ont  eu  ensemble  que  2  décès. 

En  France,  dans  toutes  les  épidémies  antérieures,  préserva- 
tion constante  de  ces  mêmes  ouvriers  à  Toulon  et  à  Marseille, 
comme  à  Paris. 

,  Dans  l'épidémie  de  1865,  3  décès  pour  les  3  villes  réunies  de 
Toulon,  La  Seyne  et  Marseille,  dont  2  tourneurs  dans  la  grosse 
mécanique,  et  presque  0  malade. 

Pour  Paris  8  décès,  sur  lesquels  3  seulement  étaient  à  peu 
près  dans  les  conditions  voulues  de  préservation,  et  en  toute  la 
ville  14  malades  retrouvés,  tandis  que  les  ouvriers  des  industries 
similaires  sur  métaux  et  autres  matières,  ainsi  que  ceux  des 
industries  prétendues  respectées  par  le  vulgaire  fournissaient  un 
nombre  de  décès  toujours  au-dessus  de  la  moyenne,  et  75  cho- 
lérines  plus  ou  moins  graves  dans  les  seuls  ouvriers  à  gaz. 

Voilà  les  faits.  Sont-ils  assez  concluants?  Et  si  à  cela  nous  joi- 
gnons toutes  les  autres  preuves  de  préservation  spontanée  qui 
sont  venues  de  l'Angleterre,  de  la  Suède,  de  la  Russie  et  d'ail- 
leurs, comme,  par  exemple,  la  communication  faite  par  M.  le 
professeur  Velpeau  au  nom  de  M.  Casiano  de  Prado  (Acad.  des 
sciences,  octobre  1865,)  si  surtout  nous  y  ajoutons  les  cas  de 
guérison  déjà  si  nombreux  qu'ont  oblenus,  après  nous-mêmc 
et  sur  nos  indicalions,  avec  les  sels  de  cuivre,  d'abord  M.  le 
docteur  Lisle  (25  guérisons  sur  32  cas,  alors  que  12  malades 
sur  U,  traités  par  les  moyens  ordinaires,  avaient  déjà  suc- 
combé) puis  MM.  les  docteurs  Pellarin,  Biandet,  Arnal,  Berger 


-  m  -  • 

et  tant  d'autres,  qui  malheureusement  ne  se  sont  point  fait 
connaître;  cas  qui  eussent  été  bien^  autrement  nombreux  si 
tenant  compte  de  nos  protestations,  les  médecins  eussent  ac^ 
cepté  nos  doses  franchement,  au  lieu  de  s'en  tenir  seulement 
à  ce  lés  conseillées  par  M.  Lisle...,  sera-t-il  téméraire  de  venir 
proclamer  que  la  science  est  bien  près  d'entrer,  si  elle  n'y  est 
déjà,  en  possession  du  remède  du  fléau  contre  lequel  elle  se 
montra  toujours  si  complètement  impuissante...  ;  et  l'auteur 
mconnu  qui  débutait  en  cette  matière  d'une  façon  aussi  heu- 
reuse qu'mespérée  déjà  dès  le  choléra  de  18/,9  (d'éminents 
témoignages  sont  là  pour  le  démontrer),  le  volontaire  qui,  une 
première  fois  en  1853,  se  rendait  spontanément  en  Angleterre 
pour  y  poursuivre  ses  recherches  et  y  faire  des  expériences  de 
sa  méthode,  et  qui,  naguère  encore,  s'en  allait  dans  le  même 
but  jusqu'à  Toulon,  arrivé  enfin  au  but  principal  de  son  en- 
treprise, a-t-il  bien  le  droit,  pendant  qu'il  reprend  haleine,  de 
regarder  avec  quelque  satisfaction  le  chemin  qu'il  a  déjà  par- 
couru?... Encore  quelques  mots  et  nous  avons  fini.  r 

La  préservation  que  nous  soutenons,  et  sur  laquelle  repose 
surtout  le  traitement  nouveau,  est  ou  n'est  point  une  vérité. 

Si  elle  n'est  qu'une  erreur,  il  importe  que  cette  erreur,  qui 
gagne  déjà  au  loin,  ne  fasse  point  de  nouvelles  dupes,  et  à  cette 
fin  nous  supplions  les  médecins  qui  ont  l'avantage  de  vivre 
dans  les  grands  centres  d'industrie,  d'imiter  un  peu  la  conduite 
des  honorables  confrères  qui,  en  Italie,  se  sont  faits  les  conti- 
nuateurs zélés  de  nos  recherches,  et  de  venir  dire  ensuite,  dans 
une  de  ces  grandes  assises  de  la  science,  où  les  plus  humbles 
comme  les  plus  illustres  ont  droit  à  se  faire  entendre,  ce  que 
l'expérience  leur  aura  appris  à  ce  sujet.  Pourquoi  même  le 
bureau  du  futur  congrès  international,  par  exemple,  ne  pose- 
rait-il  pas  déjà  en  son  programme  la  question  de  la  préserva- 
tion du  choléra  chez  les  ouvriers  en  cuivre?  Cette  initiative 
serait  digne  de  la  libéralité  de  son  illustre  président;  et  s'il  ne 
fallait  qu'un  précédent  pour  justifier  cet  honneur,  nous  rap- 
pellerions à  M.  le  professeur  Bouillaud,  qu'en  l'année  1853, 
l'Académie  royale  de  Belgique,  n'avait  point  jugé  indigne 
d'elle  d'inscrire  la  métallothérapie  au  programme  de  ses  con- 
cours. 


APPENDICE 


NOUVEAUX  FAITS  QUI  SE  SONT  PRODUITS  EN  1  866. 

EXPÉRIENCES  SUR  LES  CHOLÉRIQUES  DE  L'HÔTEL-DIEU. 

L'impression  de  cette  brochure,  commencée  en  juillet,  se 
poursuivait  activement,  lorsque  sont  survenus,  en  août,  de  nou- 
veaux événements  cholériques  qui  nous  ont  obligé  à  l'inter- 
rompre, et  rendent  aujourd'hui  indispensable  cet  appendice. 
Parmi  les  nécessités  nouvelles  qui  nous  incombent,  il  en  est  une 
à  laquelle  nous  devons,  avant  tout,  donner  satisfaction. 

L'éminent  confrère  dont  nous  avons  pu  personnellement 
avoir  à  nous  plaindre,  mais  qui  possédait  tant  de  titres  aux 
éloges  unanimes  qui  lui  ont  été  décernés,  M.  le  docteur  Mêlier 
n'est  plus  !...  Il  est  mort,  au  mois  d'octobre,  au  retour  d'une 
mission  qu'il  venait  d'accomplir  en  Corse  ! 

En  présence  d'une  tombe  le  souvenir  de  toute  dissidence  doit 
s'éteindre,  et  nous  n'avons  aucune  peine  à  exprimer  tout  haut 
le  regret  que,  notre  travail  étant  aux  trois  quarts  imprimé  au 
moment  où  nous  est  arrivée  la  triste  nouvelle,  il  n'ait  plus 
été  en  notre  pouvoir  de  rien  changer  ou  ajouter  à  notre  pré- 
face. Notre  but,  en  l'écrivant,  était  avant  toute  chose  d'être  en- 
tendu de  notre  très-regretté  contradicteur.  Une  réponse  étant 
hélas  1  devenue  imjDOssible,  dans  notre  pensée  il  ne  doit  rester 
de  ce  débat  que  notre  lettre  qui  a  paru,  d'abord  en  s.eplembre 
i865,  et  qui  par  conséquent,  au  moment  de  sa  réimpression, 
était  déjà  un  document  irrévocablement  acquis,  depuis  plus 
d'un  an,  à  l'historique  de  la  question. 

10 


—  146  — 


Reprenons  maintenant  notre  sujet. 

Continuant  à  suivre  ici  l'ordre  déjà  adopté,  nous  commen- 
cerons par  la  préservation  !... 

PRÉSERVATION  SPONTANÉE. 

Avant  de  parler  des  faits  relatifs  à  l'épidémie  de  1866,  reve- 
nons un  instant  sur  celle  de  1865.  La  thèse  soutenue  par  M.  le 
docteur  Stoufflet,  le  succès  que  ses  dires  ont  obtenus  en  cer- 
taines régions  nous  y  oblige. 

Plus  haut,  chapitre  IV,  p.  127  et  suiv.,  nous  avons  montré 
comment  M.  le  docteur  Stoufflet  procède  en  ses  attaques  contre 
*  notre  traitement.  Affirmations  purement  gratuites,  quant  aux 
faits  ou  paroles  nous  concernant  personnellement,  inexacti- 
tude des  plus  grandes  dans  le  relevé  des  doses  qui  ont  été  ad- 
ministrées, rien  ne  lui  coûle.  Dans  la  question  de  la  préserva- 
tion, c'est  pis  encore.  Voici  les  arguments  décisifs  avec  lesquels 
notre  antagoniste  prétend  achever,  sans  nul  doute,  la  petite 
œuvre  de  démolition  si  heureusement  commencée  par  nos  con- 
frères de  l'hôpital  Saint-Antoine. 

IMMUNITÉ  DES   OUVRIERS  EN  CUIVRE.   —  ConclusiOllS. 

«  Aucune  profession  n'est  épargnée  par  le  fléau,  et  les  ou- 
vrier? en  cuivre  ont  subi  ses  atteintes  comme  les  autres,  saiu 

que  la  mortalité  ait  été  moindre,  » 

D""  Stoufflet. 

Sur  quoi  l'auteur  se  base-t-il  donc  pour  s'exprimer  d'une 
façon  aussi  catégorique?...  Quels  sont  les  ftiits  qui  lui  donnent 
le  droit  de  venir  rayer,  d'un  trait  de  plume,  tout  ce  qui  a  été 
écrit  en  France,  en  Italie,  en  Suède  et  ailleurs,  par  nombre  de 
ses  confrères,  sur  l'immunité  cholérique  des  ouvriers  en 
cuivre?.,. 

Nous  allons  essayer  de  le  dire  avec  calme. 

Premier  argument.  —  «  Deux  ouvriers  travaillant  le  cuivre 
sont  entres  à  l'hôpital  Lariboisière  :  l'un  chaudronnier,  âgé  de 
57  ans,  l'autre  tourneur  en  cuivre,  âgé  de  22  ans...  Le  premier 


—  147  - 

ne  travaillait  pas  toujours  le  cuivre  exclusivement,  il  s'est 
guéri  ;  le  second  ne  tournait  que  le  cuivre,  il  est  mort...» 

Deux  ouvriers  en  cuivre  sur  52k  malades!... 

Ces  ouvriers  sont,  nous  l'avons  dit,  au  nombre  d'en- 
viron 30,000  ;  ils  comptent  dans  la  clientèle  mâle  des  hôpitaux 
en  général,  pour  environ  un  dixième,  et  pour  au  moins  un 
huitième  dans  celle  des  hôpitaux  Saint-Louis,  Lariboisière, 
Saint-Antoine  et  de  l'Hôtel-Dieu  qui  desservent  plus  particu- 
lièrement les  quartiers  affectés  à  l'industrie  parisienne.  Or 
donc,  pour  que  notre  contradicteur  eût  une  apparence  de  raison, 
c'est  au  moins  une  quinzaine  de  malades  qu'il  aurait  dû  relever 
et  non  point  deux  seulement.  Ensuite,  comment  M.  Stoufflet 
n'a-t-il  pas  été  lui-même  frappé  de  ce  contraste  que  présente  sa 
statistique?  d'une  part  deux  ouvriers  en  cuivre,  et  d'autre  part 
six  malades  pour  les  seuls  ouvriers  forgerons  avec  leurs  frap- 
peurs qui  ensemble  atteignent  à  peine  au  chiffre  de  1,500 
à  1,600?  L'argument  n'est  par  conséquent  que. puéril?  Mais 
est-il  vrai?...  De  moitié  seulement. 

Que  faisait  donc  l'ouvrier  chaudronnier  lorsqu'il  ne  travail- 
lait pas  le  cuivre?...  Le  travaillait-il  même  jamais,  dans  les  der- 
niers mois  qui  ont  précédé  son  entrée  à  l'hôpital  ?  Depuis  plus 
d'un  an,  au  moins,  cet  homme,  qui  s'appellait  Farcy  et  de- 
meurait en  garni  dans  une  sorte  de  bouge,  rue  Lagouhat,  nu- 
méro 15,  à  La  Chapelle,  avait  quitté  son  état;  tombé  dans  une 
misère  profonde,  il  s'était  fait  chiffonnier.  M.  Stoufflet  devait  le 
savoir,  mais  s'il  fût  venu  nous  le  dire,  cela  aurait  un  peu  nui 
à  l'effet  auquel  il  visait,  en  nous  montrant  ici  un  ouvrier  qui 
ne  travaillait  plus  le  cuivre  guéri,  et  là  un  autre  qui  vivait  au 
contraire  au  milieu  des  poussières  de  ce  métal  mort. 

Quant  au  second,  c'était  bien  un  ouvrier  en  cuivre.  Il  s'ap- 
pelait Julien.  Nous  l'avons  signalé  dans  notre  enquête,  en  notant 
cette  circonstance  particulière,  qu'il  travaillait  près  d'une  fenêtre 
toujours  ouverte  (v.  p.  55). 

Dans  le  Journal  des  connaissances  médicales,  numéro  du 
10  juillet,  parlant  aussi  de  ce  malade  et  du  ciseleur  Preyer  de 
chez  M.  Barbedienne,  que  nous  affirmons  encore  avoir  été  les 
seuls  ouvriers  en  cuivre  véritables  morts  en  1865  dans  les  hô- 
pitaux Lariboisière  et  Saint-Louis,  nous  disions  : 


—  148  — 

«  Un  tourneur  qui  travaillait  toujours  presque  en  plein  vent, 
et  un  ciseleur  valétudinaire  qui  s'était  purgé  quatre  ou  cinq  fois 
dans  la  dernière  quinzaine  qui  a  précédé  sa  mort,  restent  seuls 
pour  accuser  le  système  de  préservation  que  nous  soutenons, 
de  s'être  trouvé  en  défaut  dans  tout  le  dixième  arrondissement 
et  partie  des  arrondissements  circon voisins  où  siègent  tant 
d'industries  sur  le  cuivre!...  C'est  là,  en  effet,  quese  trouvent 
les  importantes  maisons  de  MM.  Thiébaut,  Detourbet,  Barbe- 
dienne,  Christofle,  Lacarrière,  Debain,  etc.,  etc.  C'est  là  aussi 
que  la  chaudronnerie,  la  robinetterie  et  beaucoup  d'autres  in- 
dustries sur  le  cuivre  semblent  avoir  élu  domicile. 

«Sont  morts,  au  contraire,  dans  les  mêmes  hôpitaux  ou  à  do- 
micile, sur  un  total  de  321  décédés  hommes  (au-dessus  de 
15  ans),  7  forgerons,  6  mécaniciens,  k  chaudronniers  en  fer 
ou  tôliers,  2  serruriers,  2  polisseurs  en  acier,  1  ferblantier  et 
1  poêlier;  total,  23  ouvriers  en  fer.  Si  les  ouvriers  en  cuivre 
n'étaient  point  respectés,  c'est  au  moins  à  un  pareil  chiffre  que 
devrait  atteindre  leur  mortalité.  » 

Deuxième  argument.  —  «  M.  le  docteur  Decori  (M.  Stoufflet 
oublie  de  signaler  M.  le  docteur  Mesnet)  nous  apprend  en 
outra  qu'à  l'hôpital  Saint-Antoine  il  est  entré  6  ouvriers  en 
cuivre  (2  fondeurs,  1  polisseur,  3  tourneurs)  et  deux  ou- 
vrières...» Ah  çà,  notre  jeune  confrère  ne  lit  donc  pas  les  jour- 
naux de  médecine  !  Les  travaux  insérés  par  ses  aînés  dans  les 
annales  de  la  science,  sont  donc  pour  lui  lettre  morte  !...  Qu'est- 
il  resté,  nous  le  demandons,  après  sérieuse  enquête  à  domicile, 
de  ces  11  malades  (3  de  plus  que  ne  le  dit  M.  Stoufflet),  signalés 
par  nos  confrères  de  l'hôpital  Saint-Antoine?...  1  tourneur  et  1 
polisseur,  surtout  au  gras...  ivrognes  tous  deux,  le  lecteur  s'en 
souvient,  de  la  pire  espèce,  deux  exceptions,  si  l'on  veut,  sur 
429  malades  !... 

Troisième  argument.  —  «  En  visitant  nos  malades,  lorsque 
j'ai  recontré  une  fonderie,  je  suis  entré  pour  demander  des 
renseignements.  Dans  la  première  maison  où  je  suis  entré, 
chez  MM.  Leverbe  père  et  fils,  rue  Pierre-Levée,  numéro  10, 
un  ouvrier  était  mort  du  choléra,  et  celui  qui  me  répondait  avait 
été  dangereusement  malade.  Or,  ces  deux  hommes  étaient 
dans  la  fonderie  depuis  leur  adolescence!  »  Puis  M.  Stoufflet 


continue,  s'efforçant  de  dissimuler  en  des  termes  ironiques 
ses  mésaventures  dans  d'autres  maisons,  où  la  préservation  lui 
avait  été  au  contraire  affirmée,  d'une  façon  si  particulière  : 
nous  avons  parlé  plus  haut,  p.  76,  de  démêlés  bouffons. 

Nous  connaissions  surtout  M.  Leverbe  p^re  pour  être  l'un  des 
croyants  les  plus  fervents  de  la  préservation  cuprique.  Très- 
surpris  de  le  voir  cité  en  témoignage,  dès  le  lendemain  du  jour 
où  nous  avions  lu  la  thèse  de  M.  Stoufflet,  nous  retournions 
dans  la  fonderie  indiquée.  En  présence  de  diverses  personnes, 
et  notamment  de  l'ouvrier  qui  avait  répondu  qu'il  avait  été  lui- 
même  dangereusement  malade  (nous  allons  voir  quel  était  en 
réalité  cet  ouvrier),  nous  y  donnions  lecture  du  passage  con- 
cernant la  maison.  Aussitôt  une  explosion  de  sentiments  plus 
que  difficiles  à  dire  à  cette  place  partait  du  groupe  des  assis- 
tants qui,  tous  croyant  fermement  à  la  préservation  des  ou- 
vriers en  cuivre,  se  regardaient  comme  directement  atteints  par 
des  affirmations  contraires,  et  nous  recueillions  alors  des  ren- 
seignements de  telle  nature,  qu'il  nous  suffira  de  rapporter  la 
lettre  qui  suit  pour  avoir  le  droit  de  clore  ici  toute  discussion 
avec  M,  Stoufflet. 

A  monsieur  le  docteur  Burq. 

a  Nous  venons,  monsieur,  attester,  comme  nous  avons  eu  l'honneur 
de  vous  le  dire,  que  la  déclaration  faite  à  l'égard  de  notre  maison 
est  inexacte.  D'abord  le  nommé  Magloire  (décédé)  n'était  dans  la 
fonderie  que  depuis  trois  ans,  et  non  depuis  son  enfance.  (Simple 
homme  de  peine,  il  faisait  surtout  les  courses;)  il  n'était  pas  sobre. 
Lorsqu'il  a  été  enlevé  par  le  choléra,  il  venait  d'avoir  la  jaunisse.  C'est 
aussi  un  fait  bien  certain  que  ma  femme,  qui  a  donné  elle-même 
ces  renseignements j  n'a  jamais  été  malade  du  choléra^  et  à  ma 
connaissance,  depuis  1832,  W  n'y  a  eu  qu'un  seul  ouvrier  en  cuivre 
(MM.  Leverbe  occupent  en  moyenne  100  à  120  hommes)  mort  de 
cette  terrible  maladie,  et  nous  sommes  prêts  à  le  répéter. 

Recevez,  monsieur  le  Docteur,  etc. 

.  Leverbe,  père  et  fils.  » 

Paris,  1 4  août. 

La  puérilité  des  arguments  passe  encore,  l'auteur  a  le  droit 
de  Venir  arguer  ici  de  son  inexpérience;  l'inexactitude  dans  le 
relevé  des  doses  passe  également,  si  l'on  veut,  pour  les  mêmes 


—  150  — 

"aisons  :  mais  au  lendemain  de  la  visite  faite  à  la  fonderie  de 
la  rue  Pierre-Levée,  avoir  écrit  le  passage  que  nous  avons 
rapporté...  transformer  Madame  Leverbe  en  ouvrier  en  cuivre 
ayant  èlé  lui-même  dangereusement  malade,  etc.,  cette  fois  c'en 
est  trop,  et  nous  serions  sans  excuse  d'avoir  pris  la  peine  de 
répondre  si  longuement,  n'était  le  parti  que  nos  adversaires 
se  sont  empressés  de  tirer  de  telles  affirmations. 

Sur  la  préservation  spontanée  nous  passons  maintenant  aux 
observations  de  1866. 

Nous  aurions  voulu  renouveler  nos  recherches  de  l'an  der- 
nier, et  faire  pour  l'épidémie  de  1866  ce  que  nous  avions  fait 
pour  celle  de  1865,  mais  manquant  de  temps  et  surtout  du 
stimulant  nécessaire  pour  affronter  les  mêmes  fatigues,  le 
DOUTE,  nous  nous  sommes  borné  aux  relevés  et  à  la  petite  en- 
quête que  nous  allons  faire  connaître. 

DES  OUVRIERS  EN  MÉTAUX' 

TRAITÉS  EN  '1 866  A  l'hOTEL-DIEU,  A  SAINT-ANTOINE,  A  SAINT-LOUIS 

ET  A  LARIBOISIÈRE. 

HoTEL-DiEU.  —  En  1865,  cet  hôpital,  sur  672  cholériques, 
n'a  point  offert  un  seul  ouvrier  en  cuivre  véritable.  On  avait 
bien  noté  sur  le  registre  des  entrées  1  chaudronnier,  1  fondeur 
en  cuivre,  2  estampeurs,  1  planeur,  1  plaqueur  et  1  tourneur; 
mais,  renseignements  pris  à  domicile,  il  s'est  trouvé  que  ce 
dernier  seul,  du  nom  de  Guillaud,  et  qui  a  guéri,  méritait  un 
peu  la  qualification  d'ouvrier  en  cuivre.  Il  était  tourneur,  ta- 
raudeur  de  petites  vis  qu'il  faisait  parfois  avec  du  fil  de  laiton, 
mais  dans  l'atelier  où  il  travaillait  —  chez  M.  Passy,  rue  Au- 
maire,  n"  1  —  se  trouvaient  tout  à  côté  de  lui  d'autres  ouvriers 
qui  ne  tournaient  que  le  fer.  C'est  à  ce  même  atelier  qu'ap- 
partenait l'ouvrier  Timaioz,  dont  il  est  question  page  56. 
En  1866,  ont  été  traités  à  l'Hôtel-Dieu  58k  cholériques:  ' 
Un  seul,  Peters  (n°  1,  Saint-Julien),  travaillait  dans  le  cuivre; 
il  était  monteur  en  bronzes,  tandis  que,  à  peine  arrivés,  à  la 
cinquième  semaine  de  la  nouvelle  épidémie,  l'on  comptait 
déjà  h  doreurs  ou  doreuses.  Ce  malade  a  guéri. 


—  151  — 

HOPITAL  Saint-Antoine.  -  Ont  été  traités  en  1866  :  hommes, 
212;  femmes,  1%;  en  tout,  336  cholériques. 
Nous  avons  relevé  à  l'Hôpital  même, 
1"  Parmi  les  morts  : 

Un  monteur  en  bronzes:  Matry,  10,  rue  Saint-Loms-en- 
l'Ile.  _  En  chômage  depuis  10  jours,  et  mort  le  6«  jour  seu- 
lement par  accidents  cérébraux. 

Deux  fondeurs  sans  autre  désignation  :  Rousse,  passage  Le- 
vert,  2;  Divey,  faubourg  Saint-Antoine,  98.  -  Us  étaient  fon- 
deurs en  fer  l'un  et  l'autre. 

Un  bijoutier  :  Boivin,  rue  Sainte-Marguerite,  29.  —  Spécia- 
lité de  la  profession  inconnue. 

2°  Parmi  ceux  qui  ont  guéri  : 

Un  chaudronnier  :  Offret,  place  de  la  Rotonde  du  Temple,  22. 
_  Fausse  indication.  Cet  homme  est  ferblantier  et  pomt  du  tout 
chaudronnier  ;  il  travaille  dans  les  ateliers  du  chemin  de  fer 

du  Nord.  . 

Un  tourneur  en  cuivre  :  Sorg,  rue  du  Ghemin-Vert,  fib.  — 
Travaille  rue  Turenne,  80,  chez  M.  Mercier;  inscrit  par  erreur 
comme  cholérique,  entré  pour  des  accidents  d'ivresse. 

Un  tourneur  en  cuivre  :  Lansard,  rue  Maubuée,  7.  —  Rue 
du  Chemin-Vert,  Zi5 ,  où  Lansard  a  demeuré  le  plus  long- 
temps, il  nous  a  été  afhrmé  que  cet  ouvrier,  presque  constam- 
ment valétudinaire,  passait  la  majeure  partie  de  son  temps  à 
l'hôpital.  Aujourd'hui  domicile  inconnu. 

Un  tourneur,  sans  autre  désignation,  Gicquel,  cité  des  Lilas, 
no  7  _  Pas  de  renseignement  ;  changement  de  domicde.  Une 
de  ses  anciennes  voisines  croit  que  cet  ouvrier  est  tourneur  en 

cuivre.  „. 

Un  fondeur  en  cuivre  :  Slevart,  rue  Sainte-Marguerite,  36. 
-  Pas  de  renseignements,  si  ce  n'est  que  cet  homme,  âgé  de 
60  ans,  jouit  de  la  plus  mauvaise  santé. 

Un  mouleur  :  Delor,  rue  Louis-Philippe,  31.  —  Fausse  in- 
dication; homme  de  peine  chez  un  marchand  ferrailleur. 

Un  orfèvre  :  John,  rue  Saint-Maur,  21,  —sur  argent. 

Un  bijoutier  :  Shrader,  rue  du  Harlay,  10,  —  sur  or. 

Les  professions  similaires  sur  d'autres  métaux  que  le  cuivre 
ont  eu,  tant  morts  que  guéris  : 


—  152  — 

li  mécaniciens,  1  serrurier,  1  plombier,  1  tôlier,  1  maréchal 
ferrant  et  1  doreur,  auxquels  il  convient  d'ajouter  les  2  fon- 
deurs en  fer  ci-dessus,  le  prétendu  chaudronnier  Offret.  l'orfèvre 
John  et  le  bijoutier  Shrader  ;  total  1/,. 

Donc,  du  côté  du  cuivre,  1  monteur  en  chômage  décédé,  et 
1  ou  2  malades,  tandis  que,  du  côté  des  autres  métaux  U 
morts  ou  malades  ! 

A  Saint-Antoine,  comme  à  l'Hôtel-Dieu,  l'épidémie  de  1866 
pas  plus  que  celle  de  1865,  n'est,  on  le  voit,  guère  venue  en 
aide  aux  adversaires  de  l'immunité  des  ouvriers  en  cuivre 
Voyons  maintenant  si  les  hôpitaux  Saint-Louis  et  Lariboisière 
ont,  eux  aussi,  continué  à  nous  donner  raison. 

Hôpital  Saint-Louis.  —  Nous  ne  possédons  pour  cet  hôpital 
que  le  chiffre  des  morts,  dans  les  professions  sur  métaux  et 
les  renseignements  qui  s'y  rapportent.  Ce  chiffre  est  de  10, 
dont  un  seul  ouvrier  en  cuivre,  savoir  : 

Un  fondeur  mouleur  en  cuivre  :  Gallet,  passage  des  En- 
vierges,  ^i.  —  Conditions  d'hygiène  mauvaises,  pris  un  lundi 
après  plusieurs  jours  de  chômage  et  de  libations. 

Un  fondeur  en  fer  :  Haist,  rue  des  Écluses-Saint-Martin,  19. 

Un  ouvrier  en  faux  bronze  ou  composition  (zinc)  •  Saltet 
rue  Oberkampf,  73.  —  Attaché  à  la  maison  Brichon  rue 
Vieille-du-Temple. 

Puis  3  mécaniciens,  2  ferblantiers,  1  serrurier  et  1  plom- 
bier. ^ 

Nota.  —  Une  femme  BoufRol,  portée  comme  polisseuse,  in- 
connue au  domicile  indiqué,  rue  des  Jardins-Saint-Paul,  16. 

Hôpital  Lariboisière.— Ont  été  traités  en  1856,  239  hommes 
et  224  femmes;  ensemble  463  cholériques. 
Dans  ce  nombre  se  trouvaient  : 

1"  Un  jeune  homme  de  16  ans,  entré  depuis  un  mois  seule- 
ment dans  la  maison  Thiébault,  en  qualité  d'apprenti  tourneur 
à  la  machine,  pour  la  fabrication  de  gros  écrous  en  cuivre.  II 
ne  se  servait  jamais  ni  de  la  lime,  ni  du  papier  de  verre.  Il 
n  avait  pour  voisin  d'atelier  qu'un  seul  ouvrier  en  cuivre 
tourneur  à  la  machine  comme  lui.  Dans  son  atmosphère  se 


—  153  — 


trouvaient,  au  contraire,  de  fines  poussières  de  fer,  grâce  au 
voisinage  de  8  à  10  autres  ouvriers  qui  travaillaient  exclusive- 
ment la  fonte,  surtout  à  la  lime.  ^ 

Ces  détails,  nous  les  avons  recueillis  sur  les  lieux  mêmes. 

2°  Dupony,  rue  du  Vertbois,  69,  tourneur  alternativement  i 
sur  toute  sorte  de  métaux.  Le  métal  qu'il  travaille  le  plus 
souvent  c'est  le  fer  ou  l'acier,  et  lorsqu'il  tourne  le  cuivre,  sont 
toujours  dans  le  même  atelier  d'autres  ouvriers  qui  travaillent 
le  fer.  Dupony  nous  a  raconté  les  choses  lès  plus  édifiantes  sur 
de  nombreux  interrogatoires  et  examens  qu'on  lui  aurait  fait 
subir  à  l'hôpital,  à  l'effet  d'arriver  à  ceci  et  de  lui  prouver  à 
lui-même  qu'il  est  bien  un  ouvrier  en  cuivre,  et  pas  du  tout 
un  ouvrier  en  fer.  Déjà,  au  sujet  du  jeune  apprenti  ci-dessus , 
avaient  eu  lieu  certains  faits  de  même  nature.  Ne  nous  y  arrê- 
tons pas,  et  montrons-nous  indulgent  pour  nos  contradicteurs, 
à  raison  des  difficultés  qu'ils  ont  eues  plus  particulièrement 
encore  cette  année  à  faire  leurs  preuves  à  Lariboisière  :  ces  deux 
ouvriers,  qui  du  reste  ont  guéri  l'un  et  l'autre,  sont  en  effet 
les  seuls  pouvant  leur  offrir  apparence  d'arguments,  qui  soient 
enlvés  dans  cet  hôpital  avec  te  choléra.  Cette  dernière  restriction, 
entrés  avec  le  choléra,  est  nécessaire,  car,  chose  tout  au  moins 
bien  étrange  si  elle  n'est  point  significative  au  plus  haut  degré, 
5  ouvriers  en  cuivre,  1  tourneur, -1  estampeur,  1  fondeur  et 
2  plaqueurs  que  le  hasard  avait  réunis  à  Lariboisière,  l'un  pour 
une  tumeur  de  l'aine,  l'autre  pour  une  fracture  de  côte,  etc., 
et  qui  s'y  trouvaient  depuis  assez  de  jours  pour  avoir  eu  le 
temps  de  perdre  tout  ou  partie  de  leur  immunité  relative,  ont 
tous  contracté  la  maladie  dans  les  salles  :  un  seul  sur  les  cinq 
a  succombé. 

Pour  les  professions  similaires  sur  d'autres  métaux,  nous 
avons  relevé  5  serruriers,  3  forgerons,  2  frappeurs,  1  chaudron- 
nier en  fer,  1  mécanicien,  1  ferblantier,  1  coutelier,  1  étameur, 
1  plombier,  1  doreuse,  1  horloger  et  1  bijoutier  en  fin  (or  et 
argent);  total  19  malades,  dont  13  de  morts,  tandis  que  1  dé- 
cès seulement  sur  les  cinq  ouvriers  en  cuivre  pris  dans  l'hô- 
pital!.... 

Dans  ce  dernier  cas,  la  faiblesse  de  la  mortalité  a-t-elle  dé- 
pendu de  la  résistance  opposée  par  l'organisme  encore  impré- 


—  15/(  — 

gné  à  certain  degré  du  préservatif?  Nous  sommes  d'autant  plus 
autorisé  à  le  dire,  que,  dans  nos  recherches  antérieures,  nous 
avons  obtenu  toujours  les  mêmes  résultats  négatifs,  quant  à  la 
mortalité,  sur  les  rares  malades  rencontrés  dans  le  cuivre,  et 
que  cette  année  encore,  en  faisant  le  total  de  tous  les  ouvriers 
en  cuivre  plus  ou  moins  authentiques  qui  ont  été  notés  à  l'Hô- 
tel-Dieu,  à  Saint-Antoine  et  à  Lariboisière,  nous  trouvons  quoi? 
1  mort  pour  6  ou  7  malades,  et  13  décès  sur  19  à  Lariboisière, 
dans  les  professions  similaires!... 

Faisons  encore  remarquer,  avant  dépasser  outre,  que  la  pro- 
fession qui  occupe  dans  l'industrie  parisienne  le  sommet  de 
l'échelle  de  préservation,  la  chaudronnerie  en  cuivre,  a  joui 
d'une  préservation  absolue,  aussi  bien  en  1866  qu'en  1865,  à 
en  juger  du  moins  d'après  ce  qui  s'est  passé  dans  les  hôpitaux 
susmentionnés. 

En  résumé,  1,000  cholériques  hommes  environ  ont  été  frai- 
tés  en  1866  tant  à  l'Hôtel-Dieu  qu'à  Saint-Antoine,  Saint-Louis 
et  Lariboisière. 

Le  chiffre  des  décès  ne  nous  est  point  connu,  mais  suppo- 
sons qu'il  ait  été  seulement  de  moitié.  Les  ouvriers  en  cuivre 
comptant  pour  le  dixième,  sinon  pour  le  huitième,  dans  la 
clientèle  mâle  de  ces  hôpitaux,  c'est  donc  au  moins  50  morts 
que  nous  aurions  dû  retrouver,  s'ils  sifi)issaient  la  loi  com- 
mune: or  ils  n'en  ont  que  deux  en  tout  :  1  monteur,  préser- 
vation du  2«  degré,  et  1  mouleur-fondeur,  préservation  du 
degré,  pendant  que  les  ouvriers  sur  les  autres  métaux,  qui  ne 
forment  guère  que  le  dixième  de  cette  même  clientèle,  avaient 
U  mortsà  Saint-Antoine,  9  à  Saint-Louis,  13  à  Lariboisière  (nous 
n'avons  que  le  chiffre  brut  des  cholériques  de  l'HôteUDieu)  ;  to- 
tal 36,  c'est-à-dire  plus  du  dixième  des  décès  dans  ces  trois 
hôpitaux  !... 

Nous  possédons  encore  d'autres  faits  et  renseignements, 
mais  pour  les  produire  utilement,  il  faudrait  nous  être  mis  en 
mesure  de  pouvoir  répondre,  comme  nous  l'avons  fait  pour 
l'épidémie  de  1865. 

Un  mot  seulement  sur  cette  Société  du  bon  Accord  dont  il  a 


—  155  — 

été  si  souvent  question,  et  sur  sa  jeune  émule,  la  Société  de 
l'Espérance,  fondée  en  faveur  des  ouvriers  en  bronze  qui,  pour 
des  raisons  d'âge,  ne  peuvent  point  être  admis  dans  la  pre- 
mière. 

Le  chiffre  total  des  associés  pour  les  deux  sociétés  est  d'envi- 
ron 500. 

En  1866  :  0  décès  comme  en  1865,  \S5h,  1849  et  1832. 
Journées  de  maladie  pour  cholérine,  22,  réparties  sur  deux 
ciseleurs! 

Sur  la  préservation  des  'ouvriers  en  cuivre  nous  devons  en 
avoir  dit  assez  ;  nous  nous  arrêtons. 

Que  celui  que  les  faits,  venus  aujourd'hui  de  toutes  parts, 
n'ont  pas  encore  pu  convaincre,  s'arme  de  patience  et  fasse 
comme  nous.  Si  le  seul,  amour  du  bien  et  de  la  vérité  le  guide, 
il  devra,  après  avoir  relevé  les  décès  qui  incombent  à  la  classe 
des  préservés,  se  rendre  à  domicile  pour  s'informer  de  toutes 
les  circonstances  professionnelles  et  autres  qui  ont  précédé 
ou  accompagné  l'invasion  de  la  maladie. 

A  quelle  catégorie  de  préservés  appartenait  le  décédé... 
Était-il  en  activité  de  travail  le  jour  où  la  maladie  est  venue  le 
surprendre  ?  Ne  venait-il  point  d'interrompre,  pour  un  temps 
notable,  sa  profession?...  Travaillait-il  depuis  assez  longtemps 
pour  que  l'imprégnation  cuprique  eût  eule  temps  de  se  faire?.. 
Cette  imprégnation  n'avait-elle  point  été  empêchée  ou  retar- 
dée par  le  mélange  des  poussières  de  cuivre  avec  des  pous- 
sières de  fer,  par  exemple,  réductrices  de  ce  métal?...  De  mau- 
vaises conditions  d'hygiène  et  d'alimentation,  ou  une  médica- 
tion intempestive,  comme  des  purgations  répétées,  une  impru- 
dence capitale,  n'étaient-elles  point  venues  en  amoindrir  ou 
même  annuler  les  bénéfices?...  Ce  n'est  qu'à  la  condition 
d'avoir  réponse  à  ces  différentes  questions  que  les  résultats 
négatifs  de  nouvelles  constatations  pourront  compter,  et  être 
admis  comme  preuves  contre  la  préservation  cuprique  qui  fait 
aujourd'hui  la  foi  de  tant  d'intéressés. 

Quant  à  nous,  la  démonstration  de  l'immunité  des  ouvriers 
en  cuivre  nous  paraît  aujourd'hui  devenue  si  complète,  que, 
redisons-le,  n'étant  plus  même  stimulé  par  l'aiguillon  du 


—  156  — - 

doute,  nous  nous  sentons  incapable  de  rien  entreprendre 
désormais  pour  y  ajouter,  et  fermons  ici,  pour  ne  plus  y  reve- 
nir, ce  long  chapitre  de  la  préservation  spontanée, 

PRÉSERVATION  PROVOQUÉE. 

En  1866,  nous  avons  fait  adopter  nos  armatures  par  un  bon 
nombre  de  personnes,  quelques-unes  se  sont  même  décidées  à 
faire  usage,  dans  le  même  but,  des  sels  de  cuivre  en  lavement  : 
toutes  ont  été  préservées,  mais  cette  fois  encore,  nous  n'avons 
aucune  peine  à  le  reconnaître,  les  résultats  se  traduisent  en  de 
trop  petits  chiffres  pour  que  nous  ayons  le  droit  à  autre  chose 
que  d'être  un  peu  plus  afiîrmatif  qu'après  1865.  Peut-être  en 
serait-il  autrement,  si  nous  pouvions  y  ajouter  tous  les  faits  de 
préservation  provoquée  qui  se  sont  produits  en  dehors  de 
notre  intervention.  Le  hasard  en  a  porté  quelques-uns  à  notre 
connaissance.  Ainsi,  par  exemple,  un  certain  personnage  parti 
de  Russie,  devant  séjourner  en  diverses  villes  où  régnait  l'épi- 
démie, s'est  appliqué  sur  la  poitrine  une  large  plaque  de 
cuivre  qu'il  n'a  plus  quittée,  et  dans  la  conviction  de  M.  X..., 
cette  application  a  suffi  pour  le  mettre  à  l'abri  de  toute  infec- 
tion cholérique.  Trois  fois  il  nous  est  arrivé  de  rencontrer  dans 
le  monde  des  porteurs  de  plaques  préservatrices,  qui  se  plai- 
saient à  témoigner  tout  haut  de  leur  immunité... 

Vers  le  15  du  mois  de  juillet,  nous  reprenions  sur  nous- 
même  nos  expériences  de  préservation  mixte.  Renonçant 
cette  fois  aux  frictions,  qui  ont  en  elles-mêmes  trop  d'inconvé- 
nients pour  être  jamais  adoptées,  nous  nous  sommes  borné  à 
l'application  externe  du  cuivre  et  à  son  administration  inté- 
rieure. Six  semaines  durant,  nous  avons  jDris  en  lavement,  soit 
le  matin  à  notre  lever,  soit  le  soir  à  notre  coucher,  depuis 
12  jusqu'à  20  centigrames  de  sulfate  de  cuivre  dissous  dans  la 
valeur  de  100  à  120  grammes  d'eau,  et  pendant  tout  ce  temps, 
dont  nous  avons  passé  une  grande  partie  au  milieu  des  cholé- 
riques de  r  Hôtel-Dieu,  recueillant  les  observations,  procédant 
souvent  nous-même  aux  applications  d'armatures  et  prati- 
quant de  nombreuses  autopsies,  il  ne  s'est  jamais  rien  passé  en 
notre  organisme  qui  offrit  une  trace  quelconque  de  l'influence 


—,  157  — 

épidémique...  D'un  autre  côté,  ce  si  terrible  poison  n'a  point 
eu  d'autre  effet  sur  nous  que  de  déterminer,  comme  précé- 
demment à  Toulon,  une  notable  conslipation,  et  de  donner  aux 
matières  fécales  une  coloration  vert  foncé  caractéristique.  Dans 
nos  divers  essais  de  préservation  mixte  sur  autrui,  toujours 
aussi  la  muqueuse  de  l'intestin  a  paru  comme  asséchée... 

Que  nos  confrères  essayent,  le  cas  échéant,  sur  eux-mêmes 
de  nos  applications  et  de  notre  lavement  préservatif,  en  com- 
mençant par  une  très-innocente  dose  de  6  ou  b  centigrammes, 
et  bientôt,  nous  le  croyons  fermement,  les  preuves  ne  man- 
queront point  pour  une  démonstration  définitive  de  l'efficacité 
du  système  de  préservation  par  le  cuivre  intus  et  extra. 

TRAITEMENT. 

La  question  du  traitement  a  fait  de  nouveaux  progrès  en  1866. 

A  peine  l'épidémie  commencée,  M.  le  docteur  Groussin,  de 
Bellevue,  obtenait  avec  les  sels  de  cuivre  un  nouveau  succès 
qu'il  a  fait  connaître  dans  les  termes  suivants  : 

Le  vendredi  27  juillet  1866,  à  dix  heures  du  matin,  j'arrive  auprès 
de  G...,  trente-neuf  ans,  épicier,  demeurant  au  bas  Meudon  :  appré- 
hension constante,  depuis  quelques  semaines,  d'être  pris  par  le  cho- 
léra -,  selles  diarrhéiques  (3  à  5  par  jour,  depuis  quatre  jours). 

A  ma  visite,  pouls  à  103,  coliques  et  selles  liquides  —  six  depuis 
deux  heures,  —  lassitude,  prostration  des  forces,  figure  fatiguée, 
crampes,  envies  de  vomir,  voix  affaiblie.  Potion  à  l'extrait  de  rata- 
nhia,  additionnée  d'alcoolat  de  mélisse  et  de  laudanum  de  Sydenham; 
frictions,  bouteilles  d'eau  chaude,  etc.. 

A  quatre  heures  du  soir,  je  suis  mandé  en  toute  hâte  :  pouls  à  140, 
yeux  enfoncés  dans  les  orbites,  15  selles  environ  depuis  dix  heures  et 
demie  et  cette  fois  rizoïdes,  S  à  6  vomissements,  crampes  plus  fré- 
quentes et  plus  douloureuses,  traits  plus  altérés;  pas  d'urine  depuis 
le  matin;  voix  éteinte;  température  des  téguments  inférieure  à  celle 
de  l'état  normal;  en  un  mot  choléra  confirmé  :  continuation  des 
mêmes  moyens,  plus  bain  alcalino-térébenthiné  (60  grammes  d'es- 
sence de  térébenthine). 

Samedi,  sept  heures  du  matin.  Les  accidents  se  sont  accrus  depuis 
une  heure;  miction  nulle,  pulsations  d'une  extrême  faiblesse  et  rapi- 


—  158  — 


dité;  selles  plus  fréquentes;  yeux  plus  ternes.  Je  ne  perds  pas  cou- 
rage. Je  supprime  la  potion  au  ratanhia  et  j'ordonne  : 

Sulfate  de  cuivre.    .    .    .  4  0  centigrammes. 

Laudanum  de  Sydenham.    .  6  gouttes. 

Alcoolat  de  mélisse.  ...  4  grammes. 

Potion  gommeuse .    .    .    .  410  grammes. 

A  prendre  par  cuillerées  à  café  toutes  les  vingt  minutes,  concurrem- 
ment avec  de  la  glace,  du  vin  vieux  chaud,  sucré,  additionné  de  clous 
de  girofle,  de  cannelle  et  de  jus  de  citron.  Je  reste  deux  heures  de  suite 
auprès  de  G.. .;  je  jette  dans  son  lit  et  j'étends  sur  toute  la  surface 
du  corps  de  la  calamine (')),  je  roule  autour  des  deux  membres  gau- 
ches des  bandes  de  cuivre  très-minces,  et  je  redouble  d'attention 
pour  que  la  chaleur  artificielle  soit  entretenue. 

Samedi  à  midi.  Un  peu  de  mieux;  les  deux  premières  cuillerées 
de  la  potion  seules  ont  été  vomies  ;  moins  de  crampes  ;  le  pouls  se 
laisse  deviner;  la  réaction  s'annonce. 

Même  potion  que  la  précédente,  sauf  que  le  sulfate  de  cuivre  est 
porté  de  10  à  12  centigrammes. 

Samedi,  à  cinq  heures  du  soir.  Le  mieux  continue;  la  peau  laisse  à 
la  main  une  impression  meilleure;  j'envoie  chercher  une  troisième 
potion  contenant  cette  fois  15  centigrammes  de  sulfate  de  cuivre,  au 
lieu  de  12,  et  toujours  aussi  glace,  vin  chaud,  un  peu  de  rhum. 

Dimanche  à  huit  heures  du  matin.  Le  mieux  a  continué;  faciès 
meilleur  ;  mais  pas  d'urine.  Un  quart  de  lavement  avec  8  gouttes  de 
laudanum  et  15  centigrammes  de  sulfate  de  cuivre. 

Dimanche,  à  quatre  heures  du  soir.  Le  mieux  se  maintient;  le  lave- 
ment n'a  pas  été  rendu. 

Lundi  à  neuf  heures  du  matin.  Pas  de  selles  depuis  hier  soir  à 
quatre  heures;  pas  de  vomissements^  pouls  à  95  et  solide;  200  gram- 
mes d'urine  environ  :  outre  les  moyens  sus-indiqués,  on  a  donné 
quelques  cuillerées  de  panade,  et  de  gelée  de  viande,  qui  ont  été 
supportées.  Depuis  une  heure  environ,  la  potion  répugne  au  malade; 
quelques  nausées;  éructations  fréquentes. 

Je  juge  que  l'action  médicale  du  sel  cuprique  est  terminée,  et  que 
son  action  toxique  pourrait  bien  commencer.  Je  le  supprime,  je  dé- 
gage mon  malade  de  ses  bandes  de  cuivre,  je  fais  retirer  les  draps, 
disparaître  toute  trace  de  calamine,  et  plonger  G...  dans  un  bain  al- 

(i)  La  calamine  (oxyde  rouge  dé  cuivre),  dont  M.  Groussin  a  fait  usage,  lui 
avait  él&  fournie  avec  empressement  par  M.  le  directeur  de  la  capsulerie  de 
Meudon.  Plus  de  cent  ouvriers  y  travaillent,  et  jamais  ni  mort  ni  même  de 
malade  du  choléra.  (Témoignage  de  IVL  le  docteur  Groussin). 


—  159  — 

calino-térébentbiné,  à  double  effet  de  le  nettoyer  de  toute  cette  farine 
cuprique,  et  d'opérer  une  révulsion  vers  la  peau. 

Lundi,  à  quatre  heures  du  soir.  Le  mieux  continue;  toujoxirs  Voix 
cassée;  yeux  meilleurs;  mais  encore  des  nausées  et  des  éructations. 

Mardi  et  mercredi. Le  mieux  continue;  potion  au  quinquina. 

Jeudi  matin,  à  dis  heures.  Depuis  dimanche  soir,  le  malade,  chose 
assez  curieuse,  n'a  pas  encore  eu  une  seule  selle.  A  partir  d'aujour- 
d'hui, je  le  considère  comme  tout  à  fait  hors  de  danger;  la  faiblesse 
est  encore  grande,  sa  voix  est  encore  altérée,  mais  la  figure  est  bonne 
et  le  pouls  normal. 

Ainsi,  mon  malade  a  pris  en  potions  30  centigrammes  de  sulfate 
de  cuivre,  et  -15  centigrammes  en  lavement,  plus  le  cuivre  absorbé 
par  la  peau  et  dont  la  quantité  ne  peut  ôlre  évaluée.  Les  potions  se 
donnaient  jour  et  nuit,  par  cuillerées  à  café,  toutes  les  vingt  minutes  ; 
la  poussière  et  les  bandes  métalliques  sont  restées  en  contact  avec  le 
malade  pendant  vingt-quatre  heures.  En  agissant  ainsi,  je  n'ai  fait  qtfe 
me  conformer  à  la  règle  tracée  en  ces  termes,  dans  la  GazeltfS  des 
Hôpitaux  du  29  juillet  1 866  :  «  en  un  mot  dans  les  cas  graves,  faire  pé- 
nétrer le  cuivre  par  toutes  les  voies  et  le  plus  promptement  possible...  » 

«  L'année  dernière,  à  pareille  époque,  j'ai  eu  trois  cholériques 
dans  la  même  localité  {bas  Memlon);  je  n'ai  employé  le  sulfate 
de  cuivre  que  sur  un  ;  il  a  succombé  ;  mais  mon  confrère  de 
Meudon,  M.  Droux,et  moi,  nous  nous  souvenons  très-bien  que, 
pendant  deux  ou  trois  heures,  nous  avons  obtenu  un  commen- 
cement de  réaction  et  d'amélioration  fort  remarquable.  J'ai 
réfléchi  depuis  que  dans  ce  cas  nous  avions  trop  attendu,  car 
la  période  algide  était  déjà  arrivée  depuis  un  certain  temps.  » 

D'  Groussin,  (Extrait  de  la  Gazelle  des  Hôpitaux.) 

Notre  pratique  personnelle  en  ville  n'a  point  enrichi  non 
plus  beaucoup  cette  année  la  question  du  traitement.  Ginq  faits 
seulement  méritent  d'être  cités;  les  voici  en  peu  de  mots  : 

Obs.  L  —  Madame  A.,  rue  Rochechouart,  M.  Choléra  léger,  le 
28  juin.  Guérison  en  deux  jours,  par  une  potion  à  0,1^0  centig.  et 
3  lavements  à  0,25  centig.  de  sulfate  de  cuivre. 

0ns.  IL  -  X.,  concierge,  cité  Tréviso,  2.  Choléra  un  peu  plus 
grave,  te  23  juillet.  Guérison  en  trois  jours,  par  2  potions  à  0,15  centig. 
et  6  lavements  à  0,30  centig.,  sans  plus. 

Quelques  jours  après,  le  6  août,  la  femme  était  prise  à  son  tour. 


—  160  — 


mais  plus  légèrement.  Guérison  par  une  seule  potion  à  0,10  centig.  et 
3  lavements  à  0,25  centig. 

Obs.  III.  —  X.,  capitaine  dans  l'infanterie  de  la  garde,  demeurant 
rue  Montyon,  H .  Choléra  moyen,  ayant  résisté  trois  jours  aux  moyens 
usuels  appliqués  avec  autant  de  soin  que  de  dévouement  par  le  major 
du  régiment,  M.  le  D--  Germain.  Appelé  en  consultation  par  cet  hono- 
rable confrère,  le  22  juillet,  dès  le  25  la  guérison  se  trouvait  assurée 
au  prix  d'une  seule  potion  à  0,15  centigr.  et  de  6  lavements  à 
30  centigr. 

Obs.  IV.  —  X.,  employé  à  la  manufacture  des  labacs,  domicilié 
rueJoubert,  14.  Choléra  grave,  le  15  août  (suppression  des  urines 
et  cyanose,  mais  pouls  conservé).  Traitement  :  1  gram.  de  sulfate  de 
cuivre  par  le  haut,  en  deux  jours,  3  gram.  1/2  par  le  bas,  en  quatre 
jours  ;  retour  des  urines  le  troisième  jour,  convalescence  rapide  à 
partir  du  20  août.  Ce  malade  a  fait  grand  bruit  dans  le  quartier. 

Obs.  V.  —  X.,  rue  Richer,  1,  boucher,  dix-sept  ans.  Choléra  des 
plus  graves.  Ni  pouls,  ni  chaleur,  ni  urines  :  cyanose  complète.  Trai- 
tement sans  résultat;  mort  au  bout  de  quatre  heures. 

Ici  s'arrêtent  nos  observations  en  ville.  On  s'étonnera  peut- 
être  que,  jouissant  d'une  certaine  notoriété  dans  la  ques- 
tion du  choléra,  nous  n'ayons,  en  ce  qui  nous  concerne  per- 
sonnellement, qu'un  si  petit  nombre  de  faits  à  citer;  mais  cet 
étonnement  cessera  lorsque  nous  aurons  dit  que  le  traitement, 
ainsi  que  nous  le  pratiquons,  demandant  beaucoup  de  temps, 
nous  avons  dû  refuser  presque  toujours  les  malades  qui  ne 
faisaient  point  partie  de  notre  clientèle,  afin  de  pouvoir  nous 
consacrer,  le  plus  possible,  aux  expériences  dont  nous  allons 
parler. 

LES  SELS  DE  CUIVRE  A  L'HOTEL-DIEU  EN  1866. 

EXPÉRIENCES  DE  M.  LE  D''  HORTELOUP. 

Vers  la  fin  dejuillet,  ayant  appris  que  M.  leD-"  Horteloup  avait 
fait  sans  succès  des  essais  avec  les  sels  de  cuivre  sur  les  cholé- 
riques de  son  service,  mais  que  l'écho  de  nos  protestations 
au  sujet  des  doses  qui  seules  avaient  trouvé  crédit  à  Paris, 
était  parvenu  jusqu'à  ce  praticien  émincnt,  le  21  ou  le  22 
de  ce  même  mois  nous  nous  rendions  à  l'Hôtel-Dieu  pour  y 


—  161  — 


exposer,  en  toute  confiance  et  sincérilén,  nos  espérances,  rien 
de  plus,  et  dire  à  quelles  conditions  ces  espérances,  très- 
grandes,  redisons-le,  dans  la  première  période,  même  grave,  du 
choléra  confirmé,  nulles  ou  à  peu  près  dans  la  période  algide, 
nous  paraissaient  seulement  devoir  se  réaliser. 

M.  le  D""  Horteloup  voulut  bien  être  avec  nous  de  cet  avis  que, 
dans  les  expériences  de  cette  nature  ,  la  première  condition 
pour  réussir,  c'est  de  se  conformer  aux  errements  tracés  par 
l'auteur  et  que,  pour  juger  une  méthode,  on  ne  saurait  mieux 
faire  que  de  la  mettre  à  exécution  sous  les  yeux  mêmes  de  l'in- 
venteur. En  conséquence,  notre  très-honoré  confrère  et  maître, 
.dont  une  expérience  personnelle  nous  avait  déjà  permis  d'ap- 
précier toute  la  bienveillance  et  l'esprit  d'initiative,  consentit 
à  ce  qu'il  fût  fait  de  nouveaux  essais  avec  notre  assistance. 

Promettre  ou  affirmer  quoi  que  ce  soit  touchant  les  résultats 
futurs  du  traitement,  c'eût  été  sortir  complètement  de  notre 
réserve  habituelle,  et  M.  Horteloup  nous  rendra,  nous  l'espé- 
rons, cette  justice  que,  fidèle  ici  à  tout  notre  passé,  nous 
n'avons  jamais  parlé  et  agi  qu'en  médecin  qui  tient  par-dessus 
tout  à  rester  digne  de  son  art,  comme  de  lui-même. 

Et  d'abord  les  cholériques  absorbent-ils  encore  dans  la  pé- 
riode ultime  ? 

Ppremière  expérience.  —  Les  26  et  27  juillet,  deux  malades 
pris  dans  les  cas  les  plus  graves,  les  5  et  20  salle  Saint-Julien, 
plus  un  troisième,  n°  h,  non  moins  sérieusement  atteint,  bien 
qu'il  eût  encore  un  peu  de  pouls,  sont  soumis  à  l'action  des 
sels  de  cuivre  à  haute  dose,  dans  le  seul  but,  la  mort  nous  pa- 
raissant à  nous  imminente  pour  tous  les  trois,  de  soumettre 
plus  tard  leur  foie  à  l'analyse.  Le  n°  k  algide ,  cyanosé,  sans 
urines,  aphone,  guérit  au  prix  de  4  grammes  de  sel  cuprique 
en  potion  et  de  5  grammes  1/2  en  lavement,  et  le  n°  20  froid, 
visqueux,  sans  pouls  et  sans  urines,  succombe,  mais  après  avoir 
offert  des  signes  de  lutte  pendant  cinquante-quatre  heures. 
Quant  au  troisième  (le  n°  5) ,  qui  n'a  pu  garder  ni  potion  ni 
lavement,  sa  mort  arrive  à  la  vingt-sixième  heure  sans  aucune 
trace  de  réaction. 

Devions-nous ,  après  ce  premier  essai ,  nous  abstenir  de 
prendre  notre  part  d'une  lutte  aussi  désespérée,  et  demander 

11 


—  162  — 


qu'à  l'avenir  on  réservât  le  remède  pour  les  cas  seulement 
de  moyenne  intensité  ou  même  graves,  mais  non  encore  arrivés 
à  cette  terrible  période  de  l'algidité  et  de  la  cyanose  ? 

La  vulgaire  prudence  voulait  sans  doute  qu'il  en  fût  ainsi,  et 
un  habile  aurait  à  coup  sûr  bien  pris  garde  d'être  d'un  avis 
contraire,  mais  il  nous  fallait  à  nous  savoir  enfin  jusqu'où 
l'on  pouvait  aller,  et  voilà  pourquoi,  encouragé  d'ailleurs  par 
la  guérison  inattendue  du  n"  4,  nous  souscrivîmes  au  programme 
qui  va  suivre  : 

Deuxième  série  d'expériences.  —  Il  est  convenu  de  ne  prendre 
que  les  cas  de  moyenne  intensité  et  tous  les  cas  graves,  moins, 
bien  entendu,  les  mourants.  Les  malades  n'ayant  que  des  cho- 
léras légers,  ou  déjà  entrés  en  réaction  à  leur  arrivée,  seront 
traités  par  les  moyens  ordinaires,  aussi  bien  que  ceux  venus 
d''autres  services  avec  des  complications.  La  pharmacie  de 
l'hôpital  préparera  d'une  part  une  série  de  potions  de  120 
grammes,  contenant  30  centigrammes  de  sulfate  de  cuivre  plus 
30  grammes  de  sirop  diacode,  comme  dans  la  potion  stibiée,  et 
d'autre  part  une  solution  pour  lavement,  titrée  de  façon  à  ad- 
ministrer chaque  fois  de  /jO  à  50  centigrammes  du  même  sel. 

Dans  les  cas  légers,  potion  de  deux  heures  en  deux  heures, 
par  cuillerée  à  soupe,  et  deux  à  trois  lavements  dans  la  journée. 

Dans  les  cas  de  moyenne  intensité,  1  cuillerée  de  la  potion 
d'heure  en  heure  et  trois  à  quatre  lavements. 

Dans  les  cas  graves,  potion  de  demi-heure  en  demi-heure 
et  un  lavement  toutes  les  deux  ou  trois  heures. 

En  outre  armatures,  toutes  les  fois  que  faire  se  pourra,  et 
comme  boisson  habituelle,  glace,  eau  de  Seltz  ou  eau  vineuse 
sans  plus. 

Ce  programme  n'a  pas  toujours  été  exactement  suivi,  nombre 
de  cas  in  extremis  ont  été  traités,  aussi  bien  que  quelques  cas 
légers  {h  ou  5)  par  méprise  des  sœurs,  à  qui  seules  incombait 
le  choix  des  malades  en  dehors  des  heures  de  visite.  Ne  nous 
y  arrêtons  pas  :  historien  fidèle,  et  rien  de  plus,  bornons-nous 
en  ce  moment  à  l'exposition  scrupuleuse  des  faits.  Pour  que  le 
lecteur  ne  garde  aucun  doute  sur  leur  parfaite  autlienlicité, 
nous  dirons  que  la  copie  des  pages  qui  vont  suivre  a  été  tout 
d'abord  soumise  à  l'approbation  de  M.  Horleloup,  et  que  ce 


—  163  — 


maître  vénéré,  pour  lequel  nous  ne  saurions  exprimer  trop  haut 
notre  reconnaissance,  n'y  a  point  trouvé  une  seule  ligne  qui  ne 
fût  exactement  conforme  à  la  vérité. 

Du  7  août  au  28  inclusivement,  ont  été  soumis  aux  sels  de 
cuivre,  nous  disons  soumis  et  non  point  traités,  car,  ce  nous 
semble,  on  ne  sam'ait  appliquer  ce  mot  à  tous  les  malades  in- 
distinctement, quelques-uns  n'ayant  en  quelque  sorte  fait  que 
passer  devant  le  médicament...  soixante-neuf  cholériques,  qui, 
réunis  aux  trois  premiers,  forment  un  total  de  soixante-douze  ; 

DIX-NEUF  ONT'  GUÉRI  ET  CINQUANTE -TROIS  SONT  MORTS  ! 

Certes  si  l'on  ne  considérait  que  le  résultat  final,  cinquante- 
trois  décès  sur  soixante-douze  malades,  s'il  n'avait  point  existé 
un  programme  n'admettant  que  des  cas  graves  ou  de  moyenne 
intensité,  il  serait  inutile  d'aller  plus  loin  et  il  ne  resterait  à 
l'auteur  désabusé  qu'à  se  retrancher  désormais  derrière  la  ques- 
tion de  la  préservation  qui,  pour  lui,  n'a  pas  une  importance 
moindre  que  celle  du  traitement.  Elle  en  diffère  d'ailleurs  essen- 
tiellement, et  pas  plus  que  la  vaccine  n'a  eu  à  souffrir  des  ten- 
tatives avortées  de  ceux  qui  avaient  espéré  faire  du  cow-pox 
un  moyen  curatif  de  la  variole,  en  aucun  cas  la  préservation 
par  le  cuivre  intus  et  extra -nd  saurait  être  responsable,  ce 
nous  semble,  d'expériences  faites  en  vue  de  la  guérison  du 
choléra  par  ce  même  moyen. 

Mais  entrons  dans  les  détails,  examinons  les  faits  et  voyons 
ce  qu'ils  signifient. 

OBSERVATIONS. 

Nous  avions  commencé  par  faire  un  classement  des  obser- 
vations recueillies  d'après  la  gravité  que  nous  croyions  devoir 
attribuer  personnellement  à  chaque  cas  en  particulier,  mais 
ayant  réfléchi  que  ces  qualificatifs  ié^yers,  moyens  et  graves,  ap- 
pliqués à  des  faits  cliniques,  ne  disent  rien  que  l'appréciation 
particulière  de  celui  qui  les  emploie,  et  connTietels  sont  sujets 
à  discussion,  nous  nous  sommes  décidé  pour  la  classification 
suivante  : 

1°  Cholériques  du  premier  degré,  c'est-à-dire  tous  ceux  plus 
ou  moins  atteints  de  choléra  confirmé,  mais  tous  encore  en 


—  m  — 

bonne  puissance  d'absorption,  ou  qui  du  moins  peuvent  être 
jugés  tels  d'après  l'état  de  la  circulation,  de  la  calorificalion  et 
de  la  sécrétion  urinaire,  et  n'ayant  eu  au  plus  que  Tune  de  ces 
trois  importantes  fonctions  gravement  atteinte  ou  même  sup- 
primée. 

2°  Cholériques  du  deuxième  degré,  tous  les  cas  ayant  offert 
une  suppression  complète  de  deux  de  ces  fonctions,  et  par  con- 
séquent une  atténuation  déjà  grande  des  facultés  d'absorption. 

3"  Cholériques  du  troisième  degré,  ceux  tout  à  la  fois  sans 
pouls,  sans  urines  et  algides. 

Les  cas  de  chaque  degré  ou  catégorie  seront  rangés  ensuite 
par  ordre  de  leur  gravité  relative  ;  le  n°  en  chiffres  romains 
de  l'observation  exprimera  lui-même  cette  gravité. 

1°  Cholériques  du  premier  degré  (18), 
16  GUÉRisoNS,  (14  hommes  et  2  femmes)  ;  et  2  décès. 

GUÉRISONS. 

Obs.  I.  —  Saint-Julien,  n"  5.  Delphin,  trente  et  un  ans,  fabricant  de 
peignes,  entré  le  '10  août.  Pris  le  matin  mème,  cas  léger;  le  soir  à 
huit  heures  réaction  vive.  Exeat  le  4  2. 

Traitement  :  1  potion,  2  lavements. 

Obs.  II.  —  Sainte-Anne,  n»  27.  Femme  Martin,  vingt-six  ans, 
repasseuse,  entrée  le  2'1.  Malade  depuis  le  19,  cas  léger.  Exeat  le  27. 
Traitement  :  1  potion  et  2  lavements. 

Obs.  111.  Décès.  (V.  plus  loin.) 

Obs.  IV.  —  Saint-Julien,  n°  6.  Chabert,  dix-huit  ans,  garçon  de 
magasin,  entré  le  '18.  Diarrhée  le  16,  vomissements,  selles  et  crampes 
toute  la  nuit  du  '17  au  '18.  A  son  arrivée  408  pulsations,  froid  aux 
extrémités,  teinte  cyanique  des  mains  et  du  visage,  crampes  très- 
fortes,  agitation,  peur  de  mourir.  Exeat  le  2'!. 

Traitement  :  1  potion  et  3  lavements. 

Obs.  V.  —  Saint-Julien,  n°  '18.  Provost,  vingt-cinq  ans,  garçon 
limonadier,  ontré  le  10.  Diarrhée  depuis  huit  jours.  9  selles,  pou 
de  vomissements  et  de  crampes.  Sa  maladie  se  compliqué  plus  tard 
do  diphlhérie  et  d'accidents  typhiques.  Exeat  le  28. 

Traitement  :  2  potions  '1/2  et  6  lavements. 


-  165  — 

Obs.  VI.  —  Sainf-Julien,  n»  22.  Pécheux,  vingt  et  un  ans,  garçon 
maçon,  entré  le  iO.  Diarrhée  depuis  deux  jours.  Le-IQ  vomissements, 
puis  crampes.  A  son  arrivée,  pouls  à  110,  froid.  Exeat  le  24. 

Traitement  :  1  potion  1/2  et  4  lavements. 

Obs.  VII.  Décès.  (V.  plus  loin.) 

Obs.  VIII.  —  Saint-Julien,  n»  11.  Michon,  vingt-six  ans,  maçon, 
entré  le  20.  Malade  depuis  le  16,  soigné  à  domicile.  Le  21,  encore 
quelques  selles  caractéristiques.  Potion  et  lavements  jusqu'au  22. 
Exeat  le  27.  Traitement  :  3  potions  et  5  lavements. 

Obs.  IX.  —  Sainte-Anne,  n"  26.  Femme  Suzanne,  vingt-quatre  ans, 
couturière,  entrée  le  21.  Malade  de  la  veille;  froide,  beaucoup  de 
dévoiement,  beaucoup  de  vomissements  et  de  crampes,  yeux  excavés, 
voix  très-affaiblie,  pas  d'urines. 

22.  La  malade  a  pris  3  potions  et  4  lavements,  pas  de  selles  depuis 
la  veille,  mais  vomissements  abondants;  la  potion  n'y  paraissant  pas 
étrangère,  on  la  supprime  et  l'on  se  borne  a  prescrire  2  lavements. 

23  et  24.  Les  selles  ne  se  renouvellent  pas,  mais  les  vomissements 
persistent  malgré  divers  moyens;  ils  n'ont  rien  de  caractéristique  et 
semblent  être  de  nature  spasmodique.  On  finit  par  en  avoir  raison, 
et  exeat  le  4  septembre.  Traitement  :  3  potions  et  3  lavements. 

Obs.  X.  —  Saint-Julien,  n"  2.  Mostack,  quarante-neuf  ans,  terrassier, 
entré  le  9.  Malade  depuis  trois  jours;  la  veille  14  selles;  vomisse- 
ments le  soir,  crampes  toute  la  nuit.  A  l'arrivée,  demi-algidité,  voix 
cassée,  anurie,  mais  pouls.  Le  10,  le  malade  passe  aux  convalescents. 
Exeat  le  12.  Traitement  :  3  potions,  6  lavements. 

Obs.  XI.  —  Saint-Julien,  n°  13.  Gonet,  vingt-deux  ans,  garçon 
de  magasin,  entré  le  21.  Malade  depuis  le  20;  vomissements,  selles 
et  crampes  toute  une  partie  de  la  nuit.  A  son  arrivée,  froid  et  cyanose 
commençante,  pouls  très-faible. 

23.  La  médication  est  déjà  devenue  inutile. 

24  et  25.  Quelques  phénomènes  congestifs,  saignée.  Exeat  le  28. 
Traitement  :  4  potions  et  six  lavements. 

Obs.  XII.  —  Saint-Julien,  n"  1.  Dubois,  vingt-cinq  ans,  marbrier, 
entré  le  9.  Diarrhée  depuis  deux  jours.  Le  8,  selles  fréquentes,  vomis- 
sements et  crampes  le  .soir.  A  l'entrée,  pouls  faible  à  84,  peau  froide, 
légère  altération  do  la  voix,  pas  d'urines  depuis  la  veille  au  matin, 
crampes  féroces. 

41.  Retour  des  urines;  on  suspend  la  potion,  2  lavements  seule- 
ment. Accidents  cérébraux  consécutifs  graves  qui  nécessitent  2  appli- 
cations de  sangsues  et  2  saignées.  Exeat  le  17. 

Traitement  :  4  potions  et  7  lavements. 


—  166  — 


Obs.  XIII.  —  Saint-Julien,  n"  2.  Colomès,  vingt-six  ans,  boulanger, 
entré  le  11.  Malade  depuis  trois  jours,  vomissements  et  crampes  depuis 
la  veille,  pouls  petit  à  120,  froid,  yeux  excavés,  urines  supprimées. 
Accidents  consécutifs  graves,  vésicatoire,  sangsues,  saignée;  retour 
des  urines  le  16  seulement.  Exeat  le  24. 

Traitement  :  4  potions  et  9  lavements. 

Obs.  XIV.  —  Saint-Julien,  n"  4.  Milon,  seize  ans,  cuisinier,  entré 
le  17.  Diarrhée  depuis  le  14.  Le  malade  étant  encore  chaud  et  ayant 
du  pouls  reçoit  ipéca  à  son  entrée.  Dans  la  journée,  les  accidents 
continuent  à  se  montrer.  Le  soir,  refroidissement,  suppression  d'uri- 
nes, menace  de  l'algidilé.  On  prend  alors  le  traitement  par  le  cuivre. 

18.  Le  malade  urine,  mais  pouls  à  120. 

19.  Ni  selles  ni  vomissements  depuis  la  veille;  on  arrête  le  trai- 
tement. 

20.  72  pulsations;  un  peu  de  somnolence.  Les  jours  suivants,  acci- 
dents consécutifs  menaçants  du  côté  du  cerveau.  Exeat  le  28. 

Traitement  :  3  potions  et  6  lavements. 

Obs.  XV.  —  Saint-Julien,  n"  lO.  Bureau,  trente-deux  ans,  tailleur 
de  pierres,  entré  le  9,  venant  de  la  salle  Sainte-Jeanne,  oii  traité 
sans  aucun  succès  depuis  le  6.  Selles  et  vomissements  continuent, 
112  pulsations,  un  peu  de  froid  et  de  cyanose,  constriction  très-vive 
à  la  base  de  la  poitrine,  abattement  extrême. 

Le  4  2  au  matin  déjà  il  urine;  on  suspend  le  traitement. 

13.  Signes  congestifs,  sangsues  et  saignée.  Exeat  le  15. 

Traitement  :  3  potions  et  7  lavements. 

Obs.  XVI.  —  Saint-Julien,  n»  21.  Briau,  trente-deux  ans,  con- 
cierge, entré  le  8.  Malade  depuis  trois  jours.  Pouls  petit  à  110,  froid, 
cyanose  des  extrémités,  un  peu  de  viscosité,  voix  cassée,  yeux  caves, 
bourdonnements  d'oreilles,  crampes  Irès-fortes,  très-peu  d'urines. 
Potion  de  demi-heure  en  demi-heure. 

Le  9,  mieux  très-marqué,  pouls  à  96,  réaction  franche. 

40.  Mieux  encore,  une  seule  garde-robe  depuis  la  veille.  On  le  fait 
passer  au  n"  13  des  convalescents,  et  l'on  arrête  le  traitement.  Dans 
la  nuit,  retour  des  accidents  :  6  garde-robes,  2  vomissements. 

Le  11  au  matin,  pouls  petit,  voix  altérée  de  nouveau,  froid,  bour- 
donnements d'oreilles.  On  reprend  le  traitement,  potion  d'heure  en 
heure,  4  lavements  dans  la  journée.  Le  soir,  le  malade  est  déjà  mieux, 
il  urine  (depuis  le  retour  des  accidents  cela  ne  lui  était  point  encore 
arrivé),  réaction  franche,  80  pulsations. 

12.  L'amélioration  continue. 

13.  Deux  selles  seulement  depuis  la  veille,  dont  la  dernière  déjà 
molle;  suppression  de  la  potion,  2  lavements,  potage.  Exeat  le  16. 


—  167  — 
traitement  :  8  potions  et  14  lavements. 

Briau  ne  vomissait  pas  après  la  potion;  il  n'ajamais  accusé  aucune 
sensation  qui  pût  être  rapportée  au  remède,  cependant  il  a  pps  ?  gr. 
40  cenlig.  de  sulfate  de  cuivre. 

Obs.  XVII.  —  Saint-Julien,  n«  24.  Martinoli,  vingt-neuf  ans,  vilner, 
entré  le  46.  Malade  depuis  le  14.  Selles  continuelles  dans  la  nuit  du 
15  au  '16-  les  vomissements  existent  depuis  le  matin  seulement,  les 
crampes  étaient  venues  la  veille.  Le  soir,  à  l'entrée,  vomissements 
très-abondants,  selles  fréquentes  caractéristiques,  pouls  très-peu  sen- 
sible à  120,  froid,  un  peu  de  cyanose  et  de  viscosité,  suppression  des 
urines,  voix  éteinte,  crampes. 

Dès  le  lendemain  17,  réaction  bonne,  la  voix  revient. 

18.  Deux  selles  et  un  seul  vomissement  depuis  la  veille.  Bouillon, 
plus  de  potion  ,  lavement  seulement. 

19.  Pouls  à  72,  bon. 

20.  La  convalescence  se  prononce,  reste  du  hoquet. 

21.  Bien;  passe  au  n°  17  des  convalescents.  Exeat  le  22. 
Traitement  :  4  potions  et  une  dizaine  de  lavements. 

Obs.  XVIII.  —  Saint-Julien,  n"  22.  Meriglier,  trente  ans,  sergent 
de  ville,  entré  le  9.  Diarrhée  depuis  trois  jours,  cyanose  des  extré- 
mités, froid,  algidité  commençante,  anurie  complète  depuis  la  veille, 
pouls  oscillant  à  120,  vomissements  abondants,  crampes  très-fortes. 

12.  Retour  des  urines,  plus  de  vomissements,  trois  selles  seule- 
ment depuis  la  veille,  voix  revenue,  mais  un  peu  de  somnolence  : 
saignée  préventive,  suspension  de  la  potion,  continuation  des  lave- 
ments, deux  par  jour.  Exeat  le  18. 

Traitement  :  5  potions  et  11  lavements. 

Nota.  —  Ces  cinq  derniers  malades  étaient  tout  à  fait  sur  les 
limites  du  deuxième  degré. 

DÉCÈS. 

Obs.  m.  —  Saintr-Julien,  n"  4.  Hue,  vingt-sept  ans,  cartonnier, 
entré  le  13.  Malade  depuis  quatre  jours,  venu  par  la  Préfecture  de 
police,  qui  l'avait  trouvé  sans  asile.  La  veille  de  son  entrée,  6  garde- 
robes  seulement. 

60  pulsations,  chaleur  bonne,  urines  conservées,  quelques  crampes, 
peu  de  vomissements.  La  misère  semble  avoir  fait  tout  le  mal. 
On  lui  donne  la  potion  de  2  en  2  heures  seulement,  et  2  lavements 
14.  Les  phénomènes  cholériques  proprement  dits  ont  fait  place  à 
un  hoquet  persistant;  76  pulsations,  hébétude,  signes  de  congestion. 
On  se  borne  à  donner  2  lavements. 


—  168  — 

15.  Ni  selles  ni  vomissements,  mais  les  phénomènes  conges^s 
augmentent,  la  respiration  s'embarrasse.  Mort  le  46  dans  la  journée. 
Traitement  :  i\  polion  1/2  et  4  lavements. 

Obs.  vu.  -  Saint-Julien,  n"  19.  Houdebert,  trente-cinq  ans, 
journalier,  entré  le  .18.  Diarrhée  depuis  le  15.  Dans  la  nuit  du  V6 
au  16,  presqu'eii  même  temps,  vomissements  et  crampes.  A  son  entrée 
un  peu  de  froid  sec,  80  pulsations  petites,  abattement,  mais  urines 
conservées,  très-peu  de  crampes,  état  somme  toute  peu  inquiétant.  En 
conséquence,  potion  d'heure  en  heure  d'abord ,  puis,  après  quelques 
cueillerées,  de  deux  heures  en  deux  heures  seulement  et  2  lavements. 

19.  Pouls  bon,  peau  chaude;  trois  selles  depuis  la  veille.  On  le  passe 
au  n"  15  des  convalescents.  1  lavement  conditionnel  seulement. 

20.  Bien,  un  peu  de  somnolence,  pas  même  de  lavement,  bouillon 
et  potage. 

21.  Bien  continue,  mai.s  toujours  somnolence,  abattement.  On  con- 
tinue l'alimentation. 

22.  Pouls  fréquent,  rougeur  de  la  face,  respiration  suspirieuse. 

23.  L'état  cérébral  s'aggrave;  mort  dans  la  journée. 
Traitement:  2  potions  et  5  lavements. 

En  outre  de  ces  18  cas,  il  en  est  un  19"  qu'on  a  mis  au 
compte  de  la  médication,  mais  qui,  comme  on  va  le  voir,  mé- 
rite une  place  tout  à  fait  à  part.  Il  s'agit  d'un  certain  Brottin, 
ouvrier  tuliste,  âgé  de  27  ans,  entré  le  13  août  au  n°  7  de 
Saint-Julien,  pour  un  choléra  presque  léger.  Il  n'avait  suppres- 
sion d'aucune  grande  fonction.  —  Traité  à  son  arrivée  par  la 
potion  et  les  lavements,  2k  heures  après,  le  1/,,  déjà  pres- 
que plus  ni  vomissements,  ni  selles  (la  dernière  avait  eu  lieu 
à  minuit)  et  pouls  à  80.  Aussi  potion  de  deux  heures  en 
deux  heures  seulement,  et  deux  lavements  pour  toute  la 
journée  du       Vers  le  soir,  Brottin,  bien  qu'il  n'ait  encore 
pris  que  trois  potions,  est  saisi  d'un  invincible  dégoût  pour  le 
remède  ;  il  le  vomit  chaque  fois,  et  les  lavements  eux-mêmes 
sont  si  mal  tolérés,  que  le  lendemain  15,  on  supprime  tout  le 
traitement  qui,  du  reste,  semble  devenu  à  ce  moment  inutile, 
car  point  d'autres  symptômes,  depuis  la  veille,  que  les  vomis- 
sements, à  l'occasion  de  la  potion,  et  une  garde-robe  après 
chaque  lavement,  et  l'on  se  borne  à  prescrire  bouillon  et  eau 
vineuse. 

La  journée  du  15  se  passe  bien,  mais  dans  la  nuit  les  selles 


—  169  — 

reparaissent  :  du  1 6  au  17  au  matin,  il  y  en  a  plus  de  20  et  déjà 
aussi  les  vomissements  reviennent. 

Alors,  traitement  par  bismuth  et  ratanhia, 

18,  le  malade  est  mieux  :  19,  l'amélioration  continue,  le 
20,  2  selles  demi-consistantes;  depuis  la  veille  plus  de  symp- 
tômes cholériques  proprement  dits,  mais  de  la  difficulté  dans 
la  respiration  ;  21,  respiration  anxieuse,  un  peu  de  délire  et 
dans  la  journée,  mort  rapide. 

A  l'autopsie  l'on  trouve  une  pneumonie  double  de  la  base, 
suppurée  en  divers  points  :  quant  à  la  muqueuse  stomacale, 
elle  n'offre  rien  de  particulier,  pas  plus  que  celle  du  rectum 
qui  s'était  montrée  non  moins  rebelle  au  remède. 

Cette  observation  ne  montre,  ce  nous  semble,  en  ce  qui  nous 
concerne,  qu'une  chose  et  une  chose  très-précieuse...  C'est 
que,  dans  les  premiers  moments,  les  phénomènes  cholériques 
se  sont  arrêtés  ici,  comme  dans  tous  les  autres  cas,  devant  le 
cuivre,  pour  reparaître  ensuite  aussitôt  que,  par  une  idio- 
syncrasie  particulière  du  malade ,  le  remède  a  cessé  d'être 
toléré...  Quant  au  résultat  final,  en  bonne  justice,  qui  oserait 
en  rendre  responsable  le  traitement  ? 

Total  donc,  à  notre  compte,  16  hommes  et  2  femmes,  sur  les- 
quels sont  morts  seulement  2  des  moins  frappés,  et  morts  de 
quoi  et  comment?  l'un  n°  vu,  de  phénomènes  congestifs,  arri- 
vés alors  que  le  malade  était  déjà  passé  dans  la  salle  des  con- 
valescents et  qu'il  commençait  à  manger,  et  l'autre,  le  n°  ni, 
encore  moins  atteint  que  le  précédent,  mort  beaucoup  de  mi- 
sère et  un  peu  de  semblables  phénomènes  consécutifs,  arrivés 
en  dehors  de  tout  phénomène  cholérique  proprement  dit  et  au 
moment  où,  lui  aussi,  allait  passer  à  la  convalescence. 

Pour  ce  qui  est  des  16  autres  malades,  tous,  aussi  bien  ceux 
qui  avaient  perdu  leurs  urifies  que  ceux  qui  les  avaient  con- 
servées, tous  ont  guéri  sans  hésitation.  Chez  tous,  sans  excep-^ 
lion,  les  phénomènes  cholériques  ont  été  enrayés,  aussitôt 
ou  peu  après  la  prise  du  remède,  et  qu'il  y  eût  eu  vomisse- 
ment ou  non  lors  des  premières  doses,  pas  un  ne  s'est  avancé 
d'un  degré  de  plus  vers  la  période  algide.  Entre  temps,  l'on  a 
vu,  au  contraire,  des  cas  jugés  légers  à  l'entrée  des  malades, 


—  170  — 

et  traités  en  conséquence  par  l'ipéca  et  les  autres  moyens, 
continuer  à  suivre  une  marciie  fatale.  Ainsi  est-il  arrivé  pour 
un  n°  26  de  la  salle  Saint- Anne,  et  ainsi  aurait  fini  peut-être 
le  n»  4,  Saint-Julien  (obs.  xiv),  qui,  repris  en  sous-œuvre  par 
les  sels  de  cuivre,  au  moment  où  il  entrait  dans  l'algidité,  a 
guéri,  grâce  à  Dieu. 

Notons  maintenant  ceci,  comme  assurément  très-digne  d'at- 
tention, que  le  ri»  21  (obs.  xvi),  chez  lequel  on  avait  suspendu 
un  peu  trop  tôt  la  médication,  repris  assez  sérieusement,  pen- 
dant la  nuit  du  10  au  11,  a  vu  les  accidents  s'arrêter  de  nou- 
veau devant  l'emploi  des  mêmes  moyens,  potion  toutes  les 
heures  et  lavement  toutes  les  3  ou  4  heures.  Notons  que  le 
n°  7,  chez  lequel  les  accidents  avaient  été  conjurés  en  un  jour  ^ 
par  les  sels  de  cuivre,  n'ayant  pu  conserver  ensuite  ni  potion 
ni  lavement,  moins  de  24  heures  après  il  y  avait  déjà  5  selles, 
et  le  surlendemain  plus  de  20. 

Ces  deux  faits  de  la  réapparition  des  symptômes  peu  après 
la  suspension  prématurée  du  médicament,  ne  sont  pas  malheu- 
reusement les  seuls.  Il  en  est  un  troisième  plus  douloureux 
encore,  car  il  s'agit  d'une  malade  n»  10,  Sainte-Anne,  qui  est 
morte  après  avoir  été  guérie  une  première  fois.  11  en  sera 
question  un  peu  plus  loin. 

Notons  enfin  que,  chez  aucun  des  malades  de  cette  série, 
jamais  le  traitement  n'a  donné  lieu  à  d'autre  accident  que 
celui  résultant  de  l'action  physiologique  du  remède.  Plusieurs 
ont  vomi,  c'est  vrai,  malgré  l'addition  de  l'opium  :  il  ne 
pouvait  guère  en  être  autrement,  puisque  les  sels  de  cuivre 
sont  un  des  vomitifs  les  plus  sûrs  que  nous  possédions,  mais 
les  choses  se  sont  passées  encore  ici,  généralement  comme  avec 
la  potion  stibiée  dans  le  traitement  de  la  pneumonie  :  après 
avoir  vomi  la  potion  au  début,  ces  malades  ont  fini  par  s'y  ha- 
bituer parfaitement. 

2"  Cholériques  du  deuxième  degiié,  9. 

2  GOÉRISONS  ET  7  DÉCÈS. 

GUÉnisoNS  (2  hommes). 
Obs.  XXIIl.  —  Saint-Julien,  n"].  Riabotlo,  vingt-sept  ans,  maçon. 


—  171  — 

entré  le  16.  Diarrhée  depuis  quinze  jours,  mais  malade  surtout  depuis 
huit.  Il  accuse  10  garde-robes  en  moyenne  par  jour.  Le  14,  crampes 
et  vomissenjents  :  ceux-ci  ont  persisté  toute  la  nuit.  A  l'entrée  du 
malade,  pas  de  pouls,  120  à  l'arlère  crurale,  algidité,  cyanose  géné- 
rale, aphonie  complète,  viscosité  ;  le  visage  perle  comme  un  alcarraza. 
Riabotle  dit  cependant  avoir  encore  uriné.  Le  traitement  est  immédia- 
tement commencé.  Potion  de  demi-heure  en  demi-heure,  lavements. 
Le  soir  le  malade  n'en  est  encore  qu'^  la  2*  potion,  et  il  s'est  déjà  ré- 
chauffé, le  pouls  a  reparu. 

17.  Réaction  des  meilleures,  chaleur  modérée,  disparition  de  la 
cyanose,  assèchement  de  la  peau.  Pouls  bon,  à  88.  Le  malade  a  uriné 
abondamment,  et  la  matière  des  garde-robes  commence  à  s'épaissir  : 
3  potions  e*t  4  lavements  depuis  le  16. 

18.  Le  bien  continue,  pouls  à  84,  un  peu  de  ténesme  rectal.  Le  ma- 
lade a  vomi  depuis  hier  la  valeur  d'une  demi-cuvette;  il  accuse  en- 
core un  peu  de  soif.  Potion  seulement  de  deux  heures  en  deux  heures, 
2  lavements. 

19.  Suppression  de  la  potion.  Riabotte  s'agite,  sangsues  le  soir. 
"20.  80  pulsations,  peau  chaude,  plus  rien  de  cholérique  d'aucun 

côté,  hoquet  seulement. 

21.  Un  peu  de  délire  maniaque.  Le  malade  troublant  le  repos  de  la 
salle  est  dirigé  sur  Bicètre. 

Traitement  :  6  potions  et  10  lavements. 

Obs.  XXIV.  —  Saint-Julien,  n°4.  Richard,  trente-neuf  ans,  chapelier, 
entré  le  27  juillet.  Pris  subitement  le  matin  vers  six  heures  (cinq  heures 
seulement  avant  son  entrée)  :  à  cinq  heures  du  soir,  déjà  40  selles  au 
moins,  tandis  que  vomissements  rares,  crampes  très-fortes,  exca- 
vation des  yeux,  surdité,  aphonie,  refroidissement,  cyanose  des 
jambes,  des  bras  et  du  visage,  pouls  encore  sensible  mais  petit  et 
fréquent  (il  n'a  pas  été  compté),  la  peau  a  perdu  son  ressort.  Traite- 
ment par  le  cuivre  intus  et  exlra,  mais  nous  n'y  portons  pas  grande 
attention,  car  le  cas  nous  paraît  à  nous  désespéré,  et  nous  nous  occu- 
pons surtout  de  lui  calmer  ses  crampes. 

28.  Le  malade  existe  encore!..  Il  a  pris  3  potions  et  5  lavements;  il 
est  resté  avec  ses  anneaux  de  cuivre  qui  lui  ont  fait  grand  bien,  dit-il. 
Nous  attendons. 

29.  3  nouvelles  potions  et  5  lavements,  en  tout  plus  de  3  grammes 
de  sel  de  cuivre  en  24  heures.  Les  selles  ont  commencé  à  prendre  de 
la  consistance.  Pouls  à  80  presque  plein,  moins  de  surdité,  la  peau 
recouvre  son  élasticité,  la  voix  est  un  peu  revenue,  mais  yeux  encore 
excavés  et  toujours  pas  d'urine. 

30.  2  potions  1  /2,  3  lavements  depuis  la  veille.  60  pulsations,  tem- 


—  172  — 

pérature  normale,  soif  très-diminuée,  },'!irde-robes  de  plus,  en  plus 
consistantes,  mais  pas  encore  d'urines.  Dans  la  journée  menace  de 
congestion  :  le  soir  injection  des  yeux,  sangsues  derrière  les  oreilles. 

1"  août.  2  potions  et  2  lavements  depuis  hier.  Le  matin  le  malade 
urine  abondamment,  voix  normale,  selles  brunes,  demi-consistantes. 

2.  Par  précaution  encore  1  potion  et  1  lavement.  Le  malade  est  en 
pleine  convalescence.  Exeat  le  4. 

Richard  a  pris  en  tout  12  potions  1/2  et  16  lavements.  Jamais  il  n'a 
accusé  quoi  que  ce  fût  du  côté  de  l'eslomac,  et  cependant,  à  l'inverse 
de  beaucoup  d'autres  malades,  il  a  toujours  gardé  le  remède. 

DÉCÈS  (6  hommes  et  1  femme). 
Obs.  XIX.  —  Saint-Julien,  n»  11.  Chavagnac,  22  ans,. cuisinier, 
entré  le  16.  Début  brusque,  à  six  heures  du  malin  :  diarrhée  et  vomis- 
sements d'abord,  puis  crampes.  Quatre  heures  après  le  début,  à  10  h., 
pouls  petit  à  120,  les  yeux  commencent  à  s'excaver,  mais  le  froid 
a  fait  peu  de  progrès,  il  y  a  même  une  certaine  chaleur  accompagnée 
de  sueur  abondante  qui  perle  au  visage,  voix  peu  altérée,  le  malade  a 
encore  uriné.  En  raison  de  cet  étal,  la  mère  de  la  salle  est  engagée  à 
ne  donner  la  potion  que  de  deux  heures  en  deux  heures.  Le  soir,  à 
la  visite,  plus  de  pouls,  plus  d'urines,  la  peau  est  sans  ressort,  cva- 
nose.  Les  sueurs  continuent  visqueuses,  tièdes  sur  un  point,  froides 
sur  un  autre.  La  voix  a  baissé,  mais  sans  grande  altération,  forme 
inaccoutumée.  Potion  de  demi-heure  en  demi-heure,  3  lavements. 
•  17.  Le  pouls  a  reparu,  la  réaction  commence  à  se  faire.  4  selles 
jusqu'au  matin  :  depuis  la  veille  un  ou  deux  vomissements.  Ce  malin, 
diminution  notable  des  crampes.  Potion  d'heure  en  heure,  4  lave- 
ments. 

1 8.  Pouls  à  1 00.  Plus  de  cyanose,  plus  de  viscosité  ;  coloration,  tem- 
pérature et  tonicité  presque  normales;  la  voix  a  repris  tout  son  timbre. 
Potion  de  deux  heures  en  deux  heures.  Le  soir,  à  la  visite,  3  selles 
en  tout,  depuis  le  matin  et  presque  plus  de  vomissements,  pouls  à  88. 

19.  Température  bonne,  pouls  à  84,  bien  du  côté  des  selles  et  vo- 
missements, mais  pas  encore  d'urinos.  Bouillon,  plus  do  potion,  1 
lavement  seulement. 

20.  Retour  des  urines,  faciès  et  pouls  bons,  2  selles  semi-liquides, 
1  lavement  conditionnel,  potages. 

21.  Affaissement  depuis  la  veille,  72  pulsations,  respiration  suspi- 
rieuse.  Vésicatoire  à  la  nuque. 

22.  Un  peu  de  délire,  agitation  (mais  plus  rien  du  côté  du  ventre 
ou  de  l'estomac),  sangsues.  Dans  la  journée,  l'état  cérébral  s'aggrave 
de  plus  en  plus.  Mort  le  23  à  5  heures  du  malin. 


—  173  — 


Traitement  :  5  potions  et  9  lavements, 

A  l'autopsie  nous  trouvons  l'estomac  encore  plein  de  café  et  de  vin 
qu'on  avait  donnés  pour  réveiller  le  malade;  le  gros  intestin  contient 
des  matières  en  purée  épaisse  de  couleur  presque  normale. 

Rien  à  noter  du  côté  dés  muqueuses  qu'un  peu  d'arborisation, 
comme  toujours. 

Obs.  XX.  Saint-Julien,  n"  22.  Buccas,  placier,  entré  le  16.  Malade 
delà  veille  au  soir,  plus  de  30  selles  avant  son  entrée  :  à  8  heures  du 
soir,  froid,  cyanose  des  extrémités,  plus  de  pouls,  suppression  des 
urines,  aphonie,  beaucoup  de  crampes,  1  vomissement  sous  nos 
yeux,  c'est  le  seul.  Un  degré  de  plus  de  froid  et  de  cyanose,  et  ce 
malade  aurait  dû  prendre  place  dans  les  cas  du  troisième  degré. 

Potion  de  demi-heure  en  demi-heure. 

17.  Le  malade  a  pris  2  potions  et  3  lavements.  Réaction  bonne,  80 
pulsations,  encore  quelques  crampes,  et  7  à  8  selles.  Potion  d'heure 
en  heure  d'abord,  puis  de  deux  heures  en  deux  heures,  lavements. 

18.  Bien,  pouls  bon  à  64,  mais  un  peu  fort.  3  selles  depuis  la  veille, 
la  dernière  déjà  un  peu  consistante.  Suppression  de  la  potion,  2  la- 
vements seulement. 

19.  Passe  dans  la  salle  des  convalescents,  au  n"  14.  Le  soir,  cha- 
leur, rougeur  de  la  face,  accélération  du  pouls,  un  peu  de  somno- 
lence, 1  saignée.  Dans  la  nuit  le  malade  urine  pour  la  première  fois 
depuis  le  15  au  soir. 

20.  Pouls  tombé  à  64,  mais  un  peu  de  sub-délirium,  le  malade 
s'agite,  respiration  suspirieuse  :  sangsues  derrière  les  oreilles.  Mort 
dans  la  nuit. 

Traitement:  4  potions  et  9  lavements. 

A  l'autopsie,  pneumonie  double  de  la  base,  suppurée  en  divers 
points.  Rien,  même  vers  les  derniers  moments,  n'avait  fait  soupçon- 
ner l'existence  de  cette  lésion. 

Devons-nous  prendre  à  la  charge  de  notre  traitement  la  môrt  de 
Buccas,  survenue  par  pneumonie  dans  la  convalescence  du  choléra,  et 
perdre  le  bénéfice  du  succès  si  remarquable  des  trois  premiers  jours? 

Obs.  XXL  Saint-Julien,  n"  10.  Simon,  21  ans,  horloger,  entré  le 
48,  venant  d'une  autre  salle  (Sainte-Madeleine),  où  il  avait  été  traité 
inutilement  depuis  lo  15. 

Vomissements  fréquents,  selles  caractéristiques,  pas  de  pouls,  al- 
gidilé,  cyanose  aux  extrémités,  aphonie,  narines  pulvérulentes,  mais 
encore  un  peu  d'urines.  Potion  de  demi-heure  en  demi-heure,  et 
lavements. 

19.  Amélioration  considérable.  Pouls  à  96,  réaction  bonne,  2  ou  3 
selles  et  vomissements  seulement  depuis  la  veille,  urines  normales. 


—  17/j  — 


Potion  d'heure  en  heure  d'abord  et  plus  tard  de  deux  heures  en  deux 
heures,  3  lavements. 

20.  Le  mieux  se  maintient,  6  selles  depuis  la  veille,  2  ou  3  vomis- 
sements après  la  potion. 

,21.  88  pulsations,  plus  de  selles  ni  de  vomissements.  Le  malade 
dit  se  trouver  bien,  mais  il  est  endormi.  Suppression  de  la  potion. 

22.  84  pulsations,  respiration  lente,  œil  atone,  somnolence.  Mort 
dans  la  soirée. 

Traitement:  6  potions  et  11  lavements. 

Obs.  XXII.  Saint-Julien,  n»  23.  Martin,  vingt-quatre  ans,  menui- 
sier, entré  le  7  août  à  4  heures,  malade  depuis  la  veille.  Selles  carac- 
téristiques très-fréquentes,  vomissements  depuis  le  malin,  crampes 
très-fortes,  extrémités  froides,  cyanosées,  sueur  visqqeuse  sur  le 
cou  et  au  visage,  pas  d'urines,  presque  plus  de  pouls,  yeux  profondé- 
ment excavés,  voix  cassée,  grande  prostration. 

8.  A  pris  3  potions  et  3  lavements  :  pouls  à  116,  filant  et  petit.  Les 
vomissements  ont  cessé,  il  y  a  eu  diminution  des  crampes,  mais  les 
selles  persistent  (12  depuis  la  veille)  ainsi  que  le  froid,  la  viscosité  et 
l'absence  d'urines  :  en  outre  assoupissement,  anxiété  péricordiale 
très-vive.  Le  soir,  nous  n'espérons  plus  retrouver  le  malade  ;  il  est  en 
bonne  réaction,  et  la  mère  lui  a  déjà  fait  prendre  un  potage!...  à 
S  heures  la  réaction  devient  menaçante,  .saignée,  on  éloigne  la  potion. 

9.  Pouls  et  chaleur  bons,  plus  de  vomissements,  quelques  selles  seu- 
lement. Le  soir  chaleur  à  la  face,  un  peu  de  somnolence  :  sangsues 
aux  apophyses  mastoïdes,  suppression  du  traitement. 

10.  L'agitation  persiste  :  ventouse  Junod,  vésicatoire  à  la  nuque, 
le  soir  plus  calme. 

^|\.  Bien,  80  pulsations.  La  dernière  garde-robe  était  de  bonne  cou- 
leur et  consistante.  Le  malade  demande  à  manger.  Le  soir  nouveaux 
signes  congestifs,  nouvelle  saignée. 

k  l'heure  de  la  visite,  Martin  paraît  bien,  il  est  réveillé,  il  ré- 
pond pertinemment  et  avfc  une  certaine  vivacité.  Il  mange  sa  soupe. 
Peu  après  plaintes,  agitation,  difficulté  de  respirer,  et  à  6  heures  du 
soir  la  mort  arrive. 

Traitement:  7  potions  et  12  lavements. 

Autopsie,  le  14:  Pneumonie  suppurée  du  lobe  supérieur  droit.  La 
vessie  renferme  presque  1  litre  d'urine.  La  muqueuse  stomacale  et 
rectale  sont  en  bon  état.  Celle-ci  contient  des  excréments  en  bouillie 
épaisse  et  brune. 

Obs.  XXV.  — Saint-Julien,  n°  19.  Mauregard,  vingt-six  ans,  élève 
en  pharmacie,  entré  le  8.  Malade  depuis  le  6,  traité  en  ville  chez  son  pa- 
tron par  beaucoup  d'opium  et  de  bismuth.  A  son  arrivée^  le  malin,  il  a 


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encore  pouls  et  chaleur,  ce  que  voyant,  on  se  borne  à  prescrire  la 
potion  d'heure  en  heure,  mais  quelques  heures  après  signes  les  plus 
complets  du  troisième  degré  :  on  hâte  alors  les  prises  du  remède  et 
l'on  répète  les  lavements. 

9.  On  sent  le  pouls,  le  malade  se  dit  mieux,  mais  encore  froid. 
Réaction  incomplète. 

10.  Somnolence,  phénomènes  cérébraux,  pas  d'urines,  viscosité. 

11.  Mort  dans  le  coma.  Traitement:  9  potions  et  13  lavements. 
Obs.  XXVI.  —  Saint-Julien,  n"  9.  Laborde,  vingt-neuf  ans,  tapis- 
sier, entré  le  18,  vers  3  heures  du  soir. 

Renseignements  impossibles  à  obtenir  :  Laborde  est  sourd-muet. 

A  8  heures  du  soir,  108  pulsations  faibles,  cyanose,  mais  sans  froid 
très-marqué,  suppression  d'urines,  prostration  profonde,  très-peu  de 
vomissements,  de  temps  en  temps  seulement  crampes,  selles  assez  fré- 
quentes mais  d'aspect  typhique,  poisseuses,  noirâtres  :  le  malade  pa- 
raît très-épuisé. 

19,  au  matin.  Le  pouls  a  disparu,  l'abattement  est  plus  grand  en- 
core, selles  toujours  les  mêmes.  Mort  à  la  21  «  heure,  à  la  2"  potion. 

Obs.  XXVIl. —  Sainte-Anne,  n'  10.  Ancelot,  piqueuse  de  bottines, 
entrée  le  20,  à  11  heures  du  matin.  Malade  depuis  4  jours;  le  19, 
toute  la  journée  vomissements,  selles  et  crampes.  La  mère  nous  dit 
qu'à  son  entrée  elle  n'était  point  froide  et  avait  encore  du  pouls. 

21.  88  pulsations,  algidité  complète,  cyanose,  anurie ,  aphonie,  3 
selles  depuis  la  veille. 

22.  La  malade  est  parfaitement  réchauffée,  pouls  bon  à  92,  la  voix 
est  à  moitié  revenue,  faciès  bien  meilleur,  2  selles  seulement  depuis 
la  veille,  dont  la  dernière  déjà  un  peu  consistante  ;  elle  a  pris  5  la- 
vements dtepuis  hier,  et  elle  en  est  à  sa  6<=  potion.  On  suspend  la 
potion  et  l'on  se  borne  à  prescrire  2  lavements.  Au  bout  de  quelques 
heures  l'amélioration  a  cessé;  plus  tard,  vers  la  fin  du  jour,  les  acci- 
dents du  début  reparaissent. 

23.  A  la  visite,  algidité,  cyanose,  aphonie,  anurie.  Il  est  trop  tard 
pour  reprendre  le  traitement.  Mort  à  1 0  heures,  après  6  potions  et 
9  lavements. 

Si  nous  ne  considérons  ici  que  le  résultat  final,  nous  trou- 
vons 2  guérisons  seulement  sur  9  cholériques  du  deuxième 
degré,  mais  de  combien  s'en  cst-il  fallu  que  ce  ciiifl're  2  fût 
tout  au  moins  doublé?...  Doit-on  regarder  absolument  comme 
des  insuccès  ces  deux  hommes  qui  font  le  sujet  des  oiiser- 
vations  xx  et  xxu,  morts  de  pneumonie  l'un  et  l'autre  dans  la 


—  176  — 

convalescence,  ainsi  que  la  femme  de  l'obs.  xxvii  qui,  après  avoir 
guéri  une  première  fois,  est  morte  d'une  rechute  non  traitée?,. 

Nous  ne  sommes  point  assez  désintéressé,  pour  avoir  le  droit 
de  trancher  à  nous  seul  la  question;  toutefois  nous  ne  croyons 
pas  trop  nous  avancer  en  disant  que  ces  trois  cas,  aussi  bien 
que  les  deux  autres  xix  et  xxi,  malgré  leur  triste  fin,  seront 
très-certainement  jugés  des  plus  encourageants  par  tous  les 
esprits  impartiaux. 

Tous  les  malades  dont  il  est  ici  question  étaient  tout  près  du 
troisième  degré,  et  cependant  il  n'y  en  a  qu'un  seul,  le  n"  9 
(obs.  xxvi)  qui  avait  ce  choléra  anomal  à  fond  lyphique,  sur 
lequel  les  sels  de  cuivre  n'aient  eu  aucun  effet.  Chez  les  8  autres, 
grâce  à  la  porte  qui  était  restée  plus  ou  moins  ouverte  du  côté 
de  l'absorption,  le  remède  a  pji  encore  pénétrer.  Dans  un  cas, 
où  il  a  eu  à  lutter  tout  à  la  fois  contre  la  maladie  et  contre  des 
doses  trop  fortes  d'opium,  il  n'a  pu  manifester  sa  puissance 
que  par  les  résultats  d'une  réaction  incomplète  ;  mais  dans  les 
7  autres  il  a  toujours  enrayé  les  accidents,  et  encore  ici  pas 
un  malade  qui  ait  fait  un  pas  de  plus  vers  la  période  algide.' 
Tous,  à  l'exception  du  n»  23,  Saint-Julien,  qui  y  a  mis  plus  de 
temps,  s'étaient  réchauffés  au  bout  de  quelques  heures  ;  ceux 
qui  avaient  perdu  le  pouls,  l'avaient  retrouvé  au  plus  tard  le 
lendemain;  les  anuriques  avaient  uriné,  2,  le  3^  jour;  1,  le 
h^;  et  1  autre,  le  5^  et  chez  les  2  malades  dont  la  sécrétion 
urinaire  n'était  que  diminuée,  au  bout  de  1  jour  celte  fonc- 
tion ne  laissait  plus  rien  à  désirer.  IN'avaient  plus  ni  selles  ni 
vomissements  caractéristiques  5  malades  le  4^  jour,  et  1  autre 
le  5^;  chez  le  7^,  n°  8,  Sainte-Anne,  2  selles  seulement  depuis 
la  veille,  dès  le  3^  jour. 

Faisons  remarquer  ensuite  que  des  deux  malades  qui  ont 
survécu,  l'un  a  pris  6  potions  et  10  lavements,  et  l'aulre 
12  potions  1/2  et  16  lavements  en  5  jours,  que  ni  l'un  ni 
l'autre  ne  vomissaient,  et  que  cependant  ces  malades,  pas  plus 
qu'aucun  autre  soit  de  celte  série  soit  de  la  première,  n'ont 
rien  accusé  de  fâcheux  de  par  la  médication.  Que  deviennent 
en  face  de  ces  faits  les  terreurs  et  les  clameurs  plus  ou  moins 
perfides —  l'on  a  été  jusqu'à  prononcer  le  mot  (ï empokonncmenl 
—  de  ceux  qu'effrayait  tant  le  remède? 


> — 


177.— 


^  .    3"  CHOLÉRIQUES  DU  3"^  DEGRÉ, 

1  guérison  et  43  décès. 

Tous  ces  malades  étaient  absolument  froids,  sans  pouls  et 
sans  urines  ;  plusieurs  n'ont  fait  que  passer  dans  les  salles  ;  27 
avaient  déjà  succombé  avant  la  vingtième  heure;  tous  étaient 
des  cas  désespérés  :  le  grand  nombre  des  décès  n'a  donc  ici  rien 
qui  puisse  beaucoup  surprendre  par  lui-même,  il  n'était  que 
trop  justifié  par  la  gravité -du  mal.  Mais  alors  comment  se  faiL-il 
que  M.  Horteloup  ait  persisté  dans  le  traitement  de  tels  ma- 
lades? Pourquoi  tant  d'obstination  de  sa  part?...  Nous-même 
avions-nous  de  bonnes  raisons  pour  nous  associer,  dans  ce 
3=  degré  de  la  maladie,  à  une  lutte  que  les  événements  sem- 
blent aujourd'hui  proclamer  impossible? 

Les  faits  vont  eux-mêmes  se  charger  de  répondre. 

Au  lendemain  de  la  guérison  si  inattendue  du  n°  k,  salle  Saint- 
Julien  (obs.  XXII),  et  au  moment  même  où  le  n°  23  (obs.  XXIV), 
qui  fut  notre  quatrième  malade,  revenait  de  tout  aussi  loin,  à 
notre  non  moins  grande  surprise,  pour  succomber  ensuite  ^ 
une  pneumonie,  au  n°  8  de  la  salle  des  femmes,  les  sels  de 
cuivre  triomphaient  encore,  voici  dans  quelles  conditions  : 

Obs.  XXVIII.  Salle  Sainte-Anne,  n"  8.  Durand,  28  ans,  arrivée  au 
derniei;  terme  de  la  phthisle,  est  apportée  le  7  août  de  la  salle  Sainte- 
Martine,  oiî  on  l'avait  déjà  traitée  3  jours  pour  le  choléra.  Algidité 
complète,  cyanose,  plus  de  pouls,  plus  de  voix,  plus  d'urines,  plus  de 
ressort  dans  la  peau,  yeux  profondément  excavés,  crampes  féroces. 
Cependant  la  mère  du  service,  non  encore  parfaitement  édifiée  sur 
les  conditions  du  programme  à  suivre  (c'était  le  'I"  jour  de  la  2'-  sé- 
rie d'expériences),  donne  potion  et  lavements  à  cette  pauvre  femme.  ' 

8.  Nous  déplorons  l'erreur  commise  la  veille;  mais  enfin,  le  traite- 
ment ayant  été  commencé,  nous  y  ajoutons  une  armature,  sans  autre 
espoir  que  celui  d'un  soulagement.  Presque  aussitôt  après  J'applica- 
tion  du  métal,  les  crampes  cessent.  Un  peu  plus  tard,  dans  la  journée 
il  paraît  y  avoir  amélioration,  puis,  vers  5  heures,  le  pouls  redevient 
sensible,  le  froid  diminue  et  la  réaction  commence,  si  bien  que  la 
potion  n'est  plus  donnée  que  toutes  les  heures. 

9.  Réaction  franche,  88  pulsations,  chaleur,  le  pli  de  la  peau  s'ef- 

12 


—  ^78-, 

face,  2  selles  depuis  la  veille  seulement.  Traitement  :  potion  de  2 
heures  en  2  heures  et  3  lavements  dans  la  journée/  • . 

40.  Bien  :  plus  de  selles,  retour  des  urines.  Suppression  de  la  po- 
tion^ ]  lavement  conditionnel. 

M .  Le  bien  continue. 

12.  Sensation  de  chaleur  vive  à  l'épigastre. 

13,  44  et  45.  La  malade  continue  à  se  plaindre  de  brûieraents,  puis 
tout  rentre  dansl'ordre,  et  le  18  elleest  reportée  dans  une  autre  salle, 
oîi  elle  succombe  quelques  jours  après  à  sa  phthisie. 

Cette  nialade  n'avait  plus  que  le  souffle,  et  cependant  elle  a  pu 
prendre  impunément  6  potions  et  11  lavQments  en  3  jours. 

A  l'autopsie,  l'estomac  examiné  avec  som,  ainsi  que  le  rectum, 
n'a  point  offert  autre  chose  qu'un  peu  d'arborisation,  comme  souvent, 
vers  le  grand  cul-de-sac  :  des  arborisations  bien  plus  nombreuses  et 
plus  étendues  siégeaient  dans  l'intestin  grêle,  à  23  centimètres  envi- 
ron de  la  valvule,  c'est-à-dire'  là  où  le  médicament  n'avait  pu  agir 
directement;  au-dessus  et  au-dessous  la  muqueuse  était  intacte  dans 
une  grande  étendue. 

Après  un  pareil  succès  pouvait-on  hésiter  à  essayer  encore  ? 
M.  Horleloup,  qui  a  bien  quelques  droits  d'avoir  une  opinion 
en  fait  de  choléra  (l'épidémie  de  1832  le  trouvait  déjà  sur  la 
Èrèche),  estimant  que  ce  ne  serait  point  peu  de  chose  que  de 
-pouvoir  guérir  un  dixième  seulement  de  cas  aussi  désespérés, 
ordonne  de  continuer  l'expérience,  et,  sur  5  autres  malades, 
disons  mieux,  sur  5  autres  moribonds,  voici  ce  que  l'on  obtient 
ensuite  successivement  : 

Obs.  XXIX.  Salle  Saint-Julien,  n<'3.  X...,  vingt-deux  ans,  maçon, 
entré  le  13,  malade  depuis  la  veille.  Type  d'algidité  et  de  cyanose.  Il 
nous  est  impossible  d'espérer  ici  quoi  que  ce  soit,  et  c'est  avec  regret, 
comme  chez  le  n"  8  de  Sainte-Anne,  que  nous  voyons  la  religieuse,  ■ 
qui  a  commencé  par  requérir  le  prêtre,  prendre  sur  elle  de  lui  admi- 
nistrer la  potion...  Cependant,  à  la  visite  du  soir,  on  [constate  déjà  que 
a  chaleur  et  le  pouls  commencent  à  revenir. 

Le  lendemain,  44,  à  la  visite,  la  température  est  bonne  partout, 
plus  de  cyanose,  100  pulsations,  les  crampes  ont  cessé,  très-peu  de 
selles:  dans  la  nuit  à  peine  1  ou  2  vomissements.  Le  soir,  un  peu  de 
chaleur  vers  la  tôle  :  sangsues  derrière  les  oreilles. 

15.  Bien  :  retour  des  urines.  A  la  visite  du  soir,  saignée  préventive, 
plus  de  potion  ni  de  lavement. 


16.  Chaleur  modérée,  pouls  bon  à  100,  2  garde-robes  en  24  heures. 
Jlalheureusement  la  saignée  de  la  veille  s'est  enflammée  :  contre  un 
peu  de  somnolence  8  ventouses  scarifiées. 

17.  Phlegmon  gangréneux  du  bras.  Mort  dans  la  journée. 
Traitement  :  5  potions  et  9  lavements. 

Obs,  XXX.  Salle  Saint-Julien,  n°%'\.  —  Lefort,  dix-neuf  ans,  gar- 
çon maçon,  entré  le  17.  Début  brusque,  la  veille. 

'18.  Il  s'est  réchautFé,  le  pouls  est  devenu  très-sensible  :  quelques 
heures  après  la  visite,  le  mieux  se  prononce  encore  plus,  pouls  aux 
environs  de  iOO.  Le  soir  retour  des  urines. 

19.  Pouls  bon,  extrémités fraîcties  seulement,  plus  de  garde-robes. 
Le  malade  dit  se  sentir  bien,  mais  il  est  un  peu  endormi.  La  potion, 
éloignée  déjà  dès  hier,  est  supprimée  :  lavement  conditionnel. 

20.  Pouls  à  \  \%.  Signes  congestifs  vers  la  tète,  sangsues  le  soir. 

21.  Agitation.  Mort  dans  la  journée. 
Traitement  :  5  potions  et  9  lavemenls. 

Obs.  XXX],  salle  Saint-Julien,  n"  21.  —  Beau,  soixante-trois  ans, 
galvaniseur,  entré  le  10  3  7  heures  du  soir.  Malade  depuis  4  jours: 
ni  pouls,  jii  urines,  ni  voix,  algidité,  cyanose,  crampes  abominable?. 
Type  de  cas  désespérés. 

11.  Amélioration,  un  peu  de  chaleur,  pouls  à  96,  un  peu  de  voix  : 
il  ne  vomit  presque  plus,  mais  cyanose  persistante.  Le  soir,  4  selles  de-  • 
puis  le  matin,  pouls  petit,  la  langue  et  le  nez  restent  froids,  un  peu 
de  somnolence. 

12.  108  pulsations,  fort  peu  de  cyanose,  la  voix  revient,  5  garde- 
robes,  les  deux  dernières  en  purée.  Beau  se  sent  faim. 

I. 3.  88  pulsations  faibles,  température  bonne,  la  voix  est  presque 
revenue,  l'œil  s'anime,  les  selles  s'épaississent  de  plus  en  plus,  mais 
pas  encore  d'urines. 

14.  La  nuit  a  été  très-agilée.  A  la  visite,  pouls  à  92,  œil  atone, 
visage  pâle,  respiration  suspirieuse,  assoupissement.  Cet  état  s'ag- 
grave rapidement.  Mort  à  midi,  sans  avoir  uriné. 

Le  traitement  a  élé  continué  jusqu'à  la  fin  :  7  potions  et  1 1  lavements. 

Obs.  XXXII,  salle  Saint-Julien,  n"  11.  —  Cithère,  maçon,  entré  le 
9  à  9  heures  du  matin.  Début  brusque. 

10.  Réaction  bonne,   80  pulsations,  très-peu  de  vomissements,  • 
encore  de  fréquentes  et  impérieuses  selles  :  la  voix  reste  altérée  et  tou- 
jours pas  d'urines.  Dans  la  journée  un  peu  d'agitation  :  sangsues  :  le 
soir  à  8  heures  le  malade  urine.  La  potion  est  bien  conservée. 

II.  L'agitation  augmente.  Mort  dans  la  journée,  à  la  50"  heure, 
après  7  potions  et  10  lavements. 

Obs.  XXXIII,  salle  Sainte-Anne,  n"  7.  —  Ribollel,  vingt-quatre 


ans,  domestique,  entrée  le  14  au  matin.  Malade  depuis  9  jours.  Cya 
nose  complète,  imminence  4'aspliyxie,  v"iscosi(é. 

Le  soir,  à  (5  iieures,  le  pouls  et  laclialeur  commencent  à  reparaître, 
la  malade  n'a  plus  vomi  à  partir  de  10  heures,  depuis  cette  heure 
non  plus  ni  selles  ni  cra,mpes. 

15.  Réaction  franche,  modérés,  pouls  à  100.  Ci  cyanose  s'est  aux 
trois  quarts  effacée.  Potion  d'heure  en  heure  seulement.  Déjà  bouil- 
lon dans  la  journée.  Le  soir  saignée  préventive. 

16.  1  seule  garde-robe  depjiis  la  veille.  Plus  de  vomissements  ni  de 
crampes,  96  pulsations  bonnes.  On  suspend  la  potion,  lavement  con- 
ditionnel. Dans  la  journée  retour  des  urines. 

17.  Respiration  profonde,  pouls  à  84,  fuliginosités  sur  les  dents  et 
sur  la  langue,  état  typhique,  somnolence.  Mort  dans  la  soirée. 

Taitenient:  6  potions  et  9  lavements. 

Gomment  ne  pas  être  frappé,  dans  les  observations  que  nous 
venons  de  rapporter,  de  ce  réchaulfement,  de  ce  retour  du 
pouls  et  de  cette  disparition  des  autres  symptômes. choléri- 
ques qui  ont  suivi  de  si  près  l'administration  des  sels  de 
cuivre  I  Ayant  guéri  une  première  fois,  et  étant  arrivés  ensuite 
cinq  fois  si  près  du  but,  y  avait-il  grande  témérité  à  essayer 
encore  de  l'atteindre  ?  Entre  temps,  six  autres  malades  présen- 
taient les  signes  d'une  lutte  évidente.  Ainsi  que  le  n»  20  Saint- 
Julien,  dans  la  première  série  d'expériences,  tous  se  réchauf- 
faient à  un  certain  degré,  quelques-uns  recouvraient  le  pouls, 
puis,  après  ce  suprême  effort,  les  uns  et  les  autres  finissaient 
de  même  dans  l'algidité. 

Tous  ces  faits  expliquent  pourquoi  M.  Horteloup,  encouragé 
d'ailleurs  par  les  résultats  obtenus  sur  les  cholériques  des  pre- 
mier et  deuxième  degrés,  et  aussi  complètement  rassuré  sur 
les  effets  toxiques  du  remède,  a  persisté  dans  le  traitement 
des  malades  du  troisième  degré,  et  pourquoi  nous  avons  nous- 
même  continué  à  l'assister  dans  cette  lutte  désespérée,  sans 
souci  des  conséquences  que  l'on  devait  tirer  plus  tard  des 
insuccès,  mais  aussi,  disons-le  à  notre  décharge,  sans  penser 
que  les  expériences  pussent  jamais  être  poussées  ici  au  point 
de  dépasser  en  nombre  toutes  les  autres.  Nous  avions  compté 
sans  la  rapidité  et  la  gravité  des  entrées,  et  surtout  sans  le 
zèle  des  personnes  chargées  de  suppléer  M.  Horleloup  hors 


—  181  — 


des  heures  des  visitefs.  Les  moribonds  ont  passe  par  la  médica- 
tion tout  comme  îes  autres  :  c'est  ainsi  que  bientôt,  et  presque 
sans  nous  en  douter,  compte  fait  tant  des  malades  cuivrés 
par  les  ordres  de  M.  Horteloup,  que  de  ceux  qui  n'avaient 
été  vus  que  par  son  interne,  ou  même  seulement  par  les  reli- 
gieuses du  service,  les  sels-de  cuivre  sont  arrivés  à  avoir  à  leur 
charge  hk  cholériques  du  troisième  degré  contre  27  des  deux 
premiers  degrés,  où  surtout  devait  être  cherchée  la  démons- 
tration ! . . . 

^N6tls  n'avons- point  l'honneur  d'avoir  reçu  les  confidences 
.  de  M.  Horteloup,  mais  nous  ne  croyons  pas  trop  nous  avancer 
en  disant  que  notre  éminent  confrère  a  été  surpris  lui-même 
par  les  événements.  Lui  aussi  ne  voulait,  sans  doute,  que  faire 
quelques  essais  dans  cette  période  de  la  maladie,  où  neuf  fois  sur 
dix  la  mort  est  à  peu  près  certaine,  et  si  l'expérimentation  s'est 

^  ici  prolongée,  ce  n'est  pour  ainsi  dire  qu'à  son  insu,  et  sans 
qu'il  en  ait  eu  conscience  plus  que  nous-même,  tant  les  choses 
ont  marché  vite.  Pour  qu'il  en  fût  autrement,  il  faudrait  ad- 
mettre chez  M.  Horteloup  ou  un  bien  grand  aveuglement,  ou 
la  volonté  bien  arrêtée  de  ruiner  du  coup  la  méthode,  c'est- 
à-dire  un  démenti  formel  au  sens  le  plus  droit  et  à  une  bien- 
veillance à  toute  épreuve. 
Autopsies.  —  Vingt-deux  ouvertures  de  morts,  tant  du 

.  deuxième  que  du  troisième  degré,  ont  été  faites.  Jamais  de 
lésion  .qui  pût  être  rapportée  à  l'action  directe  du  remède. 
Quelquefois  seulement  un  peu  d'injection  ,  des  arborisations 
isolées  sur  la  muqueuse  stomacale  et  rectale.  Mais  les  mêmes 
altérations  ont  été  rencontrées,  lorsque  nous  les  avons  cher- 
chées, à  diverses  hauteurs  de  l'intestin,  tout  à  fait  hors  de  la 
portée  des  lavements,  et  des  sujets  qui  n'avaient  point  pris 
de  cuivre  les  ont  offertes  à  un  bien  plus  haut  degré.  Chez  un 
n°  12  Saint-Julien,  notamment,  que  l'on  avait  traité  par  les 
moyens  ordinaires,  l'injection  était  presque  générale.  On  sait, 
du  reste,  combien  sont  fréquentes  les  arborisations  du  tube 
digestif  dans  les  autopsies  de  cholériques. 

Rien  donc,  pas  plus  après  la  mort  que  pendant  la  vie,  qui 
puisse  être  mis  au  compte  de  la  médication. 
Ajoutons  que,  lorsque  les  malades  avaient  succombé  rapide- 


—  182  — 


ment  saps  aucune  trace  de  réaction,  la'  solution  cuivreuse 
semblait,  en  gcnénal,  être  restée  intacte  dans  l'estomac. 

Analyses.  —  Dix-sept  fois  nous  avons  conservé  une  portion 
du  foie.  M.  le  professeur  Chatin  a  bien  voulu  se  charger,  sur 
la  demande  de  M.  Horteloup,  do  ^ire  les  analyses.  Malheu- 
reusement, quand  est  venu  le  moment  d'y  procéder  nous 
étions  déjà  en  décembre,  et  il  s'est  trouvé  que  sept  bocaux 
dont  le  contenu  était  le  plus  précieux  à  connaître,  les  ma- 
lades étant  morts  sans  sortir  de  l'algidité,  devaient  être  rejelés 
par  la  raison  que,  quatre  mois  durant,  avec  le  foie  avait  ma- 
céré l'estomac. 

Ne  sont  restés  à  examiner  que  les  foies  conservés  séparé- 
ment des  malades  qui  suivent  : 

1"  'W'  10,  11,  19,  20,  22  et  23  Saint-Julien,  7  et  10  Sainte- 
Anne  ; 

2°      5  Saint-Julien  et  8  Sainte-Anne. 

Les  huit  premiers  malades  ayant  tous  vécu  plusieurs  jours 
sous  le  traitement,  il  ne  pouvait  guère  y  avoir  de  doute  sur 
leur  imprégnation  cuprique,  et,  en  effet,  les  foies  de  cette  série 
que  M.  Chatin  a  incinérés  contenaient  tous  du  cuivre.  Quant 
aux  deux  derniers  morts,  le  n°  5  Saint-Julien,  à  la  vingt-sixième 
heure  sans  trace  de  réaction,  et  le  n°  8  Sainte-Anne,  dix  jours 
environ  après  avoir  pris  la  dernière  cuillerée  de  potion,  et  qui, 
par  conséquent,  ofliraient  un  intérêt  tout  particulier  au  double 
point  de  vue  de  l'absorption  et  de  l'élimination  des  sels  de 
cuivre,  le  foie  de  l'un  comme  de  l'autre  malade  a  aussi  fourni 
des  réactions  cupriques  à  l'analyse.  D'où  cette  conclusion  en 
ce  qui  concerne  le  n°  5,  s'il  était  permis  de  conclure  d'un  fait 
isolé,  que,  malgré  un  état  des  plus  graves,  malgré  des  vomisse- 
ments répétés,  l'absorption  peut  encore  se  faire  vingt  à  vingt- 
six  heures  avant  la  mort. 

Les  résultats  fournis  dans  ce  dernier  cas  par  l'analyse  nous 
font  vivement  regretter  que  M.  le  professeur  Chatin  n'ait  pas  pu 
les  contrôler  sur  d'autres  sujets.  Certains  des  bocaux  rejetés 
contenant  le  foie  de  malades  qui  avaient  encore  survécu  moins 
de  temps  au  traitement,  il  y  avait  là  une  occasion  unique  pour 
résoudre  le  problème  de  l'absorption  à  toutes  les  phases  do  la 
période  algide  du  choléra. 


_  183  — 


RÉSUMÉ  GÉNÉRAL, 

1»  Cholériques  du  premier  degré  :  Dix-huit,  dont  huit  avec 
sappression  complète  d'urines. 

Pas  un  de  ces  malades,  tous  très-certainement  en  parfaite 
puissance  d'absorption,  qu'il  ait  vomi  ou  non  les  premières 
prises  du  remède,  pas  im  ne  s'est  avance  d\m  degré  de  plus 
vers  la  période  algide,  pas  un  qui  ait  offert  la  moindre  trace 
d'intoxication.  Chez  tous,  les  phénomènes  cholériques  propre- 
ment dits  ont  été  enrayés,  et,  sauf  dans  deux  cas  où  les  résul- 
tats du  traitement  se  sont  fait  un  peu  plus  attendre,  une  fois, 
les  sels  de  cuivre  administrés  par  haut  et  par  bas,  la  maladie 
n'a  jamais  été  plus  d'un  jour  ou  deux  à  revenir  en  arrière. 

Ont  guéri  seize  nialades  comprenant  tous  les  cas  les  plus 
graves  de  cette  série,  et  deux  des  moins  atteints  (obs.  III  et  VII) 
sont  morts,  contre  toute  attente,  au  moment  de  la  convales- 
cence, l'un  de  phénomènes  congestifs  du  côté  du  cerveau,  et 
l'autre  un  peu  de  semblables  accidents  consécutifs,  mais  sur- 
tout d'épuisement  causé  par  la  misère. 

2°  Cholériques  du  deuxièjie  degré  :  Neuf.  Tous  ces  malades 
touchaient  au  troisième  degré  de  la  maladie;  ils  n'avaient, 
pour  s'en  différencier  :  un,  qu'un  reste  de  chaleur;  deux,  un 
peu  d'urines,  et  six,*un  restant  de  pouls.  L'un  d'eux  (obs.  XXI) 
venait  en  outre  d'une  autre  salle  où  il  avait  été  traité  inutile- 
ment durant  trois  jours. 

Dans  un  cas  (choléra  à  fond  typhique),  le  remède  n'a  rien 
produit;  le  malade  s'est  éteint  à  la  vingt  et  unième  heure. 

Sur  un  deuxième  malade,  saturé  d'opium  avant  son  entrée 
à  l'hôpital,  il  y  a  eu  lutte  seulement,  mais  lutte  qui  n'a  pas 
duré  moins  de  quatre 'jours. 

Chez  les  sept  autres  malades,  les  choses  se  sont  passées 
absolument  de  même  que  dans  les  cas  ci-dessus  du  premier 
degré.  Ici  encore  les  phénomènes  cholériques  ont  été  enrayés 
parle  traitement;  ici  non  plus  pas  le  moindre  accident  du 
côté  du  remède.  Tous,  à  l'exception  d'un  seul  qui  y  a  mis  un 
peu  plus  de  temps,  s'étaient  réchauffés  au  bout  do  quelques 


—  18/|  — 

heures,  ceux  qui  avaient  perdu  Je  pouls  l'avaient  récupéré,  au 
plus  tard  dès  le  lendemain,  les  anuriques  avaient  tous  uriné, 
sauf  un,  selles  et  vomissements  caractéristiques  avaient  cessé', 
et  tous  étaient  arrivés  à  la  convalescence  ou  v  touchaient! 
lorsque  la  mort  est  survenue,  deux  fois  par  une  pneumonie,' 
deuxjois  par  des  accidents  cérébraux,  et  une  fois  par  une 
rechute  non  traitée. 

^  Sont  restés  guéris  deux  malades  seulement  qui  avaient  pris, 
l'un  six  potions  et  dix  lavements  et  l'autre  douze  potions  et 
demie  et  seize  lavements,  c'est-à-dire  près  de  k  grammes  de 
sulfate  de  cuivre  par  la  bouche  seule  (ces  deux  malades  ne 
vomissaient  point);  mais  que  fallait-il  pour  plus  que  doubler  ce 
chiffre,  et  ne  serait-il  point  juste  de  laisser  tout  au  moins  à 
l'actif  de  la  méthode  les  deux  cas  qui  ont  fini  par  une  pneu- 
monie survenue  dans  la  convalescence  ?...  ^ 

3"  Cholériques  du  troisième  degré,  kk,  tous  absolument  sans 
pouls,  sans  urines  et  froids,  tous  arrivés  à  celte  période  de  la 
maladie  où,  de  l'aveu  général,  l'absorption  ne  saurait  plus 
s'exercer  que  par  exception,  et  dans  laquelle  l'organfsme  a  déjà 
subi  une  atteinte  si  profonde  que  les  plus  grands  dangers  atten- 
dent le  malade  à  la  sortie.  \ 

Ici,  résultats  définitifs  nuls  ou  à  peu  près  :  une  seule  gué- 
rison-,  et  cette  guérison  unique  où  se  rencontre-t-elle?...  préci- 
sément chez  une  malheureuse  arrivée  à  ce  degré  de  la  phthi- 
sie,  où  la  lutte  finale  semble  si  souvent  doubler  l'énergie  des 
forces  vitales.  iN'est-ce  point  à  la  faveur  de  cette  lutte  même, 
que  le  remède  a  pu  pénétrer  et  forcer  la  porte  de  l'organisme 
qui,  dans  presque  tous  les  autres  cas,  se  serait  au  contraire 
trouvée  fermée  ou  peu  s'en  faut?  En  dehors  de  cette  malade 
qui  a  guéri,  nous  trouvons  ensuite,  pour  justifier  les  tentatives 
qui  ont  été  faites  sur  ces  cas  désespérés,  d'une  part  cinq  réac- 
tions franches,  complètes,  interrompues  une  fois  par  un  phleg- 
mon gangreneux,  trois  fois  par  des  accidents  cérébraux  et  une 
fois  par  une  complication  typliique,  nous  dirions  presque  cinq 
guérisons  avortées,  et  d'autre  part  sept  cas  (réactions  incom- 
plètes) où  s'est  manifestée,  pendant  un  certain  temps  et  à  cer- 
tain degré,  la  lutte  entre  le  mal  et  le  remède.  Quant  aux  autres 


—  185  — 

malades,  au  nombre  de  trente,  ils  sont  tous  morts;  huit  entre 
une  et  six  heures,  douze  entre  six  et  douze  heures,  cinq  entre 
douze  et  dix-huit  heures,  deux  en  vingt  heures,  un  en  vingt- 
six  heures,  et  deux  en  trente  heures.  La  rapidité  du  dénoû- 
ment  montre  quelle  était  ici  la  gravité  de  la  maladie,  en  même 
temps  qu'elle  doit  rassurer  ceux  qui,  sur  certaines  insinuations, 
pourraient  être  tentés  d'accuser  la  médication  d'avoir  été  désas- 
treuse, aucun  malade  n'ayant  eu  le  temps  de  prendre  plus  de 
trois  ou  quatre  potions.  Que  si,  malgré  ce  que  nous  avons  déjà 
dit,  il  pouvait  rester  un  doute  sur  l'innocuité  du  remède,  aux 
doses  et  dans  les  circonstances  où  il  a  été  employé,  nous  di- 
rions que  des  accidents  ayant  dû  se  produire,  nous  les  aurions 
surtout  rencontrés  chez  les  cholériques  du  premier  dei^ré  où  la 
faculté  d'absorption  avait  conservé  toute  son  activité,  ou  bien 
encore  chez  ceux  du  deuxième  degré  :  or  ici,  aussi  bien 
que  dans  le  troisième  degré,  pas  plus  pendant  la  vie  qu'après 
la  mort,  où  il  est  si  facile  de  retrouver  les  lésions  qui  sont  pro- 
pres à  Ja  classe  des  poisons  irritants  à  laquelle  appartiennent  les  . 
sels  de  cuivre,  nous  n'avons  jamais  rien  observé  de  fâcheux  du 
côté  de  la  médication  (une  fois  seulement,  chez  le  n°  8  Sainte- 
Anne,  sentiment  de  brûlure  à  l'estomac,  ardeur  à  la  goi'ge  et 
ensuite  rien  à  l'autopsie)  ;  et  enfin,  ce  qui  est  péremptoire, 
au  nombre  des  malades  qui  ont  guéri,  se  trouvent  précisément 
ceux  qui  ont  pris  les  plus  fortes  doses  du  remède  et  qui  ne  le 
vomissaient  point. 

DES  ARMATURES  CONTRE  LES  CRAMPES. 

INDICATI.ONS  PRÉCIEUSES  A  TIRER  DE  LEUR  ACTION. 

Un  mot  maintenant  sur  le  traitement  des  crampes  de  ces  di- 
vers malades  par  les  armatures,  et  sur  certaines  indications  qui 
nous  ont  semblé  résulter,  cette  fois,  de  leur  action. 

Les  phénomènes  nerveux  ont  été,  dans  cette  épidémie,  d'une 
fréquence  et  d'une  intensité  sans  pareille.  Rien  de  semblable 
ne  s'était  encore  offert  à  notre  observation,  pas  même  en  1865, 
à  Toulon.  Très-peu  de  malades  en  ont  été  exempts.  Notre  arse- 


nal  métallo-thérapique  étant  limité,  on  a  réservé  les  armatures 
pour  les  cas  les  plus  graves. 

Le  plus  ordinairement,  lorsque  l'application  en  a  été  faite 
avec  soin,  que  les  plaques  et  anneaux  ont  été  convenablement 
mouillés,  un  soulagement  immédiat  s'en  est  suivi  et  n'a  cessé 
que  lorsque  le  métal  s'est  ensuite  trouvé  déplacé  par  les  mou- 
vements des  malades,  ou  que  la  peau  est  venue  à  perdre  l'hu- 
midité salée  qui  en  faisait  un  bon  conducteur.  Mais  nous  devons 
à  la  vérité  de  dire  que,  lorsque  les  crampes  étaient  comme 
subintrantes,  lorsque  surtout,  se  succédant  avec  rapidité,  elles 
se  passaient  en  des  contractions  comme  fibrillaires,  les  arma- 
tures se  sont  montrées  souvent  insuffisantes,  ainsi  que  nous 
l'avions  déjà  observé  et  noté, 'en  1849,  dans  cette  même  forme 
d'accidents.  (V.  in  Gaz.  mécl.  de  1851,  Mémoire  sur  les  accidents 
consécutifs  au  choléra.)  En  ces  cas  nous  aurions  voulu  pouvoir 
plonger  dans  un  bain  d'eau  salée  le  malade  tout  bardé  de  cui- 
vre, mais  le  moyen  de  recourir  à  une  telle  pratique  dans  un 
•  service  où  en  six  semaines  ont  été  reçus  quatre  cents  malades!... 

Un  fait  nous  a  frappé  cette  fois,  il  est  important  de  le  noter. 
Dans  diverses  circonstances  nous  avons  cru  remarquer  que  plus 
tard  ceux-là  se  trouvaient  bien  de  notre  traitement,  qui  avaient 
été  mieux  et  plus  vite  soulagés  par  l'application  externe  du 
cuivre.  Ainsi  est-il  arrivé  pour  le  n"  8  de  Sainte-Anne,  la  phthi- 
sique  aux  crampes  si  fortes  ;  pour  le  n»  Zt,  cas  grave  qui  a  guéri  ; 
et  pour  les  n"'  21,  22,  etc.,  guéris  également.  Le  n°  21  Saint-Ju- 
lien, qui  entré  dans  un  état  des  plus  graves  semblait  revenu  à 
la  vie  dès  le  lendemain ,  s'en  était  lui-même  trouve  si  bien, 
qu'alors  que  ses  crampes  avaient  cessé,  il  avait  voulu  conserver 
ses  anneaux.  Le  n"  8  Saint-Julien,  pour  citer  un  exemple  con- 
traire, chez  lequel  le  cuivre  n'a  point  empêché  la  mort  arrivée 
en  8  heures,  n'avait  presque  rien  ressenti  de  nos  applidîitions. 

Si  cette  observation  venait  à  se  confirmer,  on  aurait  donc 
dans  le  métal  même,  ainsi  que  pour  le  traitement  de  la  chlo- 
rose et  de  diverses  maladies  nerveuses  par  les  préparations  de 
fer,  zinc,  etc.,  comme  une  pierre  de  touche  pour  s'assurer 
d'avance  des  effets  du  médicament,  et  nous  rentrerions  encore 
ici  dans  ce  riche  domaine  de  la  rcvclalion  des  idiosyncrasics  par 
les  applications  métalliques. 


—  187  — 


CONCLUSIONS. 

Nous  venons  d'exposer  les  faits  avec  toute  la  sincérité  que 
nous  avons  mise  à  les  recueillir.  Nous  avons  dit,  en  commen- 
çant, les  précautions  prises  pour  leur  donner  toute  l'authenti- 
cité désirable.  Qu'on  nous  permette  quelques  réflexions  pré- 
liminaires avant  de  conclure. 

Pour  juger  sainement  ces  faits,  il  faut  avoir  bien  en  mémoire 
Jes  conditions  particulières  dans  lesquelles  se  sont  faites  les 
"expériences...  Nous  avons  opéré  à  l'hôpital!  L'épidémie  de 
1866  a  été,  on  le  sait,  exceptionnellement  grave.  Tous  les  cas 
légers  ou  déjà  entrés  en  réaction  ont  dû  être  éloignés  du  trai- 
tement, et  comme  il  s'agissait  d'une  démonstration,  l'on  s'est 
borné  à  faire  prendre,  avec  le  sel  de  cuivre,  un  peu  d'opium 
pour  en  établir  la  tolérance.  -Toutes  les  fois  que  l'on  a  pu  se 
passer  du  narcotique,  nous  l'avons,  nous,  considéré  comme 
une  bonne  fortune,  car  nous  sommes  de  l'avis  de  ceux  qui 
regardent  l'opium  comme  funeste  dans  le  choléra  confirmé. 

Et  maintenant  si  le  cuivre  est  réellement  un  spécifique,  en- 
core ici  nous  n'affirmons  rien,  ne  faut-il  point  de  toute  néces- 
sité, pour  réussir,  qu'il  soit  donné  en  temps  opportun,  c'est-à- 
dire  non-seulement  alors  que  la  vie  encore  active  peut  porter 
le  contre-poison  partout  où  l'agent  cholérique  vient  de  péné- 
trer, mais  aussi  avant  que  cet  agent  ait  eu  le  temps  de  produire 
*  dans  l'organisme  les  désordres  qui  lui  sont  propres,  et  contre 
lesquels  le  remède  ne  saurait  plus  avoir  aucun  effet?...  Con- 
clure à  sa  nullité,  parce  que  administré  cent  fois,  si  l'on  veut, 
dans  la  période  ultime,  le  spécifique  n'aurait  eu  aucune  action, 
ou  n'en  aurait  eu  qu'une  incomplète,  le  malade  ayant  plus  tard 
succombé  à  des  accidents  consécutifs  ,  ne  serait-ce  point 
comme  si  l'on  venait  dire  -que  le  sulfate  de  quinine  est  sans 
action  contre  le  miasme  "paludéen,  parce  qu'il  n'a  point  arrêté 
nombre  d'accès  pernicieux  arrivésîà  leur  dernier  période;... 
que  la  compresse  chloro-vinaigrée  est  de  nuLeflet  contre  le 
gaz  des  fosses  d'aisances,  parce  que,  employée  trop  tard, 
l'asphyxié  est  mort,  ou  qu'après  l'avoir  rappelé  à  la  vie,  elle 
ne  l'a  point  empêché  de  succomber  plus  tard  aux  conséquences 
des  troubles  produits  dans  l'organisme  avant  qu'il  en  fût  fait 


—  188  — 

usage?...  Et  pour  achever  de  répondre  à  certain  ordre  d'objec- 
tions que  nous  avons  particulièrement  en  vue  en  ce  moment, 
nous  ajouterons  qu'autant  vaudrait  diré-encore  que  la  mhgné- 
sie  et  toutes  les  bases  alcalines  ne  sont  rien  dans  l'empoison- 
nement par  le  vitriol,  parce  que,  administrées- trop  loin  de 
l'ingestion  du  poison,  elles  n'ont  pu  que  saturer  la  partie  de 
l'acide  qui  n'avait  point  encore  agi,  et  , n'ont  rien  fait  sur  les 
lésions  qui  plus  tard  ont  entraîné  la  mort. 

Ceci  dit,  que  chacun  juge  et  prononce  ;  pour  nous,  voici . 
quelles  sont  nos  conclusions  : 

A.  Dans  le  choléra  au  troisième  degré,  lorsque  les  malades  .. 
absolument  froids,  cyanosés,  sans  pouls  et  sans  urines,  n'ont 
plus  que  quelques  heures  devant  eux  pour  passer  définitivement 
à  l'état  de  cadavre,  il  nous  paraît  désormais  évident  à  nous, 
comme  à  tout  le  monde,  que  pas  plus  avec  les  sels  de  cuivre 
qu'avec  tout  autre  traitement  employé  jusqu'ici,  il  n'y  a  rien 
à  espérer,  au  moins  dans  la  pratique  nosocomiale.  Chez  ces  ma- 
lades l'absorption  est,  en  effet,  fout  ce  qu'il  y  a  de  plus  pro- 
blématique, et  si  le  remède  vient  à  pénétrer  et  à  neutraliser 
la  partie  du  poison  qui  n'a  point  encore  agi,  on  se  trouve  en- 
suite avoir  à  lutter  contre  les  désordres  déjà  produits,  désor- 
dres si  graves  en  leurs  conséquences  que  la  plupart  des  sujets 
qui  ont  échappé  à  l'algidité  succombent  dans  la  réaction. 

Mais  dans  cette  même  période,  quand  la  vie  n'est  point  près 
de  s'éteindre,  qu'arrivés  tout  au  début  de  l'algidité,  l'on  a  en- 
core devant  soi  24  heures  et  plus  pour  combattre  la  maladie, 
faut-il  aussi  désespérer  d'en  triompher?  Nous  le  voudrions, 
qu'il  nous  serait  impossible  d'oublier  que  dans  les  16  cas  très- 
graves  du  troisième  degré,  où  la  vie  s'est  prolongée  au  delà 
d'un  jour  :  1  a  guéri,  7  ont  lutté  et  5  ont  été  retirés  du  plus 
profond  de  l'abîme,  pour  succomber  ensuite  à  des  accidents 
consécutifs;...  que  dans  les  cas  du  deuxième  degré,  qui  se  rap- 
prochaient le  plus  de  ceux  du  troisième  degré,  nous  avons 
atteint  le  but  deux  fois,  et  les  autres  fois  nous  ne  l'avons  man- 
qué que  parce  qu'il  est  survenu  de  semblables  complications, 
et  l'esprit  tout  troublé  par  le  souvenir  de  ces  faits,  ainsi  que 
par  les  observations  de  MM.  les  docteurs  Lisic,  de  Rogatis, 
DulVaignc,  etc.,  concernant  des  cholériques  du  même  degré. 


—  189  — 


nous  confesserons  que,  surtout  dans  la  pratique  privée  où  les 
soins  dévoués  de  la  famille  sont  si  puissants  pour  aider  les 
efforts  du  médecin,  nous  oserions  espérer  encore  en  la  médi- 
cation cuprique.  Que  si  nous  nous  trompons,  eh  bien,  l'erreur 
sera  pour  nous  seul,  car  nous  ne  prétendons  imposer  notre 
manière  de  voir  à  personne. 

B.  Dans  le  choléra  au  deuxième  degré  (période  algide  des 
ailleurs  le  plus  souvent),  les  espérances  renaissent  avec  la  con- 
servation à  certain  degré  soit  du  pouls,  soit  de  la  chaleur,  soit 
des  urines,  et  pour  nous  point  de  doute  qu'ici  la  porte  restant 
plus  ou  moins  ouverte  à  l'absorption,  les  sels  de  cuivre  ne 
puissent  y  passer  et  sauver  bon  nombre  de  malades,  peut-être 
la  moitié,  sinon  davantage. 

C.  Dans  le  choléra  du  premier  degré,  les  résultats  obtenus 
à  toutes  les  phases  de  gravité  sont  conformes  à  l'expérience 
du  passé,  ils  justifient  pleinement  les  succès  annoncés  par  les 
divers  auteurs  qui  avaient  fait  usage  des  sels  de  cuivre,  dans 
des  conditions  autrement  favorables  que  celles  où  ont  été 
obtenus  les  nôtres  ;  ils  donnent  raison  à  toutes  les  espérances 
que  nous  avons  pu  concevoir,  quand  il  s'agit  de  malades  qui 
peuvent  absorber  facilement,  et  doivent  engager,  ce  npus 
semble,  nos  confrères  à  s'y  associer  et  à  fonder  avec  nous  le 
traitement  de  la  première  période  qui,'  grâce  à  Dieu,  alors 
même  que  les  prodromes  ont  fait  défaut,  précède  toujours  au 
moins  de  quelques  heures  les  deux  autres. 

Les  succès  seront  d'autant  plus  probables  entre  leurs  mains, 
qu'ils  opéreront  sur  un  meilleur  terrain,  qu'ils  agiront  en  toute 
sécurité ,  les  expériences  de  l'Hôtel-Dieu  ayant  démontré  que 
les  craintes  qu'inspiraient  à  quelques-uns  les  sels  de  cuivre  ne 
sont  pas  fondées,  et  que  n'ayant  pas,  comme  nous,  à  faire  une 
démonstration,  ils  pourront  s'ingénier  à  associer  le  remède 
avec  des  agents  qui  puissent  en  rendre  l'administration  plus 
facile,  le  faire  mieux  accepter  et  tolérer,  le  faire  mieux  agir  et 
même,  à  l'occasion  peut-être,  lui  venir  en  aide  pour  forcer 
l'entrée  de  l'organisme. 

Déjà  un  honorable  confrère,  M.  le  docteur  Dufraigne,  qui  a 
obtenu,  à  Meaux,  des  résultats  remarquables  que  le  lecteur 
trouvera  un  peu  plus  loin,  est  parvenu  à  enlever  aux  sels  de 


—  190  — 


cuivre  ce  qu'ils  ont  de  désagréable  au  goût,  en  les  associant  à 
une  certaine  quantité  de  sirop  de  canelle. 

Ici,  nous  devrions  avoir  fini  ;  mais  de  par  cette  même  jus- 
tice distributive  dont  nous  avons  eu  l'occasion  de  fournir 
maint  exemple  dans  le  cours  de  cet  ouvrage,  il  nous  reste 
une  dernière  étape  à  franchir.  Ce  n'est" ni  la  moins  doulou- 
reuse, ni  la  plus  facile;  mais  n'importe,  nous  avons  résolu 
d'aller  jusqu'au  bout. 

On  sait  que  la  Société  médicale  des  hôpitaux  publie  un  bul- 
letin mensuel  des  maladies  régnantes,  sur  les  documents  qui 
lui  sont  envoyés  à  cet  effet  par  les  différents  chefs  de  service. 
Les  expériences  de  l'Hôtel-Dieu  terminées,  M.  Horteloup  en 
avait  adressé  à  cette  Société  le  relevé,  fait  par  son  interne, 
M.  Mouchet.  Ce  relevé  était  en  la  forme  d'une  simple  note  : 
de  détails,  point  c'était  inutile  puisqu'il  s'agissait  seulement 
de  statistique;  d'ailleurs  nous  seul,  qui  avions  recueilli  jour 
par  jour  ces  détails,  pouvions  les  fournir,  et  seulement  les 
faits  sommaires  avec  toute  leur  brutalité,  33  décès  sur  IScina- 
lades.  L'occasion  était  belle,  il  faut  en  convenir,  pour  raff'er- 
mir  en  leurs  dédains  ceux  de  messieurs  nos  confrères  qui,  ne 
jugeant  pas  sans  doute  les  sels  de  cuivre  d'assez  bonne  mai- 
son, n'avaient  jamais  consenti  à  en  parler,  pour  ainsi  dire,  que 
du  bout  des  lèvres,  et  le  secrétaire  de  la  Société,  M.  Besnier, 
qui  n'avait  point,  lui  aussi,  nous  devons  le  croire,  ces  sels  en 
bien  haute  estime,  peut-être  pour  n'avoir  jamais  rien  lu  sur 
leur  compte  dans  les  plus  gros  livres  de  médecine,  ne  s'est 
point  fait  faute  de  venir  les  stigmatiser,  voici  en  quels  termes  : 

AOUT  ET  SEPTEMBRE  1866; 

RAPPORT  DE  LA  COMMISSION  -DES  MALADIES  RÉGNANTES, 

à  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  dans  la  séance 
du  12  octobre  iSGG, 

Par  M.  le  docteur  Ernest  Besnier. 


Sulfate  de  cuivre.  —  Grâce  à  des  convictions  moins  heu- 
reuses que  tenaces,  l'occasion  nous  est  fournie  de  vous  parler 


—  191  — 

encore,  pour  la  dernière  fois  nous  l'espérons,  du  médicament 
et  de  la  médication.  En  effet,  malgré  le  triste  résultat  de  la 
tentative  autorisée  en  1865  par  M.  Pidoux,  M.  Horteloup  vou- 
lant obtenir  une  preuve  décisive  à  cet  égard,  et  sollicité  d'ail- 
leurs instamment  à  le  faire,  employa  le  sel  de  cuivre  chez 
72  sujets.  Le  sulfate  de  cuivre  a  été  donné  en  potion  à  la  dose 
de  30  centigrammes  dans  120  grammes  de  julep  gommeux  ou 
diacodé,  administrés  par  cuillerées  à  bouche  toutes  les  vingt 
ou  trente  minutes  dans  les  cas  graves,  toutes  les  heures  seule- 
ment dans  les  cas  de  moyenne  intensité  ;  on  donnait  en  même 
temps,  trois  ou  quatre  fois  dans  les  vingt-quatre  heures,  un 
quart  de  lavement  avec  40  centigrarhmes  de  sulfate  cuprique. 
Or,  voici  ce  qui  se  passait  :  «  Presque  toujours,  dit  M.  Mou- 
chet,  interne  de  service,  la  potion  faisait  vomir  violemment 
les  malades  au  début,  et  très-souvent  les  vomissements  per- 
sistaient tant  que  durait  cette  médication  ;  quelques-uns  cepen- 
dant ont  conservé  plusieurs  potions,  mais  il  nous  est  arrivé 
plusieurs  fois  de  les  retrouver  dans  l'estomac  après  la  mort. 
Plusieurs  de  ceux  qui  ont  pris  une  certaine  quantité  de  sulfate 
de  cuivre,  et  qui  ont  guéri,  ont  accusé  pendant  plusieurs 
jours  une  sensation  très-pénible  de  brûlure  au  pharynx  et  à 
l'estomac;  deux  ont  même  eu  des  coliques  très-violentes, 
alors  que  les  selles  étaient  supprimées.  »  Toutefois,  M.  Horte- 
loup, qui  a  eu  l'obligeance  de  nous  communiquer  ces  détails, 
déclare  de  la  manière  la  plus  formelle  qu'aucun  des  malades 
traités  par  le  cuivre  n'a  éprouvé  de.  symptômes  d'intoxication 
cuprique,  et  il  ajoute  que  les  sensations  pénibles  de  brûlure 
notées  chez  quelques-uns  de  ces  sujets  n'ont  pas  été  d'une 
violence  notable,  et  que  d'autres  malades  traités  par  d'auti'es 
•  méthodes  n'ont  pas  été  exempts  de  ces  douleurs  épigastriques 
et  pharyngiennes. 

Quant  au  résultat,  le  voici  : 

5  cas  légers,  —  5  guérisons  ; 

23  cas  de  moyenne  intensilr,  — -  ik  guérisons,  —  9  morts  ; 
lik  cas  graves,  —  43  morts. 

Une  seule  malade,  phthisique,  a  guéri  ;  encore  a-t-elle  suc- 
combé quinze  jours  après  être  re passée  dans  la  salle  oij  elle 
était  avant  d'avoir  été  prise  du  choléra.  C'est,  on  le  voit,  à  peu 


—  192  - 

de  chose-  prî^s,  le  même  résultat  que  dans  le  service  de  M.  Pi- 
doux,  où  «  sur  9  malades  soumis  au  traitement,- il  y  eut 
8  morts,  sans  amélioration  même  passagère  ;  et  la  seule 
malade  qui  ait  guéri  avait  refusé  de  continuer  l'usage  de  la 
potion  qui  la  faisait  vomir,  et  lui  laissait  dans  la  bouche  un 
arrière-goût  insupportable.  »  {Gaz.  des  Hôp.,  11  août  1866.) 

(Extr.  de  l'Union  médicale  du  20  octobre.) 

Lecteur,  qui  avez  bien  voulu  nous  suivre  jusqu'ici,  que 
dites-vous  du  rapport,  j'ai  presque  dit  du  réquisitoire?... 
Vous  semble-t-il  que  la  coupe  soit  assez  pleine  et.  son  contenu 
assez  amer,  et  comprenez-vous  maintenant  pourquoi  nous  '  ' 
parlions,  en  commençant,  d'étape  douloureuse?... 

L'auteur  de  ce  factura  ne  se  donne  même  point  la  peine  de 
nommer  le  confrère  qui,  depuis  tant  d'années  s'est  dévoué  à  - 
la  solution  de  l'un  des  problèmes  qui  intéressent  le  plus  l'hu-". 
manité  !... 

Plus  haut,  page  75,  nous  disions  :  «  sous  ce  titre  :  résistances, 
il  y  aurait  à  faire  tout  un  long  et  curieux  chapitre  sur  les  di- 
verses phases  d'opposition,  sous  toutes  les  formes,  que  la  mé- 
tallothérapie  (et  tout  ce  qui  s'y  rapporte)  a  traversées  depuis 
dix-huit  années  qu'elle  a  pris  naissance.  »  Ne  serait-il  point 
opportun  d'écrire  en  ce  moment  quelques  pages  de  ce  cha- 
pitre, et  de  rechercher  enfin  pourquoi  ces  résistances  n'ont 
point  cédé  ni  devant  nos  patientes  et  persévérantes  recherches 
sur  le  choléra,  ni  devant  tous  ces  divers  travaux,  la  plupart  sur 
des  sujets  originaux  et  de  notre  entière  création,  qui  figurent 
aujourd'hui  très-honorablement  dans  les  annales  de  la  science, 
tels  que,  par  exemple  : 

La  dijnamomètrie  associée  à  VcslMsimè-  trie  dans  le  diagnos- 
tic, l'etiologie  et  le  traitement  des  maladies  nerveuses  ; 

La  mètallothcrapie  qui,  dans  les  névroses,  dans  l'hystérie  el 
la  chorée  entre  autres,  a  déjà  rendu  tant  de  services  (1). 

(1)  Admis  par  l'administration,  après  le  choléra  do  18W,  h  faire  des  ex- 
périences sur  les  hystériques  incurahlcs  de  la  Salpétriére,  nous  y  avons 
traité,  par  nos  armatures,  0  malades,  pensionnaires  depuis  plusieurs  années 
du  pavillon  Saint-Vincent,  et  4  sur  les  G  étaient  rendues  peu  de  temps  après 


—  193  — 


Les  applications  que  nous  avons  faites  de  ces  actions  métal- 
liques individuelles,  si  intéressantes  et  si  nouvelles,  pour  la 
détermination  de  la  véritable  influence  du  fer  et  des  autres 
métaux  dans  la  chlorose,  et  surtout  pour  cette  chose  inespérée 
qui  ouvra  de  si  larges  horizons  h  la  thérapeutique  proprement 
dite  : 

La  révélation  des  idiosyncrasies.  ^ 

Nos  recherches  sur  les  bons  effets  de  la  gymnastique  pulmo- 
naire (comprenant  le  chant,  la  déclamation  et  le  jeu  des  in- 
struments à  vent)  dans  la  phthisie. 

Nos  laborieuses  et  très-coûteuses  expériences  pour  l'alimen- 
tation des  plus  grandes  villes  en  eaux  salubres,  etc.,  etc.?... 

Mais  de  deux  choses  l'une;  ou  bien  nous  avons  manqué  à  la 
vérité  dans  l'exposition  des  faits,  et  le  rapport  qui  nous  a  été 
infligé  par  M.  Besnier  n'est  que  justice,  ou  bien  nous  avons 
dit  vrai,  —  nous  mettons  au  défi  quiconque  de  venir  prouver 
une  seule  fois  le  contraire,  —  et  alors  que  dire  du  médecin 
qui,  du  même  coup,  où  il  venait  enlever  à  un  confrère  le  fruit 
le  plus  précieux  de  tant  de  peine  et  de  soins,  et  arracher  aux 
autres  une  espérance,  frappait  la  Société  médicale  des  hôpitaux 
elle-même  dans  la  personne  de  l'un  de  ses  membres  les  plus 
vénérés?  Comprend-on,  en  effet,  que  si  les  choses  se  fussent 
passées,  ainsi  que  semble  l'indiquer  le  rapport  de  M.  Besnier, 
M.  Horteloup  eût  attendu  le  soixante-douzième  malade  pour 
mettre  un  terme  aux  expériences...  Une  lettre,  que  nous 
avons  eu  l'honneur  d'adresser  à  ce  sujet  à  qui  de  droit,  com- 
plétera notre  réponse. 

Donnons  auparavant  la  parole  à  la  Gazette  des  hôpitaux  : 

REVUE  CLINIQUE  HEBDOMADAIRE  (23  février). 

TRAITEMENT   DU   CHOLÉRA   PAR   LE   SULFATE  DE  CUIVRE. 

Si  nous  revenons  encore  sur  le  traitement  du  choléra  par  le 
sulfate  de  cuivre,  c'est  parce  qu'il  nous  a  paru  que  le  dernier 

h  leur  famille.  Avant  nous,  il  n'avait  pas  fallu  moins  d'une  période  do  dix 
années  pour  produire,  dans  le  mûme  service,  pareil  nombre  de  sorties. 

Pour  la  cliorée,  voir  les  expériences  do  M.  le  docteur  Douchut,  à  l'hôpital 
Sainte-Eugénie. 

13 


—  19/4  — 


mot  n'avait  pas  été  dit  encore  sur  la  valeur  réelle  de  cette  médi- 
cation, malgré  le  jugement  un  peu  sommaire  qui  en  a  été  fait 
à  la  Société  médicale  des  hôpitaux.  Voici  quelques  faits  que 
nous  communique ,  en  manière  d'appel,  M.  le  docteur  Dufrai- 
gne,  de  Meaux,  ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  et  qui  a 
saisi  l'occasion  d'expérimenter  cette  médication  pendant  que 
l'épidémie  sévissait  dans  cette  ville. 
Nous  laissons  la  parole  à  notre  confrère  : 

Premier  cas.  —  Choléra  foudroyant.  Guérison  rapide. 

«  L'épidémie  s'est  montrée,  à  Meaux,  sévère  en  son  début, 
comme  presque  partout  cette  année.  Il  y  avait  eu  déjà  un  cer- 
tain nombre  de  malades,  et  tout  autant  de  victimes,  lorsque, 
le  30  août,  je  fus  appelé  auprès  du  nommé  P...,  berger. 

Cet  homme,  âgé  de  trente-deux  ans,  très-vigoureux,  d'une 
excellente  santé  habituelle,  après  une  seule  journée  de  pro- 
dromes caractérisés  par  un  peu  de  diarrhée,  mais  surtout  par 
de  grands  bruits  d'entrailles,  avait  été  pris  très-violemment,  la 
nuit  vers  cinq  heures.  A  dix  heures  du  matin,  je  constatais 
vomissements  et  selles  caractéristiques  incessants,  crampes 
féroces,  angoisse  épigastrique  des  plus  vives,  yeux  excavés, 
aphonie,  froid  général,  mais  encore  un  peu  de  pouls. 

Prescriptions  :  Ipéca,  boissons  excitantes,  bouteilles  d'eau 
chaude,  frictions,  lavements  laudanisés. 

A  deux  heures,  l'état  du  malade  s'est  encore  aggravé,  plus 
de  pouls,  algidité  complète,  sueur  visqueuse,  suflbcation  ;  cho- 
léra type. 

La  mort  me  paraissant  imminente,  je  me  décide  à  tenter  la 
médication  cuprique,  et  je  prescris  la  potion  suivante  : 

Eau  distillée,  125  grammes. 
Sulfate  de  cuivre,  12  cenligrammes. 
Laudanum,  4  0  gouttes. 
Alcoolat  de  mélisse,  4  grammes. 

à  prendre  par  cuillerée  à  café  de  dix  minutes  en  dix  minutes. 

Les  deux  ou  trois  premières  cuillerées  sont  très-mal  suppor- 
tées; le  malade  n'accepte  à  nouveau  le  remède  qu'avec  une 
extrême  répugnance;  cependant  à  cinq  heures  il  en  avait  déjà 


—  195  — 


pi'is  et  gardé  les  deux  tiers  ;  à  cette  heure,  rien  encore  de  bien 
notable.  On  continue  le  traitement  :  à  neuf  heures,  un  peu 
d'amélioration  ;  vomissements,  diarrhée  et  crampes  ont  un  peu 
diminué,  le  froid  est  moins  intense,  mais  toujours  pas  de  pouls, 
pas  d'urines,  angoisse  épigastrique  des  plus  vives,  voix  abso- 
lument éteinte,  si  bien  que  la  famille  se  refuse  tout  d'abord  à 
faire  les  frais  d'une  nouvelle  potion  :  j'oblige  l'un  de  ses  mem- 
bres à  me  suivre  chez  le  pharmacien.  Une  seconde  potion, 
cette  fois  à  15  centigrammes,  est  faite  sous  mes  yeux,  j'y  fais 
ajouter  30  grammes  de  sirop  de  cannelle,  et  supprimer  l'al- 
coolat de  mélisse;  cette  seule  addition  suffit  pour  la  rendre 
d'un  goût  presque  agréable.  Le  lendemain,  31,  vers  sept  heures, 
je  retourne,  sans  beaucoup  d'espoir,  auprès  du  malade,  et  à 
ma  très-grande  surprise  je  trouve  la  chaleur  revenue  partout, 
sauf  dans  les  parties  restées  à  découvert;  je  sens  parfaitement 
le  pouls;  les  vomissements  et  les  selles  sont  devenues  rares, 
presque  plus  de  crampes,  diminution  notable  de  l'angoisse 
épigastrique,  P...  n'a  plus  vomi  une  seule  fois  sa  potion,  il  la 
prend  maintenant  avec  plaisir. 

Prescription  :  Troisième  potion  de  15  centigrammes,  dont  je 
fais  éloigner  les  doses. 

Le  soir,  l'amélioration  a  fait  de  nouveaux  progrès,  plus  de 
crampes;  de  temps  en  temps  encore  un  vomissement,  deux 
ou  trois  garde-robes  seulement,  depuis  le  matin;  pouls  et  cha- 
leur, réaction  bonne. 

Le  1"  septembre,  pouls  bon ,  plus  de  selle  caractéristique, 
plus  de  crampes  ni  d'angoisse  épigastrique.  Bouillon. 

Le  2,  le  bien  continue,  retour  des  urines.  Bouillon  et  soupe. 

Le  3,  plus  aucun  symptôme  cholérique,  convalescence  fran- 
che; pendant  quelques  jours  encore,  je  surveille  le  malade. 

Le  10,  il  était  complètement  rétabli,  et  je  lui  faisais  ma  der- 
nière visite.  » 

Deuxième  cas.  —  Choléra  foudroyant.  Guèrisonplus  rapide  encore. 

tt  B...,  cinquante  ans,  employé,  pris  subitement,  sans  aucune 
sorte  de  prodrome,  vers  onze  heures,  dans  la  nuit  du  13  octo- 
bre, selles  et  vomissements  caractéristiques  au  mémo  moment. 
Sa  femme,  blanchisseuse  de  profession,  allume  son  fourneau 


—  196  — 


et  l'entoure  de  fers  chauds.  Malgré  cela,  le  froid  augmente. 
J'arrive  à  une  heure  du  matin,  et  je  constate  l'état  suivant  : 
selles  et  vomisse  iients  très-abondants,  caractéristiques,  crampes 
très-violentes,  se  répétant  sans  cesse,  angoisse  ôpigastrique, 
froid  général,  excepté  à  la  poitrine,  où  encore  un  peu  de  cha- 
leur, cyanose  des  cxtrcmilés,  voix  éteinte,  face  grippée,  pouls 
conservé,  mais  très-fréquent  et  petit.  Avant  mon  arrivée  on 
avait  administré  thé  au  rhum  et  un  lavement  laudanisé.  Je 
prescris  la  continuation  des  mêmes  moyens,  plus ,  si  les  acci- 
dents ne  diminuent  pas,  la  même  potion  que  dessus,  avec  15 
centigrammes  de  sulfate  de  cuivre  ef  30  grammes  de  sirop  de 
cannelle  h  prendre  de  dix  minutes  en  dix  minutes.  Une  demi- 
heure  à  peine  après  ma  visite,  refroidissement  complet,  voix 
tout  à  fait  éteinte,  ce  que  voyant,  la  femme  de  B...  s'empresse 
d'aller  frapper  à  la  porte  du  pharmacien. 

Dès  la  troisième  prise  du  remède,  les  vomissements  cessent; 
un  peu  plus  tard,  disparition  des  crampes,  diminution  consi- 
dérable des  selles.  A  huit  heures  du  matin,  je  constate  que  le 
pouls  s'est  relevé  et  que  B...  s'est  complètement  réchauffé;  en 
outre,  plus  de  constriction  vers  la  base  de  la  poitrine. 

Je  fais  éloigner  les  doses  de  la  potion,  me  réservant  de  la 
renouveler  le  soir,  s'il  y  a  lieu  ;  mais  à  ce  moment,  pouls  et 
chaleur  bons  l'un  et  l'autre,  plus  de  selle  ni  de  vomissement.  " 

Le  lendemain,  15,  retour  des  urines;  le  malade  demande  à 
manger. 

Le  16,  je  m'abstiens  de  le  visiter. 
Le  17,  bien  complet. 

Dans  ce  cas,  les  accidents  sont  arrivés  si  brusquement,  la 
marche  en  a  été  si  rapide,  que  le  pronostic  était  des  plus 
graves,  et  cependant  une  seule  potion  a  suffi. 

La  rapidité  de  la  guérison  et  la  promptitude  avec  laquelle 
s'est  établie  et  confirmée  la  convalescence,  m'ont  rempli 
d'étonnement.  » 

Troisième  cas.  —  Choléra  à  la  prcmici'e  pcriode.  Guérison 
en  quelques  heures. 

«  Le  17  septembre,  à  neuf  heures  et  demie  du  soir,  je  visi- 
tais une  femme  G,..,  lavandière,  qui,  après  une  seule  journée 


• 


—  197  — 


de  prodromes,  avait  été  prise  subitement  des  symptômes  sui- 
vants :  selles  riziformes,  abondantes  et  très-fréquentes,  crampes 
violentes,  commencement  de  froid,  pas  encore  de  vomisse- 
ments, mais  vomituritions  fréquentes,  pouls  et  urines  conser- 
vés... Auprès  de  la  malade  était  déjà  le  curé  de  la  paroisse,  qui 
se  montrait  d'autant  plus  préoccupé  de  son  état  qu'il  venait 
d'assister  une  voisine  chez  laquelle  les  accidents  avaient  débuté 
de  la  même  façon,  et  qui  était  morte  très-rapidement.  Je  crois 
pouvoir  rassurer  le  bon  abbé;  j'ordonne  la  potion  à  15  centi- 
grammes, et  la  nuit  était  à  peine  arrivée  à  sa  fin  que  tout  était 
rentré  dans  l'ordre.  A  ma  troisième  et  dernière  visite,  qui  eut 
lieu  le  surlendemain,  je  rencontrais  l'abbé  B...,  il  avait  suivi  le 
traitement,  il  n'en  revenait  pas  de  surprise,  et  comme  il  me 
l'exprimait  en  termes  chaleureux,  je  l'engageais,  le  cas  échéant, 
à  faire  son  profit  du  fait  dont  il  venait  d'être  le  témoin. 

En  lui  parlant  ainsi,  je  croyais  ne  lui  faire  qu'une  recomman- 
dation banale,  mais  hélas  !  voici  ce  qui  devait  lui  arriver  à  lui- 
même  : 

Environ  trois  semaines  après,  le  8  octobre,  l'abbé  B...,  quoi- 
que souffrant  depuis  plusieurs  jours,  se  rendait  à  pied  au  vil- 
lage de  Penchard,  situé  à  k  kilomètres  de  Meaux,  pour  y  assister 
à  une  réunion  d'ecclésiastiques  chez  le  curé  de  la  localité.  On 
se  met  à  table  :  aux  premières  cuillerées  de  potage,  l'abbé  B... 
se  sent  comme  foudroyé  ;  ne  pouvant  être  transporté  chez  lui, 
on  le  couche  au  presbytère.  Les  accidents  marchent  avec  une 
effrayante  rapidité,  et  le  pauvre  abbé,  qui  se  souvient,  n'a  plus, 
qu'une  pensée,  n'exprime  plus  qu'un  seul  désir,  celui  de  me 
voir  :  «  Allez  chercher  M.  le  docteur  Dufraigne,  je  ne  veux  que 
lui,  lui  seul,  »  répète-t-il  d'une  voix  qui,  en  moins  de  deux 
îieures,  s'éteint  tout  à  fait. 

J'étais  malheureusement  absent,  et  lorsque  j'arrivai  avec  la 
potion,  malgré  les  soins  dévoués  d'un  confrère  qui  avait  été 
appelé  à  ma  place,  il  n'était  déjà  plus  temps  ;  deux  heures 
après,  le  malheureux  abbé  expirait.  » 

Quatrième  cas.  —  Choléra  foudroyant  ;  guèrison,  puis  mort 
le  dixième  jour ,  par  accidents  consécutifs. 

((  Le  H  octobre,  dans  une  maison  du  faubourg  Saint-Nicolas, 


—  198  — 


un  enfant  de  quinze  mois  mourait  du  choléra.  Le  jour  suivant, 
le  frère,  âgé  de  huit  ans,  était  pris  à  son  tour,  sans  aucun  pro- 
drome, des  accidents  les  plus  graves. 

A  mon  arrivée,  évacuations  caractéristiques  par  haut  et  par 
bas,  incessantes;  crampes  si  fortes,  que  les  voisins  s'étaient 
sauvés  pour  ne  pas  entendre  les  cris  du  malade  ;  plus  de  pouls; 
froid  et  cyanose. 

Prescription.  —  Potion  à  7  centigrammes,  à  prendre  par 
cuillerée  à  café  de  dix  minutes  en  dix  minutes;  en  outre, 
moyens  de  caléfaction  et  limonade  froide  pour  boisson.  Les 
vomissements  cessent  dès  après  la  première  cuillerée,  et  peu 
à  peu  le  malade  commence  à  se  réchauffer. 

Le  16  au  matin  (2«  visite),  je  trouve  le  jeune  C...  en  pleine 
réaction,  le  pouls  est  revenu,  plus  de  vomissements,  seulement 
quelques  garde-robes,  quelques  crampes,  mais  pas  encore 
d'urine. 

Nouvelle  potion,  avec  la  recommandation  d'éloigner  les  doses 
et  au  besoin  même  de  la  suspendre.  Vers  la  fin  du  jour,  la 
mère  de  l'enfant  voyant  les  accidents  ne  plus  se  renouveler, 
suit  à  la  lettre  ma  dernière  recommandation,  La  potion  ayant 
été  mise  de  côté,  quelques  heures  après,  dans  la  nuit,  retour 
du  froid  et  des  vomissements.On  redonne  la  potion  et,  comme 
la  première  fois,  ces  derniers  cessent,  puis  la  chaleur  revient. 

Le  lendemain  17  et  aussi  un  peu  le  18,  les  mêmes  accidents 
se  reproduisent  sous  l'influence  de  la  même  cause  (suspension 
de  la  potion)  et  sont  tout  aussi  heureusement  conjurés  par  une 
nouvelle  dose  du  médicament. 

Le  cinquième  jour,  chaleur  normale,  retour  des  urines. 

Le  19,  pouls  un  peu  lent,  deux  ou  trois- selles  de  nature  bi- 
lieuse et  somnolence  ;  suspension  définitive  de  la  potion. 

Le  20,  plus  aucun  phénomène  cholérique  proprement  dit, 
mais  la  somnolence  augmente;  quelques  cris  hydrencépha- 
liques  se  font  entendre;  fuliginosités  à  la  bouche,  langue 
sèche,  selles  de  plus  en  plus  bilieuses. 

J'institue  un  traitement  en  conséquence. 

Les  21,  22  et  23,  l'état  typhique  s'aggrave,  malgré  le  quin- 
quina, le  sulfate  de  quinine  et  une  alimentation  appropriée  ; 
le  23,  l'adynamie  est  profonde,  et  le  2h  l'enfant  succombe, 


\ 


—  199  — 

ayant  pris  en  tout  21  centigrammes  de  sulfate  de  cuivre  en 
cinq  journées. 

Faut-il  regarder  la  fin  de  ce  malade  comme  un  insuccès  de 
la  méthode?...  Devons-nous  oublier  que,  pendant  cette  si 
grave  lutte  des  cinq  premiers  jours,  le  remède  n'a  jamais 
manqué  son  effet,  qu'il  a  toujours  suffi  d'une  cuillerée  ou  deux 
de  la  potion,  pour  faire  cesser  les  vomissements  et  amener  le 
réchauftement,  et  que  le  cinquième  jour  le  cours  des  urines 
était  rétabli  et  tous  les  phénomènes  cholériques  proprement 
dits  avaient  disparu?  Pour  moi,  malgré  le  résultat  final,  je 
croirais  me  manquer  à  moi-même  que  de  ne  pas  reconnaître 
que,  chez  l'enfant  C...,  les  heureux  effets  de  la  médication  ont 
été  non  moins  évidents  que  chez  les  trois  autres  malades. 

En  résumé,  j'ai  traité  par  les  sels  de  cuivre  k  cas  de  cho- 
léra, et  sur  ces  cas,  dont  3  d'une  extrême  gravité,  3  ont  guéri 
avec  une  rapidité  tout  à  fait  inaccoutumée,  et  le  h",  après  avoir 
été  sauvé  de  même  de  la  maladie  première,  a  succombé  en- 
suite à  des  phénomènes  consécutifs  !...  » 

Ces  observations  sont,  il  est  vrai,  en  bien  petit  nombre,  mais 
dans  chacune  d'elles  les  résultats  ont  été  si  nets  et  si  tranchés, 
qu'on  ne  saurait  leur  refuser  une  sérieuse  valeur,  surtout  si 
l'on  tient  compte  du  caractère  très-grave  de  l'épidémie  et  des 
nombreux  cas  promptement  mortels  au  milieu  desquels  elles 
ont  été  recueillies.  {Noie  du  rédacteur  en  chef.) 

M.  le  docteur  Dufraigne  avait  ajouté  : 

«  Je  viens  de  dire  les  faits  tels  qu'ils  se  sont  passés.  Je  n'avais 
point  d'abord  l'intention  de  les  livrer  à  la  publicité,  mais  de- 
vant les  termes  du  rapport  de  M.  le  docteur  Besnier,  j'ai  cru 
que  je  devais  à  la  vérité  et  à  la  justice  de  les  faire  connaître. 

((  Espérons,  dirai-je  avec  l'honorable  secrétaire  de  la  Société  ■ 
médicale  des  hôpitaux,  qu'il  ne  sera  plus  question  du  médica- 
ment, ni  de  la  médication,  oui,  espérons-le,  car  le  fléau  doit 
commencer  à  se  lasser  de  frapper;  mais  si,  ce  qu'à  Dieu  ne 
plaise,  il  venait  à  reparaître,  dans  ma  pensée,  je  le  dis  en  toute 
sincérité,  les  sels  de  cuivre  auraient  à  jouer  un  très-grand  rôle 
dans  la  médication. 


—  200  — 

«  J'étais  interne  en  deuxième  année  à  l'hôpital  Beaujon,  lors 
de  la  grande  épidémie  de  18/,9,  j'ai  vu  l'épidémie  de  1853-5^i 
j'ai  suivi  celle  de  1865,  et  dans  les  nombreux  traitements  que 
j'ai  vu  appliquer  ou  que  j'ai  expérimentés  moi-même,  je  n'en 
connais  aucun  qui  m'inspire  la  même  confiance.  Le  médica- 
ment, c'est  vrai,  n'offre  en  lui-même  rien  de  bien  flatteur  pour 
le  palais,  mais  convenablement  édulcoré  et  aromatisé  il  de- 
vient très-supportable  au  goût;  associé  à  une  certaine  quantité 
d'opium  la  tolérance  s'en  établit  facilement,  et  quant  à  ses 
prétendus  dangers  ils  sont,  à  mes  yeux,  si  parfaitement  imagi- 
naires que,  le  cas  échéant,  je  ne  voudrais  point  d'autre  remède 
pour  les  miens  comme  pour  moi.  D""  Dufraigne. 

Voici  maintenant  la  lettre  annoncée  un  peu  plus  haut;  c'est 
par  elle  que  nous  terminerons.  Cette  lettre  fut  remise  par  nous- 
même  à  l'honorable  président  de  la  Société  médicale  des  hô- 
pitaux. Une  note,  résumé  très-fidèle  des  expériences  de  l'Hôtel- 
Dieu  l'accompagnait,  et,  dernier  trait  de  toute  cette  odyssée, 
celle-ci,  pas  plus  que  la  première,  n'obtint  même  la  faveur 
d'une  simple  mention  au  compte  rendu  des  séances  de  la  So- 
ciété. M.  Besnier  étant  chargé  de  la  rédaction  du  procès-verbal, 
de  par  certaine  logique  il  ne  pouvait  guère  en  être  autrement,  et 
c'est  ainsi  que  tous  ceux  qui  ont  lu  son  rapport  restent  à  cette 
heure  bien  convaincus  que  nous  avons  nous-même  passé  con- 
damnation sur  nos  convictions  pk«  tenaces  qu'heureuses! 

Vit-on  jamais  une  violation  plus  flagrante  du  droit  de  uéponse, 
droit  inscrit  dans  la  conscience  de  tous  aussi  bien  que  dans  la 
loi,  et  qui,  dans  le  cas  particulier,  toute  autre  considération  à 
part,  devait  être  certainement  d'autant  plus  respecté  qu'à  l'in- 
térêt privé  se  mêlait  un  intérêt  public  de  premier  ordre ,  les 
observations  de  M.  le  docteur  Dufraigne  sont  encore  venues  le 
démontrer?...  Mais  Passons  et  hâtons-nous  dé  finir. 

A  Monsieur  le  Président  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux. 

Paris,  le  10  novembre  1866. 

Monsieur  le  Président, 
J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  cette  lettre  et  la  note  qui 
l'accompagne,  en  réponse  à  la  partie  me  concernant  dans  le 


—  201  — 


rapport  que  M.  le  secrétaire  a  lu  à  la  Société  médicale  des 
hôpitaux  sur  le  choléra  de  1866. 

L'année  dernière,  presque  à  pareille  époque,  s'élevait  de  l'hô- 
pital Saint-Antoine  comme  un  vent  tempétueux  contre  le  système 
que  j'ai  préconisé  pour  combattre  le  choléra.  Depuis  cette 
époque,  qu'il  s'agit  de  la  question  du  traitement,  ou  seule- 
ment de  celle  de  la  préservation  qui  en  est  si  distincte,  et  ne 
saurait,  en  aucun  cas,  ce  me  semble,  être  plus  solidaire  de  la 
première  que  la  vaccination  préventive  ne  l'a  jamais  été  de  la 
vaccination  curative,  la  métallothérapie  a  toujours  rencontré 
sur  son  chemin  le  même  souffle  d'opposition. 

Aujourd'hui,  Monsieur  le  Président,  la  mesure  est  comble.  Des 
expériences  ont  été  faites  à  l'Hôtel-Dieu,  qui,  loyalement  expo- 
sées, dans  tous  leurs  détails,  et  convenablement  interprétées, 
doublent  les  espérances  que  j'avais  conçues  pour  les  cas  où  les 
malades  sont  encore  en  puissance  d'absorption,  et  voilà  que  ces 
faits  en  passant  par  la  bouche  de  M.  le  secrétaire  de  la  Société 
réduisent  à  néant  ces  espérances!...  Je  proteste. 

La  note  ci-jointe,  que  j'ai  pris  soin  de  soumettre  à  M.  Horte- 
loup  qui  n'a  point  trouvé  qu'une  seule  ligne  fût  à  retrancher 
ou  à  ajouter  dans  l'exposition  des  faits,  démontre  que,  dans  ces 
expériences,  les  choses  se  sont  passées  tout  autrement  que  ne 
semble  l'indiquer  le  rapport  de  M.  Besnier. 

«  Que  dans  les  cas  qualifiés  simplement  de  moyens  (vingt- 
deux  au  lieu  de  vingt-trois),  huit  avaient  une  anurie  complète, 
et  neuf  autres  suppression  absolue  de  deux  des  trois  grandes 
fonctions  —  circulation,  calorification  et  sécrétion  urinaire,  et 
lésion  plus  ou  moins  grave  de  la  troisième. 

«  Que  dans  tous  ces  cas,  aussi  bien  que  dans  ceux  qualifiés  de 
légers  (vingt-sept  en  tout),  sauf  chez  un  malade  mort  à  la 
vingt  et  unième  heure  d'un  choléra  à  forme  typhique,  les  sels 
de  cuivre  ont  eu  une  action  des  plus  manifestes. 

«  Qu'une  fois  ces  sels  administrés  par  haut  et  par  bas,  pas  un 
malade,  excepté  un  élève  en  pharmacie  qui  avait  été  saturé 
d'opium  avant  son  entrée,  et  qui  est  mort  dans  le  coma  après 
quatre  jours  d'une  lutte  évidente,  —  pas  un  ne  s'est  avancé 
d'un  degré  de  plus  vers  la  période  algide. 

«  Que  chez  tous,  et  alors  même  que  le  remède  avait  été  assez 


—  202  — 

mal  toléré,  les  phénomènes  cholériques  ont  été  enrayés  le  jour 
même  ou  le  surlendemain  au  plus  tard  ;  que  tous  avaient  repris 
complètement  (sauf  une  femme  qui  n'avait  point  encore  uriné) 
pouls,  chaleur  et  urines;  que  tous  étaient  déjà  arrivés  à  la 
convalescence  ou  y  touchaient  et  ne  prenaient  plus  le  remède, 
lorsque  la  mort  est  survenue  plus  ou  moins  inopinément  chez 
huit  d'entre  eux,  deux  fois  par  pneumonie,  quatre  fois  par  acci- 
dents cérébraux,  une  fois  par  épuisement  (dans  un  cas  léger), 
suite  de  misère,  et  une  fois  par  une  rechute  non  traitée.  » 

C'est  ainsi  que  le  nombre  de  guérisons  définitives,  dans  cette 
période  de  la  maladie  oîi  pouvait  être  jugée  seulement  la  mé- 
dication, s'est  trouvé  très-malheureusement  réduit  à  dix-sept 
au  lieu  de  vingt-quatre,  qu'il  était  très-légitime  d'espérer,  et 
qu'on  aurait  obtenues,  c'est  probable,  sans  les  complications  qui 
sont  survenues! 

Quant  aux  quarante-quatre  cas  graves,  qui  tous  étaient 
absolument  sans  pouls,  sans  urines,  et  algides,  que  prouvent- 
ils?  Tout  au  plus  l'imprudence  de  l'expérimentation. 

Sur  les  faits  de  l'hôpital  Lariboisière  j'ai  déjà  répondu,  et 
montré,  devant  l'Académie  et  ailleurs,  que  les  malades  qui  en 
•font  le  sujet,  n'ayant  jamais  reçu  que  le  dixième  de  la  dose  de 
sel  affirmée  (7  cent,  1/2  au  lieu  de  0,75),  ces  faits  ressortissaient 
à  la  médication  quasi  expectante  et  point  du  tout  à  la  nôtre. 
Le  soin  que  M.  le  D''  Besnier  a  mis  à  les  faire  figurer  dans  son 
rapport,  bien  que  déjà  vieux  depuis  près  d'une  année,  prouve 
nettement  l'esprit  qui  l'a  dirigé  dans  ses  appréciations,  et  le 
but  qu'il  se  proposait  :  que  s'il  pouvait  encore  rester  un  doute 
sur  les  intentions  du  rapporteur,  il  n'y  aurait  pour  s'éclairer 
qu'à  lire  le  passage  relatif  à  la  malheureuse  phthisique  qui  a 
guéri,  et  «  encore  a-t-elle  succombé,  dit  M.  Besnier,  quinze 
jours  après,  »  comme  si  notre  traitement  était  en  faute  pour  ne 
point  avoir  arrêté  une  phthisie  arrivée  tout  à  la  fin  du  troisième 
degré. 

Le  fond  du  rapport  de  M.  Besnier  n'est  donc  vrai  qu'en 
apparence. 

Contre  la  forme  je  proteste  non  moins  énergiquemenl. 
Si  je  suis  victime  d'une  illusion,  elle  me  coûte  assez  cher. 
Monsieur  le  Président,  pour  qu'on  me  la  pardonne,  pour  avoir 


—  203  — 


droit  tout  au  moins  au  respect  de  mes  confrères,  et  qu'il  me 
soit  permis  d'exprimer  tout  haut  le  regret  que,  devant  une 
parole  plus  que  dédaigneuse,  il  ne  se  soit  point  trouvé  au  sein 
de  la  Société  une  voix  pour  rappeler  tout  au  moins  à  son 
secrétaire,..  Que  cette  question  du  cuivre  dans  le  choléra  est 
aujourd'hui  l'œuvre  de  toute  une  grande  partie  de  ma  vie. 
Qu'il  y  aura  tantôt  comme  dix-huit  années  que  j'ai  commencé 
à  m'en  occuper.  Que  dès  1853  elle  m'arrachait  déjà  à  mes 
atïaires,  à  la  voie  qui  était  ouverte  à  mon  activité  pour  me 
mener  en  Angleterre,  où  je  merendis  sans  aucune  feuillederoute 
ministérielle,  dans  le  seul  but  d'y  poursuivre  mes  recherches. 
Que,  malgré  de  nombreux  déboires,  depuis  ce  temps  jamais 
je  ne  reculai  devant  aucun  sacrifice  ni  de  temps  ni  d'argent, 
devant  aucune  fatigue  pour  faire  triompher  ce  que  je  crois  être 
la  vérité,  et  que  naguère  encore  je  faillis  payer  de  ma  vie, 
ainsi  que  l'infortuné  Tourette,  l'ardeur  de  mes  convictions... 
Et  ceci  ayant  été  dit,  j'aime  à  croire.  Monsieur  le  Président, 
que  notre  jeune  confrère,  M.  le  D''  Besnier,  eût  trouvé,  dans 
l'expression  de  sa  pensée,  une  forme  autre  et  un  peu  moins 
impersonnelle  que  celle  par  laquelle  il  débute  en  ces  termes  : 

«  Grâce  à  des  convictions  moins  heureuses  que  tenaces, 
l'occasion  nous  est  fournie  de  vous  parler  encore,  jjour  la  der- 
nière fois, nous  r espérons,  du  médicament  et  de  la  médication.  » 

J'ai  fini,  moi  aussi,  de  parler  de  cette  médication. 

La  métallothérapie  n'a  jamais  eu  la  prétention.  Monsieur  le 
Président,  de  forcer  toutes  les  résistances  qui  se  sont  produites 
à  son  endroit,  presque  depuis  le  premier  jour  où  elle  prit 
naissance,  et  qui  dans  la  question  du  cuivre  contre  le  cho- 
léra, notamment,  se  sont  traduites  sous  tant  de  formes.  Elle 
comptait  seulement  sur  la  bonne  foi,  sur  la  courtoisie  de  ses 
adversaires,  et  tant  qu'il  a  pu  croire  à  l'une  comme  à  l'autre, 
l'auteur  a  eu  le  courage  de  poursuivre  sa  tâche  au  mi- 
lieu de  diflicultés  sans  nombre.  Aujourd'hui,  après  ce  qui 
s'est  passé  au  sein  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  après 
l'approbation  donnée  aux  termes  mêmes  du  rapport  de 
M.  Besnier,  après  tant  de  preuves  flagrantes  du  parti  pris  le 
plus  accentué  en  haut,  en  bas  et  partout,  comme  si  un  mot 
d'ordre  avait  été  donné,  il  serait  insensé  de  continuer,...  je  me 


—  20/|  — 

relire  de  la  lutte...;  lutte  pleine  d'amertume  et  sans  autre  com- 
pensation qu'un  peu  de  bruit  fait  autour  de  mon  nom,  laissant 
au  temps  le  soin  de  me  venger  des  dédains  comme  des  médi- 
sances, et  de  me  donner  raison  sur  la  préservation  irhs-ceriair 
nemcnl  cl  sur  le  irailemenl  plus  que  jamais  aujourd'hui,  je 
l'espère. 

Pour  oublier,  ou  tout  au  moins  pour  me  faire  attendre  en 
patiencè  que  la  semence  ait  levé  dans  le  sillon  si  péniblement 
tracé,  il  me  restera  toujours  bien.  Monsieur  le  Président,  le  sou- 
venir heureux  de  tous  ces  faits  aujourd'hui  incontestables!... 

Les  cholériques  soulagés  par  centaines  par  ces  applications 
du  cuivre  entrées  si  avant,  maintenant,  dans  le  domaine  des 
pratiques  populaires  et  desquelles  M.  le  professeur  Rostan 
disait  en  18Zi9  :  «  Vous  avez  vu  ce  moyen  employé  dans  nos 
salles,  presque  toujours  avec  succès,  n 

Des  milliers  d'ouvriers  en  cuivre,  convaincus  à  tort  ou  à 
raison  de  leur  immunité  cholérique,  traversant  aujourd'hui  en 
parfaite  sécurité  toutes  les  phases  de  l'épidémie,  ainsi  que  cela 
s'est  vu  l'an  dernier  à  Toulon,  et  très-certainement  aussi,  sans 
doute,  bon  nombre  d'individus  préservés  de  même  par  les  pro- 
cédés qui  découlent  naturellement  de  la  préservation  sponta- 
née de  ces  ouvriers. 

Enfin,  des  guérisons  signées  Lisie,  Blandet,  Pellarin,  Arnal, 
Berger,  etc.,  etc.,  qui,  ajoutées  à  celles  obtenues  par  l'auteur, 
formeront  toujours  bien,  quoi  que  d'aucuns  disent,  un  total 
respectable  pour  tous  les  esprits  impartiaux. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Président,  les  salutations  em- 
pressées 

De  votre  respectueux  serviteur  et  confrère, 

D"-  V.  BURQ. 


FJN. 


TABLE  DES  MATIERES. 


Pagos. 

dédicace  a  m.  le  professeur  tnousseau   1 

Préface   ^ 

—     Lettre  a  M.  le  D'  Mélier   8 

Chapitre  I".  —  Historique  de  la  Métallothérapie. 

Anneaux  constellés  de  Paracelse   13 

Baignoires  de  Pomme  

Armures  d'aimant   1* 

Perkinisme  

Plaquesde  M.Raspail.  Cataplasmes  électriques  du  professeur  Récamier.  14 

Pratiques  populaires. 

Acupuncture  

Anneaux  de  Georget  

Serre-malices-médailles,  ustensiles  de  ménage   16 

ACTION  DU  CUIVRE   CONTUE    LE  CHOLÉRA. 

Armatures  métalliques  •   

Traitement  des  crampes  des  cholériques  par  les   17 

Expériences  pendant  l'épidémie  de  1849; 

A  l'hôpital  Cochin,  dans  le  service  de  M.  Nonat   IV 

Au  Val-de-Gràce,  dans  le  service  de  M.  Michel  Lévy.  (Observations 

recueillies  par  les  chirurgiens  de  cet  hôpital)   19 

A  l'Hôtel-Dieu,  témoignage  du  professeur  Rosian   21 

Dans  la  Haute-Marne.  (Observations  de  MM.  les  D"  Durand  et  Defau- 

21 

comherge)  .■pV,',",' 

Succès  des  armatures  (contre  les  névroses  à  la  Salpetriure,  a  1  Huiel- 
Dieu,  à  la  Maison  impériale  de  santé,  etc  ,  etc.,  pendant  les  années 

1850-51  et  52)  

Immunité  cholérique  des  ouvriers  en  cuivre. 

23 

Première  observation  en  avril  1852  

Enquête  sur  cette  immunité  

1853.  Mémoire  aux  Académies  des  sciences  et  de  médecine  


.—  206  — 

Pdi!<:S. 


Exposition  publique  des  faits,  appel  aux  intéressés.  —  Approbation 

unanime   25 

Mission  confiée  par  l'autorité  à  M.  Môlier   26 

Pourquoi  cette  mission  a  été  suivie  d'un  silence  de  douze  aunées   26 

1865.  Reprise  de  la  question  devant  l'Académie  des  sciences   27 

Nouveaux  faits  de  préservation  spontanée  par  le  cuivre. 

Témoignages  de  MM.  les  D"Noiret,  Vasseur,  de  Pietra  Santa,  Pécholier 

et  Saint-Pierre   28 

Préservation  provoquée  i  Paris  et  en  Grimée,  au  moyen  de  plaques  de 

de  cuivre,  par  MM.  les  D"  Clever  de  Maldini  et  Raymond   29 

Faits  de  la  Nouvelle-Orléaus   29 

Guérison  authentique  par  les  sels  de  cuivre,  dans  un  cas  de  choléra 

très-grave  en  1854   31 

Formules  et  prescriptions  pour  la  préservation   33 

—             —        pour  le  traitement   35 

Chapitre  II.  —  Préservation  spontanée  des  individus 

SOUMIS  PAR  LEUR  PROFESSION  A  l'aBSORPTION  CUPRIQUE.  • 

Comparaison  de  la  mortalité  cbolérique  chez  les  ouvriers  en  cuivre  et 
chez  les  ouvriers  d'industries  similaires,  sur  métaux  et  autres  ma- 
tières  37 

Mortalité  dans  les  prol'essions  qui  s'exercent  sur  le  cuivre  seul,  ou  allié 
en  très-forte  proportion  à  un  autre  métal   40 

Mortalité  dans  les  professions  sur  métaux  où  le  cuivre  n'occupe  plus 
qu'une  faible  place   4i 

Mortalité  dans  les  professions  similaires  sur  fer,  zinc,  élain,  plomb, 
mercure,  bois,  verre  et  marbre   42 

Mortalité  cholérique  dans  les  professions  prétendues  respectées   43 

Cholériues  dans  les  professions  sur  le  cuivre   44 

Préservation  constante  des  ouvriers  en  cuivre. 

Dans  la  grande  usine  électro-métallurgique  d'Auteuil.  (Témoignage  de 
M.  Oudry,  directeur  propriétaire)   4C 

Dans  toute  l'Italie  méridionale.  (Enquête  de  MM.  les  D"  Gallariui,  à 
Florence,  et  de  Rogatis,  à  Naples.)   46 

Dans  le  midi  de  la  France,  à  Toulon,  à  La  Seyne  et  à  Marseille.  (En- 
quête faite  par  l'auteur  dans  ces  villes.)   49 

Enquête  sur  l'épidémie  de  Paris  de  1865   51 

Classement  des  diverses  professions  sur  le  cuivre,  d'apiès  les  droits 
qu'elles  donnent  à  la  préservation   52 

Mortalité  cholérique  chez  les  diverses  catégories  d'ouvriers  dans  les 
professions  similaires  sur  métaux,  sur  bois,  sur  verre,  marbre,  etc.  58 

Tableau  spécial  pour  la  mortalité  des  chaudronniers   60 


—  207  — 

Pages . 


Rapport  de  la  commission  du  clioléra  de  1832.   ei 

—    de  M.  Blondel  pour  les  épidémies  de  1849  et  1854   64 

Relevés  de  la  préfecture  de  police  pour  1853-54   65 

Relevés  faits  par  l'auteur  en  1856  aux  archives  de  ville   66 

Enquête  sur  les  épidémies  de  1849  et  1853-54   68 

Mortalité  cholérique  des  musiciens  dans  les  instruments  de  cuivre   70 

Préservation  à  distance.  Immunité  singulière  de  la  ville  d'Auhagne 

(près  Marseille)   72 

De  quelques  faits  qui  ont  été  cités  en  opposition  des  nôtres  :  réponse  à 

nos  contradicteurs  ',   75 

Enquête  sur  de  prétendus  ouvriers  en  cuivre  portés  en  1865  comme 

cholériques  à  l'hôpital  Saint-Antoine    80 

Extraits  de  la  brochure  de  M.  le  D""  Rogatis,  sur  l'action  prophylactique 

et  curative  du  cuivre  dans  le  choléra   89 

Chapitre  ill. — Préservation  provoquée  par  l'application 

EXTERNE  et  l'aDMINISTRATION  IINTÉRIEURE  DU  CUIVRE. 

Préservation  externe   93 

—  interne   95 

—  mixte   95 

Une  épisode  de  l'épidémie  de  Toulon.  (Observation  de  l'auteur  recueillie 

sur  lui-même)   90 

Chapitre  IV.  —  Traitement  par  les  sels  de  cuivre. 

Relevé  des  expériences  qui  ont  été  faites  en  1865  à  Paris  et  à  Marseille 

(34  guérisons  sur  43  cas)   101 

Expériences  de  M.  le  D''  Lisle,  médecin  en  chef  à  l'Asile  des  aliénés  de 

Marseille.  (Note  à  l'Union  médicale  sur  ces  expériences.)   103 

Cas  gémellaires  de  choléra  consanguin.  Guérison  immédiate  de  la  cya- 
nose algide  par  le  sulfate  de  cuivre,  par  M.  le  D""  Blandet   115 

Observations  de  M.  le  D""  Pellarin   115 

—  de  M.  le  D''  Berger   118 

—  de  M.  le  D"- Arnal   119 

—  de  M.  le  D""  de  Rogatis,  à  Naplcs   121 

—  de  M.  le  D""  Bernard,  à  Marseille   123 

Faits  de  M.  le  D''  Mesnet,  à  l'hôpital  Saint-Antoine   124 

Faits  de  MM.  Hillairet,  à  Saint-Louis,  et  Gubler,  à  Beaujon   125 

Expériences  de  M.  le  D'PidouXjîiLariboisière,  d'après  M.  leD'StouIflet.  126 

Réfutation  de  ces  expériences   127 

Réponse  à  la  Note  de  M.  le  D-"  Lisle   131 

Question  des  doses  dans  le  traitement  du  choléra  par  le  sulfate  de 

cuivre   !l37 


—  208  — 


ÉPIDÉMIE  DE  18CC.  —  APPENDICE. 

Pages. 

Regrets  à  l'adresse  de  M.  Mêlier   U5 

Préservation  spontanée. 

Nouveaux  arguments  de  M.  le  D""  Stoufllet  contre  la  . . .  Uélutalion. . .  147 
Réclamation  de  MM.  Lcverbe  père  et  fils,  fondeur.";,  en  faveur  ilc  la  pré- 
servation de  leurs  ouvriers,  niée  par  M.  Stoufflet   149 

Des  ouvriers  en  métaux  traités  à  l'Hôtel-Dieu   150 

—  à  Saint-Antoine   151 

—  à  Saint-Louis   1 52 

—  à  Lariboisière   152 

—  dans  la  Société  du  Bon  Accord   154 

Préservation  provoquée. 

Nouveaux  faits  de   156 

Expériences  de  l'auteur  sur  lui-même   156 

Traitement  par  le  sulfate  de  cuivre. 

Guérison  par  M.  le  D''  Groussin  (de  BeUevue)    157 

Observations  de  l'auteur   159 

Expériences  par  M.  le  D""  Horteloup,  à  l'Hôtel-Dieu   160 

Première  série   ici 

Deuxième  série   162 

Cholériques  du  premier  degré,  18   lG-4 

—  du  deuxième  degré,  9   170 

—  du  troisième  degré,  44  

Autopsies.  Analyses  du  foie  par  M.  le  professeur  Chatin   181 

Résumé  général   183 

Des  armatures  contre  les  crampes;  indications  précieuses  à  tirer  de  leur 

action   185 

Conclusion   187 

Rapport  de  M.  le  D'^  Besnier,  lu  à  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  sur 

les  expériences  de  l'Hôtel-Dieu   190 

Observations  de  M.  le  D''  Dufraigne  (de  Meaux)   193 

Choléra  foudroyant,  guérisun  rapide   194 

—            guérison  plus  rapide  encore   195 

Choléra  à,  la  première  période,  guérison  en  quelques  heures   196 

Choléra  foudroyant,  guérison,  puis  mort  le  dixième  jour  par  acci- 
dents consécutifs   197 

Réflexions   199 

Lettre  à  M.  le  Président  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  en  réponse 

au  rapport  de  M.  le  D""  Besnier.   2C0 


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